AGITATION ET DELIRE POST

Transcription

AGITATION ET DELIRE POST
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Troubles neuropsychiques postopératoires
Pr Jean Mantz
Service d’Anesthésie et de Réanimation Chirurgicale
Hôpital Beaujon
100 Bd du Général Leclerc 92110 Clichy.
e-mail : [email protected]
Introduction.
Il est assez fréquent que des patients, souvent âgés, rapportent des troubles des
fonctions cognitives sous forme d’asthénie, de difficultés de concentration, de troubles
mnésiques ou de difficultés d’élocution à distance d’une intervention chirurgicale. Ces
symptômes semblent atteindre particulièrement les sujets âgés et amènent parfois ces patients
à extérioriser leur crainte devant la réalisation d’un nouvel acte anesthésique et opératoire
(1,2). La phase de réveil post-anesthésique s’accompagne inévitablement d’une période de
dysfonction cérébrale passagère qui coïncide avec le temps nécessaire à la disparition des
effets des agents anesthésiques. Certaines de ces altérations cognitives post-opératoires
immédiates comme l’amnésie peuvent être parfois souhaitables, voire recherchées. Toute
nouvelle détérioration des fonctions cognitives après restitution ad integrum ou tout retard à la
récupération de fonctions de relations optimales constituent les troubles du comportement
post-opératoires que l’on peut schématiquement classer en deux entités :
- la confusion ou le délire post-opératoire, avec ou sans agitation, qui survient relativement
précocément après l’intervention, de façon aiguë, avec ou sans intervalle libre. Elle touche
avec prédilection les sujets âgés et doit faire rechercher de principe une cause organique.
- la dysfonction cognitive post-opératoire persistante qui elle aussi touche avec prédilection
les sujets âgés et s’installe ou perdure de façon insidieuse pendant des mois, voire des années,
avec des conséquences socio-économiques importantes (3-6)
L’atteinte élective des patients âgés fait du problème des troubles du comportement
post-opératoire un véritable enjeu de santé publique comme en atteste la multiplication des
publications récentes dans ce domaine. Une des raisons pour lesquelles le sujet âgé est touché
avec prédilection par les troubles du comportement post-opératoire est que des modifications
pharmacocinétiques, mais aussi pharmacodynamiques, favorisent l’accumulation des
médicaments susceptibles d’interférer avec le fonctionnement cérébral. Dans cette brève
revue, nous aborderons la confusion/agitation postopératoire en insistant sur ses aspects
diagnostiques et thérapeutiques. Nous envisagerons ensuite le problème des dysfonctions
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cognitives post-opératoires. Pour être complet, le problème du déséquilibre de la maladie de
Parkinson et des convulsions postopératoires devrait être inclus dans ce chapitre, mais les
contraintes de limitation de taille du texte nous imposent de n’évoquer ces problèmes que
brièvement lors de la présentation orale.
1. Agitation/confusion/délire post-opératoire.
L’agitation post-opératoire constitue une pathologie extrêmement fréquente que l’on peut
définir comme une hyperactivité motrice quasi permanente, spontanée ou réactionnelle, sans
mobile apparent. A cette composante motrice s’associe le plus souvent une confusion pouvant
aller jusqu’au délire avec au maximum désorientation temporospatiale absolue. Nous
emploierons donc indifféremment l’un ou l’autre de ces termes dans ce chapitre. L’agitation
post-opératoire peut survenir en salle de surveillance post-interventionnelle au décours
immédiat d’une intervention chirurgicale ou après un intervalle libre de plusieurs jours en
unité de soins chirurgicaux ou en réanimation. Les étiologies à évoquer sont globalement les
mêmes, mais leur ordre hiérarchique est dépendant du contexte. Parfois, le délire postopératoire est présent sans cause retrouvée dès la phase préopératoire chez les sujets de plus
de 65 ans opérés d’une fracture du col fémoral, et cette situation est associée à un pronostic
fonctionnel péjoratif (7).
Un certain nombre de facteurs prédictifs de délire et/ou agitation post-opératoire ont
pu ainsi être identifiés par des méthodologies modernes qui ont remplacé en partie les
spéculations basées sur des cas observés. La physiopathologie de ce syndrome a également
suscité un engouement récent et des pistes intéressantes ont été rapportées récemment dans les
agitations post-opératoires sans cause apparente. Les méthodes diagnostiques se sont
simplifiées et certaines échelles ont pu être validées sur des patients de réanimation. Certaines
données permettent d’envisager une prophylaxie et/ou un traitement curatif plus efficace de ce
syndrome dont la morbidité elle aussi commence à être bien documentée. C’est le cas
notamment des troubles du cycle veille-sommeil pendant la phase post-opératoire (8)
Epidémiologie, étiologies
La fréquence du délire post-opératoire est probablement beaucoup plus importante
qu’il n’y paraît, et ceci est probablement lié à une sous-estimation du diagnostic dans de
nombreux cas. Le manque relatif d’outils de mesure spécifique du délire et de l’agitation
validés en réanimation explique en grande partie ce déficit. Certaines échelles diagnostiques
se sont développées ces dernières années pour coter l’agitation et/ou les troubles psychiques
des patients essentiellement dans le contexte de la réanimation. Parmi les plus utilisées,
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l’échelle dite de sédation-agitation est la plus ancienne. Elle se rapproche de l’échelle de
vigilance de Ramsay: elle appréhende donc assez bien l’organisation de la réponse motrice et
l’adéquation de la réponse à des stimuli non douloureux, comme la stimulation verbale ou
tactile légère. En revanche, elle est peu informative sur une éventuelle activité délirante, son
type, son mode de survenue, sa prédominance spatiale ou temporelle etc… L’échelle dite
« Motor Activity Assessment » représente une variante des deux précédentes. En fait, le
développement d’échelles diagnostiques comme la CAM-ICU établie à partir d’une échelle
initialement validée en médecine interne, a permis une amélioration des performances
diagnostiques du délire chez les patients de soins intensifs(9). Cette échelle fait appel à 4
items : 1. Un début brutal ou une fluctuation des troubles psychiques, 2. Une inattention, 3.
