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RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 43 ÉVÉNEMENTS Conférences Alumni 43 PRÉSIDENTIELLE 2012 : UNE ÉLECTION PAS COMME LES AUTRES L’Association, à l’initiative du groupe Affaires publiques et avec le concours du groupe Information et communication, a lancé en janvier dernier un cycle de conférences dédié à la présidentielle 2012. Trois premiers rendez-vous ont déjà eu lieu pour décrypter les enjeux de cette échéance électorale. Ils ont permis de réunir des observateurs privilégiés de la vie politique, des chercheurs de Sciences Po ou des journalistes. Nous avons choisi de rendre compte de deux d’entre eux, plus particulièrement axés sur les attentes des Français et les capacités des principaux candidats en lice à y répondre. Par Florence Maignan (PES 81) > Un contexte de crise, une grande fatigue civique Le 10 janvier, Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, et Christophe Barbier, directeur de L’Express, ont débattu autour du thème : « De quel président la France a-t-elle besoin pour demain ? » À 100 jours de l’élection présidentielle, Pascal Perrineau a fait remarquer qu’aux clivages traditionnels (gauche/droite, de classe, géographiques) s’ajoutaient en 2012 de nouveaux clivages : l’Europe, la perception de la mondialisation. « Jamais une élection présidentielle ne se sera déroulée dans un tel contexte de crise et avec une scène interna- tionale aussi présente. » Christophe Barbier a surenchéri en expliquant que l’enthousiasme de l’élection de 2007, – « qui n’était pas une élection de dupes, où chacun des grands candidats (Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou) avait, dans son style, été sincère, clivant » –, a fait place au désespoir. « La crise de 2008 a tout brisé. » Pour lui, « la droite va aller voter Sarkozy à reculons, et la gauche votera Hollande sans enthousiasme ». Qui pourrait susciter un coup de cœur ? Christophe Barbier Pascal Perrineau est d’accord : après l’intermède de 2007, 2012 va renouer avec les élections sans coup de cœur, inaugurée en 1995. Les Français éprouvent une « grande fatigue civique ». Selon la Sofres, jamais ils n’ont eu une perception aussi négative du spectacle politique (80 %). Alors quid des attributs de la présidentialité ? Qualités hors normes – traditionnel dans la Ve République – ou homme ordinaire ? Les deux perceptions sont en tension, mais la crise redonne de l’espace à la première figure. Pascal Perrineau (PES 74) Verdict de Christophe Barbier L’électorat, gavé de promesses non tenues, veut un homme qui ne fasse pas de promesses (ce qui joue plutôt en faveur de François Hollande), mais qui leur donne malgré tout de l’espoir, et surtout qui soit un capitaine dans la tempête (ce qui joue plutôt en faveur de Nicolas Sarkozy). La gauche ne doit RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 PHOTOS MARC MEYER Le contexte est-il nouveau ? RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 44 17/04/12 Alumni 10:44 Page 44 ÉVÉNEMENTS Conférences pas céder à l’illusion que Nicolas Sarkozy va perdre de toute façon. Hypothèse d’un troisième homme ? Christophe Barbier ne croit à la présence au second tour, ni de Marine Le Pen – « est-elle assez méchante pour que toute la colère passe par elle ? » – ni de François Bayrou « qui a manqué en 2007 le rendez-vous du programme et n’existe pas ». Leur présence ne serait rendue possible que par l’effondrement de l’un des deux grands candidats, qu’il juge très peu crédible. Anne-Sophie Beauvais, Pascal Perrineau, Christophe Barbier et Jean-Pascal Picy > Comprendre l’imaginaire politique des Français Le 8 mars, Stéphane Rozès (PES 84), politologue, ancien directeur du CSA, président de CAP (Conseil, analyse et prospective), maître de conférences à Sciences Po, est venu, à l’invitation du groupe Information et communication, parler du rôle de l’imaginaire dans la présidentielle, sujet qui le passionne, car c’est, dit-il, « la capacité à approcher, à comprendre l’imaginaire d’un pays qui permet à un candidat de devenir président de la République ». Quel était l’enjeu de la présidentielle en 2007 ? En 2007, les Français, après avoir dit non à l’Europe, devaient trouver une nouvelle vision politique, et son incarnation. DSK était le plus compétent, mais c’est Ségolène Royal que le PS a choisi. Car comme Nicolas Sarkozy, elle montrait qu’elle était prête « à y aller ». Celui qui gagne la présidentielle n’est pas celui qui capte le marché horizontal droite-gauche, mais celui qui va aux fondamentaux du pays et sait les résoudre. « Sarkozy a su au premier tour s’incarner dans le temporel et s’adresser à chacun des Français inquiets, puis au second tour passer au spirituel en devenant Jaurès, Blum, et De Gaulle. » Problème : le soir, il est allé au Fouquet’s, puis un peu plus tard sur le yacht de Bolloré. Il a été naïf de croire qu’on peut s’inscrire dans l’imaginaire, puis s’en affranchir. « On peut rompre avec le temporel, mais pas avec le spirituel. » deux questions existentielles : la Banque et la Finance dicteront-elles leur loi à l’Europe et aux États ? Et qu’allons-nous faire avec cette perspective ? Les candidats doivent répondre à la question que se posent les Français : « Pour survivre, ou ne pas périr, existe-t-il une alternative à renoncer à ce que nous sommes ? » François Hollande, dont « l’émergence a suscité au PS une sidération douce », a été repéré par les Français pour « sa capacité potentielle à se laisser incarner par le pays et son mélange de réalisme et de sérénité sus- Quel est l’enjeu de 2012 ? Dans l’imaginaire des Français, la crise de la dette souveraine touche au politique comme construction verticale de la France et pose RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Stéphane Rozès (PES 84) ceptible de fournir une alternative au Bonaparte inquiet et impétueux qu’est