Mot du Centre L`intermodalité rail-route est-elle

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Mot du Centre L`intermodalité rail-route est-elle
Juin 2008
Volume 13 Numéro 2
Mot du Centre
Nous tenons à remercier Ressources Naturelles Canada pour son support, sa
confiance et son intérêt marqués par le renouvellement de son Accord de Contribution
avec le Centre de données et d’analyse sur
les transports pour l’année 2008-2009.
Publié par un groupe d’organismes
nationaux vient de paraître : « Les systèmes
d’énergie intégrés pour les communautés
canadiennes : un consensus sur le besoin
d’agir rapidement». Pour information contacter [email protected].
L’intermodalité rail-route
est-elle une option ?
L’industrie ferroviaire canadienne
est une industrie relativement mature qui a
connu au fil du temps plusieurs transformations. Sa déréglementation presque complète en 1996 a marqué le début d’une profonde restructuration de l’industrie qui s’est
traduite par l’émergence de plusieurs transporteurs de plus petite taille et l’accentuation
de la compétition entre les sociétés ferroviaires. Parallèlement à cette restructuration,
des progrès ont été accomplis en termes de
productivité et d’efficacité qui ont à leur tour
entraîné une hausse de la rentabilité de
l’industrie. C’est au niveau du transport de
marchandises, représentant la vaste majorité
des activités du transport par rail au Canada,
que les progrès les plus notoires se sont
opérés. Malgré ces améliorations, la part du
rail dans les activités de transport au Canada est en baisse depuis le début des années
1990. Les nouvelles exigences de livraison
rapide (service « juste-à-temps ») et l’augmentation des échanges du Canada avec
ses principaux partenaires commerciaux en
Amérique du nord ont accéléré le transfert
modal du rail vers le camionnage. Ceci n’est
pas sans soulever de nouvelles considérations sur les plans énergétique et environnemental puisque le transport routier est généralement reconnu pour être plus énergivore
et engendrer davantage d’externalités négatives que le rail, comme les émissions de
gaz à effet de serre, une dégradation de la
qualité de l’air, le bruit, d’autres impacts sur
les écosystèmes, des problèmes de congestion urbaine, une détérioration prématurée
de l’infrastructure de transport et une aggravation du nombre d’accidents.
Compte tenu de ces problématiques et des coûts croissants des carburants
fossiles, le développement du transport intermodal rail-route1 peut être envisagé comme
une façon de renverser cette tendance en
augmentant la part du rail dans le transport
de marchandises. L’intermodalité est d’ailleurs généralement perçue comme étant
plus compatible avec les perspectives de
développement durable que le camionnage.
D’une part, le transport intermodal se pose
comme une alternative viable au camionnage spécialement pour le transport de
grands volumes de marchandises sur de
longues distances où le rail comporte des
économies d’échelle appréciables. Il permet
alors de combiner les avantages comparatifs
des chemins de fer (spécialisés dans le
transport de grandes quantités de marchandises sur de longues distances) et du transport routier (mieux adapté à la collecte et à
la livraison de marchandises sur des distances relativement plus courtes). D’autre part,
l’intermodalité offre plus de flexibilité au
transport ferroviaire, dont la possibilité d’atteindre des marchés auparavant inaccessibles compte tenu de l’infrastructure en place
____________________
1. Malgré qu’il n’y ait pas de consensus sur la définition d’intermodalité, nous adoptons celle de Trans-
ports Canada qui désigne le transport de marchandises « unitarisées » dans des conteneurs ou des
remorques sur wagons plats par l’intermédiaire d’au moins deux modes de transport différents, en l’occurrence le camionnage et le rail dans le présent cas.
enerInfo transport routier est un bulletin sur le
développement, la gestion et l’analyse de données
sur l’utilisation de l’énergie liées au secteur du
transport.
enerInfo transport routier est produit trois fois
par année par le Centre de données et d’analyse
sur les transports (CDAT) à l’Université Laval.
Le contenu de ce bulletin est intégré à la publication infodonnées qui traite de mobilité, d’environnement, de sécurité routière, de même que
d’efficacité énergétique.
