Texte CAL - La Compagnie Jocelyn Brudey

Transcription

Texte CAL - La Compagnie Jocelyn Brudey
CAL
Mesdames
Messieurs
Merci d’avoir répondu oui à mon invitation.
Je porte devant vous une mémoire.
Une mémoire parmi d’autres.
Celle que j’interprète a pris naissance à Cuba vers 1513.
Au moment de l’arrivée des premiers esclaves noirs sur cette île.
Puis, je suis allée à Gorée, à Ouidah, au Havre, à Nantes, à Bordeaux, à Liverpool, aux PaysBas, à Charleston, à Caracas.
Aujourd’hui, je vis encore.
Je suis malade de toutes ces histoires d’esclavage que j’ai rencontrées.
Je suis une mémoire schizophrène.
Merci à vous d’être venus.
Je vous embarque dans mon cerveau et espère qu’à la fin de notre voyage, la mémoire que
je joue se sente mieux.
J’aimerais tant oublier. Tout passer par-dessus bord. Etre libre. Vider cette mémoire
malade. La nettoyer de toutes ses immondices. Mémoires. Souvenirs. Impressions.
Croyances. Réalités confuses. Schizophrénie. Toujours ces visions des cales. Infâmes
tortures dans ces prisons des mers. Complots avortés et suicides en masse. A trop vouloir se
remémorer, le vomi vous revient à la bouche. Poissons séchés, grumeaux ou rien. Un tissu
sur les reins, une humiliation qui vous oppresse. Aujourd’hui encore, le bruit négrier nous
déchire. Ce mal de mer qui vous saisit la gorge. Et la tête.
Ne plus avoir à traverser cet océan brisé de taches vagues. Renoncer à ce passé. Etre du
présent et du futur. Libre de ses transports, la main à la barre. Je ne suis pas noir, je ne suis
pas blanc. Je nais du monde et de ses tragédies. Je suis un homme au cerveau inondé de
liquide. Je ne crie pas à l’aide. Je veux saisir l’immonde. C’est notre mémoire qui le
demande. C’est notre mal être qui nous fait trébucher. Ne pas être esclave des chaînes
anciennes. Traverser les ports, les déserts et les mers, une lampe à la main.
Et souvent quand les odeurs affleurent, il me faut retenir toute haine. Hommage aux
victimes. Désignation des bourreaux et mise en exergue d’un système. Calme. Cependant,
je ne peux réfréner mon impatience à voir porter sur la scène les gabarres impures et les
millions de tombeaux. Serais-je un spectacle, une marchandise, une bête impavide ? Un des
cors de l’humanité ? Un cal ? Le premier. La matrice. Un sexe entêté ?
1
CAL Jocelyn Brudey
Que font-ils au-dessus meurent-ils eux aussi, ont-ils des femmes des pères des mères des
enfants, où sont les miens ? Mes genoux me font mal. Ils ont tué mon père, assassiné ma
mère, ils ont tué ma fille, je ne sais où est ma femme et je ne sais où je vais. Ma tête s’est
retirée de mon corps. Je voudrais me battre mais je ne sens plus rien. Je suis prisonnier. Je
voudrais mourir mais je n’en ai plus la force. La cale se déplace d’un côté puis de l’autre. A
travers la planche j’entends les os de mes voisins qui craquent. Je ne peux compter les jours.
Il fait nuit. Parfois cela s’ouvre et nous allons sur le pont, face au vide.
Moussa, tu veux bien remplir ma calebasse avec de l’eau. J’ai beaucoup de travail
aujourd’hui. Je dois construire un enclos pour y tuer les chèvres et une grande cabane dans
laquelle je rangerai tous mes outils et … Mais que fais-tu Moussa ? Où cours-tu ainsi ? T’ai-je
effrayé à ce point ? Tu dormais ? Reviens Moussa. Il a perdu la tête. Tant pis. Je me
débrouillerai seul. Elle est fraîche cette eau. Fraîche comme de l’eau de pluie. Moussa ! Il
court tout au fond du désert comme s’il avait pris peur. Je lui fais signe mais il court de plus
belle. Tant pis. Demain, je tuerai une chèvre.
