Leishmaniose canine dans le Rif \(côte méditerranéenne marocaine

Article available at http://www.parasite-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/parasite/2003101p77
LEISHMANIOSE CANINE DANS LE RIF (CÔTE MÉDITERRANÉENNE MAROCAINE) :
ENQUÊTE SÉRO-ÉPIDÉMIOLOGIQUE
RAMI M.*, ATARHOUCH T.**, SABRI M.*** CADI SOUSSI M.***, BENAZZOU T.* & DAKKAK A.**
Summary:
CANINE LEISHMANIASIS IN T H E RIF MOUNTAINS ( M O R O C C A N
MEDITERRANEAN C O A S T ) : SERO-EPIDEMIOLOGICAL SURVEY
A sero-epidemiological survey has been conducted in several
localities of the province of Nador to investigate canine
leishmaniasis in the North-Eastern slope of the Rif mountains
(Mediterranean coast of Morocco). Serum samples collected from
2 5 7 dogs were analysed using indirect fluorescent antibody test
(IFAT) and enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA) to detect
anti-Leishmania infantum antibodies. Forty eight (1 8.7 %) of the
screened dogs were IFAT positive and 5 4 (21.0 %) were ELISA
positive; the concordance of the two methods was 96.1 %. The
prevalence of infection is significantly higher in dogs more than
four years of age whereas no significant difference in prevalence
of infection was seen between males and females. The frequent
symptoms observed in seropositive dogs were the enlargement of
lymph nodes (57.4 %), emaciation (51.9 %) and skin involvement
(25.9 %). However, 3 8 . 9 % of those dogs showed no one of the
major symptoms of visceral leishmaniasis. Leishmania isolated from
three of the examined dogs was identified as L. infantum M O N - 1 .
These results show that the North-Eastern slope of the Rif mountains
is one of the most active Mediterranean areas of visceral
leishmaniasis and confirm that the dog is the main reservoir of
L. infantum.
K E Y W O R D S : leishmania infantum, dog, seroprevalence, Mediterranean coast,
Morocco.
Résumé :
Dans le but d'évaluer la situation de la leishmaniose canine dans
le foyer situé dans le versant Nord-Est de la chaîne montagneuse
du Rif, une enquête séro-épidémiologique a été menée dans
différentes localités de la province de Nador (côte
méditerranéenne marocaine). Des échantillons de sérum collectés
sur 257 chiens ont été analysés par les techniques
d'immunofluorescence indirecte (IFI) et d'enzyme-linked
immunosorbent assay (ELISA) pour détecter les anticorps antiLeishmania infantum. Les résultats montrent que 48 (18,7 %) des
chiens examinés sont positifs en IFI et 54 ( 2 1 , 0 %) le sont en
ELISA ; la concordance des deux méthodes étant de 96, 1 %.
D'autre part, le taux d'infection est significativemenl plus élevé
chez les chiens âgés de plus de quatre ans et ne dépend pas du
sexe de l'animal. Les symptômes les plus fréquemment relevés sur
les chiens séropositifs sont la polyadénite (57,4 %), l'amyotrophie
( 5 1 , 9 %) et les lésions cutanéo-muqueuses( 2 5 , 9%). Cependant,
38,9 % de ces mêmes chiens ne présentent pas de symptômes
pouvant évoquer la leishmaniose. Des Leishmania isolées sur trois
des chiens examinés ont toutes été identifiées comme étant
L. infantum MON-1. Ces résultats montrent que le versant Nord-Est
des montagnes du Rif est l'un des foyers les plus actifs de
leishmaniose viscérale dans le pourtour méditerranéen et
confirment le rôle que joue le chien comme principal réservoir de
L. infantum.
MOTS CLES : Leishmania infantum, chien, séroprévalence, côte méditerranéenne,
Maroc.
