Réflexions
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DÉCEMBRE 2011 ÉDITORIAL DE LA COMMUNAUTÉ DOCTRINALE TERRESTRE LETTRE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION ET D’ÉCHANGE 45 « Il faut que tout change pour que rien ne change» écrivait le comte de Lampedusa dans «le Guépard». Dans ce numéro d’ «Héraclès», la 6e Brigade Légère Blindée (BLB) illustre cet adage : la brigade est aux avant-postes de la transformation, sans pour autant renoncer à ses traditions et à sa culture. Grande unité à l’identité forte, dotée d’un passé militaire glorieux, comme nombre de nos formations, la 6e BLB relève avec souplesse et pragmatisme les défis auxquels elle est confrontée. La brigade a en effet perdu l’un de ses régiments de mêlée. Elle a profondément modifié son fonctionnement, en mutualisation son instruction initiale dans son centre de formation (hors effectifs «Légion étrangère»), en rationalisant ses soutiens par l’embasement et en optimisant ses moyens par la gestion en parc des matériels. Dans le même temps, elle a restructuré ses compagnies organiques de renseignement et d’appui à l’engagement. La brigade a également développé sa spécificité amphibie, le tout en étant pionnière dans le domaine de la numérisation. Au final son objectif prioritaire est de se préparer pour des engagements très exigeants, comme en Afghanistan. Sur le fond, il est intéressant de réfléchir, comme le fait ici le commandant de brigade, sur l’aptitude multirôle de nos grandes unités interarmes : c’est d’ailleurs le choix que viennent de faire nos alliés britanniques pour la prochaine organisation de leurs brigades. Ainsi, le futur ordre de bataille de l’«Army UK» sera de cinq «brigades multirôles», plus la 16e Air Assault (et la 3e Commando, de la Royal Navy). Cette orientation se retrouve aussi dans la réforme engagée par la Bundeswehr depuis le mois de novembre. Ecrits par des opérationnels, sous l’impulsion du général Windeck, les articles qui suivent illustrent la capacité de « la 6 » à faire converger théorie - la doctrine - et pratique – la mise en œuvre par les acteurs, selon leur expérience, leurs traditions, leur culture. * La rubrique « réflexions » de notre lettre trimestrielle «Héraclès» est bien le lieu dans lequel les «opérationnels» de l’armée de Terre peuvent et doivent être force de proposition. Par exemple, l’article du chef des opérations amphibies de la brigade ne manquera pas de susciter un débat fécond, notamment avec une proposition sur le positionnement des plongeurs de combat du génie. J’encourage chaleureusement nos «forces vives» à participer à la réflexion doctrinale tactique au sein de l’armée de Terre, par l’intermédiaire de contributions dans nos colonnes Le général Olivier Tramond, commandant le Centre de doctrine d’emploi des forces Dans ce 45ème numéro d’Héraclès, la parole est donnée à la 6ème Brigade Légère Blindée (6ème BLB). 2 S OMMAIRE Actualités 3 4 5 La 6ème Brigade Légère Blindée, brigade “multirôles” - Pour quel emploi ? Général Antoine WINDECK, Général Cdt la 6ème BLB Point de situation sur les changements de structure récents à la 6ème BLB (depuis 2008) LCL Rémi BOUZEREAU, Chef du bureau emploi L’entraînement et l’emploi des sections d’aide à l’engagement débarqué, SAED, au sein de la 6ème Brigade Légère Blindée LCL Rémi BOUZEREAU, Chef du bureau emploi Témoignages 6 6 7 8 9 10 L’organisation de l’instruction et de l’entraînement dans les régiments de la 6ème BLB LCL Stéphane PAU, Chef d’état-major de la 6ème BLB La préparation opérationnelle en garnison LCL Valentin SEILER, Chef du BOI du 1er REC L’organisation de l’instruction et de l’entraînement au 2ème régiment étranger d’infanterie LCL Hervé WALLERAND, Chef du BOI 2ème REI L’organisation de l’instruction et de l’entraînement au 3ème RAMa CES Pierre NOUNAY, Adjoint du chef de BOI du 3ème RAMa Le 1er REG, “ confiant dans l’avenir ” LCL Tony MAFFEIS, Chef BOI 1er REG Préparation de l’engagement opérationnel à court terme : la montée en puissance d’une unité avant une opération majeure. Enseignements. LCL Hervé WALLERAND, Chef du BOI 2ème REI Réflexions 11 Les blindés dans la manœuvre interarmes : entre réalité des engagements actuels et préparation des engagements futurs LCL Valentin SEILER, Chef du BOI du 1er REC 12 13 Fonction renseignement : les perspectives offertes par la BRB 14 15 17 18 19 Action de la 6ème BLB dans le domaine de l’amphibie LCL Vincent GUERRICABEYTIA, Chef B2 de la 6ème BLB Le rôle des plongeurs du 1er REG dans une opération amphibie et leur place au sein des forces avancées : l’aide à l’engagement. CNE Damien VALLELIAN - BOI 1er REG LCL Martin CHAUVET - COA 6ème BLB Comment pérenniser les acquis de la NEB ? LCL Michel BRUSCO, Officier NEB 6e BLB Simulation et numérisation, exemples et perspectives CES Alain VENDE, Bureau emploi 6e BLB L’emploi de la section de combat du génie en combat en zone urbaine : DIA ou organique ? CNE Thomas DIAMANTIDIS, Cdt la 3/1REG Comment employer en synergie la BRB, l’EEI et l’EAE : orientations générales et perspectives concrètes CNE Arnaud BRECHIGNAC, Cdt la BRB6, en liaison avec le CNE Clément NOEL, Cdt l’EEI6, et le CNE Bertrand DIAS, Cdt l’EAE du 1er REC Directeur de la publication : Colonel (R) Georges Michel - Rédacteur en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin Diffusion, relations avec les abonnés : Major Claudine Vacquier - Mise en page : Christine Villey - Graphisme de la maquette : Nanci Fauquet Impression : Imprimerie BIALEC - 95 Boulevard d’Austrasie - BP 10423 - 54001 Nancy cedex Héraclès en ligne : WWW.CDEF.TERRE.DEFENSE.GOUV.FR Adresse du CDEF : 1 PLACE JOFFRE - CASE 53 - 75700 PARIS SP 07 NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 A CTUALITÉS 3 La 6ème Brigade Légère Blindée, brigade « multirôles » Pour quel emploi ? Général Antoine WINDECK, Général commandant la 6ème BLB I l y a vingt ans, la 6ème Division Légère Blindée était composent, garantie d’une saine émulation dans une engagée dans l’opération Daguet, pour y conduire une fraternité d’armes partagée. Elle dispose donc d’une bonne action de flanc garde mobile face à un ennemi blindé- « capacité d’encaisse ». Certifiée brigade numérisée mécanisé. Sa capacité d’adaptation et son efficacité avaient depuis 2008, elle maîtrise l’information en temps réel, alors été unanimement soulignées. Depuis lors, devenue optimisant ainsi sa capacité de réaction, donc de saisie de brigade en 1999, la 6ème BLB a vu sa structure sensiblement l’initiative sur l’adversaire. Enfin, sa position géographique évoluer. Que peut-on en attendre aujourd’hui ? Y répondre, permet un engagement rapide de ses éléments sur un c’est en premier lieu analyser le besoin, pour s’assurer théâtre et sa spécificité amphibie la rend apte à entrer en ensuite que l’outil forgé correspond aux attendus, enfin, premier y compris par la mer. réfléchir à la manière d’en optimiser l’emploi. Bien évidemment, cet outil opérationnel reste encore et Les outils de combat dont la France s’est dotée doivent toujours perfectible, pour conserver et améliorer son permettre aujourd’hui de faire face à des pics d’intensité aptitude à l’engagement, le cas échéant en structure souvent brutaux dans un environnement particulièrement organique. Il s’agit donc aujourd’hui, notamment pour l’état- complexe, très médiatisé, en y apportant une réponse major, de maîtriser l’emploi des unités nouvellement créées rapide multiformes. Celle-ci implique intelligence de (BRB1, EAE2), de s’interroger sur les perspectives qu’elles situation, capacité d’analyse globale, anticipation, esprit offrent en combinant leurs actions avec celles de l’EEI, de de communication, conviction et forces morales. C’est en contribuer parallèlement par son expérience à l’évolution de particulier ce que l’on attend d’un état-major de brigade l’amphibie, de pérenniser les acquis de la NEB3 en mettant comme la 6ème BLB, doublé en outre d’une parfaite maîtrise en synergie simulation et numérisation. Dans les régiments, des savoir-faire de ses unités et d’une capacité rapide de il s’agit de poursuivre dans la voie de l’optimisation des changement de posture, caractéristiques d’un outil de ressources humaine et matérielle par la conception combat souple et fiable. Il s’agit donc bien de disposer d’une formalisée de modules d’instruction insérés dans les cycles sorte de «caisse à outils» maîtrisant des compétences d’entraînement