Chapitre 8 CHAPITRE 8 Eloge de la chevelure. 31, 11

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Chapitre 8 CHAPITRE 8 Eloge de la chevelure. 31, 11
Apulée
Mal-Maeder, Danielle Karin van
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Mal-Maeder, D. K. V. (1998). Apulée: Les métamorphoses Groningen: s.n.
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Chapitre 8
CHAPITRE 8
Eloge de la chevelure.
31, 11-13: Haec dicens in me respexit et risit. Nec tamen ego prius inde discessi quam
diligenter omnem eius explorassem habitudinem: Sur ces mots, elle se retourna vers moi
pour me regarder et se mit à rire. Cependant, je ne m'éloignai pas avant d'avoir examiné
avec soin toute son apparence.
Haec - respexit: cf. 2, 24 (45, 9 s.) haec simul dicens respexit ancillulam. Voir
comm. ad 2, 7 (30, 12) haec mecum disputans.
in me respexit: au moment où Lucius entrait dans la cuisine, Photis se trouvait
debout derrière ses fourneaux. Cf. 2, 7 (30, 18 ss.) où il la décrit de dos ou de trois
quarts. Ça n'est qu'après un premier échange de paroles qu'elle se retourne pour faire face
à son soupirant. A propos de la construction respicere avec in + acc., Callebat 1968, 236
observe qu'elle est bien attestée dans la latinité tardive. Comparer avec la construction
transitive 2, 24 (45, 9 s.: supra) ou avec ad 3, 25 (70, 22). Le tour avec la prép. in réalise
ici une suite d'assonances en i.
nec tamen - habitudinem: alors que dans l'Onos, Loukios trouve encore de quoi
répliquer aux facéties de la servante, chez Apul., c'est Photis qui a le dernier mot. La
réponse du héros a fait place à une admiration silencieuse de la chevelure de la servante,
qui sera suivie d'un baiser, également absent de l'épitomé (2, 10: 33, 3 ss.). Pour le tour
nec tamen, voir comm. ad 2, 7 (30, 13).
31, 13-20: Vel quid ego de ceteris aio, cum semper mihi unica cura fuerit caput capillumque sedulo et puplice prius intueri et domi postea perfrui sitque iudicii huius apud me certa
et statuta ratio[ne], uel quod praecipua pars ista corporis in aperto et perspicuo posita
prima nostris luminibus occurrit et quod in ceteris membris floridae uestis hilaris color, hoc
in capite nitor natiuus operatur: Mais que dirais-je du reste, quand mon seul intérêt fut
toujours la tête et les cheveux? C'est ce que, avec grande attention, je regarde d'abord dans
la rue et ce dont je m'enchante ensuite de retour à la maison. Et ce jugement est fondé chez
moi sur de solides raisons: d'abord sur le simple fait que cette partie éminente du corps,
placée à découvert et bien en vue, frappe la première notre regard; et ce que le vif coloris
d'un vêtement fleuri fait pour les autres parties du corps, c'est à son éclat naturel que la
tête le doit.
Vel quid - perfrui: exorde de l'éloge de la chevelure qui s'étend jusqu'à la fin du
ch. 9 et qui n'a pas de parallèle dans l'Onos. Sur cette longue pause descriptive reproduisant la perspective non pas de Lucius-acteur, mais de Lucius-narrateur, l'orateur enrichi et
l'initié d'Isis (infra s.v. ego... aio), voir intro. points 3 et 5. 6. Si le thème de la chevelure
et de la coiffure connaît un traitement privilégié à l'époque de la Seconde Sophistique, c'est
en raison de sa valeur métaphorique: cf. Synes. 23: 6@µµTJ46¬ –<J46DLH Ò DZJTD
•BXN0<, J¬< D0J@D46Z<. Au travers de cet enkômion, Lucius/Apul. se livrent en quelque
sorte à une démonstration sur la manière de coiffer un texte. Ce splendide morceau de
rhétorique (digne des flor.) est en effet soigneusement bâti sur toute une série d'oppositions, où les assonances succèdent aux allitérations, où les mots rares rivalisent avec les
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accumulations de synonymes et où le narrateur ne cesse de s'énoncer avec ostentation et
emphase (ego... aio; mihi unica cura; ligne 16 apud me; ligne 18 nostris luminibus; ligne
24 quod nefas dicere; 32, 3 inquam). L'équivalence métaphorique entre coiffure et rhétorique est notée par Finkelpearl 1986, 110 ss., pour qui cet enkômion constitue une déclaration stylistique, un plaidoyer pour un style élaboré (asianisme vs. atticisme: voir comm.
ad 2, 9: 32, 17 ss. p. 180). Peut-être y a-t-il aussi un reflet de la réalité contemporaine: on
sait l'importance que revêt la coiffure chez les dames de la maison impériale, dont la recherche déterminait la mode: voir DSg `coma', 1355-1371 [Pottier-Albert-Saglio]; RE 7
(1912) `Haartracht und Haarschmuck', 2109-2150 [Steininger], en part. 2135 ss.
Il s'agit du second ex. d'enkômion dans le livre 2, après la description de Lucius en 2, 2
(26, 2 ss.); cf. aussi 2, 19 (41, 3 ss.), où l'on trouve un éloge en miniature de la ville
d'Hypata. Voir intro. point 3. Enfin, comme le note Walsh 1970, 152, cette interruption
dans le récit des aventures de Lucius rappelle les `digressions' sur des sujets divers dont
les romans grecs abondent, telle celles sur l'importance des yeux et du regard chez Ach.
