La claque du théâtre malien, le déclic à la création d
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La claque du théâtre malien, le déclic à la création d’une force armée régionale Cécile MOREAU mars 2015 Le 22 mars 2012, un coup d’Etat vient secouer le Mali déjà en proie au Nord du pays à de violents combats avec les rebelles touaregs. Le président Amadou Toumani Touré est renversé, le capitaine Sanogo prend la tête de la junte. Pendent ce temps, profitant du chaos régnant à Bamako, les groupes armées prennent les principales villes du Nord : Kidal, Gao et Tombouctou. Le 06 avril face à la pression de la CEDEAO et de l’UA, Sanogo accepte la signature d’une accord entre la junte et la CEDEAO permettant la désignation d’un Président et d’un Premier ministre et la tenue d’élections présidentielle et législative dans un délai de 40 jours. La situation au Nord Mali évolue plus rapidement que les négociations de la CEDEAO et le 27 mai, la rebellion touaregue du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et le mouvement islamiste Ansar Dine fusionnent et proclament la création d’un Etat islamique dans le Nord Mali. Serval, l’appui au Mali et aux forces armées maliennes Le 11 janvier 2013, l'opération Serval est lancée, en quelques heures, par la France, suite à la demande des autorités maliennes d'un appui pour stopper l'avancée des groupes terroristes en direction de Bamako. L'opération Serval a pour mission "d'appuyer l'armée malienne face à l'agression terroriste qui menace toute l'Afrique de l'ouest" et se décline en trois objectifs majeurs. Elle consiste tout d'abord à aider les forces armées maliennes (FAM) à arrêter la progression des groupes terroristes et à les repousser tout en assurant la sécurité des populations civiles; puis à aider le 1 Mali à retrouver son intégrité territoriale et sa souveraineté. Enfin le dernier objectif réside dans la facilitation de la mise en oeuvre des décisions internationales en permettant le déploiement rapide de deux missions internationales complémentaires : la mission internationale de soutien au Mali (MlSMA) et la mission de formation de l'armée malienne de l'Union européenne (EUTM). Serval, c'est 200 tonnes d'armes et de munitions découvertes. C'est 13 000 heures de vol au cours de 7 500 sorties pour les avions de l'armée de l'air française. Ce sont 400 000 km parcourus par mois en moyenne par les bataillons logistiques (BATLOG) engagés. Serval, c'est quelques milliers de militaires français aux côtés des FAM et d'autres forces armées africaines. Les pays africains de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) avaient pour ambition de mettre sur pied une force constituée de quatre bataillons et du soutien nécessaires. L'action des forces françaises a permis la destruction des sanctuaires jihadistes au Nord du fleuve Niger notamment dans l' Adrar des Ifoghas et la mort d'un des chefs d' AlQaida au Maghreb islamique (AQMI), Abou Zaid. L'opération Serval a aussi contribué au rétablissement de la vie politique malienne (élections présidentielles et législatives ). Barkhane, l’appui aux pays partenaires de la Bande sahélo-saharienne Un an plus tard, l'opération Barkhane succède, le 1er août 2014, à l'opération Serval. Barkhane montre un réel changement par la prise en compte de la dimension régionale du terrorisme dans l'ensemble de la bande sahélosaharienne. 3 000 soldats français sont ainsi repartis sur 5 Etats. Ils sont déployés et conduits par un poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT) basé à Page 2 N'Djamena, au Tchad. Les forces françaises travaillent en étroite coopération avec les armées burkinabé, malienne, mauritanienne, nigérienne et tchadienne. Barkhane, c'est également 200 véhicules logistiques , 200 blindés, 3 drones, 6 avions de combat, une dizaine d'avions de transport et une vingtaine d'hélicoptères implantés dans chacun de ces 5 pays. La mission est de lutter contre les groupes jihadistes et d'empêcher la constitution de sanctuaires terroristes, l'ambition de François Hollande étant de rétablir l'intégrité du territoire malien et "d'assurer la sécurité et la stabilité du Sahel et au-delà" . A l'heure actuelle, Kidal est encore une zone de non-droit, les armées maliennes et africaines restent fébriles et ne sont pas en mesure d'assurer leur sécurité et la menace terroriste existe toujours. Les katibas du Nord Mali ont reflué vers le sud libyen où le pouvoir reste inexistant laissant le champ libre à la prolifération des camps d'entraînement et à une plus grande circulation des armes mais aussi vers le Niger. Dans un rapport de septembre 2013, l’ International Crisis