un plan pour une cbc/radio- canada dynamique et pérenne
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un plan pour une cbc/radio- canada dynamique et pérenne
UN PLAN POUR UNE CBC/RADIOCANADA DYNAMIQUE ET PÉRENNE Rapport minoritaire du sénateur Art Eggleton En réponse au Rapport du Comité sénatorial des transports sur la CBC/Radio-Canada juillet 2015 INTRODUCTION Lorsque le Sénat a adopté un ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des transports et des communications relatif à l’étude de la société d’État Canadian Broadcasting Corporation/Radio-Canada (CBC/Radio-Canada) dans un milieu de la radiodiffusion en évolution, j’espérais que cette dernière serait l’occasion d’un débat approfondi sur le rôle à venir et la fonction de CBC/Radio-Canada. Je savais qu’il y aurait des différences d’opinions, y compris des divergences idéologiques, mais j’espérais que nous rédigerions un rapport qui orienterait CBC/Radio-Canada à l’avenir. Cependant, le comité a passé beaucoup de temps à des enjeux à sensation, tels que les émoluments des personnalités à l’antenne et les allégations d’inconduite. Bien qu’importants, ces enjeux dépassaient la portée de l’étude, et l’on n’a pas consacré suffisamment de temps à déterminer la voie à suivre. En outre, le rapport du comité ne reflète pas pleinement la grande majorité des témoignages que nous ont livrés les Canadiens sur notre radiodiffuseur national. Bien que certaines recommandations (dont quelques exemples sont repris dans ma conclusion) soient bonnes, le rapport renferme d’autres recommandations troublantes sur lesquelles je reviendrai dans ce document. Cette étude s’est avérée, finalement, une occasion manquée. Donc, je me sens l’obligation de rédiger un rapport minoritaire pour faire connaître mon opinion sur l’avenir de CBC/Radio-Canada. Je voulais que ce point de vue soit lié au rapport principal. Malheureusement, la majorité des membres du comité n’ont pas permis que tous les points de vue soient inclus, bien qu’il s’agisse d’une pratique courante à la Chambre des communes et que cela se fasse au Sénat de temps à autre. LES CANADIENS VEULENT-ILS DE CBC/RADIO-CANADA? La réponse est un oui franc et massif! Non seulement veulent-ils de CBC/Radio-Canada, mais ils veulent aussi qu’elle soit saine, dynamique et bien financée afin d’être à la hauteur du mandat qui lui est fixé par la Loi sur la radiodiffusion : « […] une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit ». Pour la plupart, il ne s’agit pas simplement de combler les lacunes du marché, comme le suggère le comité, mais de fédérer les Canadiens. Voici quelques exemples de ce qu’ont déclaré les témoins : « CBC/Radio-Canada a joué un rôle essentiel dans la création et le développement d’un bassin d’acteurs, d’auteurs et de journalistes talentueux au pays. La société a permis de mettre en place une infrastructure à partir de laquelle la radiodiffusion privée et l’industrie de la production indépendante ont pu se développer et prospérer — à la fois un incubateur et un moyen d’illustrer notre talent à l’échelle internationale. » (Ferne Downey, 8 avril 2014) « Grâce aux expériences que j’ai vécues, je suis plus que jamais convaincu que le Canada a besoin d’une institution nationale comme Radio-Canada pour nous rassembler tous, car le Canada est vaste et d’une grande diversité. » (Tony Manera, le 11 juin 2014) « D’abord, CBC/Radio-Canada est une importante ressource culturelle au pays. Le diffuseur public est présent dans les petites et grandes communautés partout au pays et leur offre des services dans les deux langues officielles et en huit langues autochtones, toujours avec 2 l’intérêt public au premier plan. Il y raconte les histoires canadiennes et nous rapporte les nouvelles du monde d’une perspective canadienne. C’est ce qui fait du diffuseur public national une précieuse ressource ayant 78 ans d’histoire. CBC/Radio-Canada est le plus grand service de nouvelles au pays sur toutes les plateformes. Aucun autre diffuseur majeur privé n’a cette portée nationale. Aucun d’eux ne se situe dans le Nord canadien. CBC/RadioCanada dessert des collectivités réparties dans six fuseaux horaires. Elle compte 88 stations de radio, 27 stations de télévision, 10 services entièrement numériques et 5 services