Nicolas Sarkozy ». Quant à Nicolas Sarkozy, on ne nie ni son courage, ni son travail, ni sa volonté de faire les réformes, mais on lui reproche ses refontes tous azimuts et parfois son double discours de « capitaine dans la tempête » et de démagogue « qui en appelle au peuple contre les élites ». Nicolas Sarkozy, qui vit une tension psychologique permanente entre son tropisme américain (goût de la réussite, détestation des grandes écoles) et son intelligence des situations, a fini par donner, dans l’émission « Des paroles et des actes » du 5 mars, son interprétation psychologique de la désacralisation de la fonction présidentielle qu’il a opérée au début de son quinquennat. Il a rembrayé avec les Français et s’est remis en selle, mais a-t-il encore les rênes et le cheval avance-til ? Va-t-on lui pardonner le Fouquet’s ? François Hollande dit : « Ayez confiance en nous, on va s’y mettre tous ensemble. » Sarkozy dit : « Je fais le boulot, même si vous ne m’aimez pas. » Ils vont se battre dans un mouchoir de poche. RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 45 ÉVÉNEMENTS Conférences Alumni ALAIN JUPPÉ : LA PLACE DE LA FRANCE DANS LE MONDE C’est devant un amphithéâtre Boutmy plein à craquer et qui l’a longuement applaudi qu’Alain Juppé (SP 68), ministre des Affaires étrangères, est venu parler le 1er février, à l’invitation du groupe Affaires internationales de l’Association des Sciences-Po, de « la place de la France dans le monde ». Voici, centré autour de trois questions, l’essentiel du message qu’il a tenu à délivrer. Depuis que vous avez conduit la diplomatie française pour la première fois, dans les années quatre-vingt-dix, le monde dans lequel nous vivons est-il le même, ou est-il nouveau ? Nous vivons incontestablement dans un monde nouveau, qui est d’abord global. Cette globalisation est perçue par certains comme une menace. Or, elle est, pour des milliards d’individus, l’occasion d’accéder à l’éducation et de sortir de la misère, et, pour les cultures, la possibilité de dialoguer. Mais à une condition, que sur le plan international, nous parvenions à adopter des lois, des institutions et des comportements comparables à ceux que nous avons construits pour civiliser nos sociétés. Nous vivons ensuite dans monde multipolaire où l’Europe n’est plus le centre du monde. Cela exige que nous nous dotions des instruments indispensables pour garantir notre compétitivité. Dans le monde de demain, l’Europe aura un rôle majeur à jouer, comme pôle de stabilité, de prospérité et de démocratie. Elle devra aussi contribuer à l’émergence d’une voix mondiale commune. Ce monde nouveau est enfin un monde instable, imprévisible et dangereux où se développe un nouveau discours opposant les civilisations. Ce discours, la France n’a cessé de le combattre, soulignant que la lutte contre le terrorisme est le combat de tous, de la raison contre l’obscurantisme, de l’humanité contre la barbarie, de la démocratie contre la terreur. Dans ce monde nouveau, quel est le rôle de la diplomatie française ? La diplomatie française refuse le statu quo, l’inertie et le renoncement. Elle se déploie selon quatre axes prioritaires. La contagion des valeurs. Le mouvement vers la démocratie est universel et nous devons continuer à l’accompagner, malgré les soubresauts qui ne manqueront pas de surgir. C’est ce que nous faisons en Birmanie, en Europe, en Afrique, aux côtés des gouvernements des pays arabes qui ont fait le choix de la démocratie, à travers notamment la création de l’Union pour la Méditerranée. La démocratie ne se fera pas en un jour. Nous sommes déterminés à faire preuve de vigilance. Mais au nom de quoi pourrions-nous refuser à des peuples dont la voix a été si longtemps étouffée le droit d’exprimer leur choix ? Le franchissement d’une nouvelle étape dans le projet européen. Face à l’urgence de RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 45 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 Alumni 10:44 Page 46 ÉVÉNEMENTS Conférences nement dans l’Alliance atlantique, et également déterminés à faire progresser l’Europe de la défense. Ces efforts sont d’autant plus indispensables qu’en tant que puissance nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, notre pays a une responsabilité particulière dans le concert des nations. Nous l’avons assumée quand nous avons appelé la communauté internationale à intervenir pour protéger le peuple libyen d’un massacre annoncé. Jean-Pierre Lafon (SP 62), président du groupe Affaires internationales, Alain Juppé et Ghassam Salamé, doyen de l’École des affaires internationales de Sciences Po la crise de la dette, l’Europe dispose aujourd’hui d’une occasion sans précédent pour s’engager dans la voie d’une intégration accrue, en mettant en place un véritable gouvernement économique de la zone euro, des règles de discipline et de solidarité budgétaires partagées par tous et des initiatives coordonnées en faveur de la croissance. Mais la crise de la dette n’est que le symptôme d’une crise plus profonde, celle du projet, de la difficile émergence d’une conscience politique européenne. L’enjeu est donc également de faire renaître un désir d’Europe. Nous devons enfin faire de l’Europe le creuset d’un nouvel humanisme qui allie croissance et solidarité. La construction d’une nouvelle gouvernance mondiale. Aujourd’hui, le monde se structure en ensembles régionaux – Union européenne, Asean (Association of Southeast Asian Nations), Union africaine et ses structures régionales, Ligue arabe. Notre objectif est d’appuyer la montée en puissance de ces organisations régionales. De leur côté, les indispensables organisations internationales spécialisées consacrées au commerce, à l’agriculture, à l’éducation ou aux finances internationales, peinent à produire des résultats. La France travaille à donner une cohérence et une capacité > Retrouvez l’intégralité du