Cliniques transculturelles 1

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Cliniques transculturelles 1
DOSSIER
Cliniques
transculturelles 1
C
eci n’est pas un manuel. On ne trouvera dans ce dossier, le premier
d’une série, ni doctrine, ni suite d’instructions, ni recette, mais un
ensemble de textes sur la question de l’altérité. Des points de vue
variés, différents, issus des sciences humaines, de la clinique, et de la médecine. Aux lecteurs de créer, à partir de ces éléments, des figures susceptibles de nourrir leur réflexion et leur pratique.
Dans ce dossier, Laurence J. Kirmayer explore les origines et les conséquences des réponses apportées à la diversité culturelle par les différents
systèmes de soins en santé mentale, avec une attention particulière aux
types de services de santé mentale dans les sociétés multiculturelles. Il
montre que même si la politique de l’altérité dans le cadre clinique dépend de conceptions politiques générales envers la culture « de l’autre »,
le système de soins peut également constituer un lieu de résistance et de
transformation sociale. Deux auteurs se penchent sur la question du féminin : Hella Douze-Barkaoui en étudiant la fonction de l’allaitement au
Maghreb, Mathilde Fournier en prenant les mutilations sexuelles féminines comme objet d’étude anthropologique et psychanalytique. Le texte
de Fredj Zamit n’est éloigné de la clinique qu’en apparence, puisqu’il vise
à comprendre la construction de stéréotypes concernant l’autre dans notre
société, en étudiant les représentations du « monde arabe » dans le journal
Le Monde, entre voiles et longues barbes. Enfin, deux auteurs approfondissent la question des effets de la migration, que ce soit chez les réfugiés algériens installés à Montréal (Abdelwahed Mekki-Berrada et Cécile Rousseau), ou chez les migrants internes au Brésil (Suzanna Souza Pastori).
De tous ces thèmes, de toutes ces formes, nous ne doutons pas que naissent
chez vous des associations, des images et des idées nouvelles.
Nous poursuivrons la publication de ces dossiers au fil des ans.
Thierry BAUBET
CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
Laurence J. KIRMAYER
Université de McGill, Montréal,
Canada
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Les politiques
de l’altérité dans
la rencontre clinique
I
ntroduction : La matrice culturelle de l’identité
Que la mondialisation en soit responsable ou non, la diversité culturelle
devient un enjeu croissant dans toutes les sociétés. Et bien que l’anthropologie contemporaine ait rejeté le point de vue essentialiste de la culture et de
l’ethnologie passéiste qui voyaient le monde comme un tout culturel homogène
où chaque individu en représenterait un exemplaire, il n’en reste pas moins
que les cultures, comme modes de vie, donnent à l’identité du sujet et à son
existence un sens et un objectif. En effet, à travers les processus psychobiologiques de développement, la culture est inscrite dans le système nerveux et,
même lorsque la migration ou d’autres évènements conduisent à de profonds
changements dans nos manières d’être, notre héritage ou patrimoine culturel laisse des traces dans notre comportement (comme les accents, les gestes,
et des réponses automatiques à certains symboles, des mots ou des expressions liées à l’émotion). La biologie et le comportement humain sont culturellement sculptés et la médecine doit répondre à la diversité qui en résulte.
Il y a un grand nombre de preuves concernant l’impact de la culture sur le déroulement et le vécu de la maladie. Des processus socioculturels déterminent les
mécanismes de la maladie, les symptômes de la souffrance et les moyens de faire
face à la maladie ou de rechercher de l’aide (Kirmayer 2005). Les systèmes de
soins reflètent des représentations culturelles du schéma corporel, du soi et de
l’identité ancrées dans des ontologies distinctes (Kirmayer 2006). Bien que l’on
puisse penser que les aspects universels de la biologie l’emporteraient sur les
influences culturelles dans une maladie grave, la crise provoquée par la maladie
elle-même devient une raison suffisante pour mobiliser les connaissances culturelles et les systèmes de représentations qui formalisent le cours et la résolution
de l’affection. Toutes ces considérations forment la trame de la recherche en anthropologie médicale, en psychiatrie et psychologie transculturelle, recherches
qui, en retour, servent de socle à l’élaboration de stratégies pour aborder la diversité culturelle dans le système de soins (Kirmayer & Minas 2000).
La culture peut prendre un autre sens dans le cadre de l’ethnicité par la distinction d’un groupe ou une communauté par rapport aux autres, qu’elle soit
définie en termes de lignage partagé, ou par l’origine géographique ou par des
caractéristiques (la langue, la religion, le mode de vie et, parfois, de présumés
traits ou caractéristiques « raciaux »). L’ethnicité serait donc à la fois une facette
de la culture et une conséquence de la confrontation et de l’interaction entre
systèmes culturels et sociaux ; c’est-à-dire que l’identité ethnique est façonnée
à la fois par la manière dont les groupes se définissent eux-mêmes au sein d’une
culture et par le sentiment d’une originalité qui émergent de la rencontre avec
d’autres individus différents. Alors que la culture est un fait omniprésent dans
notre biologie d’animaux sociaux avec une immense capacité d’apprentissage
et de mémorisation, l’ethnicité se réfère à la notion de territoire et d’apparte-
L ’ A U T R E , C L I N I Q U E S , C U LT U R E S E T S O C I É T É S , 2 0 11 , V O L U M E 1 2 , N ° 1
nance. Dans le monde contemporain, l’ethnicité soulève des problèmes politiques importants d’expression et de reconnaissance de la
diversité au sein de certaines sociétés de par
l’histoire propre de leur création et de leur
migration. Par conséquent, la diversité ethnoculturelle est à la fois un fait politique et une
réalité biosociale qui, pour ces deux motifs,
exige une attention particulière du système
de soins. Les œillères de la colonisation ont
conduit des psychiatres et d’autres praticiens
de la santé mentale à classer le monde dans
une hiérarchie simpliste avec le mode de vie
occidental en haut de la pyramide et le reste
du monde comme des primitifs, des barbares,
ou représentant une version infantile de l’humanité (Bhugra & Littlewood 2001 ; Kirmayer 2007b). Comme cette hiérarchie a été contestée, la demande consistant à
traiter les autres traditions sur un même pied d’égalité (comme tout simplement
d’autres manières de vivre), et d’être évaluées selon leurs propres critères, a gagné en crédibilité. Cela ne doit pas céder à un relativisme total, mais demande
que nous mettions systématiquement en question les hypothèses d’un mode
unique de développement ou de définition de la santé et du bien-être, que l’on
examine les soubassements de nos idées sur la nature humaine et de nos valeurs
morales dans une histoire culturelle et un mode de vie particulier. Ce faisant,
nous devenons plus aptes à expliquer comment nos valeurs et notre mode de
vie nous justifient les uns par rapport aux autres et ouvrent la possibilité d’une
alternative.