INTRODUCTION
lutif du parasite. Chez le chien, les leishmanies se locasystème d e s
phagocytes
D
m o n o n u c l é é s et provoquent des troubles
immunopa-
lisent dans les cellules du
ans le bassin méditerranéen,
viscérale due à L. infantum
la leishmaniose
constitue une z o o -
thologiques liés au processus d'auto-immunité
et à la
familiaris)
est le
formation de c o m p l e x e s immuns (Chang et al., 1 9 8 5 ) .
1985 ; Bettini et
Gradoni,
Malgré la forte incidence c h e z l'espèce canine, les cas
1 9 8 6 ) . La transmission d e l'infection se fait par l'inter-
humains recensés restent relativement rares. Cependant,
médiaire des p h l é b o t o m e s ( D i p t e r a , psycbuclidae)
a v e c l'avènement de la p a n d é m i e d e SIDA, les foyers
n o s e dont le c h i e n (Canis
principal
réservoir (Bray,
qui
jouent le rôle de vecteur b i o l o g i q u e dans le cycle é v o -
situés en
Europe
méditerranéenne
connaissent
une
recrudescence de la leishmaniose viscérale humaine qui
se c o m p o r t e c o m m e une infection opportuniste
* D é p a r t e m e n t d e Biologie. Faculté d e s S c i e n c e s , Université Moham e d V, Rabat,
Maroc.
n o m i q u e et V é t é r i n a i r e H a s s a n II, B P 6 2 0 2 . Rabat-Instituts. M a r o c .
Faculté d e Médecine
m a c i e , U n i v e r s i t é M o h a m e d V, R a b a t .
Maroc.
C o r r e s p o n d a n c e : Pr. A. D a k k a k .
Tél.
: 212 37 77 6 4 3 2 - Fax : 212 37 77 6 4 32.
E-mail :
[email protected]
Parasite, 2 0 0 3 , 10, 7 9 - 8 5
( B o u r g e a d e et al,
chez
1994).
Le premier cas de leishmaniose c a n i n e au Maroc fut
** D é p a r t e m e n t d e Parasitologie et M a l a d i e s Parasitaires. Institut Agro*** L a b o r a t o i r e d e P a r a s i t o l o g i e ,
les sujets immunodéprimés
et d e Phar-
déclaré e n 1932 ( J e a u m e , 1 9 3 2 ) . Ce n'est,
que
cependant,
durant les d e u x dernières d é c e n n i e s q u e
cette
maladie a suscité un regain d'intérêt et a fait l'objet
d'investigations
épidémiologiques
dans
plusieurs
régions du Nord du pays (Rioux, 1 9 9 9 ) .
Note de recherche
79
RAMI M., ATARHOUCH T., SABRI M. ETAL.
Depuis les quinze dernières années, le nombre de cas
rapportés par les vétérinaires praticiens du secteur privé
et c e u x diagnostiqués par le Département de parasitologie et maladies parasitaires de l'Institut agronomique
et vétérinaire Hassan II de Rabat ne cesse d'augmenter.
Par ailleurs, bien que sporadiques, les cas humains de
leishmaniose viscérale recensés, ces dernières années,
surtout au front Nord du Maroc, laissaient prévoir l'existence de foyers actifs de leishmaniose canine dans cette
partie du pays. Lors d'une enquête épidémiologique
effectuée dans la région de Taounate située sur le versant Sud de la chaîne montagneuse du Rif, GuessousIdrissi et al. (1997) ont rapporté chez le chien une séroprévalence moyenne de 16,3 %. Dans une autre étude
réalisée dans cinq provinces du Nord du Maroc mais
n'incluant pas la région d'étude du présent travail, Nejjar
et al. (1998) ont enregistré une séroprévalence de 8,6 %.