discours d’Alain Juppé sur le site de l’Association : www.sciences-po.asso.fr RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 d’impulsion à ce système et à promouvoir la création d’une organisation mondiale de l’environnement. Consciente qu’il faut faire évoluer le système international dans son ensemble pour qu’il reflète la réalité du monde d’aujourd’hui, la France s’engage pour permettre aux pays émergents de s’y investir davantage. C’est le sens de la création du G20, de notre position ouverte sur la réforme des droits de vote au Fonds ‘ La lutte contre le terrorisme est le combat de tous, de la raison contre l’obscurantisme, de l’humanité contre la barbarie, de la démocratie contre la terreur. ‘ 46 17/04/12 monétaire international, de l’appui que nous apportons à l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies. Le maintien de la paix et de la sécurité est la quatrième priorité de la diplomatie française. La conviction qui nous guide est que la France doit garder la capacité de défendre ses valeurs et ses intérêts, son territoire et ses populations. Nous sommes donc très attachés à la dissuasion nucléaire française indépendante, à la professionnalisation de l’armée et à la modernisation de notre outil de défense. Mais nous savons aussi que la France n’est pas seule. Nous sommes plei- La France s’est assignée comme responsabilité de relever les grands défis de sécurité auxquels le monde est confronté. Qu’est-ce qui est en jeu ? En Iran, c’est notre capacité à résoudre une crise majeure par la paix, en montrant qu’une démarche diplomatique est possible, sans transiger sur nos intérêts de sécurité. En Afghanistan et au Sahel, c’est celle à protéger nos valeurs et notre sécurité, grâce à une coopération de tous les membres de la communauté internationale. Au Proche-Orient, nous devons prouver notre capacité à relancer le processus de paix et à obtenir des parties la réouverture des négociations pour éviter que le statu quo ne dégénère en affrontement. Dans la lutte contre la piraterie, l’enjeu est de préserver la liberté des mers en construisant une coopération internationale ambitieuse et des systèmes efficaces pour que les prévenus puissent être traduits en justice. Et en Afrique, c’est notre capacité à aider le continent africain à construire sa propre architecture de défense et de sécurité. Mais nous devons aussi, en parallèle d’une défense forte, continuer à mobiliser tous les instruments nécessaires pour promouvoir la paix : aide publique au développement, action en faveur du renforcement de l’État de droit et de la coopération – économique, judiciaire et culturelle. Aujourd’hui, le soft power est au cœur de la compétition entre les pays. Mais ne nous voilons pas la face, une France qui rayonne, c’est d’abord une France forte et prospère, qui innove et consolide son économie, réduit ses déficits et améliore sa compétitivité, exporte et crée des emplois. La France a tous les atouts pour relever ce défi. RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 47 ÉVÉNEMENTS Conférences Alumni LES DÉFIS ET ENJEUX ÉNERGÉTIQUES AUJOURD’HUI ET DEMAIN Le groupe professionnel Énergie a reçu, dans le cadre d’une conférence, un panel de haut niveau pour échanger sur le marché du pétrole et son financement. Par Philippe Debry (EF 86) et Jean-Paul Sabbagh (D 04), vice-président et président du groupe Énergie des Sciences-Po alumni, tous deux maîtres de conférences au mastère Affaires publiques de Sciences Po, filière Énergie. A utour de Nadine Bret-Rouzaut, directrice du Centre économie et gestion de l’IFP School, de Jacques-Olivier Thomann, en tant que fondateur du GTSA (Geneva Trading and Shipping Association), également Head of Structured Finance chez BNP Paribas Suisse, et de Tim Worledge, Platts European Middle Distillate Team Leader, chaque intervenant a présenté à tour de rôle les enjeux actuels de ce marché. Durant cette conférence, ces experts ont exposé les défis et enjeux énergétiques d’aujourd’hui et de demain, plus précisément pétroliers, et ceci d’un point de vue exploration et production, trading physique et papier. Se fondant sur les dernières conclusions contenues dans le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Nadine Bret-Rouzaut a mis en exergue, tout en les illustrant, les grandes tendances de ce marché. Il a été souligné l’importance primordiale, Tim Worledge et Jacques-Olivier Thomann face à la baisse des gisements classiques et à l’augmentation irréversible et continue de la demande mondiale de besoins en ressources énergétiques, de développer très activement la recherche de nouveaux gisements, d’en améliorer le rendement (avec des coûts d’extraction de plus en plus lourds) mais également d’investir massivement dans des gisements dits « non conventionnels », à savoir sables bitumeux et gaz de schiste (shale oil). Dans ces derniers domaines, les États-Unis et le Canada ont pris plusieurs longueurs d’avance. L’agence d’information Platts, quant à elle, a expliqué la formation du prix du pétrole sur les marchés (comptant, à court terme et future). Son rôle dans la fixation de ce prix auprès des différents opérateurs économiques est déterminant. Fort de cette position privilégiée, Tim Worledge a retracé l’évolution des prix du pétrole ces dernières années ainsi que les tendances lourdes pour les années à venir. Enfin, Jacques-Olivier Thomann a d’abord livré son analyse des acteurs et des challenges du secteur des matières premières. La dimension logistique est capitale et, face aux immenses besoins de financement, le rôle du négociant, à tous les stades, est incontournable pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Si les commodities ne transitent pas par Genève, la cité de Calvin abrite 40 % des volumes échangés et 500 sociétés actives dans le négoce, qui emploient 8 000 personnes. Avec plus d’un tiers du commerce international