904. BELGIQUE. ReÌ g..

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904. BELGIQUE. ReÌ g..
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REGIMES ET SYST EMES ELECTORAUX
avec application à la Belgique .
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La participation au pouvoir, critère élémentaire de la démocratie au sens le plus large du terme,
s'exprime par l'exercice du droit de suffrage ou droit de vote, selon des modalités prévues par la loi. Ces
modalités sont très variées dans le temps et dans l'espace, ainsi qu'en fonction des institutions à pourvoir.
La citoyenneté dans un Etat, c'est-à-dire la qualité de citoyen (sujet des droits et des devoirs prévus par
la constitution et les lois de cet Etat), inclut normalement, sous réserve de l'âge requis, le droit de vote.
N.B. On a parfois établi une distinction entre citoyen actif et citoyen passif (ainsi, en France, de 1789 à
1792) : tout en possédant la qualité de citoyen avec les droits et devoirs y afférant, le citoyen passif ne possède
pas le droit de vote, parce qu'il n'en remplit pas les conditions légales. Tel est le cas dans les régimes électoraux
censitaires.
SUFFRAGE, SCRUTIN et VOTE.
Ces trois termes peuvent souvent s'employer indifféremment pour désigner le choix effectué par les
citoyens. Ainsi, suffrage (ou vote) direct/indirect ; scrutin (ou vote) secret/public ; scrutin (ou vote) uninominal.
Le terme de suffrage sera préféré quand on parle des conditions auxquelles on peut exercer son droit de
vote. Ex.: suffrage universel, universel pur et simple, ou restreint, censitaire, capacitaire. Celui de vote
s'emploiera plutôt pour parler de la manière dont est réalisée l'opération même du vote. Ex.: vote secret ou
public, à main levée, par assis et levé, à bulletin secret, par correspondance, par procuration, uninominal,
préférentiel. Quant au mot scrutin , il intervient quand on traite de l'ensemble des opérations de vote, de leurs
étapes éventuelles et de la manière d'en traiter les résultats. Ex.: scrutin d'arrondissement, de ballottage,
majoritaire, à représentation proportionnelle (ou, par abréviation, à la proportionnelle).
*
*
*
I. MODALITES DU DROIT DE SUFFRAGE (pouvoir de voter).
On oppose suffrage universel et suffrage restreint .
* suffrage universel : régime électoral où tous les citoyens sans distinction1 sont électeurs - à condition,
bien entendu, d'avoir l'âge requis et de jouir de leurs droits civiques. Entrée en vigueur de ce régime : Etats-Unis
1830, France 1848, Belgique 1893, Grande-Bretagne 1918.
* suffrage universel pur et simple : expression parfois employée pour souligner la levée des restrictions
antérieures. Cette levée s'est opérée à l'issue de la première guerre mondiale en Grande-Bretagne, en Italie et en
Belgique.
N.B. Si le suffrage universel est un régime affranchi des restrictions antérieures (voir ci-après : suffrage
restreint), il n'en comporte pas moins des exclusions, comme l'âge, le sexe, l'indignité, etc. Ainsi pour les Noirs
aux Etats-Unis jusque 1870. L'électorat n'est alors pas considéré comme restreint, puisque ces catégories ne font
pas partie de l'électorat…
* suffrage restreint : régime électoral dans lequel l'électorat est restreint à certaines catégories de citoyens
- autrement dit, où le droit de vote est réservé aux citoyens remplissant les conditions prévues par la loi (dits
citoyens actifs). Les principales formes de suffrage restreint sont le suffrage censitaire et le suffrage capacitaire .
* suffrage censitaire . Ex.: France 1789-1792 et 1795-1848/52 ; Belgique 1831-1893.
Régime électoral dans lequel le droit de vote appartient exclusivement aux citoyens censitaires, c'est-àdire ceux qui remplissent les conditions du cens.2 Il conditionne aussi bien le droit d'élire que le droit d'être élu,
et cela sur base de présomptions de compétence (instruction, aptitude à gérer des biens et à conduire des
hommes) et d'indépendance (le choix d'une carrière politique ne pouvant être dicté par une volonté
d'enrichissement personnel).