La présente étude a été réalisée dans la province de
Nador qui est l'une des régions du Maroc où un grand
nombre de cas de leishmaniose viscérale humaine est
enregistré c h a q u e année. En effet, sur une période de
10 ans ( 1 9 8 7 et 1 9 9 6 ) , soixante et un cas ont été
recensés, soit plus de 15,25 % du nombre total de cas
d é c l a r é s dans tout le pays (Ministère de la Santé
publique, 1998). L'enquête séro-épidémiologique, basée
sur l'utilisation de d e u x m é t h o d e s immuno-sérolog i q u e s : l ' i m m u n o f l u o r e s c e n c e i n d i r e c t e ( I F I ) et
l'enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA), a été
m e n é e pour évaluer la situation de l'infection canine et
contribuer à l'analyse épidémiologique du foyer rifain.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
RÉGION D'ÉTUDE
B
ordée par la Méditerranée au Nord, la province
de Nador se situe sur le versant Nord-est de la
chaîne montagneuse du Rif et constitue une zone
de transition avec le domaine oriental du Maroc. L'étude
a été réalisée dans 10 des 42 communes rurales qui composent cette région (figure 1). La pluviométrie y est assez
faible et ne dépasse guère 500 mm/an ; la période
humide s'étalant de décembre à avril. La température
moyenne annuelle est de 17° C ; la moyenne des maxima
du mois le plus chaud (Août) atteint 40° C alors que celle
du mois le plus froid (Janvier) descend jusqu'à 2° C. La
région est partagée entre deux étages bioclimatiques :
un climat semi-aride au niveau du littoral et des zones
d'altitude et un climat aride dans les plaines intérieures.
DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE
ET ANIMAUX EXAMINÉS
D a n s plusieurs douars ( a g g l o m é r a t i o n s rurales de
quelques centaines d'habitants) de la zone d'étude, les
80
Fig. 1. - r é g i o n d ' é t u d e ( • ) = c o m m u n e s c o n c e r n é e s p a r l ' e n q u ê t e .
chiens q u e les habitants déclarent posséder, bien q u e
vivant e n "semi-errance", sont rassemblés, identifiés et
font l'objet d'un e x a m e n clinique axé sur la recherche
des symptômes de la leishmaniose, d'une prise de
sang et, lorsque les symptômes relevés laissent suspecter la maladie, d'une ponction du ganglion poplité.
Au total, 257 chiens ont ainsi été examinés.
Les sera recueillis à partir des culots plasmatiques sont
acheminés au laboratoire et conservés à - 20° C. Les
produits des ponctions ganglionnaires servent à la fois
à la confection de frottis colorés au May-GrunwaldGiemsa et à l'isolement du parasite par ensemencement
sur un milieu NNN.
SOURCE DE L'ANTIGÈNE
L'antigène est préparé à partir d'une s o u c h e locale de
L. infantum
isolée sur un des chiens exami n é s . Il
s'agit d'une s o u c h e MON-1, dont l'identification a été
réalisée par typage e n z y m a t i q u e par nous m ê m e s
(Cadi Soussi et Sabri, 2 0 0 1 ) et par le Centre d'Étude
sur le Polymorphisme de l'Institut de R e c h e r c h e et
Développement (IRD) de Montpellier (Dr M. Tibayrenc,
Communication personnelle).
Pour produire l'antigène en grande quantité, le parasite a été mis en culture dans du RPMI enrichi avec
10 % de sérum fœtal de veau. Les promastigotes sont
Note de recherche
Parasite, 2 0 0 3 ,
10, 7 9 - 8 5
LEISHMANIOSE CANINE DANS LE N O R D D U MAROC
récoltés par centrifugation puis lavés dans une solution de NaCl 0,15 M.
M É T H O D E S IMMUNO-SÉROLOGIQUES
• IFI
Le test IFI a été réalisé selon le protocole décrit par
Lanotte et al. ( 1 9 7 4 ) . Un volume de 20 µl d'une solution d'antigène, contenant 5,10° promastigotes/ml, est
d é p o s é dans c h a q u e puits d'une lame à revêtement
Téflon. L'antigène est ensuite fixé par immersion dans
un bain d'acétone pendant 10 minutes. Après incubation des sera dilués, un anti-sérum de chien marqué
à la fluorescéine (Nordic I m m u n o l o g y ) , dilué à 1/50,
est appliqué. Les sera sont d'abord testés à la dilution
1/20 et, dans le cas des sera trouvés positifs à c e titre,
la dilution est poussée par progression géométrique de
Fig. 2. - D i s t r i b u t i o n d e s titres d ' a n t i c o r p s e n IFI o b t e n u s c h e z la
population canine examinée.