chaque année, la ville s’est hissée à la première place mondiale dans l’achat et la vente des commodities. Et dans le pétrole, avec 700 millions de tonnes vendues par an, elle devance Londres et Singapour. Jacques-Olivier Thomann a ensuite décrypté pour les participants les spécificités des différentes techniques de financement des matières premières proposées par les banques tout au long de la chaîne de valeur, de la production à la distribution en passant par le stockage et le transport. La gamme est large : financements transactionnels (45 jours), financements adossés à des flux de marchandises, à des stocks ou des réserves (reserved-based lending), ou encore financements d’équipements, d’acquisitions, de bateaux (dont la durée peut atteindre dix ans). Dans le contexte des nouvelles contraintes réglementaires Bâle III, les banques européennes traditionnellement actives dans le domaine – l’approche transactionnelle est d’ailleurs une spécificité genevoise – sont confrontées à la problématique du funding USD. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 47 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 Alumni 48 10:44 Page 48 ÉVÉNEMENTS Conférences LES POUVOIRS PUBLICS ET L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE Grand succès pour la première manifestation organisée par le groupe Économie sociale et solidaire (ESS). Devant une centaine d’alumni, Hugues Sibille, Frédéric Tiberghien et Marie Trellu-Kane ont porté des regards croisés sur l’influence réciproque des politiques publiques et des évolutions sociales. Par Christine Damiguet (PES 74), présidente du groupe Économie sociale et solidaire. F igure incontournable de l’ESS, où il mène sa carrière depuis trente ans, Hugues Sibille1 (PES 75), président d’honneur du groupe ESS, a déploré que l’engagement des politiques ne soit pas à la hauteur de l’intérêt du public pour cette économie différente qui démontre son fort potentiel face à la remise en question ou la fragilité des structures et modèles de l’économie classique. Certes, il faut mentionner un nouvel intérêt de Michel Barnier sur le plan européen et de nombreuses initiatives sur le plan régional. Cependant, sur le plan national, depuis le départ de Michel Rocard, peu de politiques publiques ont été volontaristes. Pourtant des lieux de concertations sont nombreux, peut-être trop : le Conseil supérieur de la vie associative, le Conseil supérieur de la mutualité et, relancé il y a deux ans par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, Roselyne Bachelot-Narquin, sur la base du rapport Vercamer, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Le CSESS a travaillé sur un projet de loi cadre destiné à définir et reconnaître l’ESS. Il a également traité de la question fondamentale du label et d’un projet de référentiel retenant comme critères principaux : une finalité sociale, une gouvernance démocratique, une lucrativité limitée, une rémunération encadrée des dirigeants et un ancrage territorial. Mais les ministères éco- nomiques ont été peu présents. Au final, peu de mesures ont débouché sur le plan opérationnel et interministériel. Abordant ensuite le problème du financement de l’ESS, Fréderic Tiberghien2 (SP 72), conseiller d’État, a souligné que l’ESS a, pour la première fois, bénéficié d’un financement dédié à la suite des travaux de la commission chargée de réfléchir au « grand emprunt national », présidée par Alain Juppé et Michel Rocard. Si les montants sont modestes, le programme d’investissements d’avenir (PIA) constitue un indéniable progrès puisqu’il permet d’améliorer l’accès aux financements des diverses familles de l’ESS jusqu’à fin 2014. En effet, 100 M€ seront prêtés pour lever les freins financiers à leur développement. L’objectif est de soutenir plus de 2 000 entreprises et de créer ou de consolider 60 000 emplois avec des finalités conformes au rapport Vercamer : soutenir des projets innovants ou structurants pour un secteur et non pas des entreprises 2 1 Vice-président du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, ancien délégué interministériel, actuellement vice-président du Crédit coopératif et président de l’Avise (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques). RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Ancien rapporteur général de la section du rapport et des études du Conseil d’État, ancien délégué interministériel à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l'économie sociale, président du Comité stratégique du programme d’investissements d’avenir. en difficulté – les principes de l’ESS n’excluant pas la recherche du retour sur investissement ! Les dossiers sont sélectionnés par les cofinanceurs, qui coïnvestissent aux côtés de l’État. À ce stade, 5 M€ ont déjà été engagés au profit de l’IDES3 et 15 M€ des entreprises. Il est envisagé aussi de lancer des projets sectoriels, comportant si possible un engagement des collectivités territoriales. Marie Trellu-Kane4 (Essec 94), cofondatrice et présidente d'Unis-Cité, a ensuite fait part de son expérience de lobbying auprès des pouvoirs publics, démontrant ainsi, que, à partir d’une initiative de la société civile, peut se construire une politique publique. En effet, créé à l’initiative d’un petit groupe de jeunes souhaitant promouvoir l’initiative citoyenne et la mixité sociale, ce projet a abouti à l’émergence d’un service civil en France. La crise des banlieues et l’engagement des collectivités locales ont donné un nouvel élan à cette expérience enrichissante et probante. L’invention d’un nouveau modèle social dans lequel le citoyen a une place prépondérante est désormais reconnue et soutenue par les collectivités locales. Reste à convaincre les responsables nationaux de sa pertinence ! > Pour rejoindre le groupe ESS et connaître leurs prochains événements : [email protected] 3 L’Institut de développement de l’économie sociale est une société de capital-risque dédiée au développement des entreprises de l’Économie sociale et solidaire, telles les Scop, le commerce associé, les coopératives. 