Tat. (1, 9, 2 ss.), sur la puissance d'Eros (1, 17, 1 ss.), ou sur la bouche (2, 8, 2).
uel quid - aio: comparer pour cet emploi de l'ind. au lieu du subj. e.g. 1, 15 (14,
9) unde autem... scio, an... , avec Molt 1938, 84 ad loc.; 4, 34 (102, 12 ss.) quid differo,
avec Kenney 1990, 135 ad loc.; 5, 16 (115, 18) quid, soror, dicimus. Voir Callebat 1968,
102 sur cet `indicatif de délibération' (qui, dans notre passage, est plutôt un indicatif
d'exclamation), attesté depuis le latin archaïque jusqu'en latin tardif; LHSz 2, 308.
uel quid: H corrige sed quid (Hildebrand et Eyssenhardt maintiennent uel quid).
Mais la particule uel peut introduire soit une correction par rapport à ce qui précède (voir
Callebat 1968, 331, pour qui dans notre passage uel = sed), soit une gradation dans la
pensée et/ou une spécification après une phrase d'ordre général (KSt 2, 2, 107 ss.). Tel est
le cas ici: bien qu'il avoue avoir admiré à l'époque (dans le temps de l'histoire: voir intro.
2. 1) toute la figure de Photis (omnem... habitudinem), le narrateur ne parlera dans ce
développement que de ce qui le fascine le plus, la chevelure.
ego... aio: cet ego-ci reproduit le point de vue de Lucius-narrateur et non, comme
celui de la ligne 11, celui de Lucius-acteur (pour cette distinction, voir intro. 2. 2). Aio est
le premier d'une série de verbes au présent qui, après les temps du passé dominant dans la
description de Photis à ses fourneaux, renvoient non plus au temps de l'histoire, mais au
temps du récit; cf. ligne 15 sitque; ligne 18 occurrit; ligne 20 operatur; ligne 21 exuunt,
dimouent, etc. Avec ce passage au temps du présent, aio, marque de l'énonciation, signale
l'une des rares intrusions explicites du `je-narrant', Lucius-narrateur. On a affaire ici à un
discours d'opinion semblable à celui que l'on rencontre en 10, 33 (264, 1 ss.), où se
produit un changement de perspective explicite entre Lucius-acteur et Lucius-narrateur:
voir Zimmerman-de Graaf 1993, 154 s. L'éloge de la chevelure qui suit est donc à mettre
non pas au compte du personnage Lucius dans le temps de l'histoire (comme le pensent
Singleton 1977, 27, James 1987, 71 n. 40 et Fick-Michel 1991a, 75 et 171 s.), mais au
compte du Lucius de l'après-initiation, dans le temps du récit (un Lucius se confondant
avec l'auteur Apul., dont il partage la passion pour les cheveux: voir intro. 5. 6.). Sur les
conséquences qu'entraînent ce changement de voix narrative, voir van Mal-Maeder 1997a,
197 ss.; infra s.v. domi postea perfrui. Cette ample intervention `commentative' de
caractère général émise par le `je-narrant' se termine un ch. plus loin: cf. 2, 9 (32, 21
ss.), où le changement de perspective est marqué par le retour des temps du passé.
unica cura... caput capillumque: allitérations en c et assonances chiastiques (u-ia/u-a... a-u/a-i-u).
Chapitre 8
unica cura: Lucius n'est pas tout à fait honnête avec lui-même: cf. 2, 7 (30, 18 ss.),
où son regard s'appesantit d'abord sur les deux pôles les plus féminins du corps de Photis.
La construction cura (est) + inf., attestée à partir de Verg., apparaît surtout en poésie:
voir ThLL s.v. cura 1456, 20 ss. et LHSz 2, 349. On la rencontre encore dans l'apol. 65
(73, 15).
caput capillumque: cf. aussi 32, 1 caput capillo; apol. 59 (67, 24 s.). Cette
combinaison euphonique est plusieurs fois attestée: cf. Liv. 1, 24, 6; Colum. 1, praef. 5
(ThLL s.v. caput 386, 63 ss.). Voir Bernhard 1927, 219 ss. pour d'autres ex. d'assemblages de mots avec jeux de sonorités similaires dans les met. d'Apul.; cf. e.g. 5, 20 (118, 24
s.) ceruicis et capitis; supra ligne 11 respexit et risit.
La tournure est la première d'une série de redoublements emphatiques dans cet enkômion
(sans être véritablement synonymiques, caput et capillus possèdent un sens très voisin: voir
OLD s.v. caput 1c); cf. ligne 16 certa et statuta; ligne 17 in aperto et perspicuo; ligne 19
floridae uestis hilaris color; lignes 25 s. eximiae pulcherrimaeque, etc.
sedulo: `avec soin', `attentivement'. Pour le sens et l'étymologie du mot, voir GCA
1981, 85 ad 7, 1 (155, 2) sedulo explorauerat; van der Paardt 1971, 41 ad 3, 3 (54, 5).
et puplice prius intueri et domi postea perfrui: l'anaphore des et et le parallèle de
construction (conjonction - adv. de lieu - adv. de temps - verbe) accentuent la double
opposition: puplice prius/domi postea. Noter aussi les allitérations en p.
prius intueri: de fait, cf. la description d'Isis au livre 11, 4 (268, 8 ss.), où la
primauté est donnée à la chevelure de la déesse. Mais voir supra s.v. unica cura. La vue
constitue dans cet éloge un thème récurrent dont l'importance a été mise en évidence par de
Smet 1987a, 620 s.; cf. ligne 17 in aperto et perspicuo; ligne 18 nostris luminibus. Voir
aussi comm. ad 2, 7 (30, 23 s.).
domi postea perfrui: que faut-il entendre par là? Une fois rentré chez lui, Lucius
rêve-t-il des belles chevelues qu'il a rencontrées dans la rue et qui lui inspirent de tels
éloges? Ou ramène-t-il ces belles chevelues à la maison pour en jouir plus pleinement?