A quel moment va-t-il s’arrêter ce bateau ? Il me regarde avec ses yeux de fou. Il est transi
comme moi. Coincé, comme nous tous. Pisser sur l’autre qui pue l’agonie. Je me répugne.
Nous marchions depuis longtemps… Puis ce fut le nettoyage. Les plaies avaient du mal à
sécher… Des hommes léchaient d’autres hommes. Les brutalités. Les corps attachés
ensemble. Entassés comme des singes hébétés. Rien à manger et rien à boire, durant des
heures. Un cauchemar sans fin et sans raison. Des hommes, des femmes, une odeur de
merde, de dégueulis, de sueurs, d’urines angoissées…
Qu’a-t-il à me regarder avec ses yeux de fou ? Qu’il me lâche ! Je ne peux rien pour toi. Celui
qui criait hier, on ne l’a plus revu. Alors, taisons-nous.
Dans le crépuscule de la cale, je revois tes yeux câlins. Tu n’étais qu’une enfant. L’avenir de
tes parents. Et moi, avec mes yeux, je les ai vus, avec mes yeux, je les ai vus, te tuer à coups
de machettes.
Oui. Combien en voulez-vous ? Deux cents ? C’est difficile. J’ai déjà ici quelques hommes et
quelques femmes qui sont nés esclaves... A ceux-là, je peux rajouter ceux qui me doivent de
l’argent, quelques prisonniers de guerres… Je pourrais brûler un village qui se trouve assez
loin d’ici, tuer les impotents et les imbéciles, les vieux et les enfants, enfin… tous ceux qui ...
Mais, il me faut des armes, du matériel et de la main d’oeuvre pour les capturer, les
surveiller. Tout ceci coûte cher. Il y a aussi le transport à prendre en compte. Combien me
donnerez-vous en échange ? Non, ce n’est pas suffisant. J’ai moi-même des dettes. Et si je
ne les règle pas je serais vulnérable. Ce trafic doit me rapporter. Je n’ai pas d’autres choix. Et
que vont-ils faire après, avec vous, tous ces nègres et toutes ces négresses ? De toute façon,
si vous me payez bien ils seront à vous. Le reste ne me regarde pas. Payez-moi et nous
2
CAL Jocelyn Brudey
ferons route ensemble. Seuls, vous n’y arriverez pas. Je m’arrangerai avec les chefs et ils ne
nous attaqueront pas. Combien avez-vous d’hommes ? Et les fusils ? Vous avez des fusils ?
Vous savez comment faire ? Vous connaissez les risques ? Une fois que le travail sera
terminé, il faudra trier. Eliminer tous ceux qui ne rapporteraient rien ou qui seraient difficiles
à transporter ou bien qui risqueraient de contaminer les autres. Pas de malades ! Vous avez
un chirurgien dans votre équipe ? C’est indispensable. Il vous faut des hommes costauds,
solides et résistants. Les noix qui pendouillent de trop. Hop ! C’est bon à rien. Nous on sait
bien les repérer les bons produits. Il vous faut des femmes aussi. Des femelles avec les
tétons bien fermes. Pas de tétés flétris ! Des femmes aux fesses bien dures, avec des
hanches bien ouvertes. Celles-là aussi on sait bien les repérer.
Il est mort. Enfin ! Je n’en pouvais plus de ses soubresauts. Il est mort. Tant mieux. Ils vont
venir les chercher les morts tout à l’heure. J’aurai plus de place. Je ne comprenais rien de ce
qu’il disait.
Après, c’est mon tour. J’ai mal. Je me chie dessus. Les seaux d’eau. J’arrête de respirer. Je
veux crever. C’est ma tête qui explose. Non, je n’hurle pas. Je veux prendre l’air. J’étouffe.
Mes yeux. La fièvre. Un autre se traîne vers moi. Se révolter. Comment ? Tu es fou ? Il faut
que je me concentre. C’est quoi ? C’est où ? Ils crient comme des cinglés. Fermez-la ! Il faut
que je me relève. Non. Impossible. On se cogne. C’est quoi ? Je dois dormir. Ils vont apporter
la pâte à manger. Manger, oui, manger. Concentre-toi. Manger, dans une heure, ou deux, ils
sont déjà venus. Il fait jour ? Quand ? Quand le bruit va-t-il s’arrêter ?
