Max Weber et la naissance de la sociologie allemande

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Max Weber et la naissance de la sociologie allemande
Max Weber
et la naissance
de la sociologie allemande
Pierre FRANCOIS
Le 23 septembre 2010
Weber (1864-1920) : quelques étapes
• Un juriste, professeur d’économie, et
fondateur de la sociologie ;
• L’interrogation sur la rationalisation de la vie
sociale en occident ;
• Un sociologue de l’économie ;
• Le « Marx de la bourgeoisie » ?
Une perspective compréhensive
• Les groupes sont constitués
par des individus :
l’atome n’est donc pas
le groupe,
mais l’individu.
• Les individus
ont ceci de particulier
qu’ils sont des objets
qui pensent.
Max Weber (1864-1920)
La science sociale selon Weber
• La sociologie est une science compréhensive : il faut
reconstituer le sens que les acteurs donnent à leur
action ;
• La sociologie est une science explicative : il faut
pouvoir mettre au jour des rapports de cause à
effets;
• La sociologie est une science comparative : il faut
pouvoir comparer des situations a priori
irréductiblement singulières.
Qu’est-ce qu’un idéal-type ?
• L’idéal-type est une notion abstraite :
Ce n’est pas un objet qu’on rencontre dans la réalité ;
Il peut par conséquent avoir les vertus de l’abstraction : être clair,
précis, univoque, relativement désindexé de situations singulières.
• Comment définit-on un idéal-type ?
L’idéal-type repose avant tout sur une simplification du réel ;
Le privilège méthodologique de la rationalité : placé dans cette
situation, qu’est-ce qu’un acteur rationnel aurait fait ?
Comment se sert-on d’un idéal-type ?
• Le principe : l’idéal-type est un étalon auquel on rapporte le réel pour
mesurer les proximités et les écarts ;
• La mise au jour du sens des actions en est facilité : on compare une
action avec des idéaux-types dont on maîtrise la construction ;
• La mise au jour de relations causales :
je dégage une causalité abstraite entre A et B ;
je compare avec la consécution historique concrète, plus ou moins proche de mon
idéal-type ;
je vois ce qui excède ou ce qui fait défaut.
• Idéal-type et hypothèse :
Rappel de la démarche hypothético-déductive ;
Une bonne hypothèse est juste, elle est vérifiée – un idéal-type n’est jamais juste ;
Une hypothèse suppose que les situations sont les mêmes – un idéal-type vise à
résoudre les difficultés engendrées par le fait que les situations historiques ne sont
jamais les mêmes.
Les sciences sociales et les valeurs
• L’abstention de jugements de valeur – Weber plaide pour
« l’exigence très triviale que le chercheur tienne inconditionnellement séparées l’une de l’autre la
constatation empirique des faits empiriques (y compris sa conduite d’évaluateur des êtres
humains empiriques qu’il étudie) et sa pratique d’évaluation, autrement dit quand il juge ces
faits (…) agréables ou désagréables et, en ce sens, prend une position appréciative ; encore une
fois, il s’agit là, en effet, de problèmes hétérogènes » (Essais sur la théorie de la science)
• Le rapport aux valeurs du chercheur :
Il est inévitable, puisqu’il motive le choix des objets et des questions qu’il leur applique;
Il doit être conscient, explicite et contrôlé – la lecture bourdieusienne de Weber, et
l’impératif d’une socio-analyse permanente.
Une application : L’éthique économique des
grandes religions mondiales
• Le point de départ : les régions allemandes et américaines
qui ont connu le plus fort développement économique
sont des régions protestantes et, plus précisément,
calvinistes ;
• Une question : y aurait-il un lien entre l’éthique protestante
et le comportement intéressé, calculateur et égoïste du
capitaliste ?
Quelques précisions, quelques contresens
• La question n’est pas : la doctrine (théologique) calviniste défendelle un comportement rationnel, égoïste, etc. ?
• La séquence que vise Weber est la suivante:
Celui qui croit en une doctrine religieuse adopte un certain comportement, réglé par
des principes objectifs dont il n’est pas nécessairement conscient et qui ne sont pas
nécessairement explicités dans la doctrine religieuse à laquelle il croît ;
Le puritain qui règle son comportement d’après ces principes objectifs aura-t-il un
comportement compatible, ou proche, de celui d’un capitaliste ?
• La démarche : construire des idéaux-types de comportement du
puritain et du capitaliste ; les rapprocher et leur rapprocher des
situations historiques concrètes.
L’idéal-type du comportement capitaliste
• Le capitaliste recherche le profit pour lui-même.
• Il met en œuvre des moyens rationnels pour parvenir à
ses fins.
L’idéal-type du comportement puritain
• La doctrine calviniste et la Constitution de Westminster de 1647 :
Dieu est absolu et transcendant : il est inaccessible aux hommes ;
Il a créé le monde pour sa plus grande gloire : l’homme doit travailler à le
faire fructifier ;
Les choses terrestres appartiennent à l’ordre du péché ;
L’homme ne peut rien faire pour son salut : il a été damné ou sauvé, de toute
éternité, par le decretum horribile.
• Les injonctions éthiques du calvinisme :
La doctrine calviniste proscrit tout mysticisme ;
Elle incite à l’investissement intra-mondain ;
Elle est psychologiquement insupportable : l’homme cherche, non pas à
gagner son élection, mais à savoir s’il est élu ou s’il ne l’est pas ;
Elle porte à la rationalité, car il faut entretenir un lien direct avec les textes.
Portrait du calviniste en capitaliste
• Il s’investit dans le monde, il y travaille ;
• Il y recherche la réussite comme le signe de son élection ;
• S’il réussit, il ne peut en tirer ni gloire, ni plaisir : il
réinvestit l’argent gagné.
• Il fait tout cela avec des moyens rationnels.
Du sens aux causes
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La démarche de Weber, à ce stade, est compréhensive : il s’agit de mettre au jour une
affinité de sens entre le comportement puritain et le comportement capitaliste ;
Pour mettre au jour une relation causale, il faut mener une comparaison entre les
différentes éthiques économiques découlant des grandes religions mondiales ;
Weber se lance donc dans un gigantesque chantier comparatif dans lequel il
analyse l’éthique économique issu du judaïsme antique, du confucianisme et du
taoïsme, de l’hindouisme et du bouddhisme.
Sa conclusion se fait alors causale :
« Il n’a jamais existé qu’un seul moyen de briser la magie et de rationaliser le mode de vie : celui des
grandes prophéties rationnelles. Toute prophétie, à vrai dire, ne détruit pas la puissance de la
magie, mais même un prophète, qui se légitime par des miracles et autres moyens magiques, brise
les ordres sacrés traditionnels. Ce sont les prophéties qui ont engendré le désenchantement du
monde et qui ont ainsi posé les fondements de notre science et de notre technique moderne ainsi
que du capitalisme » (Histoire économique générale, p. 379).

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