L`auto-évaluation dans l`enseignement

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L`auto-évaluation dans l`enseignement
Dossier reissoD
Formation professionnelle suisse
L’auto-évaluation dans l’enseignement
Qui ne les connaît pas, ces procédures d’auto-évaluation le plus souvent gourmandes en temps?
Dans cet article, on montre ce qu’est l’auto-évaluation et comment les élèves peuvent y être amenés
graduellement.
L’auto-évaluation consiste en la capacité à évaluer soi-même l’apprentissage personnel et son
résultat. Les élèves qui savent approximativement juger leur travail de manière réaliste
disposent d’une base solide pour leurs apprentissages futurs. Ils sont capables d’organiser
eux-mêmes leur apprentissage et de garder leur
motivation intacte. Une auto-évaluation comprend, en plus des contenus, le comportement
social, d’apprentissage et face au travail.
Au cours de la formation, l’enseignant peut inciter les élèves à observer leur propre apprentissage et à évaluer leurs résultats, en exigeant
par exemple qu’ils consignent leur observations
dans un journal d’apprentissage. Par des questions fixées généralement à l’avance, on oriente
les observations dans une certaine direction.
Quelques questions possibles (Beeler, 1999, 130;
Obrist und Städeli, 2002, 14):
• Augmentation des connaissances:
Que sais-je de plus ou mieux?
• Succès scolaire:
Qu’ai-je bien réussi?
• Problèmes d’apprentissage:
Qu’est-ce qui m’a causé des difficultés?
• Ambiance d’apprentissage:
Qu’est-ce qui m’a ou ne m’a pas plu?
• Aides:
Qu’est-ce qui m’a aidé ou non à apprendre?
D
Certains élèves peuvent, à l’issue d’une épreuve,
prévoir précisément leur note et savoir exactement en quoi ils peuvent s’améliorer dans leur
travail. Chez d’autres, cette capacité est peu
développée. «La capacité à évaluer et à juger
ses propres travaux doit être apprise pendant
des années. Cette capacité se manifeste en
fin de compte comme un trait de caractère,
qui peut être prononcé ou non.» (Becker, 1991,
100).
Encourager l’auto-évaluation dans le cours
Au début de la période de formation, l’appréciation de l’enseignant constitue le point de
départ de l’auto-évaluation. Les commentaires
de l’enseignant permettent aux élèves de remettre en question de manière critique leur travail et leur comportement et d’en tirer des
conclusions.
Car sans l’aide extérieure d’un enseignant en
qui il a confiance, l’élève peut souvent difficilement reconnaître si le savoir appris est juste et
complet (Wild & Krapp, 2001, 540).
Les élèves reçoivent de leur enseignant un
commentaire sur leurs travaux sous forme orale
ou écrite. Le feedback individuel a un effet motivant pour la suite de l’apprentissage et renforce la relation de confiance entre l’apprenant
et l’enseignant.
Willy Obrist
est enseignant d’école
professionnelle et
doyen à la GewerblichIndustrielle Berufsschule de Berne.
Dr. Christoph
Städeli
est enseignant
d’école professionnelle et partenaire
de l’Institut de
pédagogie pour la
formation professionnelle de Zollikofen en matière
de sciences de
l’éducation.
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Un autre procédé possible en vue de l’auto-évaluation consiste en la mise en place de fiches
d’observation. Dans ce système, les apprenants
classent leur comportement face au travail et
à la matière sur une échelle d’évaluation. Une
description précise des points à observer est importante. Dans de nombreux cantons suisses,
des fiches d’observation ont été développées
sur ce modèle pour le passage du degré primaire au degré secondaire. Il est donc souhaitable que, dans l’optique d’un système éducatif cohérent, on parte dans l’enseignement à
l’école professionnelle de ce qui a été introduit
au degré secondaire I, voire plus tôt.
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Fiches d’observation de A.Bendler (1995)
Qualification
Domaines d’apprentissage
Apprentissage
en fonction des
objectifs
• Exposer les résultats de manière objective et appropriée
• Planifier et réaliser une démarche, seul ou en équipe,
dans un laps de temps donné
• Reconnaître les corrélations avec d’autres sujets et les
présenter (mise en réseau)
• Apporter de nouvelles idées
• ....