Group (ICG) avait soulevé que "la menace de la contagion terroriste depuis les pays voisins existait, mais elle n'était réellement préoccupante au Niger que parce qu'elle gagnerait un corps social particulièrement affaibli dans un contexte politique lui-même fragilisé". D'ailleurs, la France a renforcé sa base de Niamey et début janvier, 2 drones américains Reaper, acquis en 2013 y ont été déployés. Quant à l'armée nigérienne, elle reçoit une aide française pour protéger ses frontières au Nord avec l'Algérie et la Libye. La MISMA, la mission de l’Union africaine Dès le 20 décembre 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies autorisait par la résolution 2085 la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA). La MISMA mission de l' Union Africaine, dont Page 3 le nom devait être Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA) était autorisée en vertu du chapitre VII de la charte des Nations Unies. Elle devait mettre fin à la crise politique et sécuritaire, conséquences du coup d'Etat du 22 mars 2012. Sa mission première était la reconstitution de l'armée malienne en collaboration avec ses partenaires internationaux en vue de la reconquête du Nord-Mali. Puis, la MISMA devait aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle du Nord et à y diminuer la menace terroriste. Enfin, la MISMA devait aider à la sécurisation des Institutions maliennes afin de rétablir l'ordre constitutionnel. La MINUSMA, le retour de l’ONU Le 1er juillet 2013, la MISMA se transforme en mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), la mission de l'UA devient mission de l'ONU. Le Mali venait de rentrer dans une phase de stabilisation et de maintien de la paix. La résolution 2100 du Conseil de sécurité prévoit que la MINUSMA doit compter au maximum 11 200 militaires, 1 440 policiers et des experts civils. La MINUSMA a pour mission de contribuer à stabiliser le pays et accompagner les autorités maliennes dans le processus de transition politique. En 2014, la Mauritanie avait demandé à ce que son contingent au sein de la MINUSMA soit stationné dans la zone frontalière de Tombouctou. Mais le gouvernement malien de la transition avait refusé permettant ainsi aux jihadistes de profiter des faiblesses de la coopération régionale. La création de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) Dans les années 90, les contingeants occidentaux se retirent Page 4 progressivement des opérations de maintien de la paix sur le continent africain. Ce sont alors les communautés économiques régionales (CER) qui prennent la main : - la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; - la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) ; - le southern african development Cmmunity (SADC) ; - l’Inter Governmental authority for development (IGAD) ; - l’Union du Maghreb arabe (UMA). Face à cette régionalisation de la sécurité, l’UA a eu la volonté de créer une Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA). Dans un contexte marqué par l’instabilité politique et la multiplication des conflits, l’APSA était devenu le cadre d’action privilégié. Conceptualisé comme un ensemble d’outils fonctionnels autour d’une organe, le Conseil de paix et de sécurité (CPS), l’APSA a pour vocation de répondre globalement aux problèmes liés aux crises néées sur le continent. Les pouvoirs du CPS sont issus du Protocole relatif à la création du CPS de l’UA, adopté en juillet 2002 et entré en vigueur en décembre 2003. Ce dernier dôte le CPS de pouvoirs importants en matière de prévention, de gestion et réglement des conflits. La naissance de la Force africaine en attente (FAA) Pour permettre au CPS «d’assumer ses responsabilités en ce qui concerne le déploiement des missions d’appui à la paix (...) il est créé une Force en attente, composée, selon l’article 13.1 du protocole relatif à la création du CPS, de contingeants multidisciplinaires avec des composantes civiles et militaires, stationnés dans leur pays d’origine et prêts à être déployés rapidement aussitôt que requis. Quelques années avant, les prémices de cette force en Page 5 attente se trouvaient dans l’Acte constitutif de l’UA adopté en 2000. Par cet acte, l’UA avait le droit d’intervenir dans un de ses Etats-membres en cas de circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l’humanité. Le principe de non-ingérence en vigueur sous l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) laissait la place au principe de non-indifférence. Les missions de la FAA La FAA a pour vocation d’assurer des missions d’observation et de supervision mais également d’autres types de missions de soutien à la paix. La