Une désorganisation de la pensée, 4. Une altération de la vigilance. Le délire est affirmé par la
présence des deux premiers facteurs et de l’un au moins des deux derniers. Cette échelle a une
excellente sensibilité et spécificité et une très bonne reproductibilité des mesures par des
observateurs différents. Cette échelle a permis de chiffrer l’incidence des délires/agitations en
réanimation à près de 40 % des patients. D’autres séries font état d’une incidence de 11 à 25
% des patients. Il est intéressant de noter que les infirmières méconnaissent souvent le
diagnostic par défaut, mais très rarement sous forme de faux positifs (10).
De nombreux facteurs avaient été proposés comme facteurs favorisant le délire et la
confusion post-opératoire avec ou sans agitation sans validation réelle par une méthodologie
basée sur des études prospectives bien conduites. L’étude des facteurs prédisposant au délire
et à l’agitation post-opératoire a fait depuis quelque temps l’objet d’études prospectives plus
rigoureuses de type analyse multivariée (11). Les données de ces deux types de travaux ne
sont pas nécessairement en accord, ce qui complique encore l’analyse. Ainsi, par exemple,
l’âge avancé n’est pas toujours retrouvé comme facteur de risque dans des études prospectives
alors que c’est un facteur de risque bien admis, ce qui tient plus du biais de l’analyse
multivariée que de la réalité du phénomène. De tous ces travaux, on peut tenter de faire une
synthèse en déclinant les principaux facteurs favorisants qu’il semble raisonnable de retenir à
l’heure actuelle comme étant pourvoyeurs de délire et/ou d’agitation post-opératoire :
L’âge élevé est un facteur de risque reconnu de survenue de délire, aussi bien dans
un contexte médical pur que dans le post-opératoire (12,13). Ceci est fort cohérent avec
l’incidence élevée des dysfonctions cognitives post-opératoires, qui elle aussi était sousestimée dans cette frange de population (14). L’incidence de l’agitation au réveil est mal
chiffrée en anesthésie pédiatrique. Elle a probablement diminué avec les progrès accomplis en
matière de prise en charge anticipée de la douleur post-opératoire. Elle est en général de
courte durée et ne s’accompagne pas forcément d’un délire.
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Le terrain préexistant semble également être un facteur favorisant le délire et/ou
l’agitation post-opératoire. Ainsi, le milieu social défavorisé et la barrière linguistique sont
fréquemment cités comme facteurs d’agitation post-opératoire. Une intoxication éthylique
expose au risque réel de delirium tremens post-opératoire. Celui-ci est plus rare en salle de
surveillance post-interventionnelle qu’après quelques jours d’hospitalisation en service de
chirurgie ou en réanimation. Il débute par des trémulations associées à une tachycardie et des
sueurs. Les hallucinations ne surviennent pas avant 8 heures de sevrage.
Un état neuropsychique antérieurement altéré, notamment par un syndrome
dépressif ou un délire préopératoire, est un facteur favorisant reconnu Dans le cadre des
troubles moteurs ou des dépressions liées à une maladie de Parkinson, le rôle des
médicaments psychotropes, notamment des anticholinergiques, a été avancé. Le syndrome
anticholinergique central est peu connu en France. Il ressemble à s’y méprendre, pour ceux
qui le rapportent, à un syndrome malin des neuroleptiques. L’anxiété préopératoire a été
suggérée, mais sans étude d’un niveau de preuve suffisant pour le démontrer (15).
Un traitement chronique par les benzodiazépines ou les morphiniques et
probablement les cannabinoïdes expose au syndrome de sevrage en cas d’interruption
brutale de ces médicaments en post-opératoire (16). Les signes cliniques sont polymorphes et
associent une tachycardie, une hypertension artérielle, une agitation extrême avec parfois
convulsions. Le traitement d’attaque fait appel aux tranquillisants majeurs de type halopéridol
I.V.
Le type d’anesthésie (intraveineuse versus volatils, générale versus locorégionale)
n’est pas un facteur que l’on peut dissocier de l’acte opératoire en tant que facteur
prédisposant.Les fonctions cognitives post-opératoires sont indépendantes du type
d’anesthésie (17). La douleur post-opératoire a été récemment incriminée comme facteur
favorisant l’agitation postopératoire (18). En revanche, des agents anesthésiques peuvent être
responsables d’une activité délirante ou d’agitation. Cette symptomatologie survient alors
sans intervalle libre par rapport à la fin de l’intervention, pendant la période d’élimination de
l’effet résiduel de l’anesthésie, et elle est en général fugace.