* suffrage capacitaire . Ex.: Belgique 1883-1893 (élections provinciales et communales).
Régime électoral qui accorde le droit de vote aux citoyens dont la capacité d'électeurs est reconnue à
1 En particulier les distinctions d'hérédité, de fortune ou de capacité qui ont eu cours antérieurement.
2 Cens : quotité (c'est-à-dire montant minimum) soit de l'impôt payé (cas le plus fréquent), soit de revenus, soit encore de
propriétés.
2
certaines conditions - comme la détention d'un diplôme d'études d'un certain niveau, l'exercice de certaines
fonctions de haute responsabilité, ou encore la réussite d'un examen spécial.
Le passage, suite aux progrès du mouvement démocratique, du suffrage censitaire (ou censitaire et
capacitaire) au suffrage universel a parfois fait l'objet d'une étape de transition : c'est le suffrage plural , sorte de
suffrage universel tempéré.
* suffrage plural . Ex.: Belgique 1893-1919/21.
Régime électoral qui accorde une ou deux voix supplémentaires à certaines catégories d'électeurs. La
Belgique a ainsi accordé une voix supplémentaire à un chef de famille âgé de 35 ans au moins et payant au
moins cinq francs de contributions pour son habitation, ainsi qu'au propriétaire de biens immobiliers ou
mobiliers d'une certaine valeur ; et deux voix supplémentaires à certains capacitaires (p.ex. diplômés
d'université ou de l'enseignement secondaire supérieur).
Autre distinction importante : vote facultatif ou vote obligatoire.
En Belgique, le vote est obligatoire depuis 1893.
Ainsi, le droit de vote est aussi un devoir - et il est d'ailleurs souvent considéré comme tel même là où il
est facultatif, s'agissant d'une obligation morale, comme celle de participer aux charges publiques. Le caractère
obligatoire du vote se justifie par la volonté d'avoir des assemblées qui représentent effectivement la toute
grosse majorité des citoyens, et en même temps d'éviter des situations ingérables du fait que seuls les extrêmes
se seraient manifestés.
II. MODALITES D'EXERCICE DU DROIT DE VOTE (manière de voter).
Le vote lui-même peut présenter des formes variées :
* vote secret ou vote public . En Belgique, le secret du vote est imposé depuis 1877.
* suffrage direct ou suffrage indirect , c'est-à-dire à un seul ou deux degrés; Dans le cas du suffrage
indirect, le corps électoral désigne les électeurs du second degré ou grands électeurs . Ex.: pour les
élections présidentielles aux Etats-Unis.
* scrutin à un tour ou scrutin à deux tours , c'est-à-dire en une seule ou deux étapes, par les mêmes
électeurs. Ex.: dans le système électoral à représentation majoritaire (voir ci-dessous).
* vote par correspondance ; vote par procuration . Dans ce dernier cas, l'électeur, par exemple pour
cause de maladie ou d'impossibilité de se déplacer, a donné procuration à quelqu'un, c'est-à-dire qu'il a
rédigé un écrit par lequel il donne pouvoir à cette personne de voter en son nom, à sa place.
* scrutin uninominal ou scrutin de liste . Dans le premier as, l'électeur désigne (ou ne peut désigner)
qu'un seul candidat ; dans le second cas, l'électeur choisit l'ensemble d'une liste électorale.
N.B. La liste électorale est la liste des noms des candidats qui se rassemblent autour d'un programme
bien défini, soit qu'ils appartiennent à un seul parti, soit qu'ils appartiennent à des partis différents
qui se sont unis pour les élections. Dans ce dernier cas, on parle de panachage .3
* vote préférentiel : vote (uninominal ou plurinominal) par lequel l'électeur peut marquer sa préférence au
sein d'une liste - au leu de voter pour l'ensemble de la liste. Le soir des élections, on parlera du nombre
de voix de préférence obtenues par tel ou tel candidat.
III. MODALITES CONCERNANT LE CADRE DU SCRUTIN.
Le cadre du scrutin, c'est la circonscription (subdivision du territoire national) choisie comme cadre de
référence pour le comptage des résultats. Il s'agit normalement de l'arrondissement, qui est une subdivision de la
province. Chaque arrondissement élit un seul député.