Dors. Dors. Dors. Dors.
Moussa, c’est mon ami. J’ai grandi avec lui. Nous avons été éduqués ensemble avec
quelques autres du même âge. Nous nous disions tout. Lui aussi avait trouvé une femme.
Peu de temps après moi. Nous avions eu peur tous les deux au moment de notre initiation. Il
savait faire beaucoup de choses. On s’entraidait. Où est-il ? Pourquoi est-il parti ? Je ne l’ai
jamais revu. Il s’est enfui, comme ça, tout d’un coup ! Peu de temps après sa fuite dans le
désert, les maisons ont commencé à brûler. Je venais tout juste de disposer quelques
planches pour l’enclos quand ils sont venus me chercher. Il fallait faire vite ! Le feu prenait à
plusieurs endroits.
Dors. Dors. Dors. Dors.
Aucun repère. Ne rien pouvoir faire. Sur le pont j’écarquille les yeux. Je cherche un point. Il
n’y a que ce bateau et la mer, partout. Il y a des hommes qui eux ne semblent pas
prisonniers. Au-dessus de leur tête, des oiseaux que je ne connais pas. Ils se taisent ou bien
ils crient.
3
CAL Jocelyn Brudey
Il y a des tas d’autres choses : des tissus, des cordes, du bois. Ils ne sont pas tous là. Certains
types que j’ai déjà repérés ne sont pas avec nous.
Cette eau immense, infinie. Ce sombre abîme de terreur. L’enfer.
Un homme nous compte, il écrit quelque chose. Je ne le quitte pas du regard. L’air me fait
du bien. Je le sens qui passe sur ma brûlure. Il sèche ma peau qui peu à peu me recolle. Se
révolter. Comment ? Je titube.
Retrouver des restes de courage enfouis dans les cals de nos cerveaux. Un seul espoir : les
tuer tous, sauvagement, les déchiqueter, les égorger. Et après ? Que faire ? Où aller ? Il
faudrait que quelque chose change, que le bateau s’arrête. Cela va s’arrêter et nous
retrouverons le port d’où nous sommes partis. Là nous mettrons en place un plan d’évasion.
Attendre et ne pas mourir.
Comment résister à cette réalité ? J’ai dix doigts. Je les fais bouger un à un. Dans un ordre
puis dans un autre. Je change le parcours. Je suis maître de mes mouvements. Je construis
des mécanismes mathématiques. Trois deux, deux trois, un quatre, cinq dix. Je construis des
chemins dans ma tête. Je prie tous les dieux que je sais et tous ceux que j’invente. Ils
avancent et ils chantent un langage qui me fait oublier les hoquets et les geignements. Il me
faut croire au mouvement. Je prends appui sur le roulis des vagues. Je crée les trajectoires et
quitte le tombeau.
Je retourne dans mon village. Moussa met de l’eau dans ma calebasse. Mes filles, ma
femme, mon père, ma mère, les autres familles… Tout le monde est là.
Mes os se fracturent dans l’exiguïté de cette cale. Désorienté je ne maîtrise plus mes sens.
Déjà mort je me sens glisser vers un autre caveau. Devenu animal je rugis
d’incompréhension. Le négrier poursuit sa route vers des mers abyssales. Lentement, je
pénètre le coma. J’ai perdu connaissance. Silences. Souffrances. Ma vie est entre leurs
mains. Avec l’aide de leurs complices, ils m’ont ravagé.
J’avais déjà entendu parler d’histoires d’esclaves, de prisonniers, de caravanes. Les anciens
évoquaient parfois les arabes, les noirs comme nous, les blancs, les mélangés, qui
achetaient ou vendaient des nègres. Femmes, enfants, hommes… Tous ces humains qui
possédaient d’autres humains, tous ces échanges et ces trafics. Les plus vieux en parlaient
parfois. Mais cela nous semblait être des histoires lointaines et inventées. Dans notre village
nous n’avions jamais fait la guerre et nous n’avions pas d’esclaves. Mais si on nous avait
proposé de vendre certains des nôtres en échange de tel ou tel bien qu’aurions-nous fait ?
