Arrêt n° 6/15 du 29.01.2015
Transcription
Arrêt n° 6/15 du 29.01.2015
N° 6 / 15. du 29.1.2015. Numéro 3463 du registre. Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf janvier deux mille quinze. Composition: Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Monique FELTZ, conseiller à la Cour d’appel, Mylène REGENWETTER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour. Entre: X, née le (…), demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et : le MINISTERE PUBLIC ======================================================= LA COUR DE CASSATION : Vu l’arrêt attaqué rendu le 11 juin 2014 sous le numéro 39575 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel des décisions du juge des tutelles ; Vu le mémoire en cassation signifié le 11 août 2014 par X, au procureur général d’Etat, déposé au greffe de la Cour le 12 août 2014 ; Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ; Sur les faits : Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par jugement du 23 janvier 2013 le juge des tutelles de Diekirch avait transformé la curatelle simple prononcée par arrêt de la Cour d’appel du 13 juin 2012 à l’encontre de X, en curatelle renforcée, et que sur appel de cette dernière, la Cour d’appel avait, par arrêt du 15 mai 2013, ordonné, avant tout autre progrès en cause, une expertise psychiatrique de l’appelante ; que par l’arrêt attaqué du 11 juin 2014, la Cour d’appel a confirmé la décision entreprise, sauf à désigner un nouveau curateur ; Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches : tiré « de la violation de l'article 488 du Code civil, relatif à la protection légale du majeur et qui dispose : << La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile. Est néanmoins protégé par la loi, soit à l'occasion d'un acte particulier, soit d'une manière continue, le majeur qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts. Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales. >> En ce que, première branche du premier moyen, la Cour d'appel, première chambre, siégeant en matière d'appel des décisions du juge des tutelles, a fait une application erronée de l'article en question, d'une part. D'autre part, en ce que, deuxième branche du premier moyen, la Cour d'appel, première chambre, siégeant en matière d'appel des décisions du juge des tutelles, n'a pas, devant la violation manifeste de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de l'article 11§3 de la Constitution Luxembourgeoise par l'article 488 du Code civil, écarté l'application de l'article 488 du Code civil, ou interprété l'article 488 du Code civil à la lumière de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de l'article 11§3 de la Constitution luxembourgeoise ou posé des questions préjudicielles à qui de droit. » 2 Quant à la première branche du moyen : Mais attendu qu’en retenant que << La situation factuelle telle qu’elle a été décrite dans un arrêt antérieur de la Cour du 13 juin 2012, en ce qui concerne, notamment, le « gaspillage » de X, et « l’empressement qu’elle met à remplir les poches d’escrocs internationaux » ne s’est nullement améliorée >> et en renvoyant ainsi à la constatation, dans l’arrêt cité, qu’<< Il est constant en cause que l’appelante a dilapidé jusqu’à présent une somme qu’elle évalue elle-même entre 50 et 60 millions d’anciens francs luxembourgeois (…) La conséquence de ce gaspillage est qu’une fois ses comptes en banque vidés, l’appelante éprouve depuis fin 2010 des difficultés pour régler ses dépenses d’entretien courantes (frais de ménage, de chauffage, consommation d’électricité, frais de télécommunications, mémoires d’honoraires de médecin etc.).>>, les juges d’appel ont constaté non seulement la prodigalité, mais encore le risque de la demanderesse en cassation de tomber dans le besoin ; Qu’à cet égard le moyen n’est pas fondé ; Quant à la deuxième branche du moyen : Attendu que les juges d’appel n’ont pas statué sur ce moyen dans l’arrêt entrepris ; Qu’il s’ensuit que pour autant qu’il vise l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen est irrecevable ; Attendu que pour le surplus, le moyen est nouveau et, en ce qu’il est mélangé de fait et de droit, irrecevable ; Sur le deuxième moyen de cassation : tiré « de la violation de l'article 490 du Code civil, qui dispose : << Lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l'un des régimes de protection prévus aux chapitres suivants. Les mêmes régimes de protection sont applicables à l'altération des facultés corporelles, si elle empêche l'expression de la volonté. L'altération des facultés mentales ou corporelles doit être médicalement établie. >> En ce que, première branche du deuxième moyen, la Cour d'appel, tout en citant expressément l'article 488 du Code civil, semble avoir voulu faire implicitement application de l'article 490 du Code civil qui permet la mise en place 3 d'un régime de protection pour altération des facultés mentales médicalement attestée. Or, si la Cour d'appel a effectivement entendu fonder sa décision sur l'article 490 du Code civil et non pas sur l'article 488 du Code civil, ce qui peut être déduit du fait qu'elle a ordonné une expertise médicale, il y a lieu de retenir que la Cour d'appel n'a, à aucun moment, tiré les conclusions du rapport médical rendu et n'a justifié de l'existence d'une quelconque altération des facultés mentales de la requérante, et d'un quelconque lien entre cette altération et la nécessité du maintien de la curatelle. A aucun moment la Cour d'appel n'a dit en quoi l'altération des facultés mentales de la requérante rendait nécessaire de pourvoir à ses intérêts. La Cour d'appel n'a donc pas motivé sa décision si tant et bien qu'elle ait entendu la rendre implicitement sur base de l'article 490 du Code civil et a donc violé l'article 490 du Code civil en n'en tirant pas les conséquences de ses conclusions. » Mais attendu que les juges d’appel n’ont pas appliqué l’article 490 du Code civil, qui est étranger à la procédure ; Que le moyen est dès lors inopérant ; Par ces motifs : rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation. La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Mylène REGENWETTER, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour. 4