* scrutin d'arrondissement : scrutin (élection) pour lequel la circonscription est l'arrondissement.
N.B. Le cadre dans lequel se déroulent les opérations de vote, y compris le dépouillement des bulletins, est
normalement la commune (en Belgique depuis 1893).
IV. MODALITES CONCERNANT LA PRISE EN COMPTE DES RESULTATS ELECTORAUX.
La prise en compte des résultats des élections (comptage des voix, c'est-à-dire des votes émis) dépend du
système électoral en vigueur, c'est-à-dire de l'ensemble des mécanismes qui règlent l'attribution des sièges à
3 Panacher s'entend dans un autre sens en Belgique : cela consiste à voter pour des candidats de listes différentes - une
modalité de vote qui n'est plus autorisée actuellement.
3
pourvoir dans les assemblées (Chambre, Sénat, Conseil communal, etc.).
On distingue le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel .
A. Le système de scrutin à représentation majoritaire
. Ex.: Belgique 1831-1899.
Dans ce système, la majorité l'emporte, sans qu'il soit tenu compte des suffrages recueillis par la ou les
minorités. On exclut donc tout candidat (ou liste) qui n'a pas obtenu la majorité absolue des voix (c'est-à-dire un
nombre de voix supérieur à la moitié) dans son arrondissement.
1. Fonctionnement.
- Premier tour.
Sont élus d'emblée les candidats (ou la liste) qui ont obtenu la majorité absolue des voix de
l'arrondissement.
N.B. Possibilité de ballottage, c'est-à-dire qu'aucun candidat (ou aucune liste) n'a recueilli le
nombre de voix requis. Dans ce cas, il faut recommencer le scrutin.
- Second tour (pour les sièges restant à pourvoir).
Sont admis à se présenter, parmi les candidats malchanceux du premier tour, ceux qui y avaient
obtenu le plus grand nombre de voix ; on arrête leur nombre au double du nombre de sièges encore
à pourvoir.
2. Implications.
Comme seule la liste majoritaire de l'arrondissement est prise en compte, chaque arrondissement est
donc réputé n'avoir qu'une seule couleur politique. Dès lors, chaque parti a intérêt à être très puissant
dans quelques arrondissements importants plutôt que d'avoir des sympathisants éparpillés un peu
partout.4 Ce système ne laisse donc aucune place aux minorités politiques, en tout cas au niveau de
l'arrondissement ; à l'échelon national (Parlement), ces minorités ne seront représentées qu'à
condition d'être majoritaires dans l'un ou l'autre arrondissement.
3. Avantages et inconvénients.
Le système de scrutin à représentation majoritaire, éliminant d'emblée les partis les plus faibles,
apparaît comme moins démocratique.
D'autre part, il permet de constituer un gouvernement homogène - c'est-à-dire créé sur base d'un seul
parti (ou du moins d'une seule liste) ; à la limite, ce sera une bipartite - au lieu de devoir constituer
une coalition sur base de compromis plus ou moins laborieux. L'action politique s'en trouve
considérablement facilitée, tant au niveau du Parlement (députés et sénateurs) qu'au sein du
gouvernement (entre les ministres).
Cependant, ce mode de scrutin présente aussi un inconvénient en cas d'alternance, c'est-à-dire à
l'avènement d'une nouvelle majorité aux élections suivantes : pour instaurer sa propre politique, cette
nouvelle majorité peut détruire les acquis précédents. Il y a donc un risque de retour en arrière, voire
d'évolution chaotique.
B. Le système de scrutin à représentation proportionnelle
. Ex.: Belgique 1899 ; France 1919.
Dans ce système, le nombre de sièges dévolu à chaque liste sera proportionnel au nombre de voix
qu'elle a obtenu. Plus précisément, chaque liste obtiendra autant de sièges que son nombre de voix contient de
fois le quotient électoral.5 Cependant, le nombre de représentants est limité à un pour 40 000 habitants.
- Avantages et inconvénients.