4
CAL Jocelyn Brudey
La cale s’ouvre. Deux hommes pénètrent l’antre obscur. Il y a celui qui m’a touché les
testicules et celui qui m’a brûlé la peau. Ils tâtent les corps, ouvrent les bouches. Ils
s’essuient le front. Ils s’arrêtent, échangent quelques mots et continuent leur inspection. Sur
certains, ils laissent une marque avec un couteau. Arrivent d’autres hommes. Ceux-là
détachent certains d’entre nous et les traînent en dehors de la cale. Plus ils s’approchent de
moi et plus je tremble. Le grand se penche et glisse sa main sous mes aisselles. Il sent ses
doigts et fait signe à son acolyte qu’il passe au suivant. Ils n’ont pas fait de marque sur ma
peau. J’ai honte de n’avoir rien pu faire et en même temps je me sens soulagé.
Tu vois, ce n’est pas sorcier. Lorsqu’on les coupe, certains fruits ou certaines plantes
rejettent un liquide blanchâtre. Si le fluide reste au soleil, il sèche. Cela peut créer des sortes
d’excroissances sur le sol ou bien sur les arbres. Dans le corps humain, il y a aussi du liquide
blanchâtre. Je l’ai observé, s’extirpant du cerveau de ma fille, après qu’ils lui ont fendu la
tête.
A quoi peut bien servir cette lymphe ? Coulant sur les lèvres d’un de mes compagnons de
cellule. Ils l’emportent celui-là. Et les femmes, comment les traitent-ils ? On les aperçoit
quand on est sur le pont. Elles sont nues ou bien recouvertes de lambeaux. Et eux-mêmes
ne sont-ils pas malades de ce transport macabre ? Ils paraissent moins nombreux et moins
toniques qu’au départ. La mer, elle aussi, rejette des rebuts livides.
Douze moins quatre cela fait huit. Donc cent vingt moins quarante cela donne quatrevingts. Et si je multiplie quatre-vingts par deux, cent soixante. Cent soixante plus deux, cent
soixante-deux. Plus quatre-vingts, deux cent quarante-deux. Compter me maintient en vie.
Je compte tout. Obsession du nombre. Combien étions-nous, combien il en reste ? Et si j’en
rajoute ? Et si nous étions plus ? Je multiplie encore les nombres sommes infinis tout le
temps que tu regardes c’est fini. Vingt-trois quarante et un sans rien quatre il me reste un
doigt et si j’en avais en plus je ferais quoi de tous mes doigts ? Un deux trois à la mer et on
range les paquets par sept. Deux jours manger et trente-trois nuits sans parler. Ca ballotte
on coule par deux par trois. Paradis de sang. Gouffres de liquides blancs. Riche étoile de mes
tempes. Tu. Jaune. Le temps de verre grillagé. Seul. Ma verge colle le riz par deux. Et un
chantage. Deux huit. Vendre eau froide du dieu. Sous brûle chaleur. Tu. Fil tombe. Seul.
Chante toujours. Ciel. Noirs. Des vents horizons. Partent. Orange à l’envers. Matin juin.
Rien. D’avoir le temps voilé. Brume. Changer d’axe. Dansez en deux. En trois. Quatre.
Chassés corps à corps. Chercher santé sans rien stopper. Pain bleu de coups nuques.
Attaché. Respirer. Huit dix. Enervé. Crever.
Colacolacré éya Sambasambalé déma
Colacolacré éya Sambasambalé déma
Colacolacré éya Sambasambalé déma
5
CAL Jocelyn Brudey
Un premier coup dans les couilles. Ca part. Allez. Taper ou mourir. Taper n’importe où,
partout, comme on peut. Dans la cale on s’était soutenus. Mordre, déchirer, comme des
chiens. Ca tape. Toutes les forces avec nous. Mouvement. Ca bouge. Ils arrivent. Et d’un
autre sens, cela repart. Nos pieds saignaient. Par chance ils avaient libéré nos jambes. Ca
frappe. A mort. Dans les genoux, ils s’abaissent et dans la gueule, assommés. Coups de fusil.