Le type de chirurgie. La chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle et la
chirurgie carotidienne sont deux facteurs reconnus comme facteur favorisant la survenue de
délire et d’agitation post-opératoire. Le mécanisme en est très probablement embolique, lié à
la manipulation mécanique des vaisseaux et/ou des valves cardiaques (19). Il est à noter que le
délire peut compliquer un accident vasculaire cérébral embolique dans près de la moitié des
cas (20).
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Facteurs environnementaux :
Les perturbations liées à l’hospitalisation constituent, notamment chez les personnes
âgées, des facteurs propices au développement du délire, et cette situation se retrouve dans le
contexte post-opératoire. Le contrôle strict de certains de ces facteurs environnementaux tels
que les perturbations du cycle veille-sommeil, l’immobilisation, la privation de lunettes ou
d’appareils auditifs, le manque d’accès à l’eau, permet de réduire presque de moitié
l’incidence des délires des patients âgés hospitalisés (21). Certaines données suggèrent que les
perturbations du cycle nycthéméral pourraient jouer un rôle important dans certains états
d’agitation post-opératoire chez les sujets âgés. En effet, la sécrétion de mélatonine, hormone
régulatrice du cycle veille-sommeil, est diminuée pendant la période post-opératoire (22 )
Autres facteurs :
En analyse multivariée, de très nombreux facteurs ressortent comme prédictifs de
délire en réanimation chirurgicale (infections, hypertension, hypotension, tabagisme,
syndrome
d’apnée
du
sommeil,
anémie,
hyperazotémie,
acidose
métabolique,
hyperamylasémie, hyperbilirubinémie) (12). Ceci ne signifie pas que tous ces facteurs
constituent un élément susceptible de favoriser la survenue d’un délire ou d’une agitation
post-opératoire. Nous examinerons dans le traitement les facteurs pouvant être considérés
comme cause directe de délire ou d’agitation post-opératoire.
Morbidité secondaire induite par le délire post-opératoire
. Le délire et l’agitation post-opératoires ont des effets bien documentés maintenant
sur la morbidité post-opératoire. Ils induisent une augmentation de la morbidité grave
(augmentation du risque d’auto-extubation et d’arrachement de cathéters) pouvant mettre en
jeu le pronostic vital ou fonctionnel grave. Il est établi que le délire et l’agitation sont un
facteur prédictif indépendant de mortalité en réanimation et prolongent la durée de séjour en
réanimation de façon significative (23).
Conduite à tenir devant un délire et/ou une agitation post-opératoire
Il s’agit d’une urgence médicale pour laquelle la recherche d’une cause organique
est fondamentale, car elle conditionne le succès thérapeutique.
Faire le diagnostic différentiel de l’état d’agitation aiguë.
Deux diagnostics peuvent être éliminés rapidement : le frisson post-opératoire,
quelle qu’en soit la cause (réchauffement ou sepsis) et la crise comitiale tonico-clonique.
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Evoquer et traiter des causes évidentes.
L’existence d’une douleur post-opératoire intolérable est la première cause
d’agitation au réveil. L’amélioration des techniques d’analgésie et l’administration des
antalgiques dès la fin de l’intervention ont permis de réduire considérablement ce
facteur.L’existence d’un globe vésical peut donner les mêmes symptômes. En réanimation,
l’obstruction d’une sonde d’intubation trachéale, évènement rare mais gravissime, doit être
évoquée, et la perméabilité de celle-ci vérifiée. Une curarisation résiduelle responsable de
troubles de déglutition et d’agitation doit être évoquée dès lors que la curarisation n’a pas été
correctement monitorée et/ou antagonisée au bloc opératoire avant l’extubation.
Conduire sans délai l’enquête étiologique par ordre d’urgence décroissant et traiter
une cause organique.
L’hypoxie.
L’hypoxie cérébrale est une cause très fréquente d’agitation et de confusion postopératoire. Certains auteurs ont suggéré la responsabilité d’hypoxies prolongées dans la
détérioration cognitive post-opératoire (24) Ces données n’ont pas été retrouvées dans l’étude
ISPOCD 1 (14). La prescription d’oxygène au masque facial systématique à tous les patients
en salle de surveillance post-interventionnelle et le monitorage de l’oxymétrie de pouls
permettent de prévenir cette situation dans un grand nombre de cas.
L’hypotension artérielle
La survenue d’une hypotension artérielle expose au risque de bas débit cérébral. De
façon assez surprenante, ce facteur n’est pas retrouvé comme prédictif de dysfonction
cognitive post-opératoire dans l’étude ISPOCD 1 (14). En salle de surveillance postinterventionnelle, comme en réanimation, le monitorage continu ou répété de la pression
artérielle fait partie de la surveillance de tout patient. Le traitement adéquat (remplissage,
transfusion, vasoconstricteurs d’action rapide de type éphédrine ou néosynéphrine, reprise
chirurgicale selon le cas) n’en sera qu’accéléré.
Troubles métaboliques
L’hypoglycémie profonde doit être évoquée de principe devant tout patient traité par
Insuline en salle de réveil, en réanimation ou en service de chirurgie. La pratique d’une
glycémie capillaire est donc systématique devant un trouble de comportement post-opératoire.
Cependant, en dehors d’un contexte d’insulinothérapie, l’hypoglycémie profonde est
exceptionnelle en post-opératoire, sauf en cas de chirurgie de résection hépatique étendue ou
d’insuffisance hépatocellulaire d’une autre origine.