Dans les met., le verbe perfrui est le plus souvent employé avec nuance érotique: cf. 3, 22
(68, 24 s.); 3, 23 (69, 14); 6, 23 (146, 4 s.); 9, 16 (215, 4 s.); 9, 28 (224, 7 s.); voir
comm. ad 2, 17 (39, 7) pendulae Veneris fructu. Une telle phrase, exprimant le point de
vue de Lucius-narrateur (supra s.v. ego... aio), l'initié d'Isis censé avoir renoncé aux
voluptés terrestres (selon l'interprétation généralement répandue: e.g. Schlam 1968, 114
ss.; Englert-Long 1972, 239; Smith 1972, 529 s.; Cooper 1980, 464; Schmidt 1982, 277;
Hooper 1985, 401; Strub 1985, 179), laisse perplexe. Cf. aussi 2, 9 (32, 14) amatoris
oculis occurrens, avec comm. ad loc. Il me semble plutôt que Lucius, prêtre d'Isis, n'a renoncé à rien du tout et est demeuré aussi lubrique qu'il l'était avant et pendant sa métamorphose: voir van Mal-Maeder 1997a, 197 ss. et 1997b, 106 ss.; comm. ad 2, 16 (38, 3
ss.) s.v. alioquin.
sitque - operatur: après l'exorde, l'éloge se développe en une partie `argumentative' destinée à justifier la préférence de Lucius pour les cheveux et à convaincre le lecteur/auditeur du bien fondé de cette opinion. On trouve chez Petron. 109, 9 ss. une ode
similaire dédiée à l'importance primordiale de la chevelure dans l'apparence physique.
apud me: sur l'insistance avec laquelle le narrateur s'énonce dans cet éloge
descriptif, voir supra s.v. uel quid - perfrui et s.v. ego... aio (ligne 13).
certa et statuta: redoublement emphatique euphonique (selon Bernhard 1927, 166,
`das zweite Adjektivum dient zur Erklärung des ersten'); voir supra s.v. caput capillumque. Comparer 9, 18 (216, 17) statutam decretamque mortem.
Chapitre 8
ratio[ne]: F a ratione, corrigé par N en ratio, une leçon que l'on trouve aussi dans
a*. La conjecture de Kaibel 1900, 202 ratione <regula> n'est donc pas nécessaire.
uel quod: supposant la chute d'un membre de phrase qui aurait été introduit par un
premier uel quod, Robertson imprime <uel quod>... uel quod. Voir contra Augello
1977, 46 qui remarque que uel quod n'apparaît pas toujours en relation avec un second uel
quod. Vel possède parfois chez Apul. le sens, fréquent en latin tardif, de saltem (`à tout le
moins', `du moins'): voir Médan 1925, 235 s.; Callebat 1968, 330; LHSz 2, 502. KSt 2,
2, 110 signale en outre l'emploi de uel au sens de ueluti, introduisant après une phrase
d'ordre général un ex. particulier. De uel quod dépendent occurrit (ligne 18) et operatur
(ligne 20).
praecipua - prima: noter les allitérations de cette phrase où l'idée d'éminence est
exprimée avec une richesse verbale remarquable.
in aperto et perspicuo: combinaison quelque peu pléonastique, où l'adj. neutre
substantivé perspicuum (seule occurrence signalée par OLD s.v. perspicuus 2) est joint au
tour plus couramment attesté in aperto (ThLL s.v. aperio 223, 34 ss.). Comparer Cic. nat.
deor. 2, 4 quid enim potest esse tam apertum, tamque perspicuum. Pour d'autres ex. d'adj.
neutres substantivés avec prép. en lieu et place d'un adv., voir Bernhard 1927, 107 (tour
fréquent en latin vulgaire); cf. Apul. met. 2, 4 (27, 13) de proximo. L'expression in aperto
et perspicuo développe l'idée d'éminence déjà exprimée dans l'adj. praecipua. Comparer
pour l'abondance 11, 21 (283, 14) perspicua euidentique... dignatione (cependant, Griffiths 1975, 281 ad loc. préfère la leçon praecipua à perspicua).
nostris luminibus occurrit: la combinaison occurrere luminibus est unique (voir
ThLL s.v. lumen 1819, 45 s. et s.v. occurro 395, 55 s.). Cf. 2, 9 (32, 14) amatoris oculis
occurrens. Noter l'emploi du plur. poétique lumina dans ce passage de style élevé. Sur
l'importance du thème de la vue, voir supra s.v. prius intueri (ligne 15).
Outre qu'il constitue une autre marque de l'énonciation (voir supra s.v. ego... aio), nostris
a pour fonction d'engager le narrataire dans la logique de l'argumentation, afin de mieux le
convaincre.
et quod - operatur: seconde partie de l'argumentation justifiant la préférence de
Lucius pour les cheveux: la chevelure constitue un ornement naturel.
quod in ceteris membris... hilaris color, hoc in capite nitor natiuus: le parallèle de
construction dans la relative antéposée et dans la principale (rompu par la seule position
chiastique des adj. et des subst.) met en évidence l'opposition entre ornement naturel (la
chevelure) et ornement artificiel (les vêtements), i.e. l'opposition entre nature et culture
(NbF4H/<`µ@H); voir infra s.v. nitor natiuus. Ce thème est développé dans la suite de
l'éloge: cf. lignes 20 ss. et 32, 17 ss.
floridae - color: exubérance verbale superbement redondante et homophonies
chiastiques. L'adj. floridus peut désigner autant un motif de fleurs qu'un coloris éclatant,
sens qui le rapproche de hilaris et de color. Cf. 4, 13 (84, 25) floridae picturae, avec GCA
1977, 107 ad loc. sur ce double sens de l'adj.; 7, 8 (159, 26) ueste muliebri florida; 10, 34
(265, 13) (torus) ueste serica floridus. Voir aussi OLD s.v. floridus qui classe notre
passage sous 2 `gaily coloured, bright'. Cf. Plin. nat. 35, 30 sunt autem colores austeri
aut floridi... floridi sunt... minium, Armenium... purpurissimum (cité par de Jonge 1941,
45 ad loc.) et comparer encore Apul. mund. 4 (151, 14) (terra) infinitis coloribus floret.