FAA va pouvoir intervenir dans un Etat-membre dans certaines circonstances graves ou à la demande d’un Etat-membre, afin de rétablir la paix et la sécurité (article 4(h) et 4(j) de l’Acte constitutif). La FAA a pour mission de se déployer préventivement, afin d’éviter (i) qu’un différend ou un conflit ne s’aggrave, (ii) qu’un conflit violent en cours ne s’étende à des zones ou Etats voisins ou (iii) la résurgence de la violence, après que les parties à un conflit sont parvenues à un accord. La FAA permet de consolider la paix notamment par le biais du désarmement et la démobilisation après les conflits. La FAA contribue pareillement aux missions d’assistance humanitaire pour atténuer les souffrances des populations civiles dans les zones de conflit et en soutien face à des catastrophes naturelles. La FAA pourvoira à toute autre mission que pourrait lui confier le CPS. Les scenarii de missions de la FAA 6 scenarii ont été prévus : 1) les conseils militaires de l’UA ou d’une CER à une mission politique ; 2) une mission d’observateurs UA/CER, déployée Page 6 3) 4) 5) 6) parrallèlement à une mission de l’ONU ; une force de maintien de la paix UA/CER au titre du chapitre VII ou le déploiement préventif voire de consolidation de la paix ; une mission autonome d’observateurs UA/CER ; une force de maintien de la paix de l’UA dans le cadre de missions pluridimensionnelles et complexes de maintien de la paix ; une intervention de l’UA dans des situations de génocide et sans réaction rapide de la Communauté internationale. A compter de l’adoption du mandat, la durée de déploiement prévue est de 30 jours pour le les scenarii 1-2-3 et 4, de 90 jours pour le 5eme scenario et de 14 jours pour le 6eme. Les objectifs de la FAA Par ses missions, la FAA a pour but de donner au continent africain l’image d’un continent uni dans la prévention et le réglement des conflits. Elle vise à démontrer que l’UA est dotée de structures opérationnelles qui lui permettent d’intervenir dans les zones de conflit et de répondre par des actions aussi bien militaires que diplomatiques selon les circonstances. La FAA permettra de démontrer la capacité de l’UA de répondre aux besoins naissant de telles situations (la rapidité de l’alerte, la gestion des aspects civils, la conduite des opérations de maintien de la paix, la reconstruction postconflit et la consolidation de la paix). La présence des CER L’article 13 du Protocole relatif à la création du CPS stipule que la FAA est composée de contribution en provenance des pays membres de l’UA. La FAA devrait compter entre 25 000 et 30 000 hommes. Ces troupes sont mises à la disposition de l’UA et des CER. En effet, malgré cette Page 7 volonté marquée de l’UA de créer une Architecture de paix et de sécurité sur le continent, les Etats ont continué à privilégier les CER, qu’ils considèrent plus crédibles et efficaces en matière de gestion des conflits. Force est de constater qu’il fut plus facile à la CEDEAO de trouver un consensus au Liberia qu’à l’UA lors de la crise libyenne. Qui plus est, sur le plan technique, les cinq CER sont de niveau opérationnel très variable, leur interopérabilité s’en trouve perturbée. En outre, historiquement, la Charte des Nations unies prévoyaient dans ses articles 52 et 53 la possibilité de mettre en oeuvre des accords régionaux afin de résoudre pacifiquement les conflits locaux. Ces articles permettaient la réalisation au niveau régional de mesures d’imposition de la paix sous surveillance du Conseil de sécurité des Nations unies. Les CER, un frein à la FAA Les CER doivent servir de fondation à la FAA. La FAA donne aux CER un cadre leur permettant de participer à la paix sous la direction de l’UA sans pour autant renoncer à leurs compétences régionales propres. Hormis le sentiment plus intense de rattachement à l’UA de ces CER, cela diminue le risque de compétition entre tous ces acteurs. Par conséquent, le processus se consolide de plus en plus. Cependant, les compétences entre l’UA et les CER devraient être mieux délimitées par les textes. L’approche reste encore floue en ce qui concerne la mise en oeuvre soit des capacités de la FAA soit des capacités des cinq brigades des 5 CER. En tout état de cause, la question de savoir comment les CER peuvent apprécier une situation de manière objective et indépendante peut se poser soit en raison des liens étroits Page 8 qui peuvent lier aux parties du conflit soit en raison de l’influence que peuvent avoir sur ces CER des puissances régionales mettant à leur disposition des ressources ou/et des capacités. La préalable autorisation de l’ONU Dans la pratique, l’UA a toujours obtenu