Les réponses du système de soins à la diversité : modèles de soin en
santé mentale dans les sociétés multiculturelles
L’histoire rapporte différents types de régimes politiques qui ont toléré la diversité culturelle et religieuse. Michaël Waltzer (1997 : 14), dans toute la société
internationale, fait la liste des empires multinationaux, conglomérats, certains
États nations et des sociétés d’immigrations comme des exemples de régimes
tolérants1. Bien que de nombreuses petites collectivités ont été homogènes à
travers l’histoire, la création d’États-nations ethniquement homogènes est une
invention récente et il a fallu réimaginer la communauté et réécrire l’Histoire de
façon à gommer la véritable diversité des peuples et de leurs origines géographiques (McNeil 1986 ; Anderson 1991). Le rêve d’appartenance à une patrie
a des implications pour la situation sociale et l’intégration des nouveaux arrivants dans une société, qui se présentent comme unis par le sang ou le lignage.
Le multiculturalisme et d’autres idéologies de la citoyenneté défendus par
les communautés culturelles visent à reconnaître et soutenir activement l’importance de la diversité culturelle (Kymlicka 1995). Ces idéologies politiques
nous informent sur l’ensemble des institutions sociales, y compris le système
de soins (Kivisto 2002). Les services de santé reflètent les idéologies de la citoyenneté locale et les modes de vie en commun. Dans le domaine de la culture
et de la santé mentale, la théorie et la pratique ont évolué dans des directions
assez différentes selon les pays en raison de nombreux facteurs, notamment la
composition de la population, la notion de citoyenneté, le statut politique des
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CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
minorités culturelles, ainsi que les traditions et théories locales en cours dans la
psychiatrie et la psychologie.
Castles & Miller (1998) distingue quatre grands modèles de la citoyenneté :
- Le modèle impérial (par exemple l’Empire britannique), ainsi que divers
peuples sous un même souverain ;
- Le folk ou le modèle ethnique (par exemple, l’Allemagne) qui définit la citoyenneté en termes de descendance, de langue et de culture communes ;
- Le modèle républicain (France) qui définit l’état comme une communauté
politique fondée sur une constitution et des lois qui font que les nouveaux arrivants qui adoptent les règles et la culture de la société de l’accueil sont acceptés
comme citoyens à part entière ;
- Le modèle multiculturel (par exemple, le Canada, l’Australie) qui partage la
définition politique de la communauté avec le modèle républicain français, mais
accepte la formation de communautés ethniques au sein de la société.
Les systèmes de santé créés sur la base de ces conceptions de la citoyenneté
et l’histoire particulière de la migration ont influencé dans chacun de ces pays à
la fois l’orientation vers la psychiatrie culturelle et le développement des services
de santé mentale.
Des pays comme la Grande-Bretagne et la France, qui ont été des puissances
coloniales, ont eu une forte immigration de ces anciennes colonies. Ces immigrants sont souvent venus avec des attentes positives de retour vers une sorte
de « repaire » basé sur leurs expériences au sein du système colonial en ce qui
concerne l’éducation et les potentialités, mais ont rencontré le racisme et une
discrimination considérable (Littlewood & Lipsedge 1982). Au RoyaumeUni, le prototype de la culture « autre » est représenté par le concept « black »
et ce terme couvre un plus large éventail de possibilités que dans le Canada.
Être « black » n’est pas une catégorie sociale neutre, mais plutôt concernée par
la difficulté sociale et un déficit de santé.
Par exemple, il existe des preuves que les migrants afro-caribéens au
Royaume-Uni et dans certains autres pays européens connaissent des taux élevés de schizophrénie par rapport aux taux observés dans la population de leur
pays d’origine (Cantor-Graae & Selten 2005). Cela n’est pas dû à la sélection
de la migration et parfois le taux est encore plus élevé dans la deuxième génération. Les effets de la discrimination et l’exclusion sociale sont susceptibles
d’être des facteurs contributifs (Cantor-Graae 2007) et ceux-ci peuvent être
considérés comme des formes de violence structurelle (Kelly 2005). À cause de
ce problème, la psychiatrie culturelle au Royaume-Uni a mis l’accent sur les inégalités dans l’accès aux soins pour les immigrés et fournit des services qui sont
explicitement anti-racistes (Fernando 2005). À la suite d’une enquête nationale
concernant une attaque à caractère raciste en 1993 sur Steven Lawrence, un
jeune noir, le gouvernement a mis en place un programme de formation professionnelle et de garantie de la qualité de soins pour traiter les questions de
discrimination sur le lieu de travail, y compris les centres de santé mentale.