prévus par le CFT. Il faut aussi continuer à multiples, parfaitement entraînée, dont les chefs ne perdent former les échelons d’exécution dans une logique de jamais de vue le sens politique de l’action entreprise. procédures acquises par le drill, et inciter les cadres à l’étude et à la réflexion personnelle, toujours guidés par les plus Forte de ce constat établi sur ces deux dernières anciens et les plus expérimentés. décennies, la brigade a progressivement façonné les qualités nécessaires pour répondre aux exigences des La participation de la brigade à la rédaction de ce numéro de crises actuelles : souplesse, réactivité, robustesse et la revue Héraclès nous offre donc une nouvelle occasion de culture d’emploi. Elle combine une bonne capacité de prendre un peu de recul dans l’action, et de faire partager mouvement tous terrains et une puissance de feu adaptée modestement notre réflexion et notre expérience aux différentes formes de menaces. Son engagement s’intègre parfaitement dans le paysage actuel des règlements des crises fait de réversibilité et de maîtrise de la force. Elle se distingue en outre par une forte identité et par la complémentarité des styles des formations qui la NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 1 BRB : batterie de renseignement brigade. 2 EAE : escadron d’aide à l’engagement. 3 NEB : numérisation de l’espace de bataille. 4 A CTUALITÉS Point de situation sur les changements de structure récents à la 6ème BLB (depuis 2008) Lieutenant-colonel Rémi BOUZEREAU, Chef du bureau emploi de la 6ème BLB jusqu’à l’été 2011 D u fait des restructurations en cours dans les armées, la 6ème BLB a vu son format évoluer sensiblement ces trois dernières années. Dans un contexte de rationalisation voulue du soutien (mise en place des BDD1 et de la PEGP2), elle a vu le départ de l’un de ses deux régiments blindés3, la restructuration de son régiment d’artillerie4, la suppression de sa compagnie antichar, et la bascule d’un escadron blindé en EAE5. En parallèle un CFIM6 a été créé à Fréjus, afin de standardiser l’instruction dispensée aux jeunes recrues7. Dans le même temps, le rythme de projection est resté soutenu, sur des théâtres exigeants, avec notamment l’engagement de deux GTIA8 infanterie en Afghanistan, en 2009 et 2010. Dans ce contexte, on peut se demander en quoi les capacités opérationnelles de la brigade ont été modifiées, et ce que cela change en termes de préparation opérationnelle. Il est vrai qu’en première approche la brigade a évidemment perdu, avec le départ du 1er Spahis, une part de sa puissance de feu et de sa capacité de renseignement au contact, ce qui la rend un peu moins « blindée » qu’auparavant. Cela dit, ce changement ne se ressent pas de manière cruciale, dans la mesure où les engagements actuels sont plutôt du niveau SGTIA9 ou GTIA10. Dès lors, les principaux défis actuels sont plutôt liés à l’optimisation des moyens confiés aux unités pour rationaliser l’entraînement. A cet égard, si l’on compare leur niveau actuel à celui d’il y a seulement 10 ans, on ne peut que se féliciter des progrès réalisés au niveau de l’exécution tactique : standardisation des procédures, mise en place de l’ISTC11, du secourisme de combat, contrôle des unités en centre spécialisé, développement du combat en localité et, bien sûr, numérisation de l’espace de bataille12. Certains points doivent toutefois faire l’objet d’une certaine vigilance. Par exemple, les régiments, dans un contexte de centralisation de la gestion des parcs, devraient malgré tout conserver la capacité de former leurs commandants d’unités interarmes à l’école du terrain, en métropole. De même, il leur faut maîtriser les leviers leur permettant d’être réactifs face à l’urgence opérationnelle, en mettant en place des procédures efficaces en coordination avec leur base de défense. Enfin, ils doivent conserver les acquis, tant dans le domaine de la numérisation par exemple, que dans celui de l’amphibie, leur spécificité. D’autres défis s’ouvrent à la 6ème BLB : mise en place du FELIN et du VBCI dans l’infanterie en 2012, développement de la simulation, préparation des futurs engagements, au premier rang desquels l’Afghanistan en brigade homogène en 2013. La brigade saura sans doute les relever, comme elle l’a toujours fait, avec le calme des vieilles troupes. A une seule condition cependant : sa capacité à se remettre, encore et toujours, en question, sous peine d’être rapidement surclassée par le prochain adversaire 1 BDD : base de défense. 2 PEGP : politique d’emploi et de gestion des parcs. 3 Le prestigieux 1er Régiment de Spahis de Valence, qui appartient maintenant à la 1ère Brigade Mécanisée. 4 Création de la BRB (batterie de renseignement brigade), mise sur pied d’une batterie sol-air et transformation de la batterie sol-sol. 5 EAE : escadron d’aide à l’engagement. 6 CFIM : centre de formation et d’instruction des militaires du rang. 7 Même s’il est vrai que les légionnaires continuent d’être instruits au 4ème Régiment Etranger de Castelnaudary. 8 GTIA : groupement tactique interarmes. 9 SGTIA : sous-groupement tactique interarmes. 10 Même si un certain nombre de surprises stratégiques nous interdisent, bien évidemment, d’insulter l’avenir. 11 ISTC : instruction du tir de combat. 12 Domaine dans lequel la brigade a été pionnière. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 A CTUALITÉS 5 L’entraînement et l’emploi des sections d’aide à l’engagement débarqué, SAED, au sein de la 6ème brigade légère blindée Lieutenant-colonel Rémi BOUZEREAU, Chef du bureau emploi de la 6ème BLB jusqu’à l’été 2011 L es régiments d’infanterie de la brigade terminent la mise sur pied de leurs SAED, conformément aux directives du CFT. Celle du 21e RIMa a déjà été engagée en Afghanistan et au Tchad. Celle du 2e REI, qui a déjà déployé certains modules, se prépare pour les EAU1. La 6ème BLB étudie la valorisation de ce type d’unité dans son domaine spécifique, l’amphibie, mais également en vue de son engagement futur comme TF2 homogène en Afghanistan. D’abord un bref rappel du concept3. Les SAED ont été créées pour préparer l’action des GTIA et SGTIA d’infanterie4. Polyvalentes, très qualifiées, souples d’emploi, elles sont engagées à pied pour rechercher du renseignement de contact, préparer l’action d’une unité, réaliser des actions ciblées et ponctuelles, protéger des personnalités. Elles sont aptes à accueillir les éléments d’une CEA (équipes TE, groupe AC). La sélection de leur personnel permet de réunir des combattants expérimentés, capables notamment d’effectuer la synthèse précise d’une situation tactique au profit d’un commandant d’unité se préparant à être engagé. Cela dit, ces structures restent des sections spécialisées et non des unités de forces spéciales. Afin de façonner efficacement ce nouvel outil, la brigade explore plusieurs pistes. Dans le domaine spécifique amphibie, la 6ème BLB conçoit un module d’apprentissage et d’entraînement en vue des actions préalables (renseignement), préliminaires (reconnaissance d’objectif) et d’accompagnement d’une telle opération5. Ainsi les personnels des SAED, outre leurs qualifications amphibies individuelles, pourraient être formés à la saisie et au contrôle, préalable au débarquement, d’un objectif d’intérêt GTIA ou brigade, à l’ouverture d’une tête de plage, ou à la relève des forces avancées6. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 Elle envisage aussi, dans un cadre plus général, le renforcement ponctuel de l’EEI ou de la BRB par une SAED pour combiner les effets tactiques. A plus long terme, il semble utile de réfléchir, en liaison avec le pilote de domaine combat de l’infanterie, à la sélection du personnel servant en SAED et à la mise en place de qualifications complémentaires voire d’un parcours professionnel. Dans cette optique, créer ou mutualiser certains stages (JTAC, anglais opérationnel, renseignement photo) pourrait aussi être opportun. Enfin, un catalogue de savoir-faire communs aux SAED, voire un module de formation générique (sur un principe d’UV à obtenir), pourraient être conçus. Ainsi la brigade souhaite accompagner la montée en puissance des SAED car elle considère que la création de ce type de structures, très polyvalentes, autonomes et particulièrement fiables, s’avère une opportunité opérationnelle à exploiter 1 EAU : Emirats Arabes Unis. 2 TF : task force 3 Références : INF 16.511 de 2002, et INF 36.501, en cours de validation à l’EI. 4 Dans la version provisoire de l’INF 36-501 il n’est pas envisagé d’employer les SAED au niveau de la brigade interarmes. C’est pourtant ponctuellement le cas, notamment en Afghanistan. 