hilaris color: pour la combinaison, cf. Plin. nat. 23, 144. Dans les met., on trouve
aussi bien la forme hilaris qu'hilarus, comme en 2, 31 (50, 25): voir GCA 1977, 32 ad 4,
2 (75, 15) contra Médan 1925, 176, selon lequel la forme hilarus relèverait du sermo
Chapitre 8
cotidianus; van der Paardt 1971, 93 ad 3, 12 (60, 21).
nitor natiuus: allitérations. OLD s.v. natiuus classe cette occurrence sous 4
`acquired by birth, inborn, native'. Toutefois, le groupe de mots étant opposé à ce qui
précède (la beauté corporelle due à l'habillement, ornement artificiel), le sens donné sous 2
`natural (as opp. to artificial)' paraît ici plus approprié (voir supra). Cf. en revanche 32, 2
natiua specie, où natiuus possède bel et bien le sens de `inné'; Ov. am. 1, 14, 56 natiua
conspicere coma.
operatur: ailleurs dans les met., operari est employé au sens traditionnel de `se
livrer à', `s'occuper à', avec un compl. au dat.: cf. 3, 3 (54, 16); 9, 5 (206, 5) et 10, 6
(241, 7); cf. aussi Ov. am. 2, 7, 23 ornandis illast operata capillis (cité par de Jonge
1941, 45). Ici, et pour la première fois, le verbe est transitif (= efficit), une construction
fréquemment attestée en latin tardif, selon Callebat 1968, 157 s. et ThLL s.v. operor 693,
2 ss.
31, 20-24: Denique pleraeque indolem gratiamque suam probaturae lacinias omnes exuunt,
amicula dimouent, nudam pulchritudinem suam praebere se gestiunt magis de cutis roseo
rubore quam de uestis aureo colore placiturae: De fait, nombre de femmes, désireuses de
faire approuver leur grâce naturelle, se dépouillent de tous leurs effets, enlèvent leurs
vêtements, veulent offrir aux regards leur beauté nue, souhaitant plaire davantage par le
tendre incarnat de leur teint que par l'éclat mordoré de leur habit.
La phrase développe le thème beauté naturelle vs. beauté artificielle engagé précédemment
(supra s.v. quod in ceteris membris... hilaris color, hoc in capite nitor natiuus). Noter la
construction, où trois verbes principaux reliés par asyndètes sont encadrés par deux propositions participiales au futur: probaturae... exuunt... dimouent... praebere se gestiunt...
placiturae.
Denique: l'adv. n'introduit pas un dernier élément à l'argumentation de Lucius pour
prouver sa préférence pour les cheveux, comme le pensent de Jonge 1941, 45 ad loc. ou,
parmi les trad., Hanson (`finally'), mais a pour fonction d'enchaîner sur un développement
explicatif, comme souvent dans les met.: cf. e.g. 4, 28 (96, 22); OLD s.v. denique 5 `in
point of fact, indeed'. Sur les différents sens que peut posséder l'adv. denique dans les
met., voir van der Paardt 1971, 42 s. ad 3, 3 (54, 12).
pleraeque: F a pleraque; la correction est de H.
indolem gratiamque: alors que gratia est fréquemment employé à propos de la
beauté physique (voir ThLL s.v. 2212, 65 ss.; cf. 2, 9: 32, 9), indoles n'est attesté dans ce
sens que dans ce passage et chez Plaut. Rud. 423 tum quae indoles in sauiost: voir
Sonnenschein 116 ad loc. Comparer apol. 92 (102, 12 s.) affert... animi indolem, pulchritudinis gratiam, floris rudimentum.
probaturae... placiturae: le parallèle de construction (voir notice initiale) confirme
la leçon probaturae de a* (F a probatur*, où a semble avoir été corrigé en e; N a probatura, où le e est peut-être ajouté par la même main). Apul. emploie volontiers le part. futur
avec nuance finale, une construction qui se développe surtout en poésie et en prose à partir
de Liv., probablement sous l'influence du grec: voir Bernhard 1927, 45 et GCA 1985, 46
ad 8, 4 (178, 22), avec réf. suppl.
lacinias - gestiunt: `trikôlon' relié par asyndètes, dont les deux premiers membres,
synonymiques, conduisent par un effet de crescendo au troisième, qui en est le résultat. Cf.
Chapitre 8
2, 17 (38, 16 ss.) où Photis s'offre à Lucius laciniis cunctis suis renu[n]data et 3, 20 (67,
13) omnibus abiectis amiculis.
lacinias: selon ThLL s.v. lacinia 834, 84 ss., Apul. est le premier à employer le
mot par synecdoque au sens de `vêtement' (cf. encore 1, 7: 6, 14; 2, 17: 38, 16; 3, 21:
68, 4, etc.). Cet emploi est ensuite attesté chez Amm. 28, 4, 18 et Zeno 2, 2, 6.
nudam pulchritudinem: cf. pour ce topos 10, 31 (261, 26 s.) Venus, cum fuit uirgo,
nudo et intecto corpore perfectam formonsitatem professa; Plaut. Most. 289 pulchra mulier
nuda erit quam purpurata pulchrior; Ter. Phorm. 104 s. uirgo pulchra et, quo magis
diceres, / nil aderat adiumenti ad pulchritudinem: / capillus passus, nudus pes; Prop. 1, 2,
8 nudus Amor formae non amat artificem.
praebere se gestiunt: Lütjohann 1873, 499 corrige praebere scilicet gestiunt. Mais
de Jonge 1941, 45 signale plusieurs ex. de prop. inf. introduites par un verbe de volonté,
dont le sujet (pronom réfléchi) est le même que celui du verbe principal; voir aussi ETh
329 s.; LHSz 2, 355. Cf. e.g. Plaut. Pseud. 167 magnifice uolo me uiros summos
accipere; Sall. Catil. 1, 1 omnis homines qui sese student praestare ceteris animalibus, etc.
magis de cutis roseo rubore quam de uestis aureo colore: parallèle de construction
remarquablement mis en évidence par l'équilibre rythmique et par les correspondances
homophoniques: à de cutis répond de uestis (3 syllabes), à roseo rubore, aureo colore (6
syllabes). On retrouve là l'opposition entre nature et culture déjà exprimée aux lignes 18
ss. (supra).