4 Membre du Conseil économique et social, administratrice de l’Agence du service civique. RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 49 ÉVÉNEMENTS Enquête Alumni 49 C I N Q U I È ME É TU D E D E GRAND ES ÉCOLES AU FÉMININ LES DIRIGEANTS SE REMETTENT EN QUESTION, LA MIXITÉ PLÉBISCITÉE Pour la première fois, les alumni Sciences Po ont fait partie des 150 000 diplômés interrogés cet automne, aux côtés de ceux d’HEC, de l’Essec, de l’ESCP, de Polytechnique, de Centrale, des Mines, des Ponts, de l’Insead et de l’ÉNA, pour répondre à la question « quel dirigeant, quelle dirigeante pour demain ? » dans le cadre d’une enquête lancée par l’association Grandes Écoles au féminin. Par Pascale Bracq (SP 84), présidente du groupe Femme & Société, administratrice de l’Association des Sciences-Po. Dans les faits, le profil moyen du manager est marqué… Les résultats de cette cinquième étude présentés fin janvier, et aujourd’hui disponibles sur le site de GEF (www.grandesecolesaufeminin.net) sont plutôt édifiants. © Sociovision 2011-2012 / Grandes Écoles au Féminin L’ Association des Sciences-Po, à travers son groupe Femme & Société, a rejoint en 2010 Grandes Écoles au féminin qui réalise régulièrement des études visant à évaluer la situation professionnelle des femmes diplômées et son évolution. Cette année, l’enquête « Quel dirigeant, quelle dirigeante pour demain ? », réalisée par Sociovision Cofremca, posait les questions suivantes : ■ quels sont les grands enjeux auxquels sont confrontées les entreprises et les organisations ? ■ quelles évolutions des dirigeants sont attendues par les diplômés pour faire face à ces enjeux ? ■ quel est le portrait du dirigeant idéal pour demain ? ■ quels sont les grands traits communs aux dirigeants aujourd’hui ? ■ quelles pistes d’actions pourrait-on recommander ? Les diplômés expriment une profonde critique de certains modes d’exercice du pouvoir tout en conservant une confiance relative en leurs dirigeants. Sur la posture du dirigeant elle-même, les répondants sont 86 % à estimer que les dirigeants ont perdu le sens du réel, qu’ils se cooptent trop entre eux (83 %) voire qu’ils perpétuent un système toxique (81 %), mais 71 % estiment que c’est le comportement de quelques-uns et qu’il ne faut pas généraliser. Sur l’exercice du pouvoir, les diplômés font néanmoins globalement confiance à leurs dirigeants (à 68 %) tout en doutant de leur capacité à gérer le long terme et à innover. Le dirigeant d’aujourd’hui est exactement le contraire du dirigeant attendu pour demain. Face aux deux principaux défis identifiés pour les organisations, à savoir le pilotage du changement permanent et la gestion des contradictions entre les objectifs à atteindre et les moyens disponibles, le dirigeant d’aujourd’hui apparaît extrêmement décalé. Il soigne avant tout son réseau, privilégie les demandes des actionnaires, sait être dur pour atteindre ses objectifs et néglige totalement l’innovation. Il apparaît comme le reflet inversé du dirigeant idéal dessiné par les diplômés : un visionnaire au comportement exemplaire, qui sait piloter à long terme, motiver ses collaborateurs et créer les conditions de cette innovation. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 Alumni 50 Que faire pour changer les choses ? Alors que l’on évoque souvent, pour les opposer, management masculin et management féminin, cette étude montre que les hommes et les femmes ont la même lecture des enjeux et des évolutions nécessaires. Avant tout, il faut plus de transparence et d’éthique dans les modalités de nominations des dirigeants. Car, toujours selon les diplômés, le facteur clé de l’accession au pouvoir aujourd’hui est l’appartenance à des réseaux et les relations (à 76 %). 10:44 Page 50 ÉVÉNEMENTS Enquête Mécanisme qui se perpétue par clonage et empêche la diversification des profils des dirigeants. Il bloque en particulier l’arrivée des femmes au top management alors que 84 % des répondants estiment que plus de femmes dirigeantes est un bon moyen de faire évoluer le management et le fonctionnement des équipes de direction. Lesquelles femmes sont d’ailleurs tout à fait prêtes à relever ce défi puisque 74 % d’entre elles (et même 86 % des plus jeunes) pensent pouvoir accéder à des responsabilités supérieures ; 40 % envisageant même de changer d’entreprise pour y parvenir (contre 34 % des hommes). Et comme les hommes sont les premiers à souhaiter une organisation plus favorable à la parentalité (66 % en moyenne et 80 % pour les moins de 35 ans), peut-être tienton là le début d’une belle feuille de route commune pour une nouvelle répartition des postes à responsabilités ! Le dirigeant idéal, “reflet inversé” du dirigeant actuel > À propos du groupe Femme & Société et de Grandes Écoles au féminin Fort de plus de 1 400 membres, le groupe Femme & Société vise à créer l’échange et la réflexion autour des questions liées au fait féminin en général et à la mixité du management en particulier. © Sociovision 2011-2012 / Grandes Écoles au Féminin Il organise régulièrement des conférences autour de personnalités reconnues, des ateliers et des rencontres d’open networking. Il s’adresse bien sûr aux femmes et aux hommes diplômés et futurs diplômés de Sciences Po mais se veut également ouvert sur d’autres initiatives. Plus de femmes aux postes de top management… Une très bonne idée pour faire bouger les choses Diriez-vous que la promotion des femmes à des postes de direction est : Ainsi, le groupe représente-t-il l’Association à Grandes Écoles au féminin, Fédération d’associations de dix grandes écoles qui regroupe outre les alumni de Sciences Po Paris, ceux de Centrale Paris, de l’ÉNA, des Ponts ParisTech, des Mines ParisTech, de