Diriger une école de milieu défavorisé
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Diriger une école de milieu défavorisé
Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 1 Diriger une école de milieu défavorisé: une recherche collaborative qui porte fruits Jean Archambault Chantale Richer Université de Montréal Adresse de correspondance : Jean Archambault Université de Montréal Faculté des sciences de l'éducation Département d'administration et fondements de l'éducation C.P. 6128, succ. Centre-Ville Montréal, QC, H3C 3J7 [email protected] Conférence présentée au Congrès annuel de la Société canadienne pour l’étude de l’éducation (SCEE) University of British Columbia, Vancouver, 31 mai au 3 juin 2008. Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 2 Diriger une école de milieu défavorisé: une recherche collaborative qui porte fruits Jean Archambault et Chantale Richer, Université de Montréal Il est permis de croire que diriger une école de milieu défavorisé ne se fait pas de la même façon que diriger une école plus favorisée. C'est ce que nous avons voulu vérifier en interrogeant 45 directions d'écoles primaires de milieu défavorisé de l’île de Montréal, en collaboration avec le programme de soutien à l'école montréalaise (Ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport du Québec). Nous présenterons les retombées de cette étude sur les orientations du Programme de soutien à l'école montréalaise, et sur le développement professionnel et le suivi offert aux directions et aux conseillers pédagogiques d'écoles de milieux défavorisés ainsi que sur la formation universitaire offerte aux directions. Au Québec, c’est à Montréal que sont concentrées la majorité des écoles de milieux défavorisés. Plusieurs éléments caractérisent la situation particulière de l’île de Montréal : la réussite scolaire inégale; la variation dans l’obtention des diplômes; le retard scolaire marqué chez les élèves de milieux défavorisés; la concentration de l’immigration; la concentration des facteurs en jeu. On remarque aussi que bon nombre d’élèves issus des milieux les plus défavorisés éprouvent plus de difficultés, présentent un retard scolaire plus marqué et des apprentissages moins consolidés, réussissent moins bien, sont moins nombreux à obtenir un diplôme et quittent souvent l’école plus tôt et sans qualification (Gouvernement du Québec, 2005). C’est pourquoi le ministère de l’Éducation du Québec a créé en 1997, le Programme de soutien à l’école montréalaise (PSÉM) comme l’une des pistes d’action de la Réforme de l’éducation (Gouvernement du Québec, 1997), avec le mandat de soutenir la réussite des élèves issus de milieux défavorisés des trois commissions scolaires francophones et des deux commissions scolaires anglophones de l’île de Montréal. Le gouvernement reconnaît donc ainsi les défis des écoles de milieux défavorisés, défis que doivent relever de façon particulière, les directions d’écoles. Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 3 Pour concrétiser son action, le Programme de soutien à l’école montréalaise identifie, à l’aide d’indicateurs reconnus, les quelque cent-vingt écoles primaires les plus défavorisées de l’île de Montréal. Ce sont ces écoles cibles qui bénéficieront du soutien financier et professionnel du Programme. Le Programme de soutien à l’école montréalaise propose sept mesures considérées comme ayant des effets positifs significatifs sur le cheminement, les apprentissages et la motivation des élèves de milieux défavorisés. Vu leur impact, ces mesures sont considérées comme incontournables. Les écoles cibles doivent obligatoirement en assurer la mise en place graduelle, en prenant en considération leur situation et les besoins plus spécifiques de leur clientèle. Ces mesures sont les suivantes : Mesure 1 Pratiques éducatives au service de l’apprentissage de tous; Mesure 2 Développement de la compétence à lire; Mesure 3 Approche orientante; Mesure 4 Développement professionnel de la direction et de l’équipe-école; Mesure 5 Accès aux ressources culturelles; Mesure 6 Collaboration avec les parents; Mesure 7 Collaboration avec la communauté. La mise en œuvre de ces sept mesures doit se réaliser dans toutes les écoles cibles. Ce sont les équipes-écoles qui ont la responsabilité de cette mise en œuvre, coordonnée par la direction de l’école. Ces mesures ne doivent pas être appliquées de façon isolée. Elles doivent plutôt être vues comme un tout cohérent au service de l’amélioration de la situation et des apprentissages des élèves. La situation d’une école qui dessert des élèves de milieu défavorisé est d’une telle complexité qu’elle requiert une intervention cohérente et systémique. C’est pourquoi ces mesures doivent être appliquées en interdépendance et doivent faire partie des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs de l’école et, par le fait même, l’objectif du Programme qui est de : Soutenir la réussite personnelle et la réussite des apprentissages chez des élèves issus de milieux défavorisés, tout en tenant compte de leurs besoins et de leurs caractéristiques et en Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 4 contribuant à la mise en place d’une communauté éducative engagée. (Gouvernement du Québec, 2005, p. 5) Pour ce faire, les écoles bénéficient des ressources financières, humaines et matérielles du Programme de soutien à l’école montréalaise. En plus d’une allocation de base et des allocations spécifiques et supplémentaires versées aux écoles, celles-ci peuvent aussi profiter d’un ensemble de services collectifs tels