31, 24-32, 7: At uero - quod nefas dicere nec quod sit ullum huius rei tam dirum exemplum! - si cuiuslibet eximiae pulcherrimaeque feminae caput capillo spoliaueris et faciem
natiua specie nudaueris, licet illa caelo deiecta, mari edita, fluctibus educata, licet inquam
Venus ipsa fuerit, licet omni Gratiarum choro stipata et toto Cupidinum populo comitata et
balteo suo cincta, cinnama fraglans et balsama rorans, calua processerit, placere non
poterit nec Vulcano suo: Mais - c'est un sacrilège que de prononcer de telles paroles et
puisse un fait aussi horrible ne jamais se produire - si l'on dépouillait la femme la plus
belle et la plus resplendissante de la chevelure ornant sa tête et si l'on dénudait son visage
de son aspect naturel, fût-elle tombée du ciel, née de la mer, issue des eaux, fût-elle,
disons-le, Vénus en personne, fût-elle entourée du choeur de toutes les Grâces, accompagnée du peuple entier des Cupidons et ceinte de son baudrier, embaumant le cinnamome et
baignée de myrrhe, qu'elle s'avance chauve: elle ne pourrait pas même plaire à son Vulcain de mari.
L'emphase avec laquelle cette phrase hypothétique débute (exclamation oratoire, redoublements de l'expression) se déroule dans un crescendo superbe d'anaphores, doublées de
réminiscences poétiques, pour atteindre avec Vénus les sommets olympiens... et retomber
avec l'apodose dans un prosaïsme cocasse.
Ce développement de l'éloge évoque l'`éloge funéraire' de la chevelure chez Ov. am. 1,
14, où, après un exorde déplorant la chute des cheveux de son amie (v. 2: iam tibi nulla
coma est), le poète se lance dans une description `posthume' de leur couleur, tout d'abord,
puis des diverses manières dont ils étaient arrangés. Cf. aussi ars 3, 249 s. turpe pecus
mutilum, turpis sine gramine campus / et sine fronde frutex et sine crine caput. Lucius
adopte ici la pause d'un poète élégiaque et ce ton dramatique a de quoi surprendre dans la
bouche d'un initié d'Isis, censé avoir renoncé de plein coeur à sa belle chevelure et aux
plaisirs terrestres (cf. 11, 28 et 30: 289, 26 s. et 291, 17 ss., où Lucius se rase le crâne):
Chapitre 8
voir supra s.v. domi postea perfrui (31, 15).
quod nefas - exemplum!: pour l'usage des parenthèses chez Apul., voir Bernhard
1927, 91 ss.; GCA 1981, 109 ad 7, 5 (157, 23 ss.) et 129 ad 7, 7 (159, 17 s.) - uera enim
dicenda sunt et les index des autres GCA. D'ordinaire, les parenthèses dans les met.
renferment une explication, une justification sur ce qui précède ou livrent une information
supplémentaire. Ici, il s'agit d'un procédé emphatique destiné à mettre en relief ce qui suit.
L'humour de cette parenthèse apparaît avec la mention de Vénus dans la suite de la phrase.
Car s'il est un exemplum fameux de femme sans cheveux, c'est la Venus calua: voir infra
s.v. calua processerit (32, 6). La pesanteur des homéotéleutes (ullum... dirum exemplum)
renforce le ton emphatique de l'exclamation. Voir supra s.v. ego... aio (ligne 13) sur
l'énonciation insistante du narrateur dans ce morceau épidictique.
quod nefas dicere: comparer pour cette exclamation rhétorique dramatique apol. 4
(5, 5) - pro nefas - , avec Hunink 1997, 23 ad loc.; flor. 3 (4, 6). Pour l'ellipse du verbe,
voir GCA 1981, 230 ad 7, 23 (171, 9) `nefas', ait, `tam bellum asinum sic enecare', qui
renvoient à Callebat 1968, 114 pour cet emploi relevant de la `langue du dialogue rapide et
de la conversation familière'. Ici, la tournure répond plutôt à une recherche de pathos.
GCA l.c. observent à propos de notre passage: `there we can still sense some of the
religious meaning of nefas', ajoutant la trad. de Helm: `es ist schon ein Frevel, es nur zu
sagen'. Voir aussi Vallette: `par un sacrilège dont la pensée est un blasphème'. Pour un
lien sémantique éventuel entre nefas (< fari) et dicere, GCA l.c. citent Cic. Cato 5, 13
uidetis nefas esse dictu miseram fuisse talem senectutem. Cf. aussi Verg. Aen. 6, 266 sit
mihi fas audita loqui. LHSz 2, 349 discutent l'étymologie douteuse de l'expression nefas
est, qui fut supposée dériver de *ne fasi est `man darf es nicht aussprechen'.
nec quod sit ullum: les anciennes éd. corrigent la leçon des mss. (F: nec qd sit; N
nec q sit) par neque sit (`fort. recte': Robertson). Mais dans un ch. consacré aux emplois
pléonastiques des pronoms, Löfstedt 1933, 192 signale que ullus peut s'attacher avec une
grande liberté à d'autres pronoms, citant outre ce passage des met. divers ex. (voir aussi
LHSz 2, 801). Cf. e.g. Val. Max. 1, 5, 4 nec aliqua ulla uox; Gell. 13, 25, 4; Min. Fel.
11, 8 quis unus ullus... remeauit?; Hist. Aug. Avid. 12, 3 neque quemquam ullum senatus
occidat. Helm compare dans son apparat avec les tournures nemo quisquam, nihil quicquam et ulla aliqua.