Le système dit de la proportionnelle présente un double avantage : celui de la simplification (un seul
tour au lieu de deux) et celui de la démocratisation, puisque les minorités sont prises en comte, tous les partis
étant représentés selon leur importance numérique. Par contre, vu la multiplicité des partis représentés, on sera
obligé de former un gouvernement de coalition (bipartite, tripartite, quadripartite…). L'action politique se
trouvera significativement compliquée, obligeant constamment parlementaires et ministres à discuter âprement
pour aboutir à des solutions de compromis peu satisfaisantes pour chaque partie.
4 En Belgique, les libéraux se sont trouvés dans ce dernier cas dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ils seront sauvés de
la débâcle - contrairement à ce qui leur arrivera en Grande-Bretagne - grâce à l'adoption, en 1899, du système de
scrutin à représentation proportionnelle.
5 Quotient électoral : résultat de la division du nombre total de votes valables dans l'arrondissement par le nombre de
sièges à pourvoir.
4
C. L'apparentement . Ex.: Belgique 1919/21.6
C'est une pratique électorale que l'on peut trouver dans le cadre du système électoral à la
proportionnelle, et qui a pour objectif un traitement encore plus démocratique des résultats en attribuant encore
des sièges grâce à un groupement de voix inutilisées. Après l'attribution des sièges à la proportionnelle, les
sièges restant à pourvoir pourront l'être en groupant les voix inutilisées - et cela, soit en additionnant celles de
listes alliées dans une même circonscription électorale (solution française), soit en additionnant les voix
recueillies par un seule liste dans plusieurs arrondissements d'une même province (solution belge, qui sera la
seule exposée ici).
1. Principe.
Dans le système de scrutin à représentation proportionnelle, il peut rester un certain nombre de
sièges non pourvus. Pour les pourvoir, il faut pouvoir prendre en compte un nombre plus ou moins important de
voix inemployées (du fait qu'on ne peut avoir plus d'un représentant pour 40 000 habitants). On va dès lors
élargir le cadre de la circonscription électorale de l'arrondissement à la province. C'est donc dans le cadre de la
province entière et non plus de l'arrondissement qu'on procédera au regroupement des voix dites apparentées,
autrement dit à l'addition des voix surnuméraires enregistrées par le même parti dans plusieurs arrondissements
de cette province. En effet, ces voix, si elles avaient dû être comptabilisées arrondissement par arrondissement,
étaient insuffisantes pour lui faire attribuer un siège.
2. Fonctionnement.
Ce système révisé de scrutin à la proportionnelle fonctionne en deux temps, l'apparentement ne
jouant que dans le second :
1/ une première attribution de sièges se fait, au terme du scrutin à la proportionnelle, par
arrondissement (voir ci-dessus) ;
2/ les voix surnuméraires des listes apparentées (c'est-à-dire, en pratique, d'une même couleur
politique) sont additionnées dans le cadre de la province entière afin qu'une liste puisse se voir
ainsi attribuer, si possible, un ou plusieurs sièges supplémentaires.
N.B. Le recours à l'apparentement n'est pas automatique. En effet, un quorum de voix pour au moins
un des arrondissements de la province concernée est requis.
3. Avantage et inconvénient.
Par rapport au scrutin à représentation proportionnelle (Belgique 1899), le mécanisme de
l'apparentement (Belgique 1919) apparaît comme un progrès dans le sens démocratique, puisque l'attribution des
sièges est davantage encore proportionnelle aux votes émis. Il laisse plus de chances aux partis minoritaires
d'être représentés au Parlement et par là reflète plus fidèlement l'opinion publique. En contrepartie, il renforce
l'inconvénient de ce système de scrutin en élargissant l'éventail des couleurs politiques et des opinions au sein
des assemblées, ce qui oblige à réaliser des compromis et à constituer des gouvernements de coalition. Voilà qui
peut être à l'origine d'une certaine instabilité politique.
V. DISTINCTIONS SELON LE NIVEAU DE POUVOIR CONCERNE.
Selon le niveau de pouvoir concerné par les élections, on distinguera : élections présidentielles, législatives,
régionales, cantonales, municipales (ces dernières étant dites communales en Belgique).
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ESQUISSE DE L'EVOLUTION DU REGIME ELECTORAL.
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1. Le suffrage censitaire (éventuellement élargi aux capacitaires) : ses raisons d'être.