En France, l’idéal républicain minimise l’importance de la culture pour affirmer les valeurs communes de la participation politique dans l’État. L’identité
culturelle est quelque chose que les gens sont libres d’exprimer chez eux, sans
pour autant que cela soit valorisé par la société qui est conçue comme un espace
neutre qui accueille tous les citoyens. Malgré cet idéal d’assimilation, cependant,
de nombreuses personnes originaires des anciennes colonies d’Afrique du Nord
ont fait l’expérience d’une discrimination et d’une marginalisation permanentes
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DOSSIER
(Ben Jelloun & Bray 1999). Les services de santé mentale en France ont été
fortement influencés par la tradition psychanalytique qui tend à situer les problèmes dans la psyché individuelle. Dans l’approche clinique de Tobie Nathan,
des consultations proposées par les équipes spécialisées dans l’ethnopsychiatrie
créent un espace de transition où les interventions du clinicien jouent un rôle de
médiation entre le monde symbolique du pays d’origine des immigrés et celui
de la France (Corin 1997). En situant le problème de l’interaction culturelle
dans un espace symbolique intrapsychique, cette approche risque de contourner
le problème du changement social nécessaire afin de créer des espaces publics
qui accueillent les nouveaux arrivants et favoriser les échanges efficaces entre les
groupes (Fassin & Rechtman 2005).
Le Canada et l’Australie sont des sociétés d’immigrants ou de colons avec
des politiques explicitement multiculturelles. Dans les deux cas, cela reflète
les efforts visant à répondre à la diversité culturelle d’une manière générale.
Dans l’Australie, le multiculturalisme a favorisé le développement de services
adaptés aux divers besoins des communautés autochtones et immigrantes
(Ziguras, Stankovska & Minas 1999). En ce qui concerne les immigrants, la
culture « autre » renvoie à quelqu’un qui est linguistiquement différent, et le
terme classiquement utilisé dans beaucoup de documents d’organisation et de
recherche est « NESB » (Non-English Speaking Background) ; récemment, il a
été remplacé par l’acronyme « CALD » (Culturally and Linguistically Diverse).
En ce qui concerne les communautés d’immigrants, le développement des services s’est d’abord focalisé sur les obstacles de la communication et a développé
un vaste système d’interprétariat, avec des informations sur la santé publique
disponibles dans de nombreuses langues. Autant au niveau des responsables
nationaux que régionaux, ont été adoptés des politiques de santé mentale et
des programmes conçus pour répondre à la diversité culturelle. Les réfugiés
et les demandeurs d’asile ont constitué une catégorie plus controversée de la
culture « autre » et ont rencontré des politiques répressives visant à dissuader
la demande d’asile (Silove, Steel & Waters 2000). Mais il y a eu aussi un réseau
très actif de centres de soins impliqué dans le traitement des séquelles de torture
et également un fort plaidoyer pour le sort des demandeurs d’asile placés en
détention (Silove Austin & Steel 2007).
Au Canada, le multiculturalisme a été déclaré politique officielle en 1971
avec le but explicite de préserver les langues et les cultures ethniques, et de lutter contre le racisme (Kamboureli 1998). La législation qui a suivi a tenté de
promouvoir le pluralisme et la diversité dans le monde du travail et d’assurer
l’égalité d’accès aux soins. D’une certaine manière, chaque personne au Canada,
à l’exception notable des peuples aborigènes, est un immigrant, de sorte que la
distinction nette entre anciens et nouveaux arrivants est difficile à maintenir. Il
y a une tendance à considérer la culture et l’ethnicité en termes positifs et il est
fréquent d’entendre les gens s’identifier comme « un trait d’union » canadien,
en mentionnant leur pays d’origine ou leur héritage culturel (Mackey 1999).
Ce tableau idyllique est contesté, cependant, d’une part, par une certaine politique, dans le temps sélectif, à cause des efforts racistes de maintenir un Canada « blanc », et, d’autre part, par la lutte permanente des Canadiens français
pour préserver leur identité comme peuple fondateur plutôt que seulement une
minorité linguistique. C’est probablement la raison pour laquelle, comparativement à l’Australie, il y a eu moins de développement des services d’interprétariat dans le système de soins. Cela a commencé à changer avec l’afflux d’un
grand nombre de Chinois et d’autres Asiatiques à Vancouver et à Toronto. En
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CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
réponse à la taille de ces communautés, des services ethnospécifiques ont été
mis en place à Toronto et à Vancouver (Ganesan & Janzé 2005 ; Lo & Chung
2005). Cependant, l’approche dominante dans les systèmes de santé mentale
appropriée à la diversité culturelle a été d’appliquer des modèles standards en y
ajoutant quelques éléments de l’impact de l’ethnicité. Bien que l’objectif du soin
multiculturel reste basé sur une offre de soin globale avec la reconnaissance des
éléments culturels, c’est plus difficile à dire qu’à faire.
Les États-Unis partagent des éléments du modèle républicain et du modèle
multiculturel. C’est une société d’immigrants qui a été profondément marquée
historiquement par l’esclavage et le racisme. Malgré une politique d’assimilation, des vagues successives d’immigration ont abouti à la présence de grands
groupes distincts définis par la race, l’ethnicité et la langue. Cela a été formulé
en termes de bloc ethnoracial regroupant les Afro-Américains, les Asiatiques et
les Océaniens, les Hispaniques ou Latinos, les Amérindiens et les autochtones
de l’Alaska, et les Caucasiens blancs (Hollinger 1995). Cette façon de délimiter
les grands groupes a conduit à la reconnaissance des disparités marquées dans la
santé et l’accès aux services (Smedley & al. 2003 ; Surgeon General 2002). La
réponse a été : le développement de pratiques cliniques ethnospécifiques où les
patients peuvent être traités par des médecins possédant les compétences linguistiques requises et les connaissances culturelles ; et l’application plus générale de formation aux bonnes pratiques pour maîtriser la compétence culturelle
(Betancourt & al. 2003 ; Yang & Kagawa-Singer 2007).
