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L’anecdote, finalement assez representative Le « presque » n’existe pas ici. Pas de nuances, pas de « failli », pas de demi (mais des débats ça oui). Pour exemple, notre descente de Dapaong vers la capitale. Nous avions choisi de prendre un bus de nuit avec cinquante autres passagers (90 à l’arrivée), et le bus devait nous mener en 12h au port de Lomé. Ce fut à n’en pas douter la pire nuit de nos vies ; au niveau de la faille d’Aledjo, en pleine montagne à 3h du matin, nous avons vu un semi-remorque et ses ballots de coton brûler, des pompiers sans eau regarder l’engin se décomposer, des kilomètres de véhicules défiler, à gauche, à droite, devant, derrière, partout. Sur une voie escarpée qui pouvait contenir un camion et demi en largeur. Il y avait parmi ces véhicules de nombreux (et remarqués) semi-remorques contenant du gaz inflammable (« oh ! un camion-citerne Total à droite! L’incendie en est où Alex ? »), des camions en supersurpoids, des minibus plein à craquer, des chèvres et des pintades sur le toit, des camions sans freins (« il faut le laisser passer – où ça ?! - il ne peut pas s’arrêter, ses freins sont cassés, il faut bouger - ?!? »). Au péril de nos vies et de l’aile gauche de son bus, le chauffeur s’est faufilé en zigzagant entre les poids lourds arrêtés et nous avons quitté cet enfer, deux heures après y être entrés. Il faut signaler qu’aucune autorité n’avait organisé la circulation, informé les routiers, mis en place un barrage en amont ou en aval, non… Ce n’était que la nationale 1 après tout ; la seule et unique voie qu’empruntent les transporteurs pour relier le Burkina à Lomé. Toute la nuit durant, épisode compris, nous avons eu la joie d’écouter de la musique africaine à plein volume, avec de charmants ghanéens sur les genoux (réquisitionnés sans plus de manière). L’entrée dans la « gare » de Lomé a donc été saluée par des cris de joie de toutes parts – et non pas ceux des clips cette fois. Quand nous avons raconté cette épopée à nos amis togolais, nous étions encore un peu sonnés, et surtout, nous n’avions pas encore identifié la dangerosité de leur quotidien et leur philosophie à ce sujet. « Je t’assure, on a failli mourir dans ce bus, tout le monde en était persuadé, on a dû descendre au beau milieu de la montagne… » « et puis quoi ! Tu n’es pas mort ou Il y a ceux qui meurent, et ceux qui restent. C’est ça l’Afrique. bien ? » « …. » « Aooo, il y a toujours des accidents à Aledjo …» Pas de quoi s’en faire d’après eux, il y a ceux qui meurent (pas étonnant), et puis il y a ceux qui restent. « C’est ça l’Afrique» comme ils disent à tout bout de champ « C.C.A » comme on peut le lire souvent. Fort bien. On vous remercie de cette leçon de prise de recul, en échange on veut bien vous apprendre les gestions de crise les amis… ! Une des vraies questions que soulève cette anecdote, c’est tout de même celle de la résignation ambiante. Le fatalisme contre lequel nous nous battons quotidiennement est-il hérité de l’action de nos pères missionnaires ? Cette résistance au changement, cette culture de la résignation est-elle légitime au Togo ? Nous essayons de prouver que non, que cet esprit même bloque toute action et décourage les meilleures volontés… et pour- tant, nous doutons. La corruption, les accords politiques et économiques passés entre le président et les grands pays développés (les anciens colonisateurs et les nouveaux, l’Allemagne, la France et la Chine pour ne pas les citer), les traditions ethniques et culturelles sont toujours là pour justifier les problèmes et décourager les initiatives. « Les Français nous prennent tout, c’est ça… » C’est dur de faire bouger les choses, on en convient, mais le plus dur, c’est déjà d’oser. Ce fatalisme vient-il en réaction aux déséquilibres du pays ou bien est-il à la source même de tous ses maux ? Nous penchons pour la seconde théorie, sans toutefois désespérer d’assister un jour à une ème 4 Révolution Industrielle, togolaise cette fois ; le Togo, ce sera peut-être ça…