C'est un régime qui réserve le pouvoir à une classe de riches propriétaires ; il relève donc de la ploutocratie.
On y distingue les citoyens actifs, pouvant élire et être élus, des citoyens passifs, privés de ce droit de suffrage.
Le régime
Un tel régime se justifie selon les critères de ce temps, à savoir :
1/ argument de justice (!) et de logique.
Certes, le suffrage censitaire est en opposition avec le principe d'égalité de tous les citoyens devant la Loi
et les charges. Cependant, on considère qu'il est normal de réserver le droit de vote (et, par là, le choix des
6 Loi du 22 octobre 1919, consacrée par la révision constitutionnelle de 1920-1921.
5
orientations politiques et des dépenses, c'est-à-dire ce qu'on fera de l'argent des contribuables) à ceux des
citoyens qui contribuent le plus à la richesse nationale.
2/ présomption de talents et de capacité. Voir politisation*.
a/ sur base des preuves qu'un citoyen a données dans le privé, en gérant sa fortune et ses biens (terres,
entreprise) et en conduisant des hommes (personnel), on peut raisonnablement penser qu'il possède une aptitude
à la gestion des biens (économie) et à la conduite des hommes (politique). Il serait utile de voir ces talents mis
au service de la collectivité.
b/ ayant du bien, le propriétaire dispose normalement des loisirs nécessaires pour s'informer sur les
affaires publiques et du temps requis pour étudier sérieusement les dossiers.
c/ présomption d'un certain niveau d'instruction (il n'existe pas d'enseignement gratuit) nécessaire pour
mesurer les enjeux politiques et faire des choix valables dans l'intérêt du pays.
3/ présomption de mérite : la fortune est normalement le fruit du travail, ce qui suppose du
mérite.
4/ présomption d'indépendance : quelqu'un qui dispose déjà d'une fortune sera sans doute moins tenté par
les malversations (détournement de biens ou de fonds publics) et risquera moins de faire une carrière politique à
des fins d'enrichissement personnel.
Remarques.
- Ce régime n'implique pas nécessairement, comme on pourrait le croire, une gestion contraire aux intérêts
du plus grand nombre. En effet, les intérêts des censitaires coïncident le plus souvent avec ceux de
l'ensemble de la Nation, qu'ils n'ont aucun avantage à sacrifier.
- Les citoyens passifs, s'ils sont privés du droit de suffrage, n'en sont pas moins, pour le reste, des citoyens
comme les autres, et à ce titre disposent des mêmes droits et devoirs, et bénéficient de la protection de la
Loi.
2. Le suffrage universel : partisans et adversaires.
N.B. En 1848 (loi électorale du 12 mars), le cens avait déjà été ramené à son minimum constitutionnel, ce
qui avait porté le nombre d'électeurs de 55 000 à 79 000. Le cens sera encore abaissé en 1870 et 1871.
C'est à partir des débuts du règne de Léopold II (1865-1909) que s'instaure un clivage entre partisans et
adversaires du suffrage universel.
a) Les opposants ou conservateurs .
1/ Tous ceux qui, indépendamment des partis, voire des milieux sociaux, restent acquis aux arguments du
suffrage censitaire (voir ci-dessus).
2/ La majorité au sein des deux grands partis politiques belges d'alors :
a/ Parti catholique : on redoute ici que l'extension du droit de vote conduise au suffrage universel pur
et simple, et, par suite, à l'installation du socialisme.
b/ Parti libéral (groupe conduit par Jos. H. Walthère Frère-Orban, doctrinaire , chef du gouvernement
1868-1870 et 1878-1884) : ici, la crainte est que l'extension du droit de vote apporte aux catholiques
les voix des masses rurales fort influencées par le clergé.
b) Les partisans ou démocrates , au nom de la justice sociale.
1/ D'abord quelques démocrates chrétiens, qui proposent d'arriver par étapes au suffrage universel.
2/ Ensuite, vers 1870, et surtout à partir de 1887, les libéraux progressistes (radicaux ) dirigés par Paul
Janson.7
3/ Enfin, à partir de 1885, les socialistes.