L’American Psychiatric Association et l’American Psychological Association
ont élaboré des normes pour la compétence culturelle dans la formation professionnelle et l’assurance qualité dans la prestation des services. Des initiatives
ont été prises au niveau de l’État fédéral et des gouvernements locaux pour se
pencher sur les questions des prestations de services en santé mentale pour populations issues de la diversité. Par exemple, la Californie a établi des règlements
exigeant de la part des cliniques de santé communautaire d’avoir du personnel
capable de mettre en place des compétences linguistiques lorsque l’usage d’une
langue dans une communauté dépasse un certain seuil. Les entreprises qui gèrent des structures de soins sont de plus en plus soucieuses de démontrer leur
capacité de réponse aux questions culturelles afin de rencontrer des besoins
d’une population culturellement diverse. La compétence culturelle aux ÉtatsUnis a été largement organisée en termes de mise en place d’une force de travail
professionnel et cela correspond directement à la question de la représentation
politique.
L’engagement vers le multiculturalisme peut aussi concerner des sociétés
qui, anciennement, ne se sont pas construites sur l’immigration. Par exemple, la
société suédoise, qui était relativement homogène jusqu’aux années 1940 (en
dehors de la population indigène Sami et des minorités culturelles finno-suédoise et les Roms), a reçu de nombreux immigrants après la Seconde Guerre
mondiale, de sorte qu’environ 15 % des Suédois sont une première ou deuxième
génération d’immigrants et un tiers d’entre eux sont non européens. Depuis le
milieu des années 1970, les nouveaux arrivants en Suède ont été presque exclusivement des réfugiés et les efforts suédois en psychiatrie culturelle ont mis
l’accent sur la recherche et des services consacrés aux séquelles de traumatisme.
La politique suédoise d’immigration depuis 1975 a été basée sur trois principes
majeurs :
- L’égalité (fournir aux immigrants le même niveau de vie que les Suédois) ;
- La liberté de choix (donner aux membres des minorités ethniques la possibilité
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DOSSIER
de conserver leur identité culturelle ou d’adopter l’identité culturelle suédoise) ;
- le partenariat (la promotion du « travailler ensemble ») (Bäärnhielm, Ekblad,
Ekberg & Ginsburg 2005).
La protection du suédois comme une langue minoritaire dans le contexte
européen et mondial est couplée à la protection des langues minoritaires. La
politique linguistique actuelle en Suède reconnaît officiellement cinq langues
minoritaires : le finnois, le meänkieli, le Sami, le romani et le yiddish. Chacun
a un droit linguistique, plus précisément, apprendre le suédois et soit utiliser
sa langue maternelle, soit une langue minoritaire2. Malgré cette politique de
liberté de choix et de partenariat, les immigrants restent sous-représentés dans
le système de soins et dans le monde du travail social. En 1999, le Conseil municipal de Stockholm a parrainé la création d’un centre de psychiatrie transculturelle, qui prévoit des consultations spécialisées cliniques et des programmes
de formation pour améliorer la qualité et l’accessibilité au soin de santé mentale
pour la population d’immigrés et de réfugiés. Le Centre a travaillé à la sensibilisation aux questions de la diversité et a récemment publié des lignes directrices
sur le traitement des demandeurs d’asile qui plaident pour la fourniture de services psychiatriques comme une question de Droits de l’homme.
Chacun de ces modèles de services de santé mentale reflète les politiques
locales et les facteurs sociaux qui ont contribué à des formes particulières de reconnaissance et d’intervention. Chaque société définit certains groupes comme
les « autres », et certaines formes de l’altérité comme dignes de reconnaissance
formelle et de l’investissement des ressources ; les groupes les plus marginaux
sont exclus, ignorés ou s’attendent à trouver leur propre chemin dans le dédale
des services disponibles. La tendance commune de l’ensemble de ces paramètres est de considérer les normes, les valeurs et les standards du groupe social
dominant, non pas comme une « culture », mais simplement comme « la bonne
manière de faire les choses » ou comme faisant partie du sens commun. L’utilisation de la rhétorique du bon sens pour occulter le fondement culturel des pratiques du groupe dominant est aggravée dans le monde médical par la pratique
de la « médecine basée sur les preuves3 ». Dans l’ensemble de la société, ces appels au bon sens et de rationalité technocratique participent à la mystification
qui affirme que l’espace public est culturellement (et religieusement) neutre4.
D’une manière générale, les services de santé réagissent au fait de la diversité culturelle de deux manières :
Soit travailler à intégrer les patients dans une pratique standard en normalisant et en ignorant la différence culturelle ;
Soit en reconnaissant et en répondant à la différence en développant des pratiques et des modèles variés.
Ces deux manières de faire au sein des services de santé mentale correspondent à deux stratégies :
La première part du principe que les nouveaux arrivants peuvent rapidement
s’adapter aux services classiques ;
La deuxième va développer des pratiques cliniques et des programmes spécialisés pour répondre aux besoins particuliers en raison des différences de
culture, de langue, de religion, et en cas d’exposition à un traumatisme grave
et prolongé.
L’adaptation des patients aux services peut représenter des changements
techniques dans les procédures (par exemple, le recours à des interprètes), des
formes alternatives d’évaluation et de traitement, ou, plus profondément, des
défis aux théories sous-jacentes de la psychopathologie et aux soins.
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21
CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
Les efforts visant à faire correspondre les services à l’origine culturelle du
patient peuvent se produire au niveau d’interventions techniques concernant
la personne du clinicien ou l’institution dans son ensemble (Weinfeld 1991).
L’efficacité de ces différents types d’aménagement dépend de leur signification
pour le groupe concerné, qui à son tour dépend de leur position politique au
sein de la société en général. Pour ceux qui sont politiquement marginalisés,
s’assurer qu’ils ont un certain degré de contrôle institutionnel peut être une réponse beaucoup plus efficace que de fournir une forme traditionnelle de guérison ou un clinicien formé appartenant à la même culture.