l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies pour toutes ses missions. Les directives de la FAA prévoient que pour des missions d’imposition de la paix, l’obtention d’une autorisation du Conseil de Sécurité est nécessaire. Alors que sur le fond, l’octroi d’un mandat de l’ONU n’est pas une condition préalable légale à une mission de l’UA (selon l’article 4h). La puissance de l’UA ? L’UA est soutenue en la matière par de nombreux partenaires tels que l’ONU, l’UE, les Etats-unis, le Canada et les nombreux pays européens qui se sont désengagés au fil du temps des opérations de maintien de la paix sur le continent. Mais tant que l’UA et l’APSA resteront dépendantes financièrement de tous ces acteurs internationaux, peut-on considérer qu’il y ait une réelle appropriation africaine de sécurité et défense ? Y at’il une réelle maîtrise de la prise de décision et la possibilité d’exercer un contrôle réel sur les questions de sécurité et de défense ? Le sommet de l’UA d’Addis-Abeba, un sommet décisif Alors que les crimes perpétrés par la secte islamiste Boko Haram ne cessent de se multiplier et que les pays voisins du Nigeria tels que le Cameroun, le Niger, le Tchad voient leur crainte d’intrusion au delà des frontières du Nigéria augmenter de jour en jour. Le président ghanéen John Dramani Mahama, président de Page 9 la CEDEAO, a fait pression pour que se tienne une réunion spéciale sur la menace terroriste en Afrique de l’Ouest durant le sommet de l’UA qui se tenait du 23 au 31 janvier 2015 à Addis-Abeba. Pour parvenir à un plan d’action spécifique pour en finir avec le problème du terrorisme sur le continent africain, il demande à l’UA de créer une force multilatérale régionale. L’UA devrait mettre en place une force militaire dont le commandement, la localisation et le financement restent à trouver. L’UA demandera sans doute sa prise en charge au Conseil de sécurité des Nations unies, comme ce fut le cas au Darfour ou au Soudan. X X X Fin 2006, les concepts structurant la FAA avaient été élaborés par la Commission de l’UA atteignant les objectifs fixés par la feuille de route de 2005. Cependant, alors que l’échéance reste fixée à 2015 pour la mise en place de son opérationnalisation, la FAA est encore loin d’être prête malgré la volonté affichée de ses dirigeants de prendre leurs responsabilité en matière de promotion de la paix et de résolution des conflits sur le continent africain. Page 10 Les scénarios d’intervention de la FAA Six scénarios d'intervention de la FAA sont prévus : ♣ Scénario 1 : un service de conseil militaire de l'UA ou d'une CER à une mission politique comme en Côte d’Ivoire lors de la dernière crise postélectorale entre novembre 2010 et mai 2011. ♣ Scénario 2 : des missions d’observation de l’UA, parallèlement à une mission de l’ONU. Ce fut le cas par exemple avec la mission de liaison de l’OUA/UA* dans le territoire frontalier entre l’Éthiopie et l’Érythrée (OLMEE) 2000-2008, ou l’équipe de vérification et de contrôle (VMT) au Soudan 2004. ♣ Scénario 3 : une mission autonome d’observation, telles les interventions de l’UA au Burundi (AMIB) 2003 ou la mission de l’UA aux Comores (OMIC). DATE2001 ♣ Scénario 4 : une mission autonome de paix au titre du chapitre VI de la charte de l’ONU ainsi que le stationnement préventif de troupes en vue du maintien de la paix, comme l’intervention de l’UA au Burundi (AMIB). 2003 ♣ Scénario 5 : une mission de maintien de la paix parallèlement à une mission pluridimensionnelle complexe de maintien de la paix. ♣ Scénario 6 : intervention militaire de l’UA dans des situations graves, par exemple pour empêcher un génocide si la communauté́ internationale n’intervient pas. Feuille de route pour la mise en place de la Force africaine en attente. Page 11 BIBLIOGRAPHIE - Pacte de non-agression et de défense commune de l’Union africaine du 31 janvier 2005. - La FAA dans l’Architecture africaine de la paix et de la sécurité, un outil adapté aux enjeux sécuritaires africains, Paul Chichlo et Laure Henicz, Paris, Ecole militaire, 26 et 27 avril 2012. - Union africaine : architecture de paix et de sécurité en Afrique : la FAA, Jean-Baptiste Natama (directeur de cabinet de la Présidence de l’Union africaine, 14ème forum de l’IHEDN sur le Continent africain, Paris, 10 juin 2013. - Politique de sécurité : analyses du Center for Security Studies (CSS), ETH Zurich, n°84, novembre 2010. - Mali : 2 ans après Serval, Aqmi reprend ses quartiers au nord de Tombouctou, 09 janvier 2015, Jeune Afrique, Baba Ahmed. - L’Afrique de l’Ouest appelle à la création d’une force armée régionale, 21 janvier 2015, Jeune Afrique. Page 12