N.B. Les partisans du suffrage universel réclament parallèlement l'enseignement obligatoire et gratuit le manque d'instruction des masses étant une des grandes objections opposées par leurs adversaires. Mais cette
obligation scolaire ne sera imposée que beaucoup plus tard, par la loi du 19 mai 1914 (enseignement obligatoire
et gratuit jusqu'à l'âge de 14 ans).
La question du suffrage universel devient le leitmotiv des débats parlementaires, si bien qu'en 1890 on se
décide à voter la révision constitutionnelle requise. Celle-ci n'interviendra qu'en 1893, après trois ans de
7 Paul Janson (1840-1913), député à partir de 1877 comme représentant de Bruxelles. Brillant avocat, anticlérical et
pacifiste, il milita en outre en faveur de l'enseignement obligatoire. Ministre d'Etat en 1912, il fut le père de Paul-Emile
Janson (1872-1944), qui fut également parlementaire et ministre, et le grand-père de Paul-Henri Spaak (1899-1972).
6
discussions sur le système électoral à adopter.
3. Le suffrage féminin : partisans et adversaires.
En Belgique, la loi du 15 avril 1920 a accordé le droit de vote aux femmes pour les élections communales,
mais non pour les élections provinciales ou législatives.8 Ceci viendra avec la loi du 27 mars 1948.
Entre la Révolution française et la seconde guerre mondiale, les principaux freins au suffrage féminin ont été
les suivants.
a) Dans tous les partis, mais dans une faible mesure, des personnalités hyper-conservatrices estimant que les
responsabilités politiques ne sont pas affaires de femmes - dans la ligne de l'Antiquité classique relayée par le
code Napoléon qui s'en inspirait.
b) Principalement les forces de gauche (socialistes, et, à partir de 1921, communistes), et cela pour deux
raisons :
1/ Les carences des femmes en matière d'éducation politique et civique - mais ce manque résultait
précisément de leur exclusion de la vie publique et même professionnelle -, et surtout leur réputation de
dépendance (vis-à-vis de leur mari, et aussi du clergé !) et de conservatisme.
2/ Surtout, les partis de gauche, arrivés plus tardivement en politique, ne se sentaient pas encore
suffisamment en force pour risquer un renforcement des tendances de vote qui aurait pu leur coûter cher !
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LE RÉGIME ÉLECTORAL EN BELGIQUE
: GRANDES ÉTAPES
.
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1831-1893
1831-1899
1877
1883-1893
suffrage censitaire . Abaissement progressif du cens (1848, 1870, 1871).
système de scrutin à représentation majoritaire .
loi consacrant la liberté et le secret du vote.
suffrage censitaire et capacitaire . Ce dernier constitue une extension du droit de suffrage aux
détenteurs d’un diplôme d’études d’un certain niveau, aux personnes exerçant des
fonctions de hautes responsabilités ou ayant réussi un examen spécial.
1893
vote obligatoire .
1893-1819/21 suffrage universel (toujours masculin), avec vote plural (une ou deux voix supplémentaires)
pour les censitaires (notamment chefs de famille et propriétaires) et les capacitaires.
1899
système de scrutin à représentation proportionnelle .
1919/21
- suffrage universel pur et simple , y compris pour les femmes (mais seulement aux
élections communales) ;
- âge électoral ramené à 21 ans au lieu de 25 ;
- introduction de la méthode de l’apparentement pour l’attribution des sièges encore à
pourvoir.
1948
octroi aux femmes du droit de suffrage aux élections provinciales et législatives.
1981
âge électoral abaissé à 18 ans (mais il faut avoir 21 ans pour être élu, sauf dans les entités
fédérées).
*
*
*
* Proportion de l’électorat par rapport à la population.
__________________________________________
1831
1892
1894
1919
1 % (soit 55 000 électeurs ; en 1848, 79 000) ;
2 % (soit 7 % des hommes adultes) ;
22 % ;
28 % ;
8 Ces deux derniers cas étaient liés. En effet, les Conseils provinciaux étaient appelés à élire un certain nombre de
sénateurs ; avec le droit de vote aux élections provinciales, les femmes auraient pu influencer la composition du pouvoir
législatif.
7
1946
1949
32 % ;
66 %.
___________________________

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