Quand la culture est impliquée dans les soins de santé mentale, le plus souvent, elle est invoquée pour expliquer les échecs de la communication, la nonobservance du traitement et l’incompréhension mutuelle entre le clinicien et
patient. La culture, dans ce cas, devient quelque chose qui appartient au patient
seulement et se transforme en fardeau ou en obstacle à la communication et la
coopération. De manière plus positive, la notion de culture peut être utilisée
pour reconnaître les caractéristiques des groupes ethniques et de leurs besoins
communs, leurs valeurs et leurs situations difficiles. Les informations sur la
culture ont été introduites dans le système de soins sous la forme de modèles
résumant l’expression de la maladie chez certains groupes ethniques. Cela correspond bien à la tendance générale de tout un chacun de former des stéréotypes. Malheureusement, il arrive souvent que cela ne reflète ni la gamme de
variation culturelle d’un groupe donné, ni le fait que les pratiques culturelles
sont liées à des histoires personnelles et familiales de manière complexe et particulière. En fait, la différence culturelle implique aussi l’histoire personnelle et
professionnelle du médecin, et les représentations culturelles de la pratique médicale. Une analyse de la différence culturelle en termes de rapport de force, de
position sociale et de la confrontation des univers du clinicien et du patient est
plus susceptible d’être utile que les portraits culturels stéréotypés des patients.
Ce genre d’approche requiert l’attention sur les idéologies et les institutions de
la société dominante autant que l’examen du contexte et de la trajectoire des
groupes minoritaires ou des individus. La médecine est aussi une institution
culturelle et la compréhension de ses présupposés culturels ouvre un espace sur
un même pied d’égalité. Plusieurs décennies de travail sur l’histoire de la médecine et l’anthropologie ont commencé à mettre à nu les racines culturelles et les
hypothèses de la biomédecine et de la psychiatrie, et ce type d’analyse nous permet d’examiner les situations problématiques uniques pour chaque individu,
ainsi que les visions alternatives de santé et de soin qui font partie des richesses
et des ressources d’une société culturellement diverse.
Le pluralisme est dans la rencontre clinique
Comme mentionné ci-dessus, il semble clair qu’ignorer la différence culturelle
et la diversité dans le système de soins contribue aux disparités dans l’accès aux
soins (Kirmayer & al. 2007 ; Smedley & al. 2003 ; Whitley & al. 2006). Dans
un effort pour améliorer la prestation de soins de santé mentale chez les immigrants, les réfugiés et les membres des minorités culturelles, nous avons développé un service de consultation culturelle (CCS) qui reçoit des cas orientés
par les services de soins de santé primaire ou de santé mentale (Kirmayer & al.
2003). Les patients sont orientés par les cliniciens qui croient que les questions
de la différence culturelle compliquent leur prise en charge, que ce soit en terme
de diagnostic, de planification du soin et de l’observance, ou, plus fondamentalement, dans le déroulement même de la relation soignant-soigné. Le but est de
22
DOSSIER
fournir une évaluation plus globale visant à identifier la pertinence des dimensions sociales et culturelles du cas et ainsi aider le clinicien référent, et, au bout
du compte, le patient. Les évaluations CCS ont recours à des interprètes et à des
médiateurs culturels pour recueillir des informations de base nécessaires pour
comprendre le récit et le vécu des patients dans le contexte culturel. Quelques
exemples illustreront la diversité des cas orientés et les stratégies d’interprétations et d’interventions générées pendant l’entretien :
- Une femme est orientée par une clinique psychiatrique parce que sa dépression
ne s’améliore pas malgré plusieurs médicalement antidépresseurs. Un entretien
avec sa famille dans sa langue maternelle nous apprend qu’elle est empêtrée
dans une querelle basée sur une histoire d’honneur de la famille, qui l’a coupée
de tout contact avec sa fille et sa petite-fille. Le fait simplement d’avoir verbalisé
cette situation dans le cadre d’un entretien familial a permis de rétablir sa capacité à communiquer et à améliorer son état.
- Un homme est amené aux urgences par la police après avoir bruyamment fait
entendre ses préoccupations religieuses dans un lieu public. Il est d’abord traité
pour un trouble psychotique. L’évaluation révèle que son comportement n’était
pas psychotique, mais plutôt un épisode déstructurant et qu’il est en fait déprimé. On modifie son traitement en lui prescrivant des antidépresseurs et il
se rétablira.
- Une adolescente est adressée par le médecin de famille, inquiet par le fait que
les parents de cette jeune adolescente l’empêchent d’avoir une vie sociale normale, de sortir avec des garçons et lui reprochent de chercher à s’autonomiser
un peu plus. Par le biais de cette consultation, le médecin traitant est encouragé
à élargir sa vision unilatérale sur les problèmes intergénérationnels et de mieux
appréhender ce qui est en jeu pour cette jeune femme, car il y a risque de rejet
par sa famille et sa communauté. Il est donc plus à même d’aider cette jeune
adolescente à réfléchir à ses difficultés.
- Les parents d’un jeune homme psychotique veulent l’emmener consulter un
guérisseur traditionnel. Le psychiatre est catégoriquement opposé, persuadé
que cela va provoquer une rechute de son état. Un médiateur culturel de leur
communauté a été en mesure d’explorer les préoccupations de la famille et de
convaincre le psychiatre que les options de traitement n’ont pas à être présentées comme un choix exclusif. La famille consultera le guérisseur et l’état de ce
jeune homme s’améliorera.
- Une femme, confrontée à l’expulsion de son domicile à cause de son comportement « paranoïde », a été évaluée en consultation et on découvre qu’elle souffre
en réalité d’effets de comportements racistes dans sa communauté. Une lettre
au juge a permis d’inclure cet élément comme une circonstance atténuante.