5 Sous les ordres du GTE (groupement tactique embarqué). 6 En appui des commandos marine (forces avancées) et des PCG (plongeurs de combat du génie), sans empiéter sur leurs domaines d’expertise. 6 T ÉMOIGNAGES L’ORGANISATION DE L’INSTRUCTION ET DE L’ENTRAÎNEMENT DANS LES RÉGIMENTS DE LA 6 BLB LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE EN GARNISON ÈME Colonel Stéphane PAU, Chef d’état-major de la 6ème BLB jusqu’à l’été 2011 S i l’entraînement actuel des unités partant sur le théâtre afghan dépasse de loin les standards jusque là connus en termes de moyens offerts et d’efficacité, cette concentration des efforts ne permet pas à ceux qui n’y partent pas d’en bénéficier à une hauteur équivalente. Les unités qui ne sont pas engagées dans ces MCP subissent alors nombre de contraintes dont on peut considérer qu’elles pourraient constituer des freins au maintien de leur niveau opérationnel si une attention vigilante de la brigade et des chefs de corps n’y était apportée. Ce constat doit donc être une invitation à repenser l’instruction et l’entraînement pour aller à l’essentiel. Les régiments de la 6ème BLB, à l’instar de ceux des autres brigades, font donc un véritable effort pour rentabiliser des moyens extrêmement comptés, tant d’espaces (Compagnies) que de matériels, pour maintenir avec succès un fond de sac opérationnel propre à chacune de leur spécificité. Si les objectifs peuvent être différents, les principes sont cependant communs à nos régiments et passent immanquablement par le drill inlassable pour que les actes simples soient parfaitement maîtrisés, par des procédures standardisées assurant une interopérabilité au sein des unités ou par une utilisation systématique de la simulation. L’état-major favorise ce mouvement rationnel d’instruction et d’entraînement, tout en s’appliquant les mêmes principes, en préservant autant que faire se peut l’initiative et l’imagination des régiments dans leurs garnisons. C’est à un tour d’horizon des méthodes employées et des expériences acquises que nous vous invitons à travers les pages qui suivent Lieutenant-colonel Valentin SEILER, Chef du BOI du 1er REC jusqu’à l’été 2011 L e principe de préparation opérationnelle différenciée et la mise en œuvre de la PEGP ont profondément modifié les conditions d’entraînement en garnison. A cet égard, le 1er REC s’est adapté aux circonstances, en faisant le choix de tirer le meilleur profit des outils de proximité et de porter l’effort de préparation opérationnelle avec moyens organiques sur le niveau du peloton, avec un défi majeur : comment maintenir le «fond de sac» ? Ainsi, en amont de l’entraînement interarmes dans les CPF1, le 1er REC a jeté les bases d’un dispositif souple et exhaustif pour optimiser l’instruction collective en garnison dans une logique de drill. Concrètement, les outils du régiment, regroupés en quatre catégories complémentaires, alimentent une banque de donnée partagée, qui s’enrichit au fur et à mesure du retour d’expérience. Fiches de procédures opérationnelles Les fiches de procédures ont pour but de standardiser les savoir-faire élémentaires individuels et collectifs dans les domaines techniques et tactiques. Classées selon un code simple en fonction de leur centre d’intérêt et de leur niveau (individuel, équipage ou peloton), elles permettent la mise en œuvre de procédures communes qui ont été éprouvées en exercice ou en opérations. A titre d’illustration, elles concernent des sujets très divers comme les check-lists de mise en œuvre de l’AMX 10 RCR, la procédure de désignation d’un objectif à un engin blindé, ou encore le hit and go2. 1 CPF : Centre de Préparation des Forces. 2 hit and go : faire feu puis changer de position. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 7 T ÉMOIGNAGES Mémentos Des mémentos ont été réalisés en fonction des besoins spécifiques du régiment. N’ayant naturellement pas vocation à se substituer aux documents doctrinaux en vigueur, ces mémentos ont pour but de regrouper un ensemble complet de données, d’abaques et de procédures connexes dans un document unique (mémento tactique du chef de peloton blindé, mémento du poste de commandement régimentaire, etc.). L’ORGANISATION DE L’INSTRUCTION ET DE L’ENTRAÎNEMENT AU 2 RÉGIMENT ÉTRANGER D’INFANTERIE E Lieutenant-colonel Hervé WALLERAND, Chef du BOI 2ème REI jusqu’à l’été 2011 L a préparation opérationnelle du 2e REI est à la convergence de trois contraintes et de cinq impératifs : Les contraintes : Plateforme de simulation Le régiment a expérimenté dès le début des années 2000 une plateforme de simulation SIR3-Romulus avec l’appui de l’école de cavalerie. Cette plateforme de simulation permet d’entraîner tous les niveaux du régiment (de l’équipage au PC régimentaire) sans moyens organiques grâce au SIT4 émulé ou avec moyens organiques déployés en garnison. A l’heure de la généralisation des espaces collectifs d’instruction NEB-simulation, le 1er REC se tient prêt à expérimenter des exercices de PC simulé multisites. ✓ la diminution du parc VAB, limité à une quinzaine en 2011 soit, pour une DTO1 moyenne de 70%, représente une dizaine d’engins disponibles pour conduire l’instruction et l’entraînement en garnison. ✓ la rigueur du budget dédié à l’instruction qui contraint le régiment à assurer une planification de plus en plus rigoureuse de ses activités. ✓ la diversité des TUEM2 à projeter selon les théâtres d’opération. Pour surmonter ces contraintes d’environnement, l’objectif permanent du 2e REI est d’optimiser l’emploi de ses moyens, personnels et équipements, pour renforcer sa capacité opérationnelle. Modules d’instruction Le régiment a développé un système de modules d’instruction. Le but est de donner un contenu cohérent et finalisé à l’instruction collective, avec des séquencestype à adapter aux circonstances. Ces modules concernent le domaine technique (utilisation et entretien des matériels majeurs), le tir canon (préparation des campagnes de tir canon et missile), l’aguerrissement au combat et la tactique de niveau équipage, patrouille et peloton. In fine, l’intérêt est de mettre à la disposition des capitaines commandant des outils clef en main sur lesquels ceux-ci peuvent utilement s’appuyer en vue de maîtriser les savoir-faire fondamentaux et développer des automatismes technico-tactiques qui ont été éprouvés 3 SIR : Système d’Information Régimentaire. 4 SIT : Système d’information Terminal. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 Les impératifs : ✓ l’intensité de la préparation, gage de bonne santé morale pour les cadres et légionnaires. ✓ l’efficience, qui passe par la gestion centralisée des moyens. ✓ l’optimisation des installations de proximité offertes par le camp des Garrigues. ✓ la standardisation de la méthode d’apprentissage des savoir-faire spécifiques3, pour combler aisément les lacunes d’effectifs lors des projections et renforcer la qualité du travail conjoint des unités en opération. ✓ la qualité : les enseignements de chaque exercice ou opération sont disséqués et exploités dans une base de données, et présentés en instruction cadres. Les anciens sont également sollicités pour témoigner. 1 DTO : Disponibilité Technique Opérationnelle 2 TUEM : Tableau Unique des Effectifs et des Matériels 3 Le BOI détient un catalogue complet de séances, un groupe peut donc être inséré d’emblée dans une autre section. 