de télévision spécialisée, dont ICI RDI et la chaîne de nouvelles de la CBC. CBC/Radio-Canada est présente dans 54 collectivités réparties d’un bout à l’autre du pays. Le graphique 2011 qui figure dans notre document montre que les grandes entreprises privées ne sont présentes que dans 13 à 31 collectivités du pays. Les objectifs de notre radiodiffuseur public et ceux des radiodiffuseurs privés ont très peu de choses en commun. Les radiodiffuseurs privés veulent des cotes d’écoute à des fins lucratives; CBC/Radio-Canada veut des cotes d’écoute pour informer, éclairer et divertir. C’est une différence que l’on oublie trop souvent de souligner. » (Marc-Philippe Laurin, le 8 octobre 2014) « CBC/Radio-Canada est le seul média qui unisse tous les Canadiens en même temps […] Sans la CBC, je pense que le pays n’aurait pas les mêmes valeurs, surtout que nous sommes un pays qui accueille beaucoup d’ethnies d’un peu partout. CBC/Radio-Canada est souvent leur référence pour apprendre ce qu’est le Canada. » (Louise Poirier, le 18 février 2015) Ces déclarations reflètent l’opinion du public canadien en général. Un sondage entrepris par Nanos en 2014 révèle que 88 % des Canadiens sont d’accord avec l’affirmation voulant que CBC/Radio-Canada joue un rôle important dans le renforcement de la culture et l’identité canadiennes. UN MILIEU EN PLEINE ÉVOLUTION Comme le souligne fort justement le rapport du comité, le paysage de la radiodiffusion est riche en changements et en nouveaux défis. On observe un alignement vertical et une concentration qui font qu’un nombre restreint de sociétés possèdent la plupart des stations, des contenus et des moyens de diffusion par lesquels le public consomme des médias et des nouvelles. L’émergence d’Internet fait que de plus en plus de personnes accèdent à des contenus en ligne à partir de tout un éventail de plateformes telles que Netflix. Mais il existe également des défis de longue date que l’on ne saurait ignorer. Comme l’a déclaré au comité Ian Morrison, des Amis de la radiodiffusion canadienne : « Les défis que doivent relever les décideurs et les radiodiffuseurs canadiens en 2014 sont similaires à ceux déjà décrits par la Commission Aird en 1929. Je vais en citer cinq : premièrement, offrir un contenu canadien de qualité en quantité suffisante pour rivaliser avec l’afflux de production venu d’ailleurs, surtout des États-Unis; deuxièmement, rendre ce contenu accessible à tous les Canadiens qui s’y intéressent — à l’époque, c’était cinq fuseaux horaires, mais maintenant il y en a six, sur un vaste territoire pas très peuplé où l’on parle deux langues officielles; troisièmement, faire en sorte que la production et la diffusion de contenu canadien soient viables et durables sur le plan économique en l’absence d’un modèle d’affaires rentable; 3 quatrièmement, exploiter le système à la fois pour célébrer et partager la riche diversité des régions et des peuples du pays, de préférence à une vision monolithique égocentrique; et cinquièmement, préserver l’indépendance du système contre les abus d’influence ou de contrôle par les intérêts spéciaux de quelque sorte que ce soit, qu’ils soient politiques ou commerciaux. » Un autre défi auquel certains membres du comité ont consacré beaucoup de temps est celui des cotes d’écoute de CBC/Radio-Canada. Les cotes d’écoute ont leur importance, mais, replacées dans un certain contexte, elles ne constituent pas le seul indicateur de succès. Le paysage de la radiodiffusion canadienne est très fragmenté (surtout au Canada anglais), avec plus de 700 chaînes offertes sur le câble. Même dans un tel contexte CBC/Radio-Canada réussit, tant en anglais qu’en français, à se hisser au deuxième rang, durant les heures de grande écoute, avec des émissions essentiellement canadiennes, alors que les radiodiffuseurs privés canadiens diffusent principalement des programmes américains. Elle a également une forte « portée », qui fait que 87 % des Canadiens regardent ou écoutent chaque mois CBC/Radio-Canada. Nous ne devons pas non plus oublier quelle est la situation financière de CBC/Radio-Canada elle-même. Comme son financement ne cesse de diminuer, il n’a jamais été aussi bas. Au bout du compte, la société fait ce qu’elle peut. Avec une vision renouvelée, et