2 jusqu'à 1/10 2 4 0 . Les sera dont le titre est supérieur
ou égal à 1/160 sont considérés positifs.
•
Positifs
ELISA
La méthode immunoenzymatique a été réalisée selon le
Nombre de
Positifs IFI
ELISA
Communes
chiens examinés
(%)
(%)
protocole décrit par Okong'Odera et al. ( 1 9 9 3 ) . L'antig è n e utilisé est un extrait soluble obtenu par sonication
de promastigotes. Après sensibilisation de la plaque de
Béni Marghanine
22
8 (36,4)
Tafarsite
15
5 (33.3)
9 (40,9)
6 (40,0)
Ben Taïeb
10
3 (30.0)
3 (30,0)
microtitration par l'antigène dilué dans du tampon car-
B é n i Sidel Louta
11
bonate-bicarbonate (pH 9 , 6 ) , à raison d'une concentra-
Driouch
33
3 (27,3)
7 (21.2)
3 (27,3)
8 (24.2)
tion protéique de 1 µg/puits, les sera, préalablement
Azlaf
19
4 (21,1)
4 (21.1)
B é n i Sidel J b e l
30
6 (20,0)
6 (20.0)
Ait Mâit
35
5 (14,3)
6 (17,4)
8
1 (12.5)
1 (12.5)
8 (10,8)
dilués à 1/400, sont mis en incubation ; c h a q u e échantillon est préparé en duplicata. Un sérum de lapin anti-
Dar Kabdani
IgG de chien conjugué à la peroxydase (Nordic Immu-
Tsaft
74
nology), dilué à 1/1000, est ensuite ajouté. La réaction
Total
257
est révélée par l'adjonction d'un substrat c h r o m o g è n e :
l'orthophényldiamine.
La détermination de la densité
optique ( D O ) se fait à 492 nm dans un lecteur de
6 (8.1)
54 (21.0)
48 (18,7)
T a b l e a u 1. - S é r o p r é v a l e n c e de la l e i s h m a n i o s e c a n i n e d a n s les diff é r e n t e s l o c a l i t é s d e la r é g i o n d ' é t u d e ( r é g i o n d e N a d o r sur la c ô t e
m é d i t e r r a n é e n n e du M a r o c ) .
plaques ELISA (Titertek Multiscan PLUS).
Le seuil de positivité a été déterminé à partir des D O
o b t e n u e s c h e z un lot de
107 c h i e n s c l i n i q u e m e n t
Les deux c o u r b e s se rencontrent au niveau du titre
indemnes, provenant de la région de Rabat reconnue
1/80.
indemne de leishmaniose et dont les e x a m e n s de frottis
Sur les 257 c h i e n s e x a m i n é s , 4 8 ( 1 8 , 7 % ) se sont révé-
ganglionnaires ont tous été négatifs. En supposant q u e
lés positifs en IFI et 54 ( 2 1 , 0 % ) en ELISA (tableau I).
ces valeurs de D O suivent u n e distribution de
L'enzootie affecte des chiens provenant de toutes les
type
normal, la valeur seuil adoptée est de 0,32. Ce seuil cor-
localités c o n c e r n é e s par l'enquête avec une
respond
l e n c e qui d é p a s s e partout 10 %. La fréquence la plus
à la m o y e n n e des D O plus 2,6 fois l'écart
préva-
é l e v é e atteint 4 0 , 9 % ( c o m m u n e de B e n i Marghanine).
type et devrait ainsi, inclure 9 9 % des vrais négatifs.
