Biographie

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Lorsqu’en 1990, Denis Raisin Dadre fonda l’ensemble Doulce Mémoire, avait-il la prémonition qu’il
posait ainsi un pied conquérant en terres Renaissance et qu’il allait rapidement conquérir les plus
illustres hauts lieux musicaux du monde ? A
cette date fatidique, Denis Raisin Dadre n’en
est évidemment pas à ses débuts : il est un
flûtiste virtuose, ainsi qu’un spécialiste
recherché des « anches Renaissance ». Mais
d’un souffle à l’autre, il est habité d’un amour
immodéré de la voix et d’une passion brûlante
pour une époque, la Renaissance. Denis Raisin
Dadre demeure intarissable sur « cette période
de dynamisme, de passion de la découverte,
dont on a une vision trop monolithique », selon
ses propres termes, et pour lequel « il reste
énormément de choses à faire ». Pensez donc :
« De 1480 à 1580, il s’écoule à peu près autant
de temps qu’entre Schubert et Stravinski ».
Aux termes de quinze ans d’activité intense et
de réalisations mémorables, au disque comme au concert, son amour de la Renaissance ne s’est jamais
attiédi. A vrai dire, peut-on se lasser d’une compagne qui, chaque matin, vous réserve de nouvelles
surprises ? Car, avec Doulce Mémoire on
assiste à une remise en question des idées
préconçues et parfois même du vocabulaire
musical – et pas seulement pour la musique de
la Renaissance. Non que l’innovation à tout
prix soit l’objectif premier de l’ensemble : le
questionnement inlassable de sources parfois
mystérieuses contient son lot
d’expérimentations et de conclusions
surprenantes.
La famille Doulce Mémoire, constituée au fil
des années et des rencontres, est depuis
quelques années parfaitement identifiable. On
peut ainsi dire que Pascale Boquet s’occupe
d’arracher aux cordes pincées des sonorités
étonnantes, alors que les chanteurs s’efforcent
de retrouver les timbres vocaux de cette époque et que Jérémie Papasergio apporte une contribution
décisive à la réflexion sur les anches. Cette joyeuse bande fouille les bibliothèques, transpose des
partitions manuscrites ou teste des solutions instrumentales pour finalement proposer des sonorités
que le metteur en scène Philippe Vallepin –
autre pilier fondamental de l’ensemble – met
savamment en scène ou en espace en étroite
collaboration avec Denis Raisin Dadre. Ainsi,
devant les réalisations actuelles de l’ensemble
Doulce Mémoire, on hésite à parler de
concerts, il vaudrait mieux parler de spectacles,
mais même ce dernier terme semble réducteur.
De la Messe de mariage d’Henri IV et de Marie
de Médicis au Requiem des Rois de France de
Du Caurroy, des extravagances linguistiques de
Viva Napoli ! aux réparties incendiaires de Viva Venezia !, Denis Raisin Dadre a définitivement modifié
notre perception de la Renaissance, jetant à bas toute joliesse décorative, révélant des visages parfois
inattendus mais toujours fascinants de son époque de prédilection. Il en va ainsi de L’Harmonie du
monde (c’est le titre de l’un des plus beaux spectacles de Doulce Mémoire, créé en mai 2003 aux
Festivals des Cathédrales de Picardie et d’Ambronay), et aussi des sonorités « âpres, déchirantes »,
passant avec une maestria foudroyante du verbe haut et corrosif des vilanelles napolitaines à l’intensité
spirituelle non dénuée de rugosité de l’Office de Ténèbres de Cristobal de Morales (un sublime
enregistrement chez Naïve).
Devenu au fil des ans un véritable laboratoire musical, Doulce Mémoire est et restera prodigue en
nouveautés marquantes : on suit pas à pas les découvertes en tous genres de l’ensemble, les avancées
musicologiques accompagnant fidèlement la restauration de fresques musicales plus fascinantes les
unes que les autres. La richesse infinie de la Renaissance nous promet bien des délices, nous les
savourerons, n’en doutons pas avec les musiciens de Doulce Mémoire.
Yutha Tep,
Février 2006.