- Une organisation des services sociaux demande des conseils sur la façon
d’aider les familles soucieuses de faire face au racisme subi par les jeunes dans
la société canadienne. Ces familles seront mises en relation avec d’autres organisations, d’autres communautés ethnoculturelles afin de discuter des
stratégies pour aider les jeunes à s’adapter au contexte nord-américain.
- Un demandeur d’asile est orienté pour une évaluation en raison d’épisodes
dans lesquels il était désorienté et incohérent. Le référent a écrit une lettre à la
commission pour la sauvegarde du droit d’asile, signalant que la difficulté de
cette personne à raconter son histoire personnelle est une conséquence de traumatisme psychologique et non pas le signe d’une falsification dans sa demande
d’asile.
23
CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
Les individus visés dans ces vignettes avaient émigré de l’Éthiopie, d’Haïti,
de l’Inde, du Pakistan, du Rwanda, du Sri Lanka et de Trinidad. Même dans ces
vignettes cliniques brèves, il est clair, cependant, que les dimensions culturelles
de leurs difficultés proviennent aussi bien des caractéristiques de la société québécoise et de son système de soins que des aspects distinctifs de leur culture
d’origine.
Ces exemples montrent la rencontre clinique interculturelle en tant que lieu
de l’élargissement du rôle du psychiatre, afin d’inclure les interventions techniques
(réévaluer les cas complexes, révélant un biais en matière de diagnostic), l’éducation pour la santé (articuler les perspectives multiples émanant des sciences
sociales et de l’expertise des médiateurs culturels (cultural broker)), la médiation
interinstitutionnelle (négociation des interventions avec d’autres institutions de
soins de santé, les écoles, les employeurs et les organismes communautaires) et
l’assistance juridique (représentant les intérêts des patients en matière juridique
et auprès d’autres institutions comme la commission de sauvegarde du droit
d’asile). Les moyens mis à profit pour améliorer les soins de ces patients issus
de la diversité incluent des cliniciens bilingues/biculturels, des interprètes, des
médiateurs culturels (cultural brokers) ou des médiateurs interinstitutionnels, des
représentants religieux et communautaires, des anthropologues et de la littérature ethnographique. Un des effets significatifs de cette consultation culturelle
(CCS) a été la validation des compétences linguistiques et culturelles de cliniciens et de médiateurs culturels de d’origines différentes. En considérant les différences culturelles et linguistiques à la fois comme une possibilité politique et
une possibilité techniques de compréhension de l’impact des processus sociaux
sur la santé et la maladie mentale, le service (CCS) a créé un contexte professionnel dans lequel les cliniciens peuvent utiliser leurs savoirs culturels sans prendre
le risque d’être eux-mêmes stigmatisés ou marginalisés. Cela a permis d’accroître la diversité des représentations alternatives au sein du système de soins.
Bon nombre des dossiers traités par le Service Culturel de Consultation (CCS)
ont permis d’impliquer les cliniciens orientateurs ou de mieux imaginer la logique
du comportement de leurs patients. Une communication efficace nécessite un
langage commun et un savoir partagé. Dans la mesure où ceci manque, il doit être
développé, soit dans les entretiens cliniques au fil du temps, en jetant les ponts
d’une compréhension mutuelle, soit par un médiateur extérieur ou un médiateur
culturel (cultural broker) qui contextualisera les informations manquantes nécessaires pour aider les patients et les médecins à se comprendre. Cette compréhension mutuelle ne résoudra pas obligatoirement les différences, mais permettra de
les définir clairement et d’ouvrir ainsi la voie d’interaction constructive.
De nombreux problèmes qui semblent inhérents aux patients et leurs familles
sont mieux appréhendés si on tient compte des biais et des hypothèses de la biomédecine. Ces biais incluent :
La tendance à regarder la recherche d’aide et de traitement sous un seul aspect
(traditionnel ou biomédical), au lieu de se servir des nombreuses sources dans
cette situation complexe et hiérarchisée, qui dépend de la nature et de la gravité
perçue du problème ;
La tendance à considérer la religion et la spiritualité comme non pertinentes ou
même pathologiques plutôt que comme des sources de confort, de force et de résilience ;
La tendance à stigmatiser les autres plutôt que de considérer que chaque histoire
est unique ou, au contraire, de traiter l’histoire de chaque individu comme seulement personnelle au lieu de l’inscrire dans sa culture.
24
DOSSIER
L’élaboration de la part culturelle de l’identité du sujet, le vécu de la maladie, le coping et l’adaptation, vont au-delà de la simple traduction linguistique et
incluent une appréciation de l’impact de l’histoire collective et le contexte social
actuel. Les informations complémentaires et les perspectives générées par le Service de Consultation Culturel (CCS) permettent d’imaginer un champ clinique
plus large, ce qui permet au professionnel de mieux comprendre la difficulté du
patient. De facto, cela ouvre de nouvelles possibilités d’actions, agrandissant le répertoire du clinicien et introduisant un élément de pluralisme dans un système
médical monolithique.
Quand on donne la bonne mesure à la culture et le contexte social, la rencontre clinique peut adopter et soutenir ce pluralisme de plusieurs manières :
- En reconnaissant la vulnérabilité et les besoins de l’autre comme un impératif
moral ;
- En créant des liens d’empathie qui permettent de sentir et de comprendre l’expérience de l’autre ;
- En incitant les institutions à reconnaître l’expression et l’organisation de l’autre ;
- Et en ouvrant de multiples voies pour connaître et coexister, pour
mettre en œuvre des formes de tolérance, d’hospitalité, de coexistence pacifique et
de résolution pragmatique des conflits.
La vulnérabilité des autres nous interpelle au niveau du sens moral et de la
conscience. C’est l’idée centrale de l’œuvre d’Emmanuel Levinas (1998, 2003),
empruntée à la sphère des idéaux philosophiques et appliquée à la pragmatique
de la rencontre interculturelle avec la prise de conscience que chaque vie prend
sa source à partir de chaque instant de l’histoire culturelle et personnelle du sujet.