renforcée, CBC/Radio-Canada serait en mesure d’atteindre les sommets que nous attendons de notre radiodiffuseur public. Source : Friends of Canadian Broadcasting UNE VISION POUR CBC/RADIO-CANADA CBC/Radio-Canada a besoin d’une vision renouvelée. Elle se doit non seulement de relever les nouveaux défis qui se présentent à elle, mais également de continuer de répondre aux défis qui ont été les siens depuis sa création. Pour ce faire, elle doit tirer parti de ses forces et 4 s’affirmer comme une présence unique dans le paysage de la radiodiffusion : unique par un style, par une qualité et par un éclairage que n’offrent pas les autres radiodiffuseurs. De nombreux témoins ont affirmé que, par le passé, CBC/Radio-Canada a trop essayé de concurrencer les radiodiffuseurs privés. Au lieu d’offrir des programmes éclairants qui lui permettraient de se démarquer, CBC/Radio-Canada a commandé des programmes visant à obtenir les plus hautes cotes d’écoute possible pour engranger des revenus. Aussi louable que puisse paraître cette stratégie, elle n’a pas vraiment fonctionné et, dans bien des domaines, la qualité des programmes de la Société a connu un nivellement par le bas. Dans son témoignage devant le comité, comme dans sa stratégie 2015 : Partout, Pour tous, CBC/Radio-Canada semble reconnaître cet état de fait. On peut déjà constater une transformation dans le type d’émissions que diffuse désormais la Société. Des émissions telles que Schitt’s Creek, The Book of Negroes et X Company sont plus modernes, tant dans leur style que dans leur format. Mais CBC/Radio-Canada doit disposer des moyens de poursuivre à long terme sur cette voie. FINANCEMENT Depuis quelques années, le financement de CBC/Radio-Canada n’a cessé de décroître et sa situation financière est désormais devenue intenable. Des recherches démontrent que CBC/Radio-Canada reçoit annuellement l’équivalent de 29 $/habitant. C’est très inférieur à la moyenne, qui est de 82 $/habitant pour les radiodiffuseurs publics des autres pays industrialisés. Bien que le rapport du comité mentionne cet état de fait, les membres du comité demeurent muets à ce sujet et ne se prononcent pas en faveur d’une augmentation du financement de CBC/Radio-Canada. Je ne suis pas d’accord. La plupart des témoins que nous avons entendus ne sont pas d’accord. Le gouvernement devrait s’engager à porter le financement par habitant de CBC/Radio-Canada à au moins 40 $, ce qui correspond environ à la moitié de ce que les 5 autres pays industrialisés dépensent chaque année par habitant. Il faudrait aussi rajuster ce montant selon l’inflation. Cela peut être accompli de deux façons. Premièrement, le gouvernement doit cesser ses compressions budgétaires et s’engager à augmenter progressivement le financement avec le temps. Cela pourrait prendre la forme d’un engagement à garantir à la Société un financement pluriannuel stable et prévisible. Cela lui permettrait de mieux planifier son fonctionnement et de remplir son mandat plus efficacement. La deuxième solution consisterait, pour le gouvernement, à envisager d’autres modes de financement qui pourraient compléter, voire, éventuellement, remplacer les crédits parlementaires une fois que des sources de financement suffisantes sont assurées. Il s’agirait d’accroître les ressources financières de CBC/Radio-Canada, et non, comme le suggèrent la majorité des membres du comité, de simplement « réduire la dépendance de la Société à l’égard des crédits gouvernementaux ». D’autres pays recourent à d’autres modes de financement. Au Royaume-Uni, la BBC est principalement financée par une redevance, dont doit s’acquitter tout foyer regardant ou enregistrant la télévision. Cette redevance garantit à la BBC un financement trois fois plus élevé que celui de CBC/Radio-Canada. Des mesures similaires sont en place en Norvège, en Allemagne et en Suède. La Finlande a récemment institué un impôt à la radiodiffusion publique qui est perçu annuellement auprès des particuliers et des sociétés. D’autres options que le Canada pourrait envisager sont : Un impôt suffisant sur les revenus qu’il tire des sociétés de télécommunications, dont le montant serait reversé à CBC/Radio-Canada. Cette option a déjà été utilisée avec succès. Le CRTC a, au lendemain de la récession économique de 