que la mise en place de réseaux de développement professionnel, des outils produits par le Programme et par ses partenaires, une Banque interrégionale d’interprètes et diverses formes de soutien assurées par l’équipe professionnelle du Programme. La présente recherche s’inscrit dans la suite de la réflexion de l’équipe professionnelle du Programme de soutien à l’école montréalaise sur le développement professionnel à offrir aux directions d’écoles (mesure 4). Problématique Diriger un établissement scolaire est une entreprise complexe qui demande des compétences spécifiques (Dupuis, 2004; Lapointe et Gauthier, 2005). De plus, la direction d’une école s’exerce maintenant dans un contexte de changement qu’elle doit concourir à installer (Fullan, 2001; 2003), changement qui se doit d’être large et durable (Heargraves et Fink, 2004). Mais qu’en est-il de la direction d’une école en milieu défavorisé? Est-ce différent de la direction d’une autre école? Cela nécessite-t-il des attitudes ou des compétences différentes de la direction d’une autre école? Plusieurs études ont fait ressortir les caractéristiques d’écoles de milieux défavorisés dont les élèves réussissaient à des niveaux élevés (Haberman, 2004; Kannapel, Clements, Taylor et Hibpshman, 2005; Lyman et Villani, 2004; Muijs, Harris, Chapman, Stoll et Russ, 2004). Ces caractéristiques se recoupent, d’une étude à l’autre. Ce sont : une vision claire et partagée des buts à atteindre, des attentes élevées, un leadership pédagogique, une orientation claire en rapport avec l’apprentissage des élèves, le travail collectif des enseignants, une communication et un travail avec les parents, l’engagement de la communauté, l’amélioration des pratiques Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 5 pédagogiques, la production et l’utilisation de données sur le fonctionnement de l’école pour en faciliter la gestion. Cependant, on sait peu de choses des comportements des directions nécessaires pour mettre en place ces caractéristiques ou des compétences et des attitudes requises des directions d’écoles de milieux défavorisés (Haberman et Dill, 1999). Alors que certains chercheurs identifient des compétences particulières pour diriger une école de milieu défavorisé (Haberman, 1999, Haberman et Dill, 1999), d’autres font remarquer que le leadership de la direction d’école est non seulement un facteur important dans la réussite scolaire des élèves, mais que ce leadership est encore plus important et a encore plus d’impacts dans les milieux les plus difficiles, les plus défavorisés (Leithwood, Seashore Louis, Anderson et Wahlstrom, 2004). D’autres encore mettent en évidence l’aspect de justice sociale et d’équité qui devrait caractériser le leadership des directions d’écoles en milieu défavorisé (Riester, Pursh et Skrla, 2002; Scheurish et Skrla, 2003). La recherche demeure cependant peu abondante et il est difficile d’en extraire des principes pour la pratique ou pour la formation des directions d’écoles. C’est ce qui nous a incités à entreprendre cette recherche collaborative (Desgagné, Bednarz, Couture, Poirier, et Lebuis, 2001). Objectifs et méthodologie Cette recherche a pour objectifs 1- d’identifier, de décrire et de documenter les caractéristiques et les particularités de la direction d’une école de milieu défavorisé, en milieu montréalais et 2d’identifier les besoins de développement professionnel des directions d’écoles de Montréal et de proposer des formules de développement professionnel qui leur conviennent. Recherche collaborative Cette recherche a été menée en collaboration avec le Programme de soutien à l’école montréalaise (PSÉM) du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, du Québec (MELS). Ce Programme est chargé d’offrir des services aux écoles de milieux défavorisés et en particulier aux directions de ces écoles, afin qu’elles mettent en œuvre des mesures reconnues comme essentielles à l’intervention en milieu défavorisé. Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 6 Pour reprendre l’idée de Liberman (1986, in Desgagnés et al., 2001), la recherche collaborative dont il est ici question consiste à faire de la recherche « avec » plutôt que « sur » les praticiens, c'est-à-dire, avec les directions d’écoles ainsi que les ressources professionnelles du Programme de soutien à l’école montréalaise. En ce sens, les données de la recherche sont construites en collaboration par les chercheurs, les directions d’écoles et des professionnels du PSÉM et sont produites pour comprendre une situation éducative problématique, du point de vue des directions, afin de pouvoir y dégager des éléments de solution (Van der Maren et Poirier, 2007). Considérant que la culture des directions d’écoles et celle des professionnels qui les soutiennent sont différentes, nous croyons que cette co-construction met en place trois cultures en collaboration et met en évidence un critère de triple vraisemblance de la pertinence sociale des résultats produits. Participants et méthode de collecte des données Quarante-cinq (45) directions d’écoles primaires de milieux défavorisés des cinq commissions scolaires anglophones et francophones de l’île de Montréal ont participé à des focus group. Lors d’une première rencontre, nous avons interviewé les participants sur leur travail de direction d’une école en milieu défavorisé. Au cours d’une deuxième rencontre, nous avons présenté aux groupes un résumé des propos recueillis lors de la première rencontre ainsi que les résultats de la revue de littérature que nous avions effectuée sur le sujet (Archambault et Harnois, 2006). Par la suite, nous avons invité les directions à réagir aux contenus présentés et à commenter ces résultats à la lueur de leurs propres réponses au premier focus group. Cette « confrontation », dans un esprit de collaboration, a permis aux directions de mieux définir leur réalité et d’enrichir considérablement leurs réponses. Résultats et retombées Les données des focus groups ont fait l’objet d’analyses de contenus. Les premiers résultats font apparaître quatre éléments sur lesquels insistent les directions d’écoles de milieux défavorisés : 1- la plus grande lourdeur de la tâche de la direction; 2- l’exercice du rôle de la direction qui demande des compétences et des attitudes particulière; 3- la nécessité d’exercer un leadership de Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 7 justice sociale; 4- l’identification de compétences à développer et l’importance du développement professionnel des directions d’écoles. En ce qui a trait aux retombées dans le milieu, elles sont de plusieurs ordres. En premier lieu, nous avons produit quatre documents à partir de la revue de littérature, d’une version longue à une version courte, dans le but de rejoindre une grande diversité d’acteurs scolaires. Ces documents sont actuellement diffusés par le Programme. En deuxième lieu, cette revue de littérature a permis de réaffirmer le choix des sept mesures du Programme de soutien à l’école montréalaise. De plus, l’une d’entre elles a été réorientée grâce aux données de cette revue de littérature. La mesure « Pratiques éducatives au service de l’apprentissage de tous » s’est vue recentrée sur l’importance de l’apprentissage pour tous les élèves, faisant en sorte que les actions soient concentrées sur l’ensemble des élèves de l’établissement et non pas uniquement sur les élèves qui éprouvent des difficultés de toutes sortes. En troisième lieu, ces données ainsi que les résultats de la recherche ont été intégrés dans les interventions des professionnels du Programme, ainsi que dans des cours offerts par l’Université de Montréal aux directions d’écoles. Un nouveau cours sur la direction d’une école en milieu défavorisé est d’ailleurs en cours d’élaboration. En dernier lieu, les directions ayant participé aux focus groups ont affirmé avoir été ébranlées dans certaines de leurs convictions et souhaité qu’il y ait des suites à ces rencontres, en développement professionnel. Le Programme a mis sur pieds deux nouveaux groupes de développement professionnel de directions pour répondre à cette demande. De plus, des conseillers pédagogiques et des enseignants participent aussi à des groupes de développement professionnel dont les thèmes sont du même ordre que ceux des directions d’écoles. Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 8 Une collaboration qui se poursuit Par ailleurs, les directions d’écoles ont produit dans cette recherche un discours riche sur leur pratique, discours dont nous présentons l’analyse ailleurs (Archambault et Harnois, 2008). Cependant, ce discours ne décrit pas la pratique des directions. Par exemple, dire que la gestion est alourdie compte tenu des budgets supplémentaires et des personnels additionnels ne décrit pas comment se passe cet alourdissement dans la vie d’une direction d’école. C’est pourquoi nous poursuivons la recherche sur le sujet. Une étude est présentement en cours et porte sur la description des pratiques des directions d’écoles en milieu défavorisé (Archambault et Garon, 2008). Nous y utilisons essentiellement l’observation, l’auto-observation et l’entrevue. Par ailleurs, nous voulons consolider les données amassées jusqu’ici en comparant les résultats de la recherche précédente avec ceux obtenus de directions d’écoles qui ne sont pas de milieux défavorisés. Dans les deux cas, les objectifs, les outils méthodologiques et le déroulement de la recherche sont élaborés en collaboration avec les professionnels du Programme de soutien à l’école montréalaise, dont certains participent à la collecte et à l’analyse des données. Diriger une école de milieu défavorisé : une recherche collaborative 9 Références Archambault, J., et Garon, R. (2008). Diriger une école de milieu défavorisé: 1- observation des pratiques de directions; 2- comparaison des résultats de la recherche précédente. Devis de recherche présenté au Programme de soutien à l’école montréalaise. Document inédit, Université de Montréal, 10p. Archambault, J., et Harnois, L. (2006). Des caractéristiques des écoles efficaces, provenant de la documentation scientifique. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Programme de soutien à l’école montréalaise, 4 p. Archambault, J., et Harnois, L. (2008). La direction d’une école en milieu défavorisé : les représentations de directions d’écoles primaires de l’île de Montréal. Présentation dans le cadre du colloque 509 de l’ADERAE, Le développement des compétences des directrices et directeurs d'établissement scolaire et la construction de leur identité professionnelle. 76e congrès de l’ACFAS, Centre des congrès, Québec, mai 2008. Archambault, J., Ouellet, G., et Harnois, L. (2006). Diriger une école en milieu défavorisé. Ce qui ressort des écrits scientifiques et professionnels. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Programme de soutien à l’école montréalaise, 19 p. Desgagné, S., Bednarz, N., Couture, C., Poirier, L. et Lebuis, P. (2001). L'approche collaborative de recherche en éducation: un nouveau rapport à établir entre recherche et formation. 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