Traduire la vulnérabilité de l’autre dans une action de compassion exige un savoir précis sur les difficultés et les possibilités du sujet de changer de perspective.
L’empathie est à la fois l’engagement et le moyen pour l’acquisition de ces connaissances. Même en l’absence de cette empathie, Levinas insiste sur le fait que nous
devons assumer notre responsabilité envers l’autre. En effet, c’est précisément là
où l’empathie est absente que cette injonction de Levinas trouve sa plus grande
implication éthique.
L’empathie présente à la fois des prérequis affectif et cognitif : émotionnellement, il faut mettre en place la sécurité nécessaire qui permet de percevoir l’autre
et de ressentir les difficultés qui l’habitent ; rationnellement l’empathie demande
que l’on acquiert des informations détaillées sur la vie de l’autre afin de reconstruire son expérience par l’imaginaire. Ainsi donc, l’empathie n’est pas seulement
une conséquence automatique de notre capacité émotionnelle suscitée par la présence d’autrui, mais dépend de la connaissance élargie de l’autre, autant que la
capacité de ne pas rester sur la défensive et de maintenir une position ouverte, et
d’engager ainsi l’effort vers l’autre. En tant que telle, l’empathie contribue à changer la qualité du lien du vivre ensemble quotidien. Quand le vécu de l’autre est
radicalement différent, il peut être compliqué pour nous de nous mettre en empathie, quand leur vécu est douloureux ou menaçant pour nous, il est possible que
nous refoulions notre capacité d’écoute empathique et que nous faisions machine
arrière. Dans notre travail clinique avec les réfugiés et les demandeurs d’asile, nous
avons remarqué combien il est difficile pour certains cliniciens de valider des histoires de violences et de troubles que racontent ces personnes (Kirmayer 2006).
Le processus en jeu dans la consultation culturelle permet une connaissance partielle des outils psychologiques nécessaires pour accéder au monde de l’autre, et
ce cadre nécessite que le clinicien sympathise avec l’autre qui vit des situations
étranges ou radicalement différentes.
25
CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
Mais aucune dose d’empathie ou de reconnaissance ne peut remplacer le
respect de la propre organisation de l’autre, alors le pluralisme nécessite le processus politique pour créer des institutions sociales qui insèrent, soutiennent
et valorisent l’autre, reconnaissent l’expression et la vision de l’autre comme un
fait impératif et indépendant. Cette reconnaissance a de multiples effets sur le
patient, le clinicien, sur leurs communautés respectives et sur la société en général. Prendre en compte sérieusement les autres, les écouter et travailler avec
eux, nous permet de tenter de nouvelles façons d’être, à la fois individuellement
et collectivement, d’échanger du savoir, de mettre en jeu de nouvelles idées, de
nouvelles valeurs et de nouveaux concepts, qui finalement se répandent dans
l’ensemble de la société. En circulant, ces nouvelles idées commencent à se combiner et se recombiner avec d’autres idées, créant des nouvelles formes métissées
de l’identité, de nouveaux cadres de raisonnement moral et de nouvelles formes
de soins. Pour donner un exemple bien connu, ces dernières années la propagation du bouddhisme en Occident a encouragé le développement de nouvelles
stratégies pour le contrôle de la douleur, de l’anxiété et pour la prévention de la
dépression. Cela ne nécessite pas l’adoption complète des valeurs bouddhistes
ou de mener un mode de vie monastique, mais l’incorporation d’idées et de
pratiques spécifiques qui transforment les attitudes, les habitudes de pensée et
d’attention.
Les systèmes de soins multiculturels plaident pour le pluralisme dans la société en général de plusieurs manières :
- Reconnaitre les autres dans notre pratique et nos institutions ;
- Témoigner de leur souffrance ;
- Intervenir d’une manière différenciée ;
- Accompagner leur vécu du monde ;
- Plaider plus fortement leur cause ;
- Partager avec eux le pouvoir et le contrôle des institutions ou leur apporter un
soutien à la mise en place d’institutions sociales ;
- Et accepter que l’on puisse changer ou être transformé par la rencontre des
autres.
Ce dernier élément est l’objectif le plus profond, car il signifie que nous devons non seulement renoncer à quelque chose, mais aussi transformer le sens
de notre propre expérience en la métissant avec celle de l’autre. Cela ne peut se
faire que lorsque le partage du pouvoir ne se traduit pas par une exploitation ou
en une appropriation de l’autre. Cela exige un engagement actif avec les communautés afin que des discussions ouvertes et une négociation sur les moyens
permettent de répondre aux besoins de la communauté, et que les institutions
de soins ne sont pas gérées uniquement par des objectifs techniques ou bureaucratiques, mais par des valeurs qui reflètent les aspirations communes. Ce dialogue peut commencer au moment de la rencontre clinique où naturellement
apparaissent les besoins de base et les préoccupations de l’individu.
Conclusion
Chaque culture a ses propres styles de raisonnement et sa « raison d’être » enracinée dans un mode de vie et autour de certaines valeurs fondamentales. La
culture est une valeur pour chaque individu car elle est essentielle à la réalisation de notre personnalité avec un éventail de compétences qui s’appuient sur
l’histoire et les réalisations collectives. La culture est une valeur pour le groupe
comme un moyen de tisser des liens entre des personnes avec un objectif commun et des rôles répartis dans un grand système capable de créer des institutions
26
DOSSIER
qui dépasse les possibilités d’une seule personne. Au-delà de la culture comme
un besoin primaire pour chaque individu ou pour la collectivité, on peut admettre que la diversité culturelle, par elle-même, est un bien, par analogie au rôle
écologique de la diversité biologique quand elle assure la viabilité des écosystèmes dans des situations de stress et de changement. Cette diversité mondiale
peut être utile même à une société relativement homogène ou monoculturelle.