Pour la particule négative nec (= ne) dans des tours formulaires exprimant la volonté que
quelque chose ne se fasse pas, voir ETh 149 s. qui cite Verg. ecl. 9, 6 quod nec uertat
bene (voir Coleman 257 ad loc. avec ex. suppl.; Clausen 270 ad loc.). Mais par sa position, nec possède ici aussi une fonction copulative. Voir ETh 151 qui signale l'emploi
copulatif de neque/nec avec un subj. (= neue) après un membre de phrase affirmatif dont
le verbe est à l'impér. ou au subj.; KSt 2, 1, 192 s.; LHSz 2, 338, 340 et 450 s. Cf. e.g.
Plaut. Men. 221. Frassinetti compare dans son apparat avec Ciris 275 ss. ut me... nec
perdere malis... nec mihi quam merui inuideas... mortem.
tam dirum exemplum: cf. 10, 6 (241, 20 ss.) nec... tam dirum saeculo proderetur
exemplum, avec Zimmerman-de Graaf 1992, 144 sur cette combinaison.
si - nudaueris: `dikôlon' quelque peu pléonastique (où le deuxième membre
exprime cependant le résultat du premier).
eximiae pulcherrimaeque: nouveau redoublement emphatique: voir supra ligne 16
certa et statuta et ligne 17 in aperto et perspicuo. Sur la juxtaposition d'un adj. positif et
d'un superlatif synonymiques, voir Bernhard 1927, 167 s. avec ex. suppl. (tendance de la
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langue vulgaire et non pas `africanisme'). Pulcherrimus possède ici sa pleine valeur superlative, la plus belle femme du monde étant bien sûr Vénus (ligne 3). Le groupe eximiae
pulcherrimaeque est encore renforcé dans la suite de la phrase par trois propositions
concessives introduites par trois licet `anaphoriques'; voir infra.
caput capillo spoliaueris: cf. Ov. met. 15, 212 s. senilis hiems... spoliata... suos
capillos; Petron. 109, 9 quod solum formae decus est, cecidere capilli, / uernantesque
comas tristis abegit hiemps. Voir supra s.v. caput capillumque (31, 14).
natiua specie: voir supra comm. ad 31, 19 nitor natiuus.
spoliaueris... nudaueris: uariatio.
licet... licet... licet: trois licet `anaphoriques' introduisent trois propositions
concessives qui viennent renforcer les mots eximiae pulcherrimaeque feminae. La première, en forme de `trikôlon', conduit à la seconde qui en est l'exégèse, elle-même développée dans un effet de climax par une troisième concessive, en forme de `pentakôlon'.
Le lecteur se trouve ici face à une description en miniature de la naissance de Vénus et du
cortège de la déesse, la première d'une série considérable dans ce roman, qui témoigne de
l'influence des représentations iconographiques ou plastiques (même si Apul. n'avait pas
nécessairement une oeuvre d'art précise en tête): cf. 4, 31 (99, 12 ss.); 6, 6 (132, 16 ss.);
10, 31 (261, 24 ss.). Plus loin dans le livre 2, Photis nue est encore comparée à une Venus
pudica: cf. 2, 17 (38, 15 ss.), avec comm. ad loc. Voir Nethercut 1968, 112 et Singleton
1977, 31 sur ce motif récurrent. C'est donc une verve descriptive remarquable que la
déesse de l'amour inspire à Lucius et en cela, elle n'a rien à envier à Isis (pour la description de cette dernière, cf. 11, 3: 268, 1 ss.). Même si ici Lucius ne compare pas véritablement Photis à Vénus, le rapport entre elles deux est suggéré et il est couramment interprété
comme une déification sacrilège (où Photis serait l'image de la Venus uulgaria, opposée à
la Venus caelestis représentée par Isis): voir pour cette interprétation e.g. Singleton 1977,
28 ss.; Schlam 1978, 98 ss. et 1992, 71 s.; Alpers 1980, 199s.; Trembley 1981, 95 ss.
Mais les descriptions de Photis et les rapports que Lucius entretient avec elle me paraissent
surtout devoir être lus en termes d'intertextualité poétique: quand il s'agit de Photis,
Lucius adopte la pose d'un poète amoureux. De même, la servante s'adresse à son
soupirant dans un vocabulaire tout imprégné d'élégie; voir comm. ad 2, 17 (38, 15 ss.);
appendice 1.
licet - educata: `trikôlon' bâti sur un exact parallèle de construction et dont chaque
membre, relié par asyndète, est la suite chronologique de l'autre. La phrase décrit de
manière allusive et poétique les étapes successives de la naissance de la déesse de l'amour
selon la tradition mythologique (née de la semence d'Ouranos tombée dans la mer: cf. Hes.
Th. 178 ss.), ce que confirme la seconde concessive introduite par licet. A cette naissance,
il est encore fait allusion en 2, 17 (38, 16 ss.); 4, 28 (97, 5 ss.) deam, quam caerulum
profundum pelagi peperit et ros spumantium fluctuum educauit (voir Kenney 1990, 118 ad
loc.); 10, 31 (262, 5 s.) deae... corpus candidum, quod caelo demeat, amictus caerulus,
quod mari remeat, où l'on retrouve le double mouvement ascendant-descendant (deiecta/demeat - edita/remeat); voir intro. 5. 10. Comparer pour ce `trikôlon' Auson. epigr.
57, 1 s. (p. 308 Prete) orta salo, suscepta solo, patre edita Caelo... alma Venus (cité par
Beroaldus).
caelo deiecta: Blümner 1905, 26 s. veut corriger la leçon des mss. deiecta en
deuecta, ce qui constituerait une banalisation inutile. En dépit de ses pudiques objections
(`An das von Kronos abgeschnittene Glied des Uranos... darf man doch hier schwerlich
denken'), deiecta fait bel et bien allusion à la castration d'Ouranos. Voir OLD s.v. deicio
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qui classe cette occurrence sous 2c `(pass.) to fall (usu. with violence)'. Le verbe est
couramment employé à propos de corps liquides (cf. e.g. Liv. 2, 62, 1 tempestas cum
grandine ac tonitribus caelo deiecta; 28, 15, 11; voir encore OLD l.c. 3, `évacuer', `purger', au sens médical) et évoque donc parfaitement la semence d'Ouranos. Ouranos, le
Ciel, caelum, un jeu de mots qui ne peut que confirmer cette interprétation. Cf. Enn. ann.