Polytechnique, de l’ESCP Europe, de l’Essec, d’HEC et de l’Insead. © Sociovision 2011-2012 / Grandes Écoles au Féminin Pour être régulièrement informé des événements organisés par le groupe Femme & Société et de ceux de GEF, il vous suffit d’ajouter le groupe Femme & Société à votre profil d’adhérent. Pour plus d’informations : [email protected] RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 51 ÉVÉNEMENTS Alumni Réseau 27 RENCONTRE AVEC ALEXANDRE JARDIN Les conférences Réseau 27 ont repris cette année dans un nouveau lieu de réception à Paris, le 8 Valois. Une fois par mois, un ancien élève qui s’est distingué dans son parcours professionnel – qu’il soit dirigeant d’entreprise, responsable politique, artiste ou encore haut fonctionnaire – vient à la rencontre de ses camarades pour une soirée d’échanges et de dialogues sans langue de bois. L’écrivain Alexandre Jardin (EF 86) a été le troisième invité de cette saison 2011-2012. S on dernier livre, Des gens très bien, est paru en 2011. Il y fustige le passé collaborateur de son grand-père, directeur de cabinet de Pierre Laval. C’est sur cet ouvrage que les alumni ont voulu l’interroger ce soir-là. Un moment fort, de grande sincérité, dont nous vous proposons quelques extraits. « Je ne me reconnais pas dans l’expression “règlement de compte”. J’ai écrit ce livre pour que mes enfants ne se construisent pas dans le déni. » « Le cadre historique de mon livre s’est construit par petits bouts, souvent de manière très violente, par des récits totalement inassimilables à ce moment-là. Il faut un temps d’adaptation pour que la focale se règle et que l’image devienne nette. » « On interroge difficilement sa filiation, car on ne sait pas comment se protéger de cette émotion. » « J’ai touché à l’insoutenable pour des centaines de milliers de Français. Comment se met en place la cécité dans une société ? Dans ma famille, le sentiment de culpabi- lité n’existait pas, car elle sortait de la guerre avec une représentation du bien qui reposait sur une valeur cardinale : la souveraineté nationale. La capacité des hommes à déplacer la boussole morale est impressionnante. » « Une des fonctions de la littérature est politique, les livres servent à envoyer des signaux à travers des récits. » « Les choses les plus horribles se produisent souvent dans l’histoire au moment où Il y a une collusion entre un peuple et une classe politique pour ne pas voir l’évidence. Un exemple récent est l’explosion de la dette : elle semble émerger soudainement, alors même qu’elle était sous nos yeux depuis longtemps. Nous avons tous collectivement évité de la voir. Cela ne fait pas pour autant de nous des irresponsables ou des monstres. Notre espèce a une capacité impressionnante pour la cécité. Cela crée une normalité dans la folie. » « À Sciences Po, je n’étais pas à ma place, je ne pensais qu’à la littérature. Je passais tout mon temps libre chez Gallimard. J’ai le souvenir d’un rendez-vous manqué. » Nous remercions nos partenaires qui nous accompagnent cette année pour ce cycle de conférences : Le 8 Valois, nouvelle salle de réceptions à Paris, et le traiteur Palais-Royal, deux sociétés dirigées par notre camarade Emmanuel Cotsoyannis (M 07). Alexandre Jardin et Noémie Calais, vice-présidente du BDE. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 51 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 52 17/04/12 Alumni 10:44 Page 52 DÉBOUCHÉS Diplômés Sciences Po-HEC QUE DEVIENNENT LES DIPLÔMÉS DE LA PREMIÈRE PROMOTION DU DOUBLE DIPLÔME SCIENCES PO-HEC ? La première promotion du Master in Corporate and Public Management a été diplômée en juillet 2011. Sanctionné par la délivrance simultanée du diplôme HEC grande école et du diplôme de Sciences Po, ce programme dispense une formation aux outils du management privé et public dans une perspective internationale. Les élèves effectuent leur cursus pour moitié dans chaque école et doivent effectuer un an de stage. Retour d’expériences. Par Stéphane Wakeford (M 11), président du cercle Sciences-Po/HEC. > Sitution professionnelle U n peu plus de six mois après la remise des diplômes à Boutmy, les parcours sont déjà extrêmement variés. Alors que la crise se fait encore sentir pour les jeunes diplômés, la première promotion du « DD » a très bien réussi son intégration sur le marché du travail. Fonction publique ou secteur privé, les employeurs sont prestigieux. Ainsi, deux des diplômés ont été admis au concours de l’ÉNA, l’un a été admis au concours de directeur d’hôpital et une dernière au concours de la fonction publique européenne. De nombreux diplômés se sont orientés vers le conseil et travaillent dans de grands cabinets de conseil en stratégie et management (BCG, McKinsey, Schlumberger, Ernst&Young, PricewaterhouseCoopers, Sia Conseil, Kurt Salmon, Eurogroup, etc.), voire des instituts de sondage (Ipsos). Deuxième secteur d’activité le plus couru, la finance a été plébiscitée malgré la crise, que ce soit en banque d'investissement (Société générale, Leonardo & Co, Crédit agricole) ou en transactions services (Mazars, PricewaterhouseCoopers). D’autres diplômés ont choisi de s'orienter vers le marketing au sein de grands groupes (L’Oréal, Coty), les ressources humaines (Casino), le social business ou encore le développement et la coopération. Enfin, certains ont choisi de compléter leur formation par un autre cursus ou de faire une prep’ÉNA. Il est également intéressant de noter que 35 % des diplômés ont décroché leur premier emploi à l’étranger ; parmi ces derniers, une moitié est en Europe et l’autre est répartie entre les USA, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie. > La première promotion de ce double diplôme a créé au sein de l’Association le cercle des Sciences-Po/HEC. Il a pour but de renforcer les liens entre les diplômés et les étudiants de ce cursus. Pour le rejoindre, rendez-vous