8 T ÉMOIGNAGES L’ORGANISATION DE L’INSTRUCTION ET DE L’ENTRAÎNEMENT AU 3 RAMA E Cette préparation opérationnelle s’articule sur deux Chef d’escadron Pierre NOUNAY Adjoint du chef de BOI du 3ème RAMa jusqu’à l’été 2011 axes : maintien des fondamentaux et préparation aux engagements planifiés4. Le maintien des fondamentaux repose sur l’entraînement des niveaux individuels et collectifs, selon la méthode suivante : ✓ acculturer les jeunes légionnaires au régiment et à leur spécialité infanterie pendant la FSI5, au sein d’une section aux ordres du BOI. ✓ driller les groupes, sections et compagnies dans tous les savoir faire élémentaires sous contrôle du BOI. ✓ former les chefs tactiques de contact jusqu’au commandant d’unité, notamment par la rédaction d’ordres dans des cas concrets6 restitués ensuite sur le terrain. La préparation aux engagements planifiés est conduite spécifiquement par chaque unité en veillant à respecter le parcours normé, et à réussir les MCP7 et VAP8, gages d’une préparation efficace. Mais c’est surtout sur la formation de ses cadres que le 2e REI porte l’effort, d’abord sur le plan théorique, par le biais d’exercices sur caisse à sable et sur ROMULUS9, puis sur le terrain. Trois missions fondamentales sont choisies chaque année et contrôlées du niveau groupe à la compagnie. En définitive, il s’agit pour le régiment de surmonter les contingences matérielles en menant un entraînement pragmatique, fruit de l’équilibre entre la nécessaire centralisation régimentaire et l’indispensable initiative laissée aux commandants d’unité, gage de succès au combat 4 Elle répond en cela aux directives fixées par le commandement. 5 FSI : Formation de Spécialité Initiale 6 Lesquels permettent de travailler l’enchainement mission brief-backbriefrehearsal. 7 MCP : mise en condition avant projection. 8 VAP : vérification avant projection. Par exemple, la MCP et la VAP sont à dominante amphibie quand la compagnie part à Djibouti. 9 ROMULUS : logiciel de simulation constructive, développé par SDFE. Cet outil permet de générer une situation terrain, et donc une situation tactique, permettant d’entraîner idéalement les commandants d’unité. L es appuis ont retrouvé toute leur importance et prouvent leur efficacité dans les récents conflits. L’artillerie notamment doit être en mesure d’appuyer, à tout instant, une unité engagée. L’entraînement interarmes reprend donc aujourd’hui toute sa place, tant dans la maîtrise des procédures que dans l’intégration à la manœuvre des unités appuyées. L’instruction individuelle et l’entraînement collectif dans un contexte interarmes sont la clé du succès dans ce domaine. L’instruction au 3ème RAMa revêt un aspect propre à tout régiment d’artillerie. En effet, le régiment est composé de systèmes d’armes différents aux missions très variées. Il dispose de deux batteries CAESAR/MORTIER destinées à l’appui au contact et dans la profondeur, d’une batterie SATCP1 capable de protéger un secteur dans la 3ème dimension, d’une batterie de renseignement brigade chargée de la recherche du renseignement dans les domaines ROHUM/RORAD/ROIM et ROEM2, la chaîne SIC assurant la rapidité de transmission des ordres. Les formations de spécialité initiale et élémentaire sont donc nombreuses et variées. Elles sont organisées et contrôlées par le BOI et décentralisées dans les unités afin de conserver des formations pratiques et réalistes. La section instruction du BOI veille à la cohérence d’un enseignement global et complet qui permettra au régiment de réaliser l’ensemble des missions confiées. Dans le droit fil de l’instruction dispensée, l’entraînement représente la phase d’acquisition de savoir-faire individuels et collectifs, suite logique amenant un groupe d’hommes donné à sa pleine capacité opérationnelle. Il est adapté au niveau concerné. Au quartier, la section est chargée d’approfondir les savoir-faire techniques et de répéter des gestes ou des actions sur un système d’armes, donc de maîtriser un fonctionnement technique et des procédures (salle ATLAS). L’emploi des simulateurs (SOTA3 pour les tirs sol/sol, NG44 pour l’unité sol/air) est incontournable afin d’acquérir les réflexes nécessaires. 1 SATCP : (missile) Sol-Air Très courte Portée. 2 ROHUM, ROIM, ROEM, RORAD : renseignement d’origine humaine, d’origine imagerie, d’origine, électromagnétique, d’origine radar. 3 SOTA : Simulateur d’Observation des Tirs d’Artillerie. 4 MISTRAL nouvelle génération 4 NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 T ÉMOIGNAGES 9 Quand les bases sont acquises, l’entraînement d’une unité ou du régiment se fait lors des «camps artillerie». Ce type d’exercice vise à déployer l’ensemble des systèmes et la chaîne de commandement associée, permettant une manœuvre globale qui sera facilement intégrable dans un ensemble interarmes. Les exercices de niveau brigade de type CENTAC5 ou CENZUB6 correspondent à la dernière phase de cet entraînement collectif en insistant particulièrement sur la capacité à évoluer dans un contexte interarmes. Là est bien l’objectif initial : l’unité d’artillerie est en mesure d’appuyer rapidement et efficacement les unités interarmes. De l’instruction initiale à l’entraînement collectif, le chemin est bien normé pour atteindre l’objectif fixé. Le drill reste la clé de la réussite. Car l’artillerie est l’un des éléments essentiels sans lesquels il est insensé d’envisager de conquérir un objectif 2 - Le changement culturel s’est donc opéré : Pas un pas sans appui ! 5 CENTAC : Centre d’Entraînement Au Combat 6 CENZUB : Centre d’Entraînement aux actions en Zone Urbaine LE 1 REG, « CONFIANT DANS L’AVENIR » L’effort se porte initialement sur la formation individuelle de spécialistes. Encadrée par des cadres de retour d’opération extérieure ou de mission de courte durée, elle vise à inculquer aux jeunes légionnaires les savoir faire indispensables à une intégration rapide au sein d’un groupe de combat et à la conduite de missions simples. Elle doit leur donner des bases solides pour être capables de débuter une MCP dès l’affectation en compagnie. Les déplacements s’effectuent désormais à pied. Ils ont le mérite de préserver nos équipements tout en aguerrissant nos unités. Ce mode d’action suppose cependant de dégager une marge de manœuvre temps plus importante au détriment d’autres activités. Après tout, ne faut-il pas au regard des retours d’expérience récents persévérer dans l’acquisition des fondamentaux tournant autour de l’aguerrissement, des MICAT1 et du combat débarqué ? De surcroît, l’essentiel des savoir faire génie reste mis en œuvre au travers des stages individuels, de l’appui des DIO2, des centres spécialisés et surtout des MCP adaptées aux théâtres. ER Lieutenant-colonel Tony MAFFEIS, Chef BOI 1er REG jusqu’à l’été 2011 L e 1er Régiment étranger de génie privilégie aujourd’hui l’entraînement de proximité. Fini le temps des exercices motorisés en terrain libre décidés la veille ! Désormais, place aux exercices à pied et à l’optimisation des moyens immédiatement à disposition. 1 - Le constat est simple : Le 1er REG est engagé dans une démarche, partant des contraintes matérielles, visant à maintenir un niveau de préparation opérationnelle lui garantissant la réussite de ses missions et la protection de ses légionnaires. Au-delà le 1er REG exploite les «parcours normés» mis en place par le CFT. Par exemple le passage au détachement d’assistance opérationnelle de Canjuers pour un départ en Afghanistan permet un entraînement interarmes dans des conditions extrêmement réalistes et enrichissantes. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 3 - Restons vigilants : C’est la raison pour laquelle le 1er REG s’inscrit systématiquement dans les exercices de type CENTAC, CENZUB et CEITO et ce pour toutes ses compagnies et spécialistes. Il s’appuie sur l’existant national tout comme sur son infrastructure qu’il doit préserver et développer à tout prix. Ainsi, le 1er REG a créé un parcours de lutte contre les EEI à disposition de toute la 6ème BLB (réaction de la section face à une embuscade complexe,…). De même le régiment cherchera à développer ses zones d’entraînement au combat en localité notamment dans son quartier et à les adapter aux évolutions permanentes du combat. Conscient des contraintes, le régiment privilégie aujourd’hui un entraînement de proximité. Au-delà, il espère pouvoir bénéficier d’une opération extérieure en Afghanistan permettant en définitive à deux compagnies de concrétiser leur préparation grâce aux moyens conséquents accordés par le CFT dans le cadre de la MCP et d’acquérir une plus grande expérience opérationnelle 1 MICAT : Mission Commune à l’Armée de Terre. 2 DIO : Détachement d’Instruction Opérationnelle. 