L'étude comparative des titres d'anticorps
déterminés
en IFI et des D O o b t e n u e s en ELISA (figure 3 ) montre
ANALYSE STATISTIQUE
une b o n n e corrélation avec une concordance de 96,1 %
2
L'analyse statistique a été réalisée en utilisant le test χ .
entre les d e u x tests. Sur 2 0 9 sera négatifs en IFI, 201
Une différence est considérée significative si P < 0,05.
(96,2 % ) se sont montrés également négatifs en ELISA,
alors q u e 4 6 de 4 8 sera positifs en IFI ( 9 5 , 8 % ) ont
d o n n é le m ê m e résultat en ELISA.
RÉSULTATS
Aucune différence significative n'a pu être mise en évid e n c e entre le taux d'infection des femelles ( 2 1 , 9 % )
L
a répartition de la population canine e x a m i n é e en
et celui des mâles ( 2 0 , 3 % ) . Par contre, la distribution
fonction des titres d'anticorps obtenus en IFI mon-
de la séroprévalence en fonction des classes d'âge
tre une distribution de type bimodale (figure 2 ) .
montre une augmentation significative de la fréquence
Parasite, 2 0 0 3 , 10, 7 9 - 8 5
Note de recherche
81
Fig. 3. - C o m p a r a i s o n d e s résultats d e s tests IFI et ELSA.
de la maladie à partir de l'âge de quatre ans. En effet,
n e dépassant pas 11,1 % chez les chiens âgés de moins
de deux ans, la prévalence atteint 28,6 % c h e z c e u x
âgés de quatre ans et plus.
Le bilan des e x a m e n s cliniques révèle q u e sur les
54 chiens séropositifs en test ELISA, 31 ( 5 7 , 4 % ) présentent une hypertrophie des ganglions lymphatiques,
28 ( 5 1 , 9 % ) u n e amyotrophie et 14 ( 2 5 , 9 % ) des
signes c u t a n é o - m u q u e u x (dépilations, dermite furfuracée et ulcérations essentiellement). D'autres symptômes ont été o b s e r v é s mais a v e c des fréquences
plus faibles : o n y c h o g r i p h o s e ( 2 2 , 2 % ) et kératoconjonctivite ( 4 % ) . Enfin, 21 des 54 ( 3 8 , 9 % ) chiens séropositifs n e montrent aucun signe clinique apparent de
leishmaniose.
DISCUSSION
L
a distribution bimodale des titres d'anticorps en
IFI obtenus c h e z les chiens e x a m i n é s est caractéristique des z o n e s endémiques. Le m ê m e type
de distribution a été obtenu dans d'autres régions
Méditerranéennes (Lanotte et al., 1974 ; Abranches et
al., 1991). Les deux m o d e s qui expriment successivement les réactions non spécifiques et spécifiques se
chevauchent au niveau du titre 1/80. Pour augmenter
la spécificité du test IFI, nous avons choisi le titre 1/160
c o m m e seuil de positivité. Selon Lanotte et al. ( 1 9 7 4 ) ,
c e seuil d o n n e r a it u n e m e i l l e u r e p r é s e n t a t i o n d e
l'enzootie canine. Au cours des enquêtes séro-épidémiologiques effectuées dans les autres foyers du bassin
méditerranéen, différents titres seuil ont été adoptés :
1/40 (Gradoni et al, 1988), 1/80 (Encinas-Grandes et
al., 1988 ; Nieto et al, 1992), 1/160 (Dedet et al., 1977 ;
Acedo-Sanchez et al., 1 9 9 6 ) , 1 / 2 0 0 ( B e n Saïd et al.,
1992 ; Sideris et al., 1 9 9 6 ) , 1/256 ( O z b e l et al., 1995).
Cette disparité dans le c h o i x du titre seuil est due aux
variations des conditions opératoires et des critères
d'interprétation adoptés.