directement sur le site internet de l’Association : www.sciences-po.asso.fr RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 CDI 69 % CDD + VIE 14 % Stage 8% Poursuite d’études 8% > Palmarès concours (nombre de reçus) ÉNA 2 Concours de la fonction publique européenne 1 Direction hospitalière 1 > Secteur d’activité Privé 73 % Public 27 % > Secteur Conseil 27 % Finance 23 % Administration 13 % Marketing 10 % Coopération 10 % Autre 7% RH 3% Enseignement 3% Business development 3% RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 53 EXPÉRIENCE Droit Alumni MILLE SCIENCES-PO AU BARREAU DE PARIS Sciences Po a créé en 2009 une école de droit qui forme directement, sans passer par la case universitaire, aux concours de l’ENM et du barreau, ainsi qu’aux fonctions juridiques dans l’entreprise et les organisations internationales. Son fondateur et directeur, Christophe Jamin, décryptait dans le dernier numéro de Rue Saint-Guillaume les objectifs de l’école, son cursus et sa façon de fonctionner. Nous avons demandé à deux avocats expérimentés, Pierre-Olivier Sur (SP 87) et Laurent Martinet (EF 89), tous deux candidats au bâtonnat et vice-bâtonnat de Paris au mois de novembre prochain, de réagir aux changements apportés par l’école de droit à la formation des juristes et des avocats, et de revenir sur leurs propres parcours et souvenirs de Sciences Po. « N ous devions imaginer un cursus complet qui permettrait aux étudiants de n’étudier le droit qu’à Sciences Po. » Christophe Jamin est parti de cet objectif pour créer l’école de droit de Sciences Po. En tant que professionnels, mais aussi recruteurs, cette réforme vous paraissait-elle importante ? Sciences Po était-il légitime à offrir une formation globale en matière de droit, Pierre-Olivier Sur (SP 87) qui permette d’acquérir à la fois les fondamentaux mais aussi des spécialités dans différents domaines ? Christophe Jamin est avocat, ancien secrétaire de la conférence, et corédacteur du rapport Darrois qui prévoit en particulier une grande école nationale pour les avocats et les magistrats. Mais il est d’abord professeur agrégé de droit, universitaire reconnu aux États-Unis et auteur de très nombreux ouvrages sur le contrat. Le tout à l’intersection du droit et de l’économie. Qui mieux que lui pour trouver ce point de convergence nécessaire, entre l’excellence d’un parcours d’études supérieures réussi et l’exigence d’une carrière judiciaire dont le bagage essentiel dépasse le juridique ? D’où l’idée de créer à Sciences Po un Columbia du droit. Nous souscrivons à cette logique d’excellence qui, pour être vertueuse, doit respecter deux conditions : être concurrentielle et être soutenue par la mise en place de bourses ou prêts sans cautions. Ainsi en estil de l’école de droit de Sciences Po, de l’école de droit de la Sorbonne, du collège de droit et de l’école de droit de Paris-II, en marge des magistères, bi-masters et autres formations d’excellence, sur le modèle des grandes universités anglaises et américaines. Dans la même logique, il faut regretter au contraire la disparition du diplôme univerPropos recueillis par la rédaction sitaire de l’institut de droit des affaires de Paris-II, et il faut espérer de nouvelles initiatives innovantes. Car ce qui compte, c’est de tendre vers l’excellence de la formation et d’arriver à renverser la tendance francofrançaise qui laissait jusqu’à présent aux bacheliers sans mention, ni vocation, le choix de « faire son droit ». Or, faire son droit doit être un premier choix. Telle est l’ambition de Christophe Jamin. Nous y souscrivons pleinement. Laurent Martinet (EF 89) RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 53 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 Alumni Les étudiants de l’école de droit n’ont pas une perception purement livresque du droit, ils sont confrontés, très tôt, à sa réalité concrète, notamment grâce à une année de césure. Ce passage par le « learning by doing » vous paraît-il aujourd’hui indispensable pour former de bons esprits en matière de droit ? Le raisonnement juridique suit la logique du syllogisme. En d’autres termes une décision de justice ou un contrat qui est la loi des parties, n’est rien d’autre qu’un rapprochement entre le droit et le fait. Mieux encore puisque dans le fait il y a l’humain. Ce que vous appelez l’année de césure est une première approche concrète d’ouverture et d’expérience nécessaires, pour une école de droit, au-delà du positivisme des livres. 10:44 Page 54 EXPÉRIENCE Droit près de 1 000) et en particulier à l’intérieur des cabinets d’affaires. Pourtant aucune association d’anciens élèves et diplômés n’a été créée afin de les rassembler. Pour nous, le « plus » est une approche transverse des problématiques et le souvenir commun d’avoir été aussi heureux rue Saint-Guillaume que fiers d’y suivre nos études supérieures. Y a-t-il à Sciences Po un effet réseau ? Probablement, mais de façon moins systématique que dans d’autres grandes écoles et peut-être finalement de façon tout aussi efficace ! Vous dirigez vos propres cabinets d’avocats, auriez-vous un conseil à donner aux jeunes générations de Sciences Po qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail et qui veulent exercer cette profession ? La dimension internationale, qui est aussi un point fort de l’école de droit, est-elle utile aujourd’hui à toute pratique professionnelle ? Nous avons tous les deux enseigné pendant plus de dix ans rue Saint-Guillaume en qualité de maîtres de conférences et pour bien connaître les élèves de Sciences Po, nous Nos deux cabinets envoient des stagiaires en permanence au Brésil, en Inde, en Chine, en Afrique, au Cambodge (devant la Cour pénale internationale chargée de juger les khmers rouges), et naturellement en Angleterre, aux États-Unis ou au Canada. Nous souhaitons développer cette pratique pour qu’elle devienne systématique