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L’hyponatrémie ou l’hypernatrémie peuvent être à l’origine de délire et d’agitation postopératoire. Lors d’un contexte de chirurgie endo-urologique ou endo-gynécologique avec
brèche vasculaire ou perforation d’organe, le diagnostic d’hyponatrémie liée à un TURP
syndrome est facile. La correction d’une hyponatrémie, surtout si elle dure, doit être
progressive afin d’éviter la myélinolyse centropontine. L’hypernatrémie est le plus souvent
iatrogène, par défaut d’hydratation des patients ou surcharge hydrosodée.
L’hypercalcémie peut être à l’origine de troubles confusionnels post-opératoires dans le cadre
de patients porteurs de localisations osseuses secondaires. En général, ces troubles sont
dépistés en consultation d’anesthésie. Le traitement d’attaque des hypercalcémies menaçantes
fait appel aux diphosphonates par voie intraveineuse.
Devant une agitation ou un délire post-opératoire, la réalisation systématique d’examens
biologiques aussi simples qu’une glycémie capillaire, un ionogramme sanguin et
éventuellement un gaz du sang peuvent être donc très contributifs.
Le sepsis
La physiopathologie de l’encéphalopathie septique demeure mal connue. Pourtant, le délire ou
l’agitation sont d’excellents signes de sepsis profond mal drainé, particulièrement dans le
cadre de la pathologie infectieuse intra-abdominale. En effet, des propos incohérents, une
agitation, une confusion voire des troubles de vigilance sont retrouvés dans près de 20 % des
cas chez des patients développant un sepsis (25)..
Les causes médicamenteuses
Une multitude de médicaments peuvent être directement à l’origine de confusions et/ou
agitation post-opératoire.
Les plus connus sont certainement les anticholinergiques dont les effets sont marqués
chez le sujet âgé. Leur effet est en général dose-dépendant (26). A l’extrême, on peut assister
au développement d’un syndrome anticholinergique central. L’atropine passe la barrière
hémato-encéphalique contrairement au glycopyrolate qui ne donne pas de troubles psychiques
post-opératoires. L’atropine doit donc avoir une place réduite dans les agents utilisés en périopératoire. Elle doit être bannie des prémédications systématiques et utilisée exclusivement
devant une bradycardie mal tolérée sur le plan hémodynamique. L’éphédrine représente
souvent une alternative plus maniable et mieux tolérée.
Certains hypnotiques peuvent provoquer des délires ou/agitations post-opératoires. Les
troubles surviennent alors au décours immédiat de l’anesthésie. Les effets hallucinatoires de la
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kétamine sont connus depuis longtemps. Une faible dose (0.1 mg/kg à visée
antihyperalgésique) ne prévient pas toujours leur survenue. Des délires d’émergence ont été
rapportés avec le Propofol, ce qui peu avoir des conséquences médico-légales. Enfin, des états
d’agitation et de délire peuvent être observés en cas de surdosage en anesthésiques locaux au
décours immédiat d’une anesthésie locorégionale du membre supérieur.
Enfin, de très nombreux médicaments peuvent être à l’origine de délires ou d’agitation
dans le contexte post-opératoire. L’établissement de la relation de probabilité causale passe
par l’étude de la chronologie entre l’introduction du médicament et le début des symptômes.
Parmi les médicaments les plus fréquemment en cause, citons les corticoïdes, les anti-H2, les
anti-parkinsoniens, certains antibiotiques (fluoroquinolones, ceftazidime), la ciclosporine.
L’arrêt du médicament suspecté ou la vérification du taux plasmatique chaque fois que cela
est possible constitue une règle de bonne pratique.
Le problème du syndrome de sevrage, éthylique, toxicomanique ou médicamenteux, a
été abordé dans les facteurs favorisants.
Autres causes
Les accidents vasculaires cérébraux emboliques ou hémorragiques sont exceptionnels
dans le contexte de la chirurgie non cardiaque ou non carotidienne. Le délire ou l’agitation
représente un symptôme fréquemment observé dans l’évolution (27). Le diagnostic est
suspecté par la présence d’un déficit focal à l’examen neurologique, un retard de réveil et
l’imagerie (IRM).
Malgré
l’identification
récente
de
facteurs
prédisposant,
notamment
environnementaux, une fraction des délires et/ou agitation post-opératoires demeure sans
cause retrouvée. Elle est surtout l’apanage des sujets âgés. Il est à parier que l’effort actuel
visant à développer des programmes de réhabilitation post-opératoire réduira la proportion de
délires et agitations « sans cause retrouvée ».
Traitement pharmacologique d’un état d’agitation aiguë post-opératoire
Si le délire et la confusion nécessitent avant tout la recherche d’une cause organique
curable, il est des situations ou l’agitation accompagnant ces troubles du comportement fait
courir au patient ou à l’entourage un risque vital ou fonctionnel. Dans ces situations, un
traitement d’urgence s’impose. La première mesure est de tout tenter pour rassurer le patient.