2008, créé un fonds de soutien à la programmation locale. Ce fonds, qui a été supprimé en 2014, a permis de recueillir 600 millions de dollars grâce à un impôt de 1 % sur les revenus des sociétés de câblodistributions; Exiger que les fournisseurs de service de diffusion en continu « par contournement », tels que Netflix, dont les revenus annuels au Canada sont supérieurs à 25 millions de dollars, payent une contribution, soit au Fonds des médias du Canada, soit directement à CBC/Radio-Canada, pour la programmation canadienne. Une option qui ne saurait être envisagée est un financement par les dons des spectateurs, qui est celui de PBS et que le comité considère comme une option possible. Car, comme Wade Rowland l’a souligné, « [s]i l’idée d’un service financé par les utilisateurs peut sembler une bonne idée en théorie, le Canada n’est, dans la pratique, tout simplement pas assez peuplé et ne compte pas suffisamment de fondations ou de philanthropes pour financer un radiodiffuseur capable d’offrir quoi que ce soit de similaire au niveau de service que l’on attend actuellement de CBC/Radio-Canada. Dans les faits, adopter une telle stratégie reviendrait à faire disparaître CBC/Radio-Canada en tant qu’institution culturelle viable. » [TRADUCTION] Des changements doivent être apportés au financement de CBC/Radio-Canada afin de garantir que la Société puisse produire un contenu de grande qualité qui reflète la réalité des Canadiens dans tout le pays. 6 Recommandation 1 Le gouvernement du Canada devrait s’engager à augmenter le financement par habitant de CBC/Radio-Canada à au moins 40 $, ce qui représente environ la moitié de ce que les autres pays industrialisés dépensent par habitant chaque année. Cette augmentation devrait être entreprise de façon progressive, étalée sur plusieurs années. Recommandation 2 Le gouvernement du Canada devrait assurer à CBC/Radio-Canada un financement quinquennal stable, prévisible et ajusté à l’inflation. Recommandation 3 Le gouvernement du Canada devrait envisager d’autres modes de financement de CBC/Radio-Canada. Si le gouvernement prend l’engagement de lui assurer un meilleur financement, CBC/Radio-Canada pourrait renoncer aux revenus de la publicité commerciale. Tous les services de la Société pourraient alors se retirer de ce marché. Comme de nombreux témoins l’ont souligné, cela lui permettrait d’offrir une programmation unique qui se démarque de ce qu’offre le câble traditionnel. Il s’agirait pour elle d’adopter le modèle de diffusion en continu sans pauses publicitaires de Netflix et de HBO, que tant de spectateurs utilisent et apprécient, et le modèle de CBC/Radio-Canada, qui connaît un franc succès, pour ses services de radio. Car, comme le souligne également Wade Rowland, « lorsque la radio de la CBC a été libérée du cercle vicieux de la publicité commerciale, en 1978, elle n’a, contrairement aux prédictions, rien perdu de sa pertinence. Elle a connu au contraire un remarquable regain de créativité et de qualité que les auditeurs continuent d’apprécier aujourd’hui. Il n’y a aucune raison de douter que la même chose puisse se produire avec la télévision. » [TRADUCTION] L’étalon-or, en matière de radiodiffusion publique, demeure la BBC, qui ne diffuse aucune publicité. Cette formule s’est révélée gagnante, car elle lui permet d’offrir une programmation unique en son genre et « de préserver son indépendance à l’égard des intérêts commerciaux afin de ne fonctionner que dans l’intérêt public général. » [TRADUCTION] (Page Web de la BBC) Recommandation 4 Supprimer la publicité commerciale sur tous les services de CBC/Radio-Canada. GOUVERNANCE Il a beaucoup été question, au sein du comité, de la gouvernance de CBC/Radio-Canada. À l’heure actuelle, le Conseil et le président sont nommés par le premier ministre. Des critiques affirment que « ce mode de gouvernance de CBC/Radio-Canada laisse beaucoup à désirer, qu’il manque de transparence et qu’il produit un conseil d’administration qui n’est ni musclé, ni diversifié, ni tenu de rendre des comptes aux Canadiens (les véritables actionnaires de CBC/Radio-Canada) ». (Mémoire de la Guilde canadienne des médias) 7 Un nouveau mode de gouvernance doit être adopté afin d’accroître la responsabilisation, la transparence et la