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SONCOMPTEEST
TOUJOURS BON
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Jban-Baptistï
di Montvaion
1974. La France, alors giscardienne de fraîche
date, suit depuis déjà deux ans la grand-messe télévisée « Des chiffres et des lettres » sur la deuxième chaîne
de I'ORTF. Fidèles à ce rendez-vous familial quotidien
de début de soirée, les téléspectateurs découvrent, à la
droite de Patrice Laffont, un escogriffe introverti de 19 ans qui a
Septembre
sur son fauteuil pivotant. Lorsque par intermittence s'entrouvre un rideau serré de cheveux longs, ils en observent
le visage agrémenté d'une fine moustache. Le candidat quitte le
petit écran après avoir remporté douze victoires consécutives,
empochant la modique somme de quelque 6 000 francs (un
peu plus de 900 euros). Fin du premier acte. Mission accomplie
pour celui qui voulait Juste «gagner un peu d'argent de poche en
attendant de trouverun vrai métier».
Mars 1975. Bertrand Renard fait son retour sur le plateau, à la
place laissée vacante par Fabien Buhler, alias «M. Calcul».
Armand Jammot, le créateur et producteur de l'émission, a choisi l'ex-candidat malgré les doutes du reste de l'équipe. L'objectif? Réunir trois générations, en intégrant un «gamin» aux
côtés de Max Favalelli (70 ans) et de Patrice Laffont (34 ans).
L'intéressé a accepté de se faire couper les cheveux, et on l'a doté
d'un siège fixe, afin de prévenir cette fois tout risque de nausée
la bougeotte
dans les foyers.
Trente-sept ans et au moins 10000 émissions plus tard,
Bertrand Renard est toujours là. Il est le plus ancien animateur
du plus vieux programme de la télévision française - «Hors
"Jourdu Seigneur" et journal télévisé », précise-t-il- ; l'un des plus
discrets, également. S'il est à l'affiche, jusqu'au 16 juin, c'est sur
la scène du « micro-Théâtre » du Marais, où il interprète devant
une maigre assistance Guitry et Offenbach en compagnie
d'Arielle Boulin-Prat, sa consœur en charge des lettres dans la
même émission... depuis vingt-six ans.
DICTIONNAIRE
Le compte est-il bon ? Pas si sûr. A 57 ans, Bertrand Renard ne
regrette rien, mais ne peut s'empêcher d'énumérer ce qu'il
« aurait pu faire si » le hasard ne l'avait pas arrimé à un jeu indélogeable, qu'il ne regardait pas avant d'y participer. « On me dit que
j'aurais dûfaire Sciences Po. Mais ily a plein de choses que j'aurais
LE SECOND
dû faire... » L'homme des chiffres en est quasi certain il aurait
enseigné les lettres, «si possible à l'université ».
Bon élève, mais «près du radiateur», symptôme, selon lui, de
son peu de goût pour les « voies tracées » des cursus scolaires, Bertrand Renard était passionné d'histoire. De cette histoire de toutes périodes que lui racontait sa grand-mère, et que cet hypermnésique
qui a depuis enregistré les dates de naissance et de
mémorisait sans le moinmort d'innombrables personnalités
dre effort. « Tout ce qui était maths et sciences ne m'intéressait
absolument pas », assure-t-il.
Il avait certes « le sens » du calcul mental, mais sans plus. Il s'y
est remis pour les besoins d'un rôle qui l'a vite dépassé. «Je me
suis retrouvé sans m'en rendre compte avec une image de
matheux. On me parlait de maths, les gens me demandaient de
donner des cours à leurs enfants... Je me suis rendu compte que ça
me collait aux fesses ! », s'exclame-t-il. «Avec Favalelli, on parlait
cinéma, théâtre et littérature », se souvient-il. Mais personne, ou
presque, n'en savait rien.
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Plusieurs années ont passé, et l'image s'est incrustée. Impossible d'en sortir, tout au moins devant le grand public. Bertrand
Renard a eu beau proposer plusieurs projets d'émissions culturelles, ils sont restés dans les tiroirs. «]e n'avais probablement
pas les dés ni manifesté l'acharnement nécessaire », dit-il rétros-
pectivement.
Il s'en est suivi une sorte de double vie. La première, réglée
comme du papier à musique et invariable, hormis ce second dictionnaire qu'on a bien voulu lui confier à l'antenne, t au début des
années 1980, et dont il s'est saisi comme d'une bouée de survie
« S'il n'y avait eu que le calcul, je serais parti », assure-t-il. Il est resté. D'autant qu'« une semaine [d'enregistrements]
par mois, ce
n'était pas très contraignant. » II y avait de la place pour une
seconde vie, à mi-chemin entre jardin secret et petites audiences.
A ce chapitre figurent notamment une participation
aux
deux saisons de « L'Assiette anglaise », parmi les invités de Berdont le dernier a été
nard Rapp, l'écriture de quatre romans
publiéen 1996 -, et désormais, le théâtre. « Des chiffres et des lettres » ? L'émission, aujourd'hui diffusée sur France 3, «n'est pas
menacée», souligne Bertrand Renard. «Moi non plus», précise-t-il. Et à part ça ? «Libraire enprovince à 70 ans, ça ne me déplairait pas... » m
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