Il est probable que la communication entre les patients et l’équipe médicale est très
insuffisante, notamment en réanimation. La barrière de l’intubation est souvent prise comme
prétexte pour tronquer l’information donnée aux patients et celle-ci est souvent assurée par le
9
personnel soignant. Cependant, il est un certain nombre de cas où le traitement
pharmacologique devient nécessaire en urgence, une contention transitoire ne pouvant
s’appliquer qu’en cas d’extrême nécessité, lorsque le patient menace de s’arracher un tuyau
vital pour lui (drain, sonde d’intubation, cathéter) ou est exposé à un risque particulier
(embolie gazeuse). On dispose de plusieurs agents pour le traitement d’attaque d’une agitation
aiguë :
Le midazolam et le propofol
Ces deux agents sont recommandés pour la sédation des patients de réanimation . Ils
ont pour inconvénient majeur de déprimer puissamment la ventilation. Leur utilisation en
toute sécurité ne peut donc se concevoir que si les voies aériennes sont contrôlées, c’est-à-dire
chez le patient intubé et ventilé. Leurs effets hémodynamiques sont similaires et nécessitent la
correction d’une hypovolémie. Le midazolam peut s’utiliser en titration puis en perfusion
continue, le propofol s’administre en bolus relayé par une perfusion continue. Ces deux agents
sont à proscrire chez un patient en ventilation spontanée en salle de réveil ou en service de
chirurgie.
Les neuroleptiques
Ce sont les agents de choix d’un traitement d’attaque d’une agitation aiguë grave. Ces
médicaments agissent en bloquant les récepteurs dopaminergiques centraux de type D2. Ils
ont un effet antipsychotique incisif et une action sur les voies extrapyramidales. Ils peuvent
parfaitement être utilisés chez des patients en ventilation spontanée du fait de leur absence
d’effets dépresseur respiratoires. En revanche, leur effet alpha-bloquant leur confère une
action vasoplégiante à partir d’une certaine posologie, mais qui cède facilement avec un
remplissage vasculaire modéré. Le dropéridol (Droleptan) a vu son AMM retirée en dehors de
son utilisation à très faibles posologies dans les pompes d’analgésie contrôlée par le patient en
raison d’accidents graves survenus du fait d’un allongement de l’espace QT. L’agent de choix
à utiliser est donc l’Halopéridol (Haldol), même si sa forme intraveineuse n’est pas admise
par la FDA : une dose d’attaque de 1 à 5 mg en I.V. lent, à renouveler toutes les 10-15
minutes par paliers de 5 ou 10 mg jusqu’à obtention de l’effet tranquillisant recherché est une
bonne solution. Celui-ci est en général obtenu rapidement. Le relais peut être pris le cas
échéant par une perfusion continue. En dehors du rarissime syndrome malin des
neuroleptiques qu’il faut citer, cet agent a peu d’effets indésirables, même à des posologies
très élevées (200 à 300 mg par 24 heures).
Autres médicaments
10
Les morphiniques ne sont pas des traitements d’attaque d’une agitation aiguë, en
dehors du cas où l’agitation est liée à la douleur. Dans ce cas, la titration par chlorhydrate de
morphine en salle de surveillance post-interventionnelle est indiquée.
Les alpha2-agonistes comme la clonidine, ou plus récemment, la dexmédétomidine,
ont une action sédative et analgésique très intéressante sans effets dépresseurs respiratoires
(28). Ces agents semblent faciliter le contrôle des syndromes de sevrage. Leur utilisation reste
délicate, car leur effet sympatholytique est puissant. Il se fait exclusivement en perfusion
continue. Enfin, il existe des cas où seule l’anesthésie générale avec intubation trachéale reste
la seule alternative pour contrôler une agitation extrême résistante aux neuroleptiques.
Moyens de prévention
C’est certainement dans ce domaine que les progrès sont les plus importants. L’étude
d’Inouye est très instructive à plus d’un titre (21). En effet, ces auteurs ont montré que
l’incidence du délire chez les patients âgés de plus de 70 ans hospitalisés pouvait être réduite
de près de moitié par une stratégie agressive de prise en charge préventive des facteurs
environnementaux et physiologiques de ces patients. La mobilisation, le fait de donner à ces
patients leurs lunettes et leurs prothèses auditives, le maintien de leur hydratation, leur
maintien dans une orientation temporo-spatiale correcte et le respect de leur sommeil sont les
principaux objectifs réalisés dans cette étude. Certes, il s’agit d’une population de patients non
chirurgicaux, mais ces résultats très encourageants sont susceptibles d’être applicables ou
adaptables aux patients âgés devant subir une intervention chirurgicale en y incluant un
élément fondamental comme le traitement optimisé de la douleur. Par ailleurs, l’étude ne
testait pas une réduction de durée de séjour dans le groupe « intervention ». L’élément
important est que l’efficacité de cette stratégie basée sur un véritable programme de
réhabilitation multimodale est exclusivement préventive (29). Le délire une fois constitué
n’est plus accessible. L’efficacité de cette stratégie dépend bien sûr beaucoup des moyens en
médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues etc… dont disposent les hôpitaux.
Conclusion
Le délire et l’agitation post-opératoire sont des pathologies excessivement fréquentes
chez le sujet âgé dans le contexte péri-opératoire qui ont une influence directe sur la morbidité
et la durée de séjour hospitalier. Une stratégie préventive basée sur un programme de
réhabilitation active, une stratégie curative basée sur la recherche méthodique d’une cause
organique et au besoin, d’un tranquillisant d’action rapide comme les neuroleptiques
devraient permettre de contrôler de mieux en mieux cette pathologie dans le contexte périopératoire.
