Le Portugal et l`Angola sur un terrain d`entente
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Le Portugal et l`Angola sur un terrain d`entente
29/4/2015 Le Portugal et l'Angola sur un terrain d'entente Libération CAHIER SPÉCIAL Accueil › Cahier spécial Le Portugal et l'Angola sur un terrain d'entente STÉPHANE REGY ET GAUTHIER DE HOYM 10 JUIN 2006 À 21:46 C'est l'histoire d'un match clin d'oeil comme la Coupe du monde aime à en offrir parfois. Après RFA RDA, IranEtatsUnis ou FranceSénégal, voici donc PortugalAngola, dimanche soir, à Cologne. Sportivement, c'est anodin, et l'affaire devrait d'ailleurs être vite pliée. D'un côté, l'Angola, sans stars, sans historique ni fond de jeu. De l'autre, le Portugal, vicechampion d'Europe en titre et réservoir à vedettes internationales : Figo (exballon d'or), Deco (ballon d'or en puissance), Cristiano Ronaldo (nom de ballon d'or) ou Pauleta. Sur le plan géopolitique, c'est évidemment une autre histoire : les retrouvailles sportives, trente ans après une lutte acharnée, entre un vieil empire européen et son ancien territoire chéri, une colonie pas comme les autres. «C'était le joyau de la couronne. Dès l'arrivée au pouvoir de Salazar, Lisbonne en a parlé comme du Nouveau Brésil. Tout simplement parce qu'il s'agissait du territoire le plus vaste et le plus riche en potentiel», explique Yves Léonard, professeur à SciencesPo et spécialiste du Portugal contemporain. Ce Brésil avorté a d'ailleurs longtemps constitué un rouage essentiel de l'économie du Portugal. Pourvoyeur de matières premières comme le coton, mais surtout de devises fortes comme le diamant ou le pétrole. De telle sorte que le Portugal a mis longtemps à se résoudre à perdre sa colonie, où il était implanté depuis plus d'un siècle l'Angola n'a acquis son indépendance que le 11 novembre 1975 après une guerre terrible. «Blague». Les deux pays ne se sont jamais vraiment séparés. Economiquement, le Portugal est aujourd'hui le premier investisseur étranger en Angola, et ses exportations vers l'ancienne colonie s'élevaient à 800 millions d'euros en 2005. Démographiquement, 47 000 Portugais vivent actuellement en Angola, tandis qu'on estime à 50 000 le nombre d'Angolais présents au Portugal. Sur le terrain diplomatique enfin, les deux pays se côtoient au sein de la très classe Communauté des pays de langue portugaise. Fautil donc voir dans cet AngolaPortugal un derby au sens propre du terme ? «Quand on a vu le tirage au sort, on a cru à une blague», pointe Bonga, célèbre chanteur angolais, symbole de la lutte indépendantiste aujourd'hui installé à... Lisbonne. L'histoire du foot a déjà béni deux PortugalAngola. Le premier s'est tenu en 1989, sur fond de célébration de la Lusophonie. Score final : 60 pour les Portugais. Et satisfaction générale. Le second a eu lieu le 14 novembre 2001, à Lisbonne, quelques semaines à peine après le fameux FranceAlgérie, arrêté avant son terme, envahissement du terrain oblige. Dans la capitale lusitanienne, le spectacle ne fut guère plus reluisant. Première minute de jeu : l'Angola ouvre la marque, par l'intermédiaire de son petit prodige Mantorras, du Benfica Lisbonne. 12e minute : Pauleta se frite avec Asha, chargé de l'escorter ce soirlà. Expulsion de ce dernier, et début de la descente aux enfers à laquelle l'arbitre mettra fin à la 67e minute du match, alors que les Portugais mènent 51. Raison officielle : avec quatre expulsés et un blessé, l'équipe angolaise n'a plus assez de joueurs valides pour finir la partie. Mais ce n'est pas sur le terrain que les incidents les plus graves se déroulent. «Sur les 15 000 personnes présentes dans le stade, la grande majorité était des supporters angolais. Quand le match a été http://www.liberation.fr/cahierspecial/2006/06/10/leportugaletlangolasurunterraindentente_44433 1/2 29/4/2015 Le Portugal et l'Angola sur un terrain d'entente Libération interrompu, la situation a commencé à s'envenimer, ils ont jeté des sièges sur la pelouse, se sont battus avec les policiers», raconte José Neves, historien du football lisboète. 500 personnes passent la nuit au poste, et plusieurs dérapages racistes de la part de la police locale sont recensés. Un brusque retour sur terre pour le Portugal, qui s'était toujours cru à l'abri des conflits xénophobes. «Depuis Salazar, le Portugal s'est évertué à démontrer que les Noirs de ses colonies faisaient partie intégrante de la nation, rappelle Yves Léonard. Le football a eu valeur d'exemple. En 1966, le Portugal se hisse jusqu'en demi finale du Mondial anglais avec quatre joueurs noirs dans son équipe, dont le capitaine, Coluna, et le meilleur joueur, Eusebio, qui étaient mozambicains.» En d'autres termes, le match de 2001 a ciselé la mort du fantasme lusotropicaliste cher à Salazar. D'un coup, le Portugal a ouvert les yeux sur ces damnés : Africains clandestins travaillant au noir ou jeunes Angolais désoeuvrés rejetés dans les banlieues des grandes villes. De quoi nourrir une crise d'identité à grande échelle. «Lors de ce match de 2001, les deux frères Vidigal, nés en Angola, étaient sur la pelouse. Mais l'un jouait pour le Portugal, et l'autre pour l'Angola. Vous imaginez la situation ?» interroge José Neves. Consanguinité. Pour ne rien arranger, les Palancas Negras (nom des joueurs angolais) compteront sans doute, demain soir, plus de joueurs évoluant dans le championnat portugais que toute l'équipe du Portugal réunie. Luis Oliveira Gonçalves, le sélectionneur africain, a d'ailleurs dû renoncer à retenir Emanuel et Chainho, qui ont évolué dans des sélections de jeunes du Portugal. Voilà pour la consanguinité du match... Mais cette fois, la partie devrait pourtant tourner à la fête. Car depuis, la situation a évolué. L'Angola est sorti de la guerre civile qui le rongeait depuis son indépendance, et les gouvernements des deux pays entretiennent de très cordiales relations. «On est pour l'Angola, mais dès qu'on sera éliminés, on se reportera sur le Portugal», apaise Bonga. Buengo, attaquant angolais de ClermontFerrand, rappelle enfin que la conscience politique limitée des footballeurs a parfois du bon : «On s'en fout, ce n'est que du foot.» REGY StéphaneHOYM Gauthier de 0 COMMENTAIRES Plus récents | Plus anciens | Top commentaires http://www.liberation.fr/cahierspecial/2006/06/10/leportugaletlangolasurunterraindentente_44433 2/2