10 T ÉMOIGNAGES PRÉPARATION DE L’ENGAGEMENT OPÉRATIONNEL À COURT TERME : LA MONTÉE EN PUISSANCE D’UNE UNITÉ AVANT UNE OPÉRATION MAJEURE. ENSEIGNEMENTS. Lieutenant-colonel Hervé WALLERAND, Chef BOI 2ème REI jusqu’à l’été 2011 L e 2ème régiment étranger d’infanterie a été désigné Enseignement n°3 : articulée en trois phases, en septembre 2008 pour armer la TF DRAGON en (individuelle décentralisée, collective centralisée et Afghanistan d’août 2009 à janvier 2010. Il a pu se validation avant projection), la MCP Afghanistan répond préparer dans d’excellentes conditions grâce à une bien à la loi fondamentale de l’instruction (progressive, standardisation de la mise en condition par le CFT même adaptée et contrôlée), d’autant qu’elle bénéficie de tous si, du fait de contraintes exogènes1, il a dû écourter d’un les moyens nécessaires. mois sa préparation. Cette montée en puissance de près de six mois a été jugée extrêmement utile et profitable. Il La phase individuelle décentralisée, consiste à instruire livre ici quelques enseignements de sa montée en les personnels par le biais de stages coordonnés puissance. (transmissions et anglais) et de stages décentralisés (stages régimentaires, permis, secourisme de combat, Enseignement n°1 : le GTIA qui suit la MCP est prêt à VAB TOP6, CAA7…). Cette formule est assez souple pour faire face à tout l’éventail des missions de contre- permettre au GTIA d’adapter son instruction à ses insurrection sur le territoire afghan. besoins. 2 La phase collective centralisée, intégrant les Enseignement n°2 : malgré la multiplicité des savoir- renforcements, peut être finalisée par un exercice du faire à développer, il faut adopter comme fil directeur le niveau SGTIA en terrain libre ou en camp. C’est la phase souci de s’entraîner à «faire parfaitement des choses dure de la MCP. Elle doit être intense car elle fonde la simples». Pour ce faire, il faut s’attacher à respecter cohésion du GTIA. trois grands principes : La phase de validation avant projection (VAP) n’est pas dans la main du GTIA : elle est menée au CENTAC pour ✓ Chaque personnel est un combattant capable les SGTIA et au CEPC8 pour le PC. C’est une bonne chose d’utiliser son arme, de secourir un camarade et car elle permet au GTIA de se concentrer sur sa d’évoluer sur le théâtre. projection. A cet égard, l’exercice synthèse type «JALALABAD» au CNAM9 et l’exercice «MASSOUD» sur ✓ Au combat, l’essentiel est de savoir réagir de façon JANUS sont très fructueux. réflexe à quelques situations génériques simples. L’instruction doit donc être conduite sous forme de Enseignement n°4 : au cours de la MCP, la brigade joue drill collectif. pleinement son rôle de facilitateur, notamment dans le domaine matériel ✓ Une mission réussie est préparée à l’aide des RETEX3 et de l’étude approfondie du théâtre. A ce titre, les contacts avec le DAO4 sont primordiaux, tout comme les reconnaissances sur place. Par ailleurs, outre les cours de l’EMSOME5, l’ensemble des officiers doit « s’imprègner des lieux » à travers des lectures (histoire et culture des populations notamment). 1 Les élections présidentielles en Afghanistan. 2 MCP : mise en condition avant projection. 3 RETEX : retour d’expérience. 4 DAO : détachement d’assistance opérationnelle (Canjuers). 5 EMSOME : Ecole Militaire de Spécialisation de l’Outre-Mer et de l’Etranger. 6 VAB TOP : (TOP = télé opéré) Véhicule de l’Avant Blindé équipé d’une 12,7 commandée de l’intérieur. 7 CAA : Contrôleur Air Avancé. 8 CEPC : Centre d’Entraînement des PC. 9 CNAM : Centre National d’Aguerrissement en Montagne (dissous en 2009). NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 R ÉFLEXIONS 11 Les blindés dans la manœuvre interarmes : entre réalité des engagements actuels et préparation des engagements futurs Lieutenant-colonel Valentin SEILER, Chef du BOI du 1er Régiment étranger de cavalerie jusqu’à l’été 2011 L Faire usage d’un spectre de capacités spécifiques Renforcer la culture interarmes aux plus petits échelons ment massif de l’infanterie, parfois Les matériels servis par les cavaliers En métropole, les centres perçu au détriment des blindés. La confèrent aux unités blindés, et ce, au d’entraînement collectif (CENTAC, doctrine des circonstances impose plus petit niveau, des capacités CENZUB) constituent le cadre idéal pour d’accepter cette situation. Il serait spécifiques sur lesquelles le chef développer l’intégration interarmes. cependant regrettable de passer à interarmes pour Cependant, le principe d’une école de la côté des fondamentaux en sous- emporter localement la décision à mêlée n’ayant pas été retenu, cette estimant la contribution des blindés à moindre coût humain. Au plan démarche vertueuse mériterait d’être la manœuvre interarmes. technique, l’engin blindé offre sans étendue plus largement en amont aux délais et sous blindage des capacités activités de préparation opérationnelle de neutralisation quasi-chirurgicales. en garnison, via des exercices de drill L’AMX10RCR dispose d’une forte simples de niveau DIA et des exercices puissance de feu par tout temps, avec de PC jusqu’au niveau GTIA. Il est en une capacité de destruction quasi- effet impératif de renforcer la culture instantanée, en limitant le risque de interarmes aux plus petits échelons afin Au sein de la mêlée, l’infanterie est dégâts collatéraux. La mitrailleuse de favoriser la complémentarité des naturellement placée en première coaxiale permet par ailleurs moyens, au risque de tomber dans le ligne sur le théâtre d’opérations d’appliquer des tirs d’une redoutable travers d’une logique d’exclusivité, afghan, en raison non seulement de la précision, en discriminant les objectifs. préjudiciable à la préparation des nature de l’adversaire, mais surtout Au plan tactique, outre les capacités engagements opérationnels futurs. du terrain de la zone d’action dans bien connues liées au choc par la laquelle sont actuellement déployées concentration des feux, les unités L’infanterie et la cavalerie blindée les forces françaises. Dans ce blindées vecteurs constituent les deux poumons de contexte, les cavaliers sont certes particulièrement aptes à la recherche l’intégration interarmes des troupes au engagés aux côtés des fantassins, du renseignement, la bascule rapide sol. Malgré les incantations, force est de mais à un niveau d’emploi du peloton, d’effort grâce au mouvement, et constater que la culture interarmes voire de la patrouille blindée. Cette surtout au commandement au contact n’est pas innée, tant nous restons, le atomisation des escadrons blindés d’une manœuvre interarmes grâce à la plus souvent, prisonniers de nos dans le cadre de l’emploi de modules richesse des moyens d’extrémité. cultures. Toute prédominance exces- ad hoc relègue souvent le cavalier à Cette aptitude peut faire l’objet d’un sive d’une composante appauvrit la un rôle d’appui d’une manœuvre usage intensif face à tout type réflexion interarmes et peut s’avérer, in débarquée, sous-exploitant de facto d’adversaire, y compris de type fine, préjudiciable à la préparation de les capacités intrinsèques des blindés. irrégulier en Afghanistan. l’avenir a spécificité du théâtre d’opérations afghan justifie incontestablement un engage- Ne pas limiter les blindés à un rôle d’appui d’une manœuvre débarquée NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 peut disposent compter de 12 R ÉFLEXIONS Fonction renseignement : les perspectives offertes par la BRB Lieutenant-colonel Vincent GUERRICABEYTIA, Chef du Bureau renseignement de la 6ème BLB L a création des batteries de Ensuite, la BRB peut être utilisée de supérieur. La mise en œuvre de renseignement de brigade, BRB1, manière décentralisée. Ainsi, la mise capteurs spécialisés doit, en effet, être des capteurs offre aux BIA « à disposition » d’un ou de plusieurs anticipée et bien coordonnée, en spécialisés jusque-là détenus par la capteurs être amont comme pendant la manœuvre. Brigade de Renseignement . Ces particulièrement adaptée au titre Ce travail commun entre différents nouvelles capacités d’acquisition tant d’un appui renseignement, comme niveaux devrait permettre de renforcer dans le domaine du Renseignement c’est déjà le cas sur le théâtre les liens au sein de la chaîne conversationnel, de l’Imagerie que de afghan. L’attribution de capteurs renseignement en opérations tant sur la Guerre électronique forment un outil spécialisés aux GTIA, soit pour une le plan personnel que dans la maîtrise précieux, qui contribue à la prise de phase spécifique, soit pour l’ensemble des procédures. décision du chef interarmes. d’une mission, est une avancée 2 3 aux GTIA peut significative qui offre à l’unité des Quelles sont donc les perspectives moyens propres de renseignement et offertes par cet outil ? d’alerte. Dans ce cadre, le chef bénéficiaire doit établir un dialogue Pour Tout d’abord, la BRB permet de permanent avec le DL de la BRB renseignement de brigade