Apprentissage
méthodique
• Se procurer des informations, les décortiquer, les
analyser et les interpréter
• Planifier son travail et le réaliser dans une période
appropriée
• Appliquer de manière ciblée les méthodes de base
apprises durant le cours (souligner, annoter, justifier …)
• Formuler des hypothèses, confronter des opinions
contraires, prendre position
• ....
Apprentissage
en équipe
• Accepter et respecter les règles convenues (écouter
les autres, les laisser s’exprimer, etc.)
• Réagir de manière convenable aux contestations
• Dans un travail de groupe, prendre la responsabilité
de certaines tâches, collaborer à la préparation des
travaux et les faire avancer
• Reconnaître les conflits et rechercher des solutions
au sein du groupe
• ....
Apprentissage par
l’expérience propre
et l’auto-évaluation
• Contrôler la justesse de ses résultats à l’aide de
solutions, de livres, etc. de manière autonome et
soutenue
• Reconnaître ses progrès et ses faiblesses (où ai-je de
la facilité, que dois-je encore exercer?)
• Evaluer son travail et ses résultats de manière critique
• Accepter des conseils en vue de l’amélioration de son
apprentissage et les mettre en pratique
• ....
Légende
++ largement atteint
+ atteint, mais encore peu sûr
0 partiellement atteint
– non atteint
Remarques:
++ +
0
–
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Il est décisif lors de la mise en œuvre dans son
propre cours que les critères soient familiers aux
élèves. Ce qui est ici passionnant, c’est la
confrontation entre l’auto-évaluation et l’évaluation externe. La discussion sur les points
communs et les différences entre les deux évaluations apporte de précieux renseignements
à l’apprenant et à l’enseignant pour le cours
suivant et favorise la transparence mais également l’ambiance d’apprentissage.
Possibilités et limites
L’auto-évaluation ne doit pas être considérée
comme une valeur absolue. Elle a des limites,
qui tiennent d’une part aux pré-requis cognitifs
des apprenants et sont d’autre part liées à la
structure de l’enseignement (Becker, 1991, 99).
Si l’on considère les pré-requis cognitifs, il faut
prêter attention lors de l’auto-évaluation de ce
qu’il s’agit ici du niveau cognitif le plus exigeant
de la taxonomie de Bloom. Le résultat à évaluer
et les critères d’évaluation doivent être soigneusement analysés, pour que le processus
puisse être mesuré selon ces critères. Chaque
apprenant ne sera pas en mesure de mener à
bien ce processus de réflexion de manière autonome. Dans les questions structurelles, il faut
considérer que les conditions cadres au sein des
écoles professionnelles (nombre de classes par
enseignant, taille des classes, programmes surchargés, délais à respecter…) ne facilitent parfois pas l’introduction et l’application de différentes formes d’auto-évaluation dans toutes les
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La capacité à s’auto-évaluer est une condition
préalable à l’apprentissage autonome, exigé
aujourd’hui de nombreux responsables de formation. Il semble important que diverses
formes d’auto-évaluation soient appliquées
pendant le cours et que les élèves apprennent
par ce biais à assumer la responsabilité de leurs
modes de faire.
classes. L’enseignant doit toutefois réussir à apprendre aux élèves à contrôler les connaissances
acquises et les encourager à analyser et à optimiser les stratégies d’apprentissage et de travail
qu’ils ont choisies individuellement.
Bibliographie:
Becker, G.-E. (1991). Auswertung und Beurteilung von Unterricht. Basel: Beltz.
Beeler, A. (1999). Wir helfen zu viel. Zug: Klett.
Obrist, W. & Städeli, Ch. (2001). Wer lehrt, prüft. Aktuelle Prüfungsformen konkret. Bern: hep.
Wild, P.-K. & Krapp, A. (2001). Pädagogisch-psychologische Diagnostik. In: Pädagogische Psychologie. Weinheim: Beltz.
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