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2. Dysfonctions cognitives post-opératoires persistantes.
Chiffrer avec précision l’incidence des dysfonctions cognitives post-opératoires
persistantes nécessite l’utilisation d’outils diagnostiques faciles à utiliser, sensibles et
spécifiques. De tels outils ont été développés récemment pour le diagnostic de délire, en
médecine interne et en réanimation. De nombreux tests cognitifs ont été développés pour le
diagnostic des dysfonctions cognitives. Le problème est qu’aucun d’entre eux ne permet
d’établir un diagnostic de façon sensible et spécifique.
Certains aspects méthodologiques sont très importants à prendre en compte dans
l’évaluation des dysfonctions cognitives post-opératoires (30). En effet, il existe une extrême
variabilité dans les tests utilisés, les moments auxquels ont été réalisés ces tests, les objectifs
primaires analysés, les méthodologies statistiques et la définition des déficits cognitifs, ce qui
ne facilite pas les comparaisons des travaux dans ce domaine. Le tests diagnostiques devraient
associer une très bonne sensibilité et spécificité dans le contexte post-opératoire. Il est très
important de contrôler leurs conditions de reproductibilité et d’être conscient du biais induit
par l’effet d’apprentissage. Ceci rend nécessaire l’utilisation d’une population contrôle de
sujets de préférence hospitalisés (ce qui n’est pas toujours le cas même dans les essais de bon
niveau (14) et ne subissant pas d’acte chirurgical sous anesthésie générale ou loco-régionale.
Le suivi des patients est essentiel, les perdus de vue correspondant volontiers aux sujets qui
présentent la plus haute incidence de troubles cognitifs post-opératoires. Enfin, il est
fondamental de retester l’ensemble des populations étudiées, pas seulement celles ayant
présenté une dysfonction cognitive précoe en post-opératoire, afin d’éliminer un effet dû à
une variation au hasard (amélioration ou détérioration) des fonctions cognitives à distance de
l’acte chirurgical (30, 31) .
Le test cognitif le plus simple d’utilisation est le Mini-Mental-State (appendice) qui
permet de diagnostiquer rapidement des troubles majeurs des grandes fonctions cognitives
(orientation, mémorisation, calcul, attention et langage). Il est de réalisation facile au lit du
patient. En revanche, il ne permet pas de détecter des troubles cognitifs fins à distance d’une
intervention chirurgicale. Les travaux princeps de la littérature récente qui ont permis de
chiffrer l’incidence des dysfonctions cognitives post-opératoires ont utilisé une batterie de
tests complémentaires, ce qui rend la procédure plus performante dans la détection des
troubles cognitifs subtiles, mais beaucoup plus difficile à utiliser en routine. Ainsi, le groupe
ISPOCD a utilisé dans toutes ses études l’association d’un test de mémorisation verbale
(visual verbal learning test), d’un test d’interférence entre mots et couleurs (stroop cour word
interference) très robuste et examinant l’attention et la concentration, un test de codage (Digit
symbol substitution task) qui explore l’attention et la mémoire à court terme, et d’un test de
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déplacement conceptuel (trail making test) très sensible aux dysfonctions cognitives (8). La
dysfonction cognitive post-opératoire a été exprimée par un score, le Z score, qui intégrait les
performances des patients aux tests cognitifs mais aussi la variabilité importante associée à la
pratique de ces tests
(test-retest correlation) et de l’effet d’apprentissage au cours de
l’utilisation répétée d’un même test. La puissance de l’étude était élevée eu égard à l’effectif
utilisé et cette étude est incontestablement celle qui donne une incidence crédible de la
dysfonction cognitive post-opératoire.
Le contexte chirurgical est déterminant dans l’incidence des dysfonctions cognitives
post-opératoires persistantes. Il importe de distinguer la chirurgie cardiaque de la chirurgie
non cardiaque. La grande surprise de l’étude ISPOCD 1 est l’incidence extrêmement élevée
de la dysfonction cognitive persistante en chirurgie non cardiaque, de 25.8% à 7 jours et de
9.9% à trois mois pour les 1218 patients inclus, par rapport à une incidence de 3.4% et de
2.8% à 7 jours et 3 mois respectivement pour la population contrôle. Il est possible que
l’extrême sensibilité des tests cognitifs utilisés majore artificiellement l’incidence réelle des
troubles cognitifs. Il faut déjà soustraire de ces valeurs l’incidence des troubles cognitifs
persistants des sujets contrôles, qui donne une valeur par défaut des faux positifs pour les tests
utilisés. En effet, une étude ultérieure du groupe ISPOCD suggère que cette incidence très
élevée à 3 mois diminue de façon très importante par la suite: ainsi, la sous-population de
sujets âgés (69 ans de moyenne d’âge) ayant subi une chirurgie non-cardiaque de l’étude
ISPOCD 1 a été réévaluée 2 ans après l’intervention. La majorité des patients présentant une
dysfonction cognitive post-opératoire à 3 mois (9.9%) avaient récupéré à 2 ans, mais celle-ci
persistait, selon les critères choisis, chez seulement 1% des patients (32). Une étude récente
du même groupe utilisant la même méthodologie (Z score) confirme que chez les sujets âgés
de 40 à 60 ans ayant subi une chirurgie non cardiaque, cette dysfonction cognitive d’incidence
élevée à la première semaine post-opératoire n’est pas différente de celle d’une population
contrôle à 3 mois (33). La gêne dans la vie quotidienne véhiculées par cette pathologie dans
les suites immédiates d’une chirurgie non cardiaque est donc très vraisemblablement fugaces
chez le sujet de moins de 60 ans.