82
Les résultats des deux tests IFI et ELISA sont c o n c o r dants dans 96,1 % des cas. Un tel taux de c o n c o r d a n c e
montre la validité de c e s deux méthodes pour le diagnostic de la leishmaniose chez le chien et permet de
corroborer les taux d'infection enregistrés. Des taux de
concordance similaires ont été également rapportés par
Semiao-Santos et al. ( 1 9 9 5 ) , Sideris et al. ( 1 9 9 6 ) et Scalone et al. ( 2 0 0 2 ) . Ainsi, d'exécution relativement facile
et d'interprétation précise et objective, le test ELISA
convient aux enquêtes épidémiologiques réalisées dans
les foyers méditerranéens.
Les taux de séroprévalence enregistrés dans les différentes localités c o n c e r n é e s par la présente e n q u ê t e
montrent que le versant Nord-est des montagnes du
Rif est le siège d'un foyer hautement enzootique de
leishmaniose canine. Avec une fréquence m o y e n n e de
21,0 %, il c o m p t e parmi les foyers les plus actifs du
bassin méditerranéen dont l'Azazga en Algérie avec 37 %
(Belazzoug, 1987), Malaga en Espagne avec 3 4 , 6 %
(Morillas et al., 1 9 9 6 ) , Patrimonio en Corse avec 26,5 %
(Neogy et al., 1 9 9 2 ) et l'île d'Elbe en Italie avec 22,2 %
(Gradoni et al., 1988).
L'identification du z y m o d è m e isolé à partir des chiens
examinés confirme le rôle du réservoir canin dans le
maintien de L. infantum
MON-1 aussi bien pour ses
c o n g é n è r e s q u e pour l'homme.
Malgré la forte prévalence enregistrée c h e z le chien,
l'incidence annuelle c h e z l'homme dans la région de
Nador ne d é p a s s e pas 0,7 pour 1 0 0 0 0 0 habitants
(Ministère de la Santé publique du Royaume du Maroc,
1999). C o m m u n e à tous les foyers méditerranéens,
cette relative rareté des cas humains peut être due soit
aux préférences cynophiles du vecteur, soit à la faible
réceptivité de l'homme par rapport au chien (Abranches et al., 1983). La d e u x i è m e hypothèse s e m b l e être
la plus plausible ; le n o m b r e élevé de cas positifs au
test d'hypersensibilité cutanée à la leishmanine ou celui
de la séropositivité, c h e z les populations humaines q u
vivent dans les foyers endémiques (Pampiglione et al.
1975 ; Acedo-Sanchez et al., 1996 ; Morillas et al., 1996)
prouvent que l'homme est en contact étroit avec le
parasite sans q u e la maladie ne soit fréquente. Dans
ces conditions, celle-ci se manifeste surtout c h e z les
sujets présentant un déficit majeur de l'immunité cellulaire ( B o u r g e a d e et al., 1994). Ceci explique l'augmentation de l'incidence de la leishmaniose viscérale
humaine dans les foyers situés en Europe méditerran é e n n e en parallèle avec le n o m b r e de cas de SIDA
(Alvar et al., 1994a ; Tremblay et al., 1996).
En accord avec les résultats de Abranches et al. ( 1 9 9 1 )
et de Sideris et al. ( 1 9 9 6 ) , la présente étude montre
que le s e x e de l'animal n'a aucune influence sur la prévalence de la leishmaniose chez le chien. Par contre,
l'âge est un facteur important. En effet, la distribution
de la séroprévalence en fonction de l'âge montre u n e
augmentation significative c h e z les chiens âgés de
Note de recherche
Parasite, 2 0 0 3 , 10, 7 9 - 8 5
LEISHMANIOSE CANINE DANS LE N O R D D U MAROC
quatre ans ou plus. D e s résultats similaires ont été rapportés par Encinas-Grandes et al. ( 1 9 8 8 ) , Abranches et
al. ( 1 9 9 1 ) , Acedo-Sanchez et al. ( 1 9 9 6 ) . En effet, la
leishmaniose canine étant u n e maladie chronique dont
l'évolution est rarement spontanément régressive, la
probabilité pour un chien d'être infecté augmente avec
la durée de s o n exposition au cours d e s périodes
d'activité d e s p h l é b o t o m e s et d o n c avec l'âge.
