La circulaire relative au logement d`abord : outil stratégique
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La circulaire relative au logement d`abord : outil stratégique
La circulaire relative au logement d’abord : l’analyse de la FNARS Suite aux assises nationales et interrégionales du logement d’abord, en décembre 2011, la Ministre Nathalie Kosciusko-Morizet et le Secrétaire d’État au logement Benoist Apparu viennent de cosigner une circulaire sur « la mise en œuvre opérationnelle du logement d’abord ». Cette circulaire reprend les grandes orientations de la stratégie de mise en œuvre du logement d’abord, telles que présentées par Benoist Apparu dans son discours de clôture des assises nationales du logement d’abord. Ainsi, « l’accès au logement doit être le point de départ du parcours d’insertion des personnes […] ; il s’agit de faciliter l’accès le plus direct possible à un logement adapté et durable, avec accompagnement chaque fois que c’est nécessaire ». Cependant, à la lecture de cette circulaire, nous sommes loin d’obtenir l’ensemble des réponses aux questions que l’on se pose sur la mise en œuvre concrète du logement d’abord, questions pourtant fondamentales pour s’assurer que le « logement d’abord » conduise effectivement à adapter et améliorer les réponses apportées aux situations d’exclusion sur le terrain. 1/ Si l’on peut se féliciter du fait que cette circulaire donne toute son importance à la mise en œuvre d’un « accompagnement adapté, global et gradué » en fonction des besoins des personnes, pouvant être financé sur la « dotation globale de financement » CHRS, la forme que pourrait prendre des « services d’accompagnement dans le logement » reste floue. Comment passe-t-on d’un modèle à l’autre en s’interrogeant sur le devenir de la dimension collective des lieux de vie ? S’il s’agit de plateformes d’accompagnement ou de plateaux techniques, quelles sont alors leurs modalités de fonctionnement, leur statut juridique et comment tous les acteurs du travail social s’organisent concrètement sur un territoire au sein de ces services? Ces nouveaux services posent ainsi la question d’une éventuelle évolution des missions des SIAO. Dans l’ensemble, la recherche de complémentarité entre les acteurs n’apparait pas suffisante : il convient de définir les bases d’une réelle coopération. 2/ Le logement d’abord peut être l’occasion de voir enfin consacrer un véritable statut unique pour l’accompagnement social, lequel doit être rattaché au statut CHRS. La circulaire ne précise en rien ces éléments qui nous paraissent pourtant fondamentaux. 3/ Si la circulaire parle de stabilité des budgets entre 2010-2011-2012, plusieurs préoccupations demeurent. - D’abord, la circulaire relie la notion de convergence tarifaire et celle de transformation de l’offre d’hébergement : on peut dès lors craindre une poursuite des jeux de substitution entre dispositifs (ex : du CHRS vers l’AVDL), qui pénalisent les publics les plus en difficulté. De fait, l’interprétation de la stratégie du logement d’abord ne risque-t-elle pas d’aboutir, sur le terrain, à ponctionner dans les budgets de la veille sociale et de l’hébergement d’urgence pour alimenter les lignes budgétaires consacrées au logement d’abord ? Au regard des conclusions du récent rapport de la Cour des Comptes (décembre 2011) et du baromètre 115 publié cet hiver par la FNARS, qui mettent en évidence le manque de places d’hébergement et l’impossibilité de faire face à toutes les demandes d’hébergement sur certains territoires, il paraît inconcevable de réduire la capacité de réponse aux situations d’urgence sur les territoires tendus. - Ensuite, sur la convergence elle-même, il est compliqué de s’y lancer alors même que ses règles d’application, dans un contexte de transformation de l’offre d’hébergement et d’une étude nationale des coûts non encore finalisée, ne sont pas encore définies. - Enfin, dans un contexte de fongibilité du BOP 177 sur les territoires, les axes stratégiques de la déclinaison du logement d’abord et leur traduction budgétaire ayant été déjà actés pour 2012 par les services déconcentrés de l’État, en lien avec la DGCS, quelles garanties avonsnous que « l’approche collective de concertation et d’information » entre l’État et l’ensemble des acteurs concernés permette réellement de prendre en compte le point de vue des acteurs ? Cette approche collective, il faut encore obtenir de la part des Préfectures ! Et suffisamment tôt pour pouvoir influer sur les arbitrages stratégiques et budgétaires. Il est impératif que ce dialogue collectif associe l’ensemble des acteurs concernés. Il doit prendre en compte les enjeux des territoires, leurs besoins rigoureusement évalués, sans précipitation. Le dialogue de gestion ne peut se réduire à une négociation bilatérale entre associations et services de l’État. 4/ Le logement d’abord nécessite un travail interministériel, pour prendre en compte la diversité des problématiques que peuvent rencontrer les personnes dans leur logement. La circulaire ne pointe cependant que le volet de la santé, certes incontournable tant les inégalités de santé se creusent, mais l’interministérialité ne peut s’arrêter là. On doit créer des ponts avec d’autres ministères, notamment avec l’intérieur (pour la prise en charge des étrangers), la justice (à travers le développement des aménagements de peines) ou l’emploi (notamment des jeunes à travers l’accès à la formation, à l’emploi pour la solvabilisation et le maintien dans le logement). 5/ En définitive, pour la FNARS, la refondation selon le principe du logement d’abord doit s’appuyer sur les conditions suivantes : La participation effective des personnes en situation de précarité à l’élaboration et l’évaluation de la politique du logement d’abord. Une politique de logement ambitieuse, permettant la mise à disposition de logements accessibles aux populations précarisées par la crise. Un investissement massif dans l’accompagnement social global, financé sur les crédits CHRS, pour permettre des parcours d’accès et de maintien pérenne dans le logement. Le logement d’abord doit ainsi être l’occasion de mettre en place un statut unique autour de l’accompagnement social. Les réponses autour de l’aller vers doivent être maintenues, voire développées pour les personnes qui sont aujourd’hui en incapacité de faire le premier pas afin qu’elles ne soient pas laisser de coté. La garantie d’un pilotage de la réforme au niveau territorial à travers un calendrier opérationnel se fondant sur des objectifs clairs et transparents, des priorités…. et mettant autour de la table tous les acteurs concernés. Dans ce cadre, la mise en œuvre des SIAO doit faire l’objet d’un effort constant, tant en termes de gouvernance que de moyens alloués. Un moratoire sur la transformation de l’existant et la suppression des places d’hébergement tant que des réponses opérationnelles en termes de logement et d’articulation avec des moyens d’accompagnement social adaptés ne sont pas effectives et constatées sur le terrain. La garantie du maintien d’un filet de sécurité de l’hébergement pour les personnes à la rue, de façon à assurer les principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil, notamment des étrangers. Ce filet de sécurité doit être dimensionné aux besoins des territoires, sur la base d’une observation rigoureuse. Le dialogue de gestion qui se met en place entre les opérateurs et l’Etat doit à la fois fixer des objectifs d’évolution de l’offre à moyen terme et s’attacher à apporter des réponses à court terme à des situations qui restent aujourd’hui sans solution (cf. baromètre 115) et à permettre aux personnes hébergées temporairement dans le cadre du plan hivernal de trouver des réponses pérennes (selon le principe de continuité).