ouvre des réaliser une véritable manœuvre du détaché à son profit pour optimiser perspectives intéressantes pour la BIA Renseignement, avec un emploi l’emploi des moyens attachés. Le constituant une incontestable plus- centralisé des capteurs spécialisés : traitement des informations fournies value pour la brigade et ses unités en c’est la manœuvre multi capteurs par ces capteurs nécessite alors le matière d’acquisition du renseigne- permettant d’obtenir un rensei- renfort impératif du S2 par un ou ment. Elle confère en effet au chef gnement recoupé. Bien évidemment, plusieurs analystes du B25. interarmes une autonomie et une 4 5 pour combiner le plus efficacement Enfin, il apparaît nécessaire apportée par le personnel de la BRB d’impliquer davantage les B2 et les doit ces outils, avec une S2 dans la conception des opé- approfondie des rations. En effet, la BRB permet une capacités des capteurs et de leurs anticipation accrue, essence même normes d’emploi par le personnel de du renseignement, au profit de la la section « Opérations – Recherche » manœuvre d’ensemble. Si le chef de du B2. Dans cette perspective, la BRB est responsable de la gestion l’affectation en B2 de BIA d’un officier et de l’emploi de ses capteurs, le B2 ayant commandé une BRB doit être doit proposer au chef opérations une considérée très favorablement car manœuvre combinée de ses moyens cohérente et efficace. propres, voire de ceux du niveau aller de connaissance pair la batterie de liberté d’action accrues dans sa zone l’expertise possible conclure, 1 BRB : Batterie de Renseignement Brigade 2 BIA : Brigade Interarmées 3 Hormis les RASIT 4 DL : Détachement de Liaison 5 S2 : Le bureau renseignement de niveau régimentaire B2 : Le bureau renseignement de niveau brigade. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 R ÉFLEXIONS 13 Le rôle des plongeurs du 1er REG dans une opération amphibie et leur place au sein des forces avancées : l’aide à l’engagement Capitaine Damien VALLELIAN - BOI 1er REG I l est essentiel, lors d’une opération amphibie, qu’une fois le débarquement effectué, la force terrestre puisse rapidement entamer sa progression. Le CLF1 doit donc être renseigné au plus tard à H-92 sur la praticabilité de la plage et des axes de progression (reconnaissance des objectifs terrestres, fluviaux, renseignement milieu, reconnaissance EOD3). Apparaît donc le besoin d’intégrer au plus tôt des éléments Génie dans la manœuvre des FA4. Or, le régiment possède la capacité d’armer des détachements compétents dans les domaines du renseignement technique et de l’intervention sur engin explosif ou d’éventuels obstacles. Au sein des brigades amphibies, les PCG5 ont en effet cette capacité de s’infiltrer avec discrétion au sein des forces avancées. En outre, ils sont aguerris à l’utilisation de la majorité des vecteurs d’infiltration des forces avancées. Il ne s’agit pas d’acquérir leurs procédures mais de préserver l’effet de surprise de l’opération amphibie en limitant les mouvements, en s’engageant aux côtés des forces avancées, en profitant, si nécessaire, de leurs vecteurs. Les PCG peuvent en outre être mis à terre sur les arrières de l’adversaire, s’infiltrer par les voies fluviales. Ils en possèdent les qualifications. Ainsi, si l’opération amphibie pose au « terrien» un problème spécifique, celui de générer son propre renseignement avant le contact, l’emploi des PCG au sein des forces avancées permet d’y répondre. Ils constituent les « yeux du général ». Il importe désormais de préparer ce type d’opération en planifiant et en conduisant des entraînements avec ALFUSCO garantissant ainsi le succès de la 1re phase de ce type d’opération interarmées. Le 1er REG prépare aujourd’hui le regroupement des moyens nécessaires à la préparation du débarquement dans une seule compagnie : la compagnie d’appui. La FRE6 disposera ainsi de son génie armé par les compagnies de combat et ce dès son débarquement 1 CLF ou CLIF : Command Land Forces 2 H-9 : 9 heures avant le débarquement du 1er échelon. 3 EOD : Elément d’Observation et de Déminage/dépollution 4 FA : Forces Avancées 5 PCG : Plongeur de Combat du Génie 6 FRE : Force de Réaction Embarquée NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 14 R ÉFLEXIONS Action de la 6ème BLB dans le domaine de l’amphibie Lieutenant-colonel Martin CHAUVET Chef du centre des opérations amphibies - 6ème BLB G rande unité multi-rôles, la 6ème BLB est l’une des 2 brigades amphibies de l’armée de Terre. Regroupée à proximité de la façade méditerranéenne, la brigade dispose de ce fait d’un accès direct aux plateformes portuaires, lui permettant ainsi un déploiement sur court préavis. La brigade, certifiée amphibie depuis 2009, ne se cantonne pas à la seule mise en œuvre de ses capacités. Dans le domaine de l’amphibie, à l’instar de son implication en matière de NEB, l’action de la 6ème BLB consiste d’abord à acquérir1 et entretenir des savoir-faire individuels et collectifs (par exemple une forte participation récente de l’EM6 au CLIF EMERALDMOVE en 2010). Elle se prolonge ensuite comme force de proposition sur le plan doctrinal au profit du comité exécutif amphibie, à l’aune des enseignements majeurs tirés de ses activités amphibies, en matière de formation, d’emploi et d’organisation. Dans le domaine de la formation et de l’entraînement, le parcours de l’amphibien est désormais particulièrement bien identifié et parfaitement normé. Testé fin 2010 par le 21ème RIMa, un module TECHPHIB2 initial a été créé, afin que chaque marsouin, bigor ou légionnaire d’une brigade amphibie, reçoive une formation individuelle initiale adaptée, véritable point d’entrée dans le domaine. Validée par le dernier comité exécutif de mars 2011, cette action de formation intègre désormais l’instruction permanente pour amphibie. Par ailleurs, bénéficiant depuis peu de la création des SAED3 dans les régiments d’infanterie, la 6ème BLB mène une réflexion approfondie sur la formation, l’entraînement et l’emploi de ces sections dans le cadre des opérations amphibie. Ainsi, la 6ème BLB envisage d’employer les SAED en amphibie dans la conduite d’opérations préalables (renseignement), préliminaires (reconnaissance d’objectifs particuliers) ou d’accompagnement d’une opération amphibie, directement aux ordres du GTE pour une coordination plus simple. Dans ce contexte, leur formation devrait leur permettre de s’intégrer dans une UIP4, au sein des pre-landing forces, afin de mener la saisie préalable d’un objectif d’intérêt brigade par action 3D, d’ouvrir une tête de plage, de couvrir face à une direction particulière, de participer à la relève des forces avancées ou de saisir ou participer à la saisie de points-clé sur un axe de pénétration principal (carrefour principal sur la MSR5 par exemple). Ainsi, la 6ème BLB prépare, en lien avec les régiments concernés, la mise en place d’une semaine de formation spécifique amphibie pour les deux SAED de la brigade, dès l’automne 2011 à Toulon. 1 La brigade, comme la 9ème BLBMa, organise les stages SQOA (stage de qualification aux opérations amphibies) 1 et 2, et aura formé, sur le cycle 2010-2011, 207 stagiaires dont 144 hors 6ème BLB (30 9ème BLBMa, 65 marine nationale et 49 d’autres formations). 