La chirurgie cardiaque valvulaire ou coronarienne
constitue un facteur de risque bien
documenté de troubles neuropsychologiques post-opératoires (6). Le mécanisme embolique a
été considéré comme le principal facteur pourvoyeur d’accidents vasculaires cérébraux
induisant des troubles comportementaux au cours de cette chirurgie, alors que l’hypoperfusion
cérébrale, notamment per-CEC, ou l’inflammation, ne jouent probablement qu’un rôle mineur
(34, 35). Cette hypothèse n’a fait que se renforcer à la lumière de la littérature récente. Un des
problèmes rencontrés pour chiffrer l’incidence réelle de la dysfonction cognitive persistante
après chirurgie cardiaque est le déficit qualitatif méthodologique des études sur ce sujet si on
13
les compare à celle du groupe ISPOCD en chirurgie non cardiaque : absence fréquente de
groupe contrôle, absence de prise ne compte de l’effet d’apprentissage, absence d’évaluation à
long terme. Les chiffres sont donc à prendre avec une certaine prudence. Il parait raisonnable
de penser que l’incidence de cette pathologie située autour de 10% plusieurs semaines après la
chirurgie cardiaque a peu varié en 20 ans.
Enfin, une place à part doit être réservée à la chirurgie carotidienne qui s’accompagne
d’une incidence importante de troubles cognitifs post-opératoires, au moins à court terme
(20). Ces données confirment la relation physiopathologique forte entre accident vasculaire
cérébral focalisé et trouble cognitif post-opératoire persistant dans certains types de chirurgie
à haut risque emboligène (28).
Facteurs de risque des dysfonctions cognitives post-opératoires persistantes.
Il existe un contraste entre une littérature abondante dans ce domaine en chirurgie
cardiaque menée sous l’impulsion du groupe de Duke University et beaucoup plus restreinte
en chirurgie non cardiaque. Cependant, la qualité méthodologique des études réalisées en
chirurgie non cardiaques qui proviennent en majorité du groupe ISPOCD sont probablement
légèrement supérieures eu égard aux collectifs de patients testés. Pour résumer brièvement les
messages forts que l’on peut dégager à l’heure actuelle de la littérature récente, l’hypothèse
embolique se confirme et se renforce en chirurgie cardiaque. En revanche, peu de nouvelles
hypothèses convaincantes sur le plan de leur pertinence clinique apparaissent en chirurgie non
cardiaque, en dehors de quelques pistes intéressantes. Dans les deux cas, l’âge élevé constitue
de loin le facteur de risque majeur (30).
En chirurgie cardiaque, une abondante littérature récente renforce encore l’hypothèse
des mécanismes emboliques dans le développement des dysfonctions cognitives persistantes
au détriment d’autres hypothèses, notamment l’hypoperfusion cérébrale durant la circulation
extra-corporelle. L’existence d’une fibrillation auriculaire post-opératoire est associée à une
diminution des performances cognitives après pontage (20). Une étude prospective contrôlée
d’imagerie par IRM couplée à une évaluation des performances cognitives de patients de plus
de 60 ans ayant subi un pontage aortocoronaire a montré l’existence de novo d’infarctus
cérébraux asymptomatiques dans 7% des cas. Dans cette étude, 25% du collectif de patients
présentant des infarctus cérébraux multiples en post-opératoire présentait des troubles
cognitifs persistants. Les facteurs prédictifs indépendants d’infarctus cérébraux multiples ou
importants étaient un antécédent de pathologie vasculaire cérébrale, une insuffisance rénale et
un déficit cognitif préopératoire (36). Le rôle de la CEC en tant que tel reste débattu : dans
une étude comparant l’incidence de la dysfonction cognitive après pontage aortocoronaire,
aucune différence n’a été notée entre les groupes de patients ayant eu ou non une CEC (37).
14
Les modifications du débit sanguin cérébral au cours et au décours de cette chirurgie, la
température de perfusion et les marqueurs de l’inflammation ne semblent pas être corrélées à
la survenue de troubles cognitifs (38-41). En revanche, la CEC pourrait jouer un rôle
aggravant dans la survenue d’accidents vasculaires cérébraux à l’origine de troubles cognitifs
persistants par le biais de microembols (42) ou d’une désaturation du sang veineux mêlé
jugulaire (43). Le rôle aggravant d’un réchauffement trop rapide après CEC hypothermique et
de l’hyperthermie post-opératoire a été bien montré (44).
En chirurgie non cardiaque, les progrès réalisés dans la compréhension des
dysfonctions cognitives persistantes sont essentiellement liés aux travaux du groupe ISPOCD.
Dans l’étude princeps du Lancet en 1998, les auteurs ont identifié l’âge élevé comme seul
facteur prédictif indépendant de la survenue d’une dysfonction cognitive post-opératoire 3
mois après la chirurgie (14). La prise de benzodiazépines était un deuxième facteur retrouvé à
une semaine, mais pas à 3 mois, ce que semblent corroborer des données récentes (45).