La présente étude montre q u e 38,9 % des chiens séropositifs n e présentent pas de signes cliniques de leishmaniose. Ces animaux peuvent être considérés c o m m e
des réservoirs du parasite pour leurs c o n g é n è r e s et
pour l'homme. En effet, Molina et al. ( 1 9 9 4 ) ont c o n s taté q u e les chiens asymptomatiques ont le m ê m e
pouvoir infectant pour le vecteur q u e c e u x qui présentent des signes cliniques de la maladie. Abranches
et al. ( 1 9 9 1 ) trouvent u n e fréquence encore plus élevée
( 5 3 , 8 % ) . Ces résultats indiquent q u e c h e z le chien, la
leishmaniose passe par une longue période cliniquement silencieuse d'une part, et montrent l'intérêt d e
l'utilisation des tests immunologiques aussi bien pour
le diagnostic p r é c o c e de cette infection q u e dans les
enquêtes épidémiologiques qui la concernent, d'autre
part.
En raison d e l'efficacité limitée du traitement de la
leishmaniose canine, et des taux élevés de rechutes
(Lanotte et al., 1 9 7 9 ; Alvar et al., 1 9 9 4 b ) , l'abattage
des chiens gravement atteints et le traitement des
séropositifs n e présentant pas de symptômes reste le
meilleur m o y e n d e lutte contre le réservoir canin.
Selon Gradoni et al. ( 1 9 8 7 ) et D y e et al. ( 1 9 9 3 ) , l'opération d e dépistage et d'élimination d e s animaux séropositifs doit être effectuée juste avant la saison d'activité d e s p h l é b o t o m e s . Cette m e s u r e permettra d e
détecter les chiens qui ont é t é infectés pendant la
saison p r é c é d e n t e après qu'ils aient eu le temps de
d é v e l o p p e r une séroconversion qui n e survient, en
général, q u ' a p r è s un délai de cinq mois après la
période d e transmission (Vidor et al., 1991). Un tel
programme d e lutte n e pourrait être e n t a m é q u e si le
foyer d'endémie est bien délimité afin de cibler la zone
d'action. Cette stratégie permettra de réduire l'incid e n c e de la maladie sans, pour a u t a n t , prétendre en
interrompre la transmission. Au Brésil, l'application
d'une opération d e lutte contre le réservoir canin de
L. infantum
(chagasi),
b a s é e sur l'élimination des
chiens séropositifs, a permis de diminuer aussi bien
la s é r o p r é v a l e n c e c h e z l ' e s p è c e c a n i n e q u e l'incid e n c e d e la leishmaniose viscérale c h e z l'homme.
Cependant, l'incidence cumulative d e la leishmaniose
c a n i n e n'a é t é affectée q u e temporairement (Ashford
et al., 1 9 9 8 ) . Le seul m o y e n c a p a b l e de rompre le
cycle de transmission du parasite est la vaccination sur
laquelle o n fonde d'ailleurs, le plus important espoir
clans la lutte contre cette z o o n o s e ( H o m m e l et al.,
1995 ; Modabber, 1995 ; Gradoni, 2 0 0 1 ) .
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REMERCIEMENTS
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e travail a bénéficié d'un financement de la part
de la Communauté E u r o p é e n n e (Contrat AVIC T 9 2 - 0 0 1 0 ) et d'un appui logistique sur le terrain de la part du Service vétérinaire d e la Direction
provinciale de l'agriculture de Nador auxquels les auteurs
adressent leurs sincères remerciements.
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Reçu le 1 1 mai 2 0 0 2
Accepté le 1 5 novembre 2 0 0 2
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Note de recherche
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