Prague :
Grande Messe à la Chapelle de
l’empereur Rudolph II
L’activité musicale de Prague n’a pas attendu Mozart pour être intense. En témoignent les nombreuses
partitions conservées dans les bibliothèques de la ville, mais aussi la présence à la fin du XVIè siècle de
Nigrinus, éditeur praguois.
En 1576, on couronne Rudolph II, empereur du Saint Empire. Avec sa cour fastueuse, il quitte Vienne pour
installer la capitale de l’Empire à Prague. On le sait fasciné par l’alchimie et l’ésotérisme et grand
collectionneur de tableaux mais on oublie souvent sa Chapelle musicale, une des plus fameuses de son
temps.
Le projet, mené en collaboration avec l’Institut Culturel Français de Prague et le festival de Sablé, consiste
en un travail avec les musiciens et les musicologues tchèques pour redonner vie au répertoire sacré de la
Chapelle Impériale de Rudolph II. Il s’est élaboré en trois temps : recherche et sélection du répertoire,
répétitions et enfin, création.
En Tchéquie, une école de musicologie s’intéresse depuis longtemps à ce répertoire. Les professeurs
d’université, en plus d’un travail scientifique de recherche et d’édition se sont engagés dans la réalisation
des œuvres avec leurs étudiants ou avec des chœurs et des orchestres modernes, comme en témoignent
plusieurs enregistrements. Si l’interprétation de ces pionniers ne correspond plus aux critères d’aujourd’hui,
ces documents sonores restent des témoignages incomparables de l’intérêt et de la ferveur pour ces
musiques durant les années 1970.
Aux USA, Carmelo Peter Comberiati, professeur de l’université de New York, a dépouillé toutes les archives
de la Chapelle de Rudolph II . En consultant son travail, on y apprend avec précision le nom des
compositeurs et des chanteurs, leurs fonctions exactes, leur période d’activité, leur salaire et le répertoire
musical.
En 1576, Rudolph II nomme maître de Chapelle Philippe de Monte, qui était employé précédemment par
son père, l’empereur Maximilien II. L’œuvre de ce compositeur important et prolixe est alors bien connue et
éditée. Philippe de Monte est entouré de chanteurs compositeurs comme Karl Luyton, Jacob Regnart ou
Franz Sales, qui écrivent eux aussi pour la Chapelle. L’édition de leurs œuvres est assurée par Georg
Nigrinus ou par des éditeurs de l’Empire comme Berg à Munich.
Comme dans les autres cours européennes, il existe une autre institution musicale, profane, pour la musique
d’extérieur et de fête composée d’instruments à vent où brillent les instrumentistes italiens Alessandro
Orologio, Camillo Zanotti, Gregorio Turini et l’espagnol Matteo Flecha.
En s’appuyant sur ce travail de recherche, le programme musical s’est centré sur une messe à double chœur
de Philippe de Monte conservée en manuscrit à Prague, La missa Confitebor tibi Domine, recopiée et éditée
par un jeune musicologue tchèque, Jan Bata. D’autres œuvres ponctueront la liturgie : motets de J. Regnard,
litanie à la Vierge de P. de Monte, intradas instrumentale d’Orologio et musique inédite à triple chœur de
Lambert de Sayve, maître de Chapelle de l’archiduc Matthias, le frère de Rudolph II.
L’autre versant du projet a consisté à déterminer les conditions d’interprétation de ce projet. Il a semblé
intéressant de faire appel à des chanteurs tchèques pour restituer une couleur vocale qui ne soit pas
française. Après une sélection sur audition nous avons organisé à Prague des séances de travail en novembre
2005. La tradition du chant polyphonique encore vivace en République Tchèque forme des artistes aguerris
à cette pratique. Leur capacité d’adaptation remarquable est portée par un naturel et un amour de la
musique qui a rendu ces séances de travail captivantes tant pour la soprano Véronique Bourin qui
m’accompagnait que pour moi-même.
Le projet aboutira donc à une véritable rencontre entre les chanteurs tchèques et l’équipe instrumentale de
Doulce Mémoire, formée d’une bande d’instruments à vent et d’une bande de violons au service du
répertoire d’une des Chapelles les plus fastueuses de la fin de la Renaissance.
Denis Raisin Dadre,
Décembre 2005.