compétence. Contrairement à la majorité des membres du comité, je crois que le Conseil ne devrait pas être nommé par le seul premier ministre. Le Conseil devrait, selon moi, être choisi au moyen d’une procédure de sélection indépendante du gouvernement, ou bien par un comité multipartite. Cela présente des similarités avec les processus de sélection de pays comme la Norvège et l’Allemagne et permettrait d’accroître la confiance des Canadiens dans l’institution et la responsabilisation de cette dernière, ainsi que de garantir son indépendance. Recommandation 5 Le gouvernement du Canada devrait établir une procédure indépendante du gouvernement, ou un comité multipartite, de nomination des membres du Conseil. Cette procédure devrait être fondée sur les qualifications et l’expérience en matière d’arts et de culture, de journalisme, de gestion et de radiodiffusion. De plus, le président, qui devrait faire la preuve de son expertise en gestion et en radiodiffusion, devrait être choisi par le Conseil, et non par le gouvernement. Certains témoins se sont déclarés préoccupés par certaines modifications importantes apportées à la programmation de CBC/Radio-Canada, telles que la réduction des nouvelles locales sur certains marchés, et pensent que de telles décisions devraient être prises de façon plus ouverte et plus transparente. Les Canadiens devraient avoir le moyen de faire entendre leurs idées et leurs préoccupations avant la mise en œuvre de modifications d’une telle ampleur. Recommandation 6 CBC/Radio-Canada devrait améliorer sa responsabilisation à l’égard du public et tenir des consultations publiques lorsque d’importantes modifications à la programmation sont envisagées. UN « SUPERFONDS » OU LES NOUVELLES? Il est recommandé, dans le rapport du comité, « qu’une part du financement de CBC/Radio-Canada soit réallouée à un “ superfonds ” externe qui permette d’aider le financement de la création de contenus canadiens, tels que des documentaires sur l’histoire et la nature du Canada, des comédies et des drames de grande qualité, qui pourront être ensuite diffusés sur CBC/Radio-Canada ». Bien que l’idée d’un superfonds mérite d’être envisagée, son financement ne devrait pas être pris sur celui de CBC/Radio-Canada. La Société est déjà à court d’argent, et cela ne ferait qu’aggraver sa situation. Qui plus est, si l’intention est d’augmenter le contenu canadien en matière de comédies, de dramatiques et de documentaires, priver CBC/Radio-Canada d’argent dans ces domaines n’a aucun sens. D’où devrait donc venir ce financement? Du volet « nouvelles et information » de CBC/Radio-Canada. 8 Certains sénateurs du comité semblent remettre en cause l’idée que CBC/Radio-Canada dispose de services de nouvelles. Ils se demandent si la Société ne devrait pas se retirer du marché des nouvelles, puisque les radiodiffuseurs privés diffusent déjà de telles nouvelles. Les témoins qui se sont succédé n’étaient pas de cet avis. Ils ont réaffirmé à quel point il était important pour eux que CBC/Radio-Canada dispose de services de nouvelles forts et dynamiques qui sont à même d’offrir un point de vue différent sur les nouvelles locales, régionales, nationales et internationales et, ainsi, de contribuer à une saine démocratie. Ainsi, au lieu de réinvestir ailleurs les fonds alloués à l’information, CBC/Radio-Canada devrait les augmenter pour offrir un éclairage réfléchi et critique sur les faits qui touchent les Canadiens. Voici quelques exemples des témoignages que nous avons entendus : « Depuis l’avènement d’Internet, plusieurs se disent que l’accès à des masses gigantesques d’information est plus facile que jamais, que le secteur privé fournit quantité d’information et de produits culturels de grande qualité, et que, par conséquent, les gouvernements des pays démocratiques pourraient peut-être se permettre de désinvestir ce secteur. Ces interrogations sont compréhensibles, mais on devrait, selon moi, y repenser à deux fois. Je crois, au contraire, que si on veut préserver les valeurs démocratiques, il est crucial que le public de chaque pays démocratique ait accès à un grand nombre de sources différentes et, parmi celles-ci, à au moins une grande source indépendante de tout intérêt corporatif ou financier. En s’imposant les normes journalistiques