2 TECHPHIB : Technique amphibie, apprentissage individuel et collectif pour l’embarquement 3 SAED : Section d’Aide à l’Engagement Débarqué 4 UIP : Unité interarmées de plage 5 MSR : Main Supply Road NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 R ÉFLEXIONS 15 Dans le domaine de l’organisation, la brigade propose de regrouper la fonction PCG6 dans les deux brigades amphibies. Le module d’appui génie ainsi créé au sein de la CA7, regrouperait l’ensemble des éléments génie intervenant sur le point de débarquement, offrant une plus grande palette d’action et de moyens pour le CLF8, particulièrement pour le renseignement terrain que seuls les PCG peuvent lui apporter. Il permettrait de pallier plusieurs insuffisances et difficultés actuelles : ➢ insuffisance de l’unicité des moyens du génie pour l’appui au débarquement ; ➢ volume insuffisant des PCG du 1er REG et du 6RG pour être significatif dans les opérations amphibies ; ➢ couverture du domaine des riverine operations, (opérations en rivières à partir de la mer) bien identifié et bien armé par les nations amphibies de l’OTAN, mais inexploré et non attribué en France. Soucieuse de s’impliquer à la hauteur de ses ambitions et de ses responsabilités, la 6ème BLB se montre donc résolument proactive sur l’ensemble du spectre couvert par l’inter-domaine amphibie 6 PCG : Plongeurs de Combat du Génie 7 CA : Compagnie d’Appui des régiments de Génie 8 CLF : Commander Landing Force Comment pérenniser les acquis de la NEB ? Lieutenant-colonel Michel BRUSCO, Officier NEB 6ème BLB E ngagée sur la voie de la numérisation depuis 2004 la 6ème BLB a été certifiée en 2008. Depuis la brigade n’a eu de cesse de maintenir le niveau de maitrise de la mise en œuvre des systèmes et des procédures NEB. Comment pérenniser ces acquis ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord dresser un constat des difficultés rencontrées pour rester au niveau, puis présenter les solutions développées au sein de la brigade, et enfin réfléchir à des pistes pour aller plus loin dans son utilisation. Entreprise de longue haleine, la numérisation requiert un engagement fort de tous car ce processus demande une formation et un entraînement régulier. Avant de tout miser sur la numérisation, il est vital que chaque traitant d’étatmajor maîtrise les savoir faire indispensables de son niveau sur SICF1 ou SIR2. Cependant, à chaque Plan Annuel de Mutation, force est de constater qu’il est nécessaire de reprendre les bases et d’initier un cycle de formation pour les nouveaux arrivants afin que ces derniers puissent participer le plus rapidement possible aux exercices ou projections de la brigade. En cours d’année, il faut également faire face aux ruptures de rythme en termes d’entraînement liées aux projections sur des théâtres numérisés selon différents standards. 1 SICF : Système d’Information pour le Commandement des Forces. 2 SIR : Système d’Information Régimentaire. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 16 R ÉFLEXIONS Pour palier ces difficultés, la brigade a donc peu à peu développé des outils afin de poursuivre l’apprentissage et l’appropriation de la NEB. Sous la houlette d’un officier NEB dont le poste est désormais décrit au Document Unique d’Organisation, une structure permanente a été créée au sein même de l’état-major, incluant l’ensemble des bureaux et engerbant tous les aspects de la numérisation. Cette cellule nécessairement transverse couvre le spectre complet des problèmes de mise en œuvre de la NEB (de la cartographie numérique aux données quasi permanentes). L’officier NEB est également responsable de l’organisation de séances d’instruction afin de permettre aux utilisateurs de se maintenir à niveau. En opérations extérieures, les éléments de commandement de la brigade sont toujours déployés dans un environnement numérisé. La 6ème BLB cherche en permanence à utiliser au maximum les outils mis en place sur les différents théâtres même si sur certains théâtres l’armée de terre travaille à rendre les systèmes d’informations et de commandement interopérables avec les systèmes alliés (CENTRIXS3, AMN4 prochainement). Cet outil apparaît encore et toujours perfectible et l’état-major doit continuer à s’interroger sur les perspectives à venir. Par exemple la mise en synergie simulation et numérisation doit être développée. Les régiments de la 6ème BLB utilisent, depuis longtemps déjà, les outils de simulation instrumentée. Le centre ROMULUS5 au 1er REC et la mise en place des ECI NEB-SIMU6 dans les régiments d’infanterie apportent des solutions intéressantes. Ce type de plate-forme technique permet aux régiments de s’entraîner à moindre coût, en évitant de déployer sur le terrain des moyens comptés tout en restituant l’environnement NEB SIT/SIR. Il convient également de mener une réflexion sur l’adaptation nécessaire de l’outil au contexte stratégique. A titre d’exemple, le paragraphe ennemi de l’ordre d’opérations pourrait sans doute être repensé à l’aune des nouveaux défis. Ce paragraphe de l’ordre a été conçu sur un schéma d’ennemi organisé de manière conventionnelle. Aujourd’hui les chefs tactiques doivent souvent faire face à un ennemi organisé en réseau. Il semble donc pertinent de nous interroger sur notre capacité à appréhender cet ennemi et à le représenter dans le système SICF. De même, il serait sans doute utile de réfléchir à la conception d’ordres de type graphique sur SICF (« OVERLAY ORDER ») rapidement transmissibles et exploitables, afin de gagner des délais. Du reste, la brigade participe aux différentes réunions sur la NEB, avec notamment la STAT et le CFT, afin de contribuer à la simplification et à l’amélioration de la convivialité des différents systèmes. En conclusion, la brigade reste pénétrée de l’importance de la NEB, qui offre au chef tactique comme aux échelons intermédiaires une meilleure intelligence de situation, et la capacité de transmettre des ordres rapidement. Il s’agit maintenant de continuer à réfléchir à l’évolution de l’outil comme des savoir-faire tactiques tout en s’entraînant avec assiduité. C’est un défi permanent que la 6ème BLB s’attache à relever dans le cadre d’un programme ambitieux d’exercices numérisés s’appuyant sur les ECI NEB - SIMU de ses trois régiments de mêlée 3 CENTRIXS : Combined ENTreprise Regional Information Exchange System (système de transmission type INTRATERRE mais niveau NATO SECRET, utilisé en AFGHANISTAN) 4 AMN : Afghan Mission Network. 5 ROMULUS : logiciel de simulation constructive, développé par SDFE. Cet outil permet de générer une situation terrain, et donc une situation tactique, permettant d’entraîner idéalement les commandants d’unité. 6 ECI NEB SIMU : Espace collectif d’instruction Numérisation espace de bataille simulation. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 R ÉFLEXIONS 17 Simulation et numérisation, exemples et perspectives Chef d’escadrons Alain VENDE, Bureau emploi 6ème BLB A l’heure des moyens contraints et de la préparation en garnison, la simulation, représentation modélisée de la réalité, offre une alternative de qualité à l’instruction et l’entraînement traditionnels. Dans ce domaine, la 6ème BLB vise d’une part à mettre en synergie les outils existants, d’autre part à dépasser l’approche technique et à envisager la simulation sous un angle d’emploi pour, in fine, optimiser ses moyens. En effet, les unités de la brigade veillent à optimiser l’emploi d’un parc de matériels comptés, dont chaque sortie doit être rentabilisée. En outre, elles sont tenues d’optimiser la ressource humaine et de capitaliser sur chaque heure d’entraînement. A cet égard, celui des structures de commandement, contraintes par les multiples missions, est un enjeu crucial. Face à ces défis, l’emploi de la simulation, grâce au déploiement des ECI NEB-SIMU1, dans les régiments de mêlée pour l’instant, offre un triple avantage : • S’affranchir des matériels organiques : les ECI NEB-SIMU sont des plates formes informatiques en réseau dédié, permettant d’utiliser différents logiciels. Il n’est donc plus nécessaire de disposer d’un véhicule pour faire fonctionner SIR, SIT ou SITEL2. • S’affranchir des contraintes financières : ces platesformes permettent de conduire l’auto entrainement en garnison, donc de réduire les frais de déplacement et d’usure des matériels. Les logiciels sont en général produits par les centres de simulation de la SDFE3. • Gagner en souplesse et réactivité : disposant de son propre outil, le régiment peut exploiter plus facilement toute évolution de programmation. Dans le domaine de la simulation, la 6ème BLB cherche à exploiter une fenêtre d’opportunité : elle disposera, avant la fin 2011, d’ECI NEB-SIMU dans chacun des régiments de mêlée lui permettant de faire travailler plusieurs échelons NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 de commandement en environnement NEB, avec un nombre réduit de matériels organiques. Dans ce cadre, ses objectifs sont les suivants : ➢ Favoriser la préparation opérationnelle en garnison des niveaux 3 à 6 ; ➢ Développer une synergie brigade ; ➢ Passer d’une vision technicienne de l’outil à une vision d’emploi ; ➢ Faire partager le concept. Déjà l’exercice ANTARES du 2ème REI d’octobre 2010 s’était appuyé sur l’ECI NEB-SIMU du 1er REC, selon le schéma suivant : ANIMATION HAUT CIBLE PC 6e BLB Moyens organiques SICF en salle BOI du 1er REC PC 2e REI Moyens organiques déployés sur le terrain ANIMATION ECI NEB-SIMU du 1er REC BAS Moyens de simulation. Cette articulation a permis de concevoir un exercice complet du SITEL au SICF4 pour le régiment. Cet exemple conduit l’état-major de la 6ème BLB à vouloir aller plus loin : un groupe de travail a été constitué pour réaliser un premier exercice d’auto-entrainement des niveaux 3 à 6, en garnison, s’appuyant sur le déploiement des ECI NEB-SIMU, pour la partie ANI BAS. Il devrait se concrétiser avant l’été 2012 1 ECI NEB-SIMU : Espace collectif d’instruction Numérisation espace de bataillesimulation. 