Cependant, à l’inverse de la chirurgie cardiaque où le mécanisme embolique est déterminant,
ce phénomène est exceptionnel en chirurgie non cardiaque (46). D’autres mécanismes
physiopathologiques semblent donc intervenir, notamment médicamenteux ou génétiques
comme la présence de l’allèle APOE4 (47). De façon inattendue, les épisodes d’hypoxémie ou
d’hypotension sévères n’ont pas été identifiés comme facteurs de risque significatifs dans
l’étude ISPOCD 1 (14). Ceci est peut-être dû à la brièveté des épisodes, le critère de sélection
étant une durée supérieure à 2 minutes. En revanche, le type d’anesthésie n’est pas un facteur
de dysfonction cognitive post-opératoire persistante (17). Il est également intéressant de noter
que certaines pathologies comme la comitialité n’augmentent pas le risque de dysfonctions
cognitives post-opératoires persistantes (48).
Il serait utile de disposer d’un marqueur plasmatique des dysfonctions cognitives postopératoires. A cet égard, l’intérêt du dosage plasmatique de la protéine S-100, une protéine
astrocytaire, et de l’enolase neuronale sont controversés (49-51). En chirurgie cardiaque, les
variations de créatininémie ne sont pas corrélées à des modifications des fonctions cognitives
péri-opératoires (52).
Moyens de prévention.
A l’inverse de la confusion/agitation post-opératoire où des mesures correctives de
désordres organiques et préventives visant la prise en charge active des sujets âgés
hospitalisés ont toutes les chances d’être efficaces, aucune stratégie de prévention n’a été
validée en matière de prévention de la dysfonction cognitive persistante. Cependant, on peut
suggérer des recommandations à la lumière des éléments de physiopathologie de la littérature
récente. Le fait que les anesthésiques induisent par eux-même des troubles des performances
15
cognitives, notamment mnésiques, reste controversé (53,54). En revanche, l’anesthésie
semble induire en elle-même des perturbations du rythme nycthéméral postopératoire (55).
En chirurgie non cardiaque, toute l’attention doit être portée sur la prise en charge
péri-opératoire des sujets âgés, très susceptibles au développement de troubles
comportementaux péri-opératoires, et chez qui les dysfonctions cognitives sont susceptibles
de persister au-delà de 2 ans avec les conséquences sociales que l’on imagine. Lors de la
consultation d’anesthésie, une réponse « à la demande » peut être suggérée : les troubles du
comportement post-opératoires sont assez fréquents, mais fugaces dans l’immense majorité
des cas. Le peu de patients présentant des troubles persistant après deux ans correspondent
peut-être aux authentiques mais très rares accidents vasculaires cérébraux emboliques périopératoires. Aucune technique d’anesthésie ne peut être particulièrement recommandée, mais
le maintien de l’adéquation de l’apport d’oxygène au cerveau en fonction de sa demande par
une hémodynamique et d’une oxygénation optimales ou la correction d’une anémie (24) sont
certainement des facteurs importants. Des programmes de réhabilitation post-opératoires
précoces ne peuvent que favoriser le devenir de ces patients (29).
En chirurgie cardiaque où le mécanisme embolique reste prédominant, les matériaux
visant à réduire la survenue d’accidents vasculaires cérébraux peropératoires (filtres artériels)
se sont avérés peu efficaces. En revanche, un réchauffement pas trop rapide lors de
l’utilisation d’une CEC normothermique, le contrôle de la température post-opératoire avec
l’utilisation systématique d’antipyrétiques, le traitement immédiat voire la prévention
d’épisodes d’arythmie complète par fibrillation auriculaire sont autant de recommandations
que l’on peut formuler.
16
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21
56. Appendice. Le Mini-mental State.
Orientation :
1. Quelle est la date d’aujourd’hui (année, saison, jour, date, mois) ? (/5, un point par
item)
2. Où sommes-nous maintenant (pays, région, ville, hôpital, étage, numéro de
chambre) ? (/5, un point par item)
Mémorisation :
Répétez après moi ces trois mots : LIVRE, PLANTE, POISSON (/3, un point par mot)
Calcul et attention.
1. A partir de 100, pouvez-vous décompter par paliers de 7 ? (Arrêter le patient à 65) (/5)
2. Epelez à l’envers le mot ARBRE. (/5, un point par lettre correcte)
Remémorisation.
Demander au patient s’il se rappelle les trois mots qu’il devait répéter auparavant (dans le
désordre) (/3, un point par mot)
Langage.
1. Montrez au patient une montre et un stylo et demandez-lui : Qu’est-ce que ceci ? Et
ceci ? (/2, un point par réponse correcte)
2. Répétez après moi : « Ni si, ni mais, ni non ». (/1, un point si l’exercice est correct)
3. Donner au patient un papier et demandez-lui de faire la chose suivante : « Prenez cette
feuille de papier dans votre main droite, pliez-la en deux et mettez-la sur vos
genoux ». (/3, un point par geste correctement effectué)
4. Lisez ceci et faites ce qui est écrit. Tenir la feuille de papier où est inscrit « FERMEZ
LES YEUX » (/1, un point si l’exercice est correctement effectué).
5. Pouvez-vous écrire une phrase, n’importe laquelle ? (Ne dictez pas) /1).
6. Pouvez-vous recopier ce schéma ? (/1). Montrez au patient un schéma représentant
l’intersection de deux pentagones. Les dix angles doivent être représentés et lmes deux
pentagones doivent se chevaucher. Si oui, donnez un point.

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