Table des matières
Mot du Centre..……………………………………1
L’intermodalité rail-route est-elle une
option?….………………………………………..1-2
Notre équipe
Denis Bolduc
Directeur
Nathalie Boucher
Directrice exécutive
Philippe Barla
Conseiller
Jean-Thomas Bernard Conseiller
Martin Lee-Gosselin Conseiller
Sylvie Bonin
Conseillère
Luis Miranda-Moreno Chercheur postdoctoral
Kevin Lamontagne Analyste informatique
Martine Guay
Coordonnatrice des
affaires administratives
Johanne Perron
Gestion du site Internet
Guillaume Desrosiers Assistant de recherche
Nos partenaires
Ressources naturelles Canada
Ministère des Transports du Québec
Société de l’assurance automobile du Québec
Agence de l’efficacité énergétique
Adresse:
CDAT, GREEN, Université Laval
Pavillon J.-A.-DeSève, local 2244
Cité universitaire QC
Canada G1V 0A6
Téléhone:
Télécopieur:
Courriel:
WWW:
(418) 656-2131, poste 7875
(418) 656-7412
[email protected]
http://www.cdat.ecn.ulaval.ca
Also available in English
et celle de grouper des marchandises dans
des conteneurs sur wagons plats. Il en résulte de plus grandes économies de densité
en termes soit d’amélioration de la fréquence du service sur une route donnée ou
d’accroissement dans la longueur des
convois ferroviaires.
Malgré ces avantages, l’intermodalité requiert typiquement des opérations plus
complexes que l’unimodalité, incluant la
gestion du factage (ou transport par camion), des terminaux, du réseau ferroviaire
et des services. En impliquant des coûts
supplémentaires, et donc aussi des tarifs de
transport plus élevés, ainsi que des délais
de livraison additionnels, ces différentes
activités réduisent la compétitivité du transport intermodal par rapport au transport
routier. De plus, des investissements importants sont nécessaires aux sociétés ferroviaires pour construire des terminaux et se
doter des équipements nécessaires à assurer des services intermodaux. C’est pourquoi le potentiel de l’intermodalité rail-route
doit être étudié attentivement avant de procéder à son implantation ou à son expansion. Dans le cadre d’un projet de recherche
réalisé pour le compte de Ressources naturelles Canada (RNCan), le Centre de données et d’analyse sur les transports (CDAT)
s’est intéressé entre autres aux perspectives offertes par le transport intermodal railroute au Canada. Après avoir tracé un portrait de sa situation actuelle en se basant
sur les statistiques disponibles, nous avons
effectué une revue de la littérature concernant la demande pour le transport intermodal. Plus précisément, cette revue porte sur
le choix modal pour le transport de marchandises dans l’optique d’évaluer le potentiel de substitution du camionnage vers le
transport intermodal rail-route. Dans ce
domaine de recherche, nous discutons les
études qui se sont intéressées à : i) identifier les marchés desservis par le transport
intermodal, ii) évaluer la performance des
services intermodaux relativement à celle
des autres modes de transport, iii) mesurer
la perception que les décideurs (entreprises
expéditrices ou réceptrices) ont de ces services et iv) déterminer comment la part de
l’intermodalité dans les transports pourrait
éventuellement être augmentée. Nous reprenons brièvement les principales conclusions de nos recherches axées sur chacun
de ces thèmes dans ce qui suit.
i) Identification des marchés
Tout comme le transport ferroviaire, l’intermodalité fait compétition au camionnage
principalement pour le transport de marchandises de haute densité et de faible
valeur sur de longues distances. Essentiellement, quatre conditions sont nécessaires
pour que l’intermodalité soit plus efficace
énergétiquement que le camionnage. La
première est que la longueur du déplacement soit relativement étendue. En référence aux éventuels détours qui doivent être
accomplis au cours des opérations de factage, la seconde condition stipule que l’itinéraire intermodal total ne soit pas significativement plus long que le trajet routier direct.
Selon la troisième condition, le rail doit servir à transporter uniquement des chargements unitarisés et non les camions euxmêmes. La quatrième condition requiert que
les trains aient des taux de chargement
relativement élevés pour présenter un avantage comparatif par rapport aux camions sur
le plan énergétique.
ii) Performance des services intermodaux
Comme pour le transport unimodal, on fait
souvent appel aux enquêtes de type préférences déclarées pour évaluer la performance des services intermodaux et déterminer leur incidence sur le choix modal. Les
études en la matière font généralement
ressortir la prépondérance de la qualité des
services (comme par exemple la vitesse, la
fiabilité, la fréquence et la disponibilité) relativement aux coûts de transport dans le
choix modal. Elles mettent aussi en lumière
l’importance de reconnaître l’hétérogénéité
des expéditeurs et de leurs produits dans
l’analyse de leur demande de transport. À
titre illustratif, les firmes de grande taille de
même que celles produisant des biens de
forte densité et de faible valeur accordent
généralement moins d’importance à la qualité des services, alors que l’inverse est observé pour les entreprises se spécialisant
dans le « juste-à-temps » ou dans la production de biens fragiles ou périssables.