2 SITEL : Système d’Infirmation Terminal Elémentaire. 3 SDFE : Sous Direction de la Formation et des Ecoles. 4 SICF : Système d’Information pour le Commandement des Forces. 18 R ÉFLEXIONS L’emploi de la section de combat du génie en combat en zone urbaine : DIA ou organique ? Capitaine Thomas DIAMANTIDIS, commandant la 3/1REG jusqu’à l’été 2011 L a section de génie combat est employée en zone urbaine au sein d’un SGTIA à dominante infanterie le plus fréquemment. Sa mission est d’appuyer les unités de mêlée. Son articulation va donc dépendre des besoins et des missions du SGTIA. La multiplicité des fronts, la menace omnidirectionnelle, la difficulté des déplacements, et le maintien du rythme indispensable à la réussite de la mission conduisent naturellement les éléments interarmes à privilégier l’emploi systématique du DIA afin d’assurer un appui génie au plus près de l’action principale et dans tous les secteurs du combat. Cette articulation rigide à base de DIA systématique a pour effet de « diluer » l’action du génie, rendant difficile la création d’un effort génie. Si le DIA a sa raison d’être dans certaines circonstances, il importe de choisir l’articulation de la section génie en fonction de la phase du combat. Il faut en effet distinguer les phases offensives des phases défensives. Au vu des deux dernières rotations au CENZUB effectuées par la 3ème compagnie, les enseignements tirés sont qu’une phase offensive nécessite l’emploi du DIA et qu’une phase défensive impose d’utiliser la section génie en organique. En phase offensive, le chef de section génie veillera néanmoins à toujours conserver un élément réservé à ses ordres pour être en mesure de faire face à tout incident, à une forte attrition ou à une situation qui nécessiterait un effort génie particulier. Cette articulation semble être la plus efficace et la plus fréquemment utilisée. Elle apporte une réponse souple et réactive aux exigences du combat en zone urbaine, tout au moins à celles qui sont mises en avant lors des exercices de synthèse au CENZUB. Ecrire ce genre de règles est valable dans le cas particulier du village du CENZUB, et ne se prête pas à tous les tissus urbains. Dans certains cas, une position conservée est pertinente. En revanche les phases défensives nécessitent la plupart du temps de maintenir la section de combat du génie en organique. C’est également une tendance générale. Il est dangereux de l’ériger en principe, car cela tue le dialogue interarmes, et donc le rôle du chef de section qui se doit de raisonner tactiquement et de conseiller le chef IA avec un temps d’avance. TOUTE ARTICULATION DOIT ÊTRE LE FRUIT D’UNE RÉFLEXION. C’est la seule règle valable. Même si effectivement des tendances se dégagent, il est dangereux de mettre des schémas types à l’esprit. Le détachement d’emblée est effectivement la solution de simplicité qui nie toute réflexion préalable à l’action. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 R ÉFLEXIONS 19 En effet le premier temps de toute phase défensive est celui de la réalisation d’un plan d’obstacles pour valoriser le terrain et entraver l’action ennemie. Durant ce temps les groupes, renforcés de MPG, travaillent à la création des obstacles aux ordres du chef de section génie, appuyés par les sections d’infanterie ou les pelotons blindés. Une fois que le système d’obstacles est mis en place, la section génie est en mesure de se voir confier une zone à contrôler ou d’être employée comme élément réservé du SGTIA. Il est également possible, en fonction des obstacles préparés, de détacher des équipes pré-positionnées avec les sections d’infanterie pour activer des destructions préparées. En conclusion, les scénarii au CENZUB imposent des articulations prévues à l’avance mais l’application de structures toute faites comporte clairement un risque de diminuer l’importance de la réflexion tactique qui doit être permanente, au détriment d’automatismes néfastes à la fois à la qualité du combat et au rôle « efficient » des appuis. L’articulation en DIA ne doit donc pas être systématique. N’oublions pas qu’un bâtiment longuement occupé par l’adversaire sera probablement fortement piégé, miné. Dans ce cas, seule une section organique pourra garantir efficacement le franchissement des obstacles. Dans le cas contraire, il faut envisager l’engagement d’un plus grand nombre d’unités génie dans ce type de combat Comment employer en synergie la BRB, l’EEI et l’EAE : orientations générales et perspectives concrètes Capitaine Arnaud BRECHIGNAC, commandant la BRB6, jusqu’à l’été 2011 en liaison avec le Capitaine Clément NOEL, commandant l’EEI6, et le Capitaine Bertrand DIAS, commandant l’EAE du 1er REC D epuis 2008, la 6ème BLB a vu la mise sur pied de deux nouveaux types d’unités de combat : l’EAE1 du 1er REC et la BRB62. Alors que s’achève leur montée en puissance, on peut se demander dans quelle mesure la mise en synergie de ces nouveaux moyens, avec ceux de l’EEI63, peut apporter une plus-value intéressante. 1 EAE : escadron d’aide à l’engagement. 2 BRB : batterie de renseignement brigade de la 6ème brigade légère blindée. 3 EEI : escadron d’éclairage et d’investigation de la 6ème brigade légère blindée. NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011 20 R ÉFLEXIONS De fait, ces trois unités très modulables semblent complémentaires. L’EAE et l’EEI6 sont deux pions de manœuvre très mobiles, le premier se distinguant par sa capacité antichar accrue, (le rendant apte au combat de rencontre et à la déception), le second par son aptitude au combat et au renseignement. Aux ordres du GTIA4, l’EAE se compose d’un peloton d’appui direct et de trois pelotons de reconnaissance et d’intervention antichar dont l’un dispose d’une double qualification MILAN/HOT. L’EEI6, aux ordres de la brigade, dispose pour sa part de trois pelotons d’éclairage et d’investigation. La création de la BRB6 vient élargir les capacités renseignement de la brigade grâce à ses capteurs humains (ROHUM-C) et techniques (ROIM, ROEM, RORAD5) dont l’emploi est coordonné par le B2. Ne disposant que d’une capacité d’autodéfense, les moyens de la BRB peuvent être adaptés à l’EEI en fonction de la permissivité du théâtre, ou éventuellement se voir détacher des éléments d’une SAED6. Ces trois unités apportent donc une véritable plus-value à la brigade par leur capacité de renseignement et de destruction. En effet, le renseignement fourni par la BRB ou par l’EEI peut être exploité par le feu de l’EAE. C’est l’esprit du SGTIA blindé créé en Afghanistan sur la structure de l’EEI6 au printemps 2009 au sein du 2ème REI. Du reste, depuis la dissolution de la CAC74, l’EAE trouve toute sa place dans des missions de reconnaissance, de harcèlement, de bouclage de zone par exemple où ses capacités anti-char seront essentielles. Son aptitude à mener un combat de rencontre avec des blindés lourds reste toutefois limitée. Se plaçant à des niveaux d’emploi différents - EEI celui de la brigade et EAE celui d’un GTIA à dominante blindé - il s’agit de réfléchir à la complémentarité de leurs capacités respectives dans certains types de mode d’action. Pour la première fois, la 6ème BLB pourrait être projetée en structure homogène en Afghanistan en 2013. Elle y déploiera deux GTIA infanterie renforcés, au niveau SGTIA, d’un peloton blindé, et de ses appuis génie, artillerie et renseignement organiques. Cela pourrait être l’occasion de tester la mise en œuvre du triptyque EEI-EAE-BRB en proposant de déployer, en renfort des unités d’infanterie, un SGTIA à dominante renseignement. Celui-ci serait constitué par l’EEI renforcé de moyens de la BRB, ou bien par l’adaptation des moyens de l’EAE et de l’EEI aux deux GTIA, renforcés de ceux de la BRB 4 GTIA : groupement tactique interarmes. 5 ROHUM-C, ROIM, ROEM, RORAD : renseignement d’origine humaine conversationnelle, d’origine imagerie, d’origine, électromagnétique, d’origine radar. 6 SAED : section d’aide à l’engagement débarqué. 7 CAC : compagnie antichar NUMÉRO 45 • DÉCEMBRE 2011