Un qui tombe. L’autre qui glisse. Quel bordel. Vaincre sa peur. Rien à perdre. A terre ! Je lui
saute sur la gorge. Je l’éclate en mille. Han ! Rien. Ils me tirent. Je crie. Longtemps. Quatre
cents ans. Et avant. Et après.
Le plus inquiétant c’est quand vous sortirez du navire. Vous serez des rescapés sans doute.
Ils ne vous auront pas laissés en vie pour vous mais pour eux. Vous tuer aurait représenté
une perte trop importante. Vous êtes des valeurs marchandes, des biens négociables. Ils
vous ont torturés mais ils ne vous ont pas totalement détruits. C’est vrai que vous aurez du
mal à marcher mais ils auront réussi à vous conserver. Brisés, vous irez là où on vous
dirigera. Vos ruines seront celles de bêtes qui ont douté d’elles-mêmes et de leur avenir. Et
vous continuerez à marcher avec vos cals aux pieds, à penser avec vos cervicales. Et vous
oublierez : les convois, les caravanes et les durillons.
A qui revient le droit de traiter les callosités ? J’ai les miennes. Je les observe et les
transporte. Avec elles, je crie, je crée, je ris, j’écris. Réparer les mémoires endolories.
Prévenir et permettre de meilleurs équilibres. Aujourd’hui, ni victime ni esclave, entre le
passé, le présent et le futur, entre mes différents espaces, je dispose mes propres cloisons.
En vain peut-être.
Bon tu vas la fermer espèce de sale négro. Tu vas la fermer ta gueule de nègre à plateau ! Ca
suffit maintenant ! Tu restes dans ta cale et tu arrêtes de nous emmerder. C’est quoi ton
problème ? T’es là pour en chier un point c’est tout. Garde tes forces parce qu’on est bientôt
arrivés. Viens là ! Plus vite sale chien de mes deux ! Arrête de chialer comme une mauviette.
Arrête de nous casser les oreilles avec ton baragouin. Tu vois là-bas, c’est la terre ! Je te
laverai pour que tu ne pues pas trop. Après je te vendrai. Cher j’espère. T’as voulu te révolter
sale nègre ! Rentre dans ta cale avant que je n’écrase ta sale petite gueule de cafard. Quoi tu
veux te battre ? Cette fois, si tu bronches, je te tue !
Les crêtes de ces traites de nègres suffisamment curetées, j’irai me reposer, apaisé. Enfin,
soulagé. Un sexe dans ma tête. Et mon cerveau, rongé.
Sur le pont les oiseaux se rapprochent. Aimeraient-ils décoller mes orteils ? Leurs ailes dans
les chaleurs immobiles. Comme des pointes d’acier. Me susurrent des merveilles. Je décolle
à mon tour et m’accroche. Vers de belles lueurs indociles. Traversant d’autres cieux
émaciés. Dans des mondes irréels. J’aperçois des images essentielles. Mais il me faut
6
CAL Jocelyn Brudey
redescendre vers les réalités. Etre un affamé parmi les affamés. Rester aux aguets de toutes
les vicissitudes. Me frayer des chemins fragiles parmi tant de morts inutiles.
Colacolacré éya Sambasambalé déma
Colacolacré éya Sambasambalé déma
Colacolacré éya Sambasambalé déma
La force me revient. J’ai tellement envie de travailler et de penser. De faire et de défaire. De
l’ouvrir ma gueule. D’enfoncer dans mon crâne mes livres d’histoires. D’aimer et de danser.
De construire multiple. D’être civilisé, primitif. De lutter contre les fantômes. Tandis que le
ténia de ce chien de racisme continue de rôder dans les ports.
Ténu passage de la ligne vers la folie. Meurtres et tortures limitrophes des délires. Avec mes
quelques flux et reflux de raison. J’organise une intérieure et lente évasion. De la cale cage
cruelle et sauvage. Au lit refroidi d’une terre plus sage.
7
CAL Jocelyn Brudey