27 Saturno quem Caelus... genuit et Cic. nat. deor. 2, 63 exsectum Caelum a filio Saturno
(ThLL Onomast. s.v. Caelus 26, 58 ss.).
mari edita: cf. Ov. epist. 7, 59 s. mater Amorum / nuda Cytheriacis edita fertur
aquis.
fluctibus educata: cf. 4, 28 (97, 5 ss.: cité plus haut); voir Grimal 1963, 36 ad loc.
pour le poétique educare au sens de `faire naître' (que l'on trouve encore en 11, 2: 267,
12). Ce troisième participe, qui du point de vue du sens ne diffère guère de mari edita,
s'inscrit dans la liste des redoublements oratoires de ce morceau épidictique. Sur la
signification érotique du lien entre Vénus et la mer, voir Murgatroyd 1995, 17 (cf. 2, 11:
34, 5 nauigium Veneris).
inquam Venus ipsa: exégèse des allusions mythologiques dans la proposition concessive précédente. Sur la présence ostentatoire du narrateur dans cet éloge descriptif, voir
supra s.v. ego... aio (31, 13).
licet omni - rorans: noter la succession des part. dans ce `pentakôlon': trois part.
passés passifs avec homéotéleutes (comme plus haut, dans la concessive introduite par le
premier licet), de sens voisin et reliés par et; puis deux part. présents, également reliés par
et, mais rattachés aux trois premiers par une asyndète qui appuie la rupture de construction.
omni - comitata: cf. Plin. nat. 35, 141 pinxit... Nearchus Venerem inter Gratias et
Cupidines et CIL 8, 6965 Veneri Aug(ustae)... simulacrum aereum Veneris cum aede sua et
Cupidinibus (sur l'aspect plastique des descriptions de Vénus chez Apul., voir comm. ad 2,
17: 38, 15 ss.). Ce type de représentations paraît avoir été très courant: voir LIMC 2, 2
`Aphrodite', pl. 1193-1206; 1213-1222; 1193-1206, etc.
Noter le parallèle de construction, renforcé par les homéotéleutes des part. Comparer pour
la uariatio verbale (omni/toto - choro/populo - stipata/comitata) 5, 28 (126, 1 ss., cité dans
la notice suivante: populo/numero/choro/ministerio). L'ensemble relève du style poétique:
cf. Ov. met. 2, 441 ecce suo comitata choro Dictynna; 10, 9 dum noua (sc. nupta) Naiadum turba comitata uagatur; fast. 2, 463 (Dione) uenit ad Euphraten comitata Cupidine
paruo, etc. En prose, cf. Cic. Mur. 49 Catilinam... stipatum choro iuuentutis.
omni Gratiarum choro: les compagnes habituelles de Vénus, qui ne se déplace
jamais seule: cf. 4, 2 (75, 13 s.) Veneris et Gratiarum lucum; 5, 28 (126, 1 ss.) siue de
Nympharum populo seu de Horarum numero seu de Musarum choro uel de mearum
Gratiarum ministerio; 6, 24 (146, 19 ss.); 10, 32 (263, 9). Comparer Hor. carm. 1, 4, 5
ss. iam Cytherea choros ducit Venus imminente luna / iunctaeque Nymphis Gratiae
decentes / alterno terram quatiunt pede, avec Heinze 51 ad loc. sur Vénus `als Chorführerin im Reigentanz'; 3, 21, 21 s.; 4, 7, 5 s.; Claud. 10, 99 ss. (p. 91 Hall; un passage
où les Grâces coiffent Vénus: voir Frings 1975, 57 ss. sur le motif de la chevelure, atout
de la séduction); 135 ss. Les Grâces étant trois, omni est une amplification rhétorique et
poétique, à laquelle répond toto.
toto Cupidinum populo: le plur. de Cupido, que l'on rencontre encore en 10, 32
(263, 4), est attesté pour la première fois chez Catull. 3, 1 lugete, o Veneres Cupidinesque.
Son emploi est essentiellement poétique: cf. e.g. Hor. carm. 1, 19, 1 mater saeua
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Cupidinum; Mart. 9, 11, 9 (ThLL Onomast. s.v. Cupido 749, 50 ss.). Comparer Claud.
10, 72 s. (p. 90 Hall) mille pharetrati ludunt... fratres... gens mollis Amorum. Combiné
avec toto... populo (hyperbate), le plur. n'est pas dépourvu d'une nuance humoristique
quelque peu irrespectueuse qui annonce la chute de la phrase: voir infra.
balteo: la fameuse ceinture de tous les désirs, entourant la poitrine de la déesse;
voir comm. ad 2, 7 (30, 19) russ[uss]ea fasceola praenitente. Pour cet emploi de balteus,
ThLL s.v. 1711, 79 ss. cite en dehors de ce passage d'Apul. le seul Mart. 14, 207 sume
Cytheriaco medicatum nectare ceston: / ussit amatorem balteus iste Iouem.
cinnama fraglans et balsama rorans: parallèle de construction dont l'équilibre
rythmique (subst. de 3 syllabes - part. de 2 syllabes - et - subst. de 3 syllabes - part. de 2
syllabes) est appuyé par les assonances et les homéotéleutes. Cinnama et balsama, deux
plur. poétiques (voir ThLL s.v. cinnamum 1076, 40 s. et s.v. balsamum 1710, 34 ss.; von
Geisau 1912, 4 et 24, qui, à propos de cinnama, signale qu'Apul. est le premier prosateur
chez qui ce plur. soit attesté), sont volontiers associés pour symboliser luxe et volupté. Cf.
e.g. Mart. 3, 63, 3 ss. bellus homo est... balsama qui semper, cinnama semper olet; Prud.
cath. 5, 117 ss. illic et gracili balsama surculo / desudata fluunt, raraque cinnama /
spirant.