iii) Perception des services intermodaux
D’autres études tentent de mesurer quelles
perceptions les expéditeurs ont de la qualité
des services intermodaux rail-route comparativement aux services offerts par les entreprises de camionnage. Il ressort de ces
études que l’intermodalité est préférée au
rail, mais pas au transport routier qui est
généralement perçu comme offrant de meilleurs services. De plus, les expéditeurs qui
n’ont pas recours au transport intermodal
auraient une moins bonne opinion de ses
services que ceux qui l’utilisent. Puisqu’il
subsiste de l’incertitude concernant l’intermodalité, des efforts additionnels doivent
être consentis d’une part, en publicité et
marketing pour redorer son image et, d’autre part, dans l’amélioration de ses services
pour promouvoir son utilisation.
iv) Demande potentielle pour le transport
intermodal
Pour faciliter l’adoption du transport intermodal, celui-ci devrait pouvoir offrir une qualité
de service comparable à celle présentée par
le transport routier ou des rabais devraient
être consentis pour compenser la perte en
termes de qualité des services. L’importance des rabais varierait toutefois considérablement en fonction des caractéristiques
de l’entreprise cliente. Outre les indicateurs
de la qualité des services susmentionnés
sur lesquels il faudrait mettre l’emphase,
l’excellence opérationnelle (regroupant entre
autres l’efficacité aux terminaux, la qualité
de la manutention des marchandises et le
service après vente), les procédures de
réclamation en cas de perte ou d’endommagement, ainsi que les facilités de communication sont aussi des facteurs qui ont une
incidence sur le choix modal. Enfin, une
autre façon d’encourager le transfert modal
serait d’offrir des contrats à long terme aux
entreprises clientes leur donnant droit à
certains privilèges ou garanties.
Puisqu’à notre connaissance très
peu d’auteurs canadiens se sont penchés
sur les précédents sujets touchant le transport intermodal jusqu’ici, notre revue de
littérature est principalement basée sur des
articles provenant des Etats-Unis et d’Europe. Quoique les recherches effectuées
dans d’autres pays puissent apporter un
éclairage sur le potentiel de l’intermodalité
rail-route, leur validité et leur applicabilité au
contexte canadien restent à démontrer. De
même, les facteurs qui conditionnent le
choix modal pour le transport de marchandises au Canada demeurent à identifier. Ceci
permettra par exemple de déterminer sur
quels aspects de la qualité des services il
faut mettre l’accent pour favoriser le transfert modal. De plus, les différentes études
ne s’entendent pas sur les conditions générales du marché (distances, volumes, qualité des services, etc.) où la compétition railroute intervient. Ceci laisse place à des
avenues de recherche potentiellement très
utiles en ce domaine pour le futur.
Cet article est basé sur des extraits d’un rapport de recherche visant à
effectuer une exploration de l’état du transport ferroviaire au Canada afin de pouvoir
dépeindre sa situation actuelle et analyser
ses perspectives pour le futur. Le projet de
recherche a été mené conjointement par
Mme Nathalie Boucher, Ph.D. en économique et directrice exécutive du CDAT, et M.
Luis F. Miranda-Moreno, Ph.D. en génie civil
et stagiaire postdoctoral au CDAT. M. Guillaume Desrosiers a agi à titre d’assistant de
recherche. Le rapport de recherche déposé
le 30 mai 2008 comporte cinq parties. Dans
un premier temps, nous adoptons une approche générale pour analyser le rôle du rail
dans les transports au Canada. En second
lieu, nous traçons un portrait plus précis de
l’industrie ferroviaire canadienne et de son
évolution dans le temps. Troisièmement, les
principales sources de données rendant
compte des activités de l’industrie ferroviaire
canadienne sont décrites. Quatrièmement,
une revue de la littérature est effectuée afin
d’identifier les enjeux et problématiques
concernant le transport ferroviaire. La dernière section conclut le rapport en ouvrant
sur des perspectives de recherche future en
ce domaine. Les personnes intéressées à
obtenir une copie du rapport sont priées de
contacter Mme Boucher au CDAT.