Chaque tradition culturelle nous offre des possibilités novatrices pour nous
permettre de résoudre certaines injustices ou inégalités dans notre mode de vie.
Reconnaître la valeur créative de la rencontre entre différentes traditions va à
l’encontre des arguments passéistes et inefficaces en faveur de l’assimilation
qui traduisent les limites de l’imagination et de l’engagement envers les autres.
Quand l’autre est réduit à sa seule différence, on passe à côté de l’intérêt de
l’exploration d’une nouvelle vision du monde qui peut challenger et dynamiser
la nôtre, que ce soit par le dialogue ou par le métissage. Plutôt que de regarder
les autres avec distance, sans engagement et avec un regard ignorant de leur
expérience, ce qui conduit inévitablement à des stéréotypes et des préjugés (et
est parfois utilisé pour justifier la peur de notre propre agressivité), il vaut mieux
les impliquer dans un dialogue et dans un processus d’élargissement de notre
imaginaire et de notre sens de l’humain.
Si pour une raison ou pour une autre, nous apprécions la diversité, nous
devons œuvrer à mettre en place les formes politiques qui la soutiendraient.
Tout au long du chemin, nous devons faire de notre mieux pour protéger la
diversité qui est notre capital culturel collectif. Notre volonté de promouvoir
cette diversité reflète le niveau de notre intérêt et de notre respect d’autrui, et
par conséquent de nous-mêmes. La politique de l’altérité façonne notre monde
social, mais ce réaménagement se trouve aussi dans les profondeurs de la psyché
individuelle car nous écrivons et réécrivons les histoires personnelles de notre
identité. La médecine et la santé mentale sont des champs cruciaux où le monde
intérieur et extérieur de l’identité culturelle peuvent être reliés par l’effort de
compréhension et d’aide envers des autres, effort qui se base sur la reconnaissance de notre humanité commune et nos différences essentielles.
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Des parties de ce document ont été présentées
dans le cadre d’un symposium « Questions in
contemporary medicine
and the philosophy of
Charles Taylor », Université de Montréal, 27 au
27 octobre 2007. Je remercie Elizabeth Anthony, Sofie Bäärnhielm, Ian
Gold, Alessandra Miklavcic, Vardit Ravitsky,
et Radhika Santhanam
pour leurs commentaires
utiles.
27
CLINIQUES TRANSCULTURELLES 1 DOSSIER
Traduction
Texte traduit de l’anglais
par Rachid Bennegadi,
psychiatre et anthropologue, Centre Françoise
Minkowska (Paris), et
Secrétaire Général de la
Section Transculturelle
de l’Association Mondiale de Psychiatrie
28
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Résumé
Les migrations mondiales ont partout augmenté l’impact de la diversité culturelle dans
les sociétés et dans les mégapoles. Cela pose des problèmes pratiques, conceptuels et
éthiques à l’exercice de la médecine. La manière avec laquelle les nations traitent de la
différence culturelle et apportent une réponse à la diversité dépend de l’histoire spécifique des migrations et des idéologies sous-jacentes de l’appartenance citoyenne. De
facto, cela influence le contenu des prestations des services de soins. Cet article explore
les origines et les conséquences des réponses apportées à la diversité culturelle par les
différents systèmes de soins en santé mentale, avec une attention particulière aux types
de services de santé mentale dans les sociétés multiculturelles. Bien que la politique de
l’altérité dans le cadre clinique dépende de conceptions politiques générales envers la
culture « de l’autre », cependant le système de soins peut constituer également un lieu
potentiel de résistance et de transformation sociale.
Mots-clés : Migrant, culture d’origine, maladie, médecine, anthropologie, système de soins,
santé mentale, politique, multiculturalisme, société, Canada, France, Suède.
Abstract
The politics of alterity in the clinical encounter
Global migrations have increased the cultural diversity of societies and urban centres
everywhere. This poses practical, conceptual, and ethical challenges to the practice of
medicine. The ways that nations frame cultural difference and respond to diversity vary
according to their specific histories of migration and ideologies of citizenship. These
responses, in turn, shape the delivery of health care services. This paper will explore the
origins and consequences of responses to diversity within different health care systems,
with particular attention to models for mental health services in multicultural societies.
The politics of alterity in clinical settings is determined by larger political attitudes toward the cultural ‘other’ but health care also constitutes a potential site of resistance and
social transformation.
Key words : Migrant, culture of origin, illness, medicine, anthropology, healing system, mental
health, politic, multiculturalism, society, Canada, France, Sweden.
Resumen
Las políticas de la alteridad en los encuentros clínicos
Las migraciones mundiales han aumentado en todas partes el impacto de la diversidad
cultural en las sociedades y en las megalópolis, lo que implica algunos problemas prácticos, conceptuales y éticos en el ejercicio de la medicina. La manera en la que las naciones
tratan las diferencias culturales y responden a la diversidad depende de la historia específica de las migraciones y de las ideologías subyacentes al sentido de pertenencia de la
ciudadanía. Esto influye, de hecho, sobre el contenido de las prestaciones de los servicios
de salud. Este artículo explora los orígenes y las consecuencias de las formas en que los
diferentes sistemas de salud mental responden a la diversidad cultural, enfocándose particularmente en los tipos de servicio de salud mental en las sociedades multiculturales.
Aunque la política de la alteridad en un contexto clínico depende de las concepciones
políticas generales sobre la cultura « del otro », el sistema de salud puede constituir
igualmente un lugar potencial de resistencia y de transformación social.
Palabras claves : Migrante, cultura de origen, enfermedad, medicina, antropología, sistema de
salud, salud mental, política, multiculturalismo, sociedad, Canadá, Francia, Suecia.
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