L'odeur suave flottant autour de la Vénus d'Apul. s'explique peut-être moins par un
quelconque rayonnement divin (sur ce topos de la fragrance exhalée par les dieux, voir
Puech 1950), que par les parfums répandus sur elle lors des banquets qu'elle fréquente
assidûment: cf. Apul. met. 6, 11 (136, 5 s.) et 6, 24 (146, 19 s.), cités infra. Detienne
1972, 117 ss. étudie la fonction érotique des parfums et leur utilisation dans les banquets.
cinnama fraglans: pour cet emploi du verbe avec l'acc., voir Kenney 1990, 204 ad
6, 11 (136, 6) fraglans balsama Venus; Mart. 5, 37, 9; 6, 55, 3 fragras plumbea Nicerotiana. Comparer Apul. met. 10, 29 (260, 11) spirantes cinnameos odores... rosae; 11, 4
(269, 10) spirans Arabiae felicia ge<r>mina; Verg. ecl. 8, 54 sudent electra (cité par
ETh 26 comme `acc. de qualification').
fraglans: alors que F présente cette variante euphonique de fragrare, N a flagrans.
Cf. 3, 19 (67, 1), où F a fraglantibus, N flagrantibus: voir van der Paardt 1971, 148 ad
loc. Sur la confusion orthographique dans les mss. entre les verbes fraglare et flagrare,
voir GCA 1977, 210, appendice II (ad 4, 17: 87, 10), qui proposent de conserver les
variantes orthographiques (en revanche, Augello 1977, 15 s. préfère réserver à flagrare le
sens de ardere et à fraglare celui de odorare et corriger la leçon des mss. suivant ce
principe). La correction effectuée systématiquement dans les anciennes éd. de toutes les
formes du verbe fraglare en fragrare est une banalisation à éviter, Apul. préférant visiblement la variante euphonique: le seul ex. de la forme fragrare se trouve dans le spurcum
additamentum transmis dans la marge de N: cf. 10, 21 (252, 20; mais, selon Robertson
fragrantis y est une correction d'une seconde main).
balsama rorans: l'odeur enivrante du balsamier est souvent associée à Vénus et à
l'amour: cf. 6, 11 (136, 5 ss.) e conuiuio nuptiali... fraglans balsama Venus, avec Kenney
1990, 204 ad loc.; 6, 24 (146, 19 s.) Gratiae spargebant balsama (lors du mariage
d'Amour et Psyché); 10, 21 (252, 17 ss.) multo sese perungit oleo balsamo meque indidem
largissime perfricat (de la matrone éprise de l'âne Lucius, avant leurs ébats; voir
Zimmerman-de Graaf 1992, 302 ad loc.); Detienne 1972, 117 ss. (cité supra).
Le verbe rorare apparaît encore en 5, 23 (121, 4), où il est intransitif. Des ex. cités par
OLD s.v. roro, l'emploi transitif de ce verbe paraît se limiter à la poésie: cf. Q. Cic. carm.
frg. 13 (FPL Morel-Büchner-Blänsdorf; voir Courtney 179 ss. ad loc.); Ov. fast. 4, 728.
Chapitre 8
Voir supra s.v. cinnama fraglans.
calua processerit: dernière partie de la protase, dont la brièveté résulte en une mise
en évidence de l'adj. calua et dont le prosaïsme contraste de façon cocasse avec le ton
élevé de ce qui précède (voir aussi notice suivante). La mise en relief de calua a sans doute
pour fonction de souligner une allusion à un exemplum précis de calvitie féminine, la Venus
calua dont parle Serv. Aen. 1, 720. On trouve d'autres mentions de cette Venus calua
(dont l'existence est toutefois contestée) chez Lact. inst. 1, 20, 32; Cypr. idol. 4; Aug.
epist. 17, 2; Hist. Aug. Maximin. 33, 3. Voir sur cette question Latte 1960, 186 n. 4;
Grimal 1963, 51 s. et Schilling 1982, 65 ss. Singleton 1977, 27 ss. observe que la mention
de la Venus calua engage une première comparaison entre Photis et la déesse de l'amour et
de la beauté. Pour l'aspect négatif de la calvitie (féminine), cf. Sen. epist. 95, 21 quid ergo
mirandum est maximum medicorum ac naturae peritissimum in mendacio prendi, cum tot
feminae podagricae caluaeque sint?; Mart. 2, 33, 1 cur non basio te, Philaeni? calua es;
et déjà Ov. am. 1, 14, un poème sous-jacent à tout cet éloge (voir supra p. 168); ars 3,
249 s. Sur l'aspect négatif de la calvitie en général, voir van Mal-Maeder 1997b, 106 ss.
avec réf. et litt. suppl. (à propos de la calvitie de Lucius à la fin du roman).
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nec Vulcano suo: le rejet en fin de phrase et l'emploi quelque peu irrespectueux de
suus (sur l'emploi occasionnel du possessif avec valeur intensive ou affective, voir Callebat
1968, 260 s.), créent par rapport à l'emphase qui précédait un effet de chute non dépourvu
d'humour. Voir la note de Vallette ad loc.: `Vulcain, mari trompé, mais très épris, est en
général sans défense devant les charmes de sa femme; d'où ici: *même son Vulcain+' (n. 3
p. 36). Selon Walsh (n. à sa trad. p. 245), Apul. pense ici en part. à Verg. Aen. 8, 369 ss.
Enfin, il vaut la peine de citer le superbe commentaire de Beroaldus à notre passage:
`Merito Venerem Vulcano coniungunt (sc. antiqui), quia sine calore et ignis uiribus res
uenerea peragi non potest'.

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