au barreau de Paris. Cela constituera un élément essentiel de notre programme au bâtonnat et au vice-bâtonnat. Car il s’agit non seulement de l’intérêt des jeunes avocats mais aussi de l’avenir du barreau de Paris pour qu’il demeure une place forte du droit dans le monde et pour qu’il continue à exporter son savoir-faire en droit continental dans un marché de plus en plus globalisé. ‘ Les Sciences-Po sont-ils bien représentés dans la profession d’avocats ? Forment-ils une espèce de communauté, avec ses codes et ses pratiques ? En d’autres termes, ont-ils un réel « plus » par rapport à leurs confrères issus des facultés de droit ? Les Sciences-Po avocats constituent une communauté au barreau de Paris (ils sont RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Les Sciences-Po avocats constituent une communauté au barreau de Paris et en particulier à l’intérieur des cabinets d’affaires. ‘ 54 17/04/12 ne pouvons que les inciter à acquérir une formation internationale et une expérience à l’étranger en complément de leur formation juridique. En effet, dans le cadre de la gestion des dossiers et de la créativité indispensable à cette gestion ainsi qu’à l’identification de solutions, rien n’est plus précieux qu’une expérience à l’étranger et dans des domaines autres que juridiques, propices à la mise en place de solutions créatrices et innovantes. Telle est la vraie richesse et ouverture d’esprit que nous tentons d’identifier dans le cadre de nos recrutements. Auriez-vous un souvenir professionnel particulièrement marquant à partager avec eux ? ■ Pierre-Olivier Sur. L’un de mes maîtres de conférences à Sciences Po était Guinéen : Alpha Condé. Lorsqu’en 1999 il s’est présenté aux élections présidentielles contre le dictateur Lansana Conté, il a été jeté en prison. Et je suis allé le défendre à Conakry. Là-bas j’ai été arrêté pour « troubles à l’ordre public ». Libéré, j’ai fini par être autorisé à plaider devant la Cour de sûreté de l’État présidée par un sieur Mamadou Sylla. De nombreuses années plus tard, lorsqu’Alpha Condé est sorti de prison, il s’est à nouveau présenté aux élections. En 2010, il a enfin été élu président de la République et il m’a invité à son investiture. Quelle ne fût pas ma surprise de reconnaître alors le président de la Cour suprême devant lequel il prêtait serment : c’était Mamadou Sylla, celui-là même qui, président de la Cour de sûreté de l’État, l’avait condamné à cinq ans de prison après un an de détention provisoire dans des conditions atroces (une cage à poule sous un soleil de plomb, dans la cour de la maison d’arrêt, au milieu du quartier dit des avariés) ! ■ Laurent Martinet. Il s’agit surtout d’un souvenir de campagne, lorsque je me suis présenté au Conseil de l’Ordre. Nous avions formé un quatuor composé d’Hélène Bornstein, Olivier Guilbaud, Jacques-Antoine Robert et moi. On nous appelait les quadras ou le quatuor. Nous chevauchions par tout temps nos scooters pour nous déplacer dans tout un ensemble de cabinets fort variés allant à la rencontre de nos confrères. Ce fut pour moi un merveilleux moment d’amitié. J’en garde un souvenir incroyable. J’ai adoré ces moments. Je ne peux qu’inciter chacun un jour à se présenter au Conseil, à offrir du temps à ses confrères. C’est absolument magique ! RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 17/04/12 10:44 Page 55 RSG n° 166 - 42/57 - Alumni:Mise en page 1 56 Alumni 17/04/12 10:44 Page 56 CARNET Naissances, mariages, disparitions, distinctions HERMINE DE LABRIFFE QUITTE L’ASSOCIATION Q ui ne connaissait pas Hermine de Labriffe à l’Association ? Elle en était la cheville ouvrière pour l’organisation de réunions, de voyages, de colloques… avec les différents clubs et groupes. Jolie, toujours bien habillée, chaleureuse, elle incarnait le visage de l’Association au quotidien. Pendant treize ans, elle a aidé à mettre en place quelque 150 événements par an. Faites le calcul... Comme elle connaissait tout le monde, elle facilitait grandement la tâche des présidents. Ainsi, lorsque toute nouvelle présidente du club Opéra, j’ai voulu monter une soirée lyrique à Glyndebourne, elle m’a aussitôt NA I SS A NC E S Timothée Bustarret, fils de Claire Bustarret (D 01) et Martin Bustarret, né à Dubaï le 30 janvier 2012. dirigée vers Stéphane Rambosson, qui animait alors le groupe Grande-Bretagne. Elle prodiguait avec générosité idées et conseils pour le lancement de nouveaux groupes. J’ai eu la chance de déjeuner quelquefois avec elle : nous n’arrêtions pas de rire, en dénonçant les travers des gens et de notre époque... Appartenant à une grande famille française, je dirais qu’elle avait de la classe. Efficace, généreuse et drôle, Hermine laisse derrière elle beaucoup de gens qui vont regretter son départ... Marie-Françoise Golinsky (RI 62) D ISTINCTION DISPA RIT ION S Yves Houdiard (Adm. 34), le 13 janvier 2012. Jean-Pierre Leguet (Éco. 58). Élisabeth Bukspan (SP 72) Marc Mabit (SP 62), Camille Bernard (D 46), le 15 janvier 2012. a été promue chevalier de la Légion d’honneur. le 9 janvier 2012. Blinkova-Matalon (MBA 05) et Éric Matalon (DESS Finances 89), le 2 février 2011. Claude Cellier (SP 47), Herbert Maisi (SP 67), le 19 février 2012. le 6 février 2012. Gilbert Simon (SP 68), Constantin Lougovoy (Éco. 48), le 28 janvier 2012. Pierre Rosenfeld, fils de père de Nicolas Lougovoy (AI 10), le 19 février 2012. Jean Pastré (EF 76), le 7 février 2012. Félix Matalon, fils de Tatiana Camille Rosenfeld (née Pouset) (RH 07), né le 21 février 2012. Jean-Michel Galabert (SP 51). Françoise Chenique (Éco. 53) le 8 janvier 2012. M A R I AG E Alexae Fournier (M Éco. 06) et Charles-Erwan de Fay, le 27 août 2011.. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Edmond Rohfritsch (Gen. 55). Guy Marchal (SP 57), le 22 février 2012. Dominique Paty (DEA Soc. 77), le 7 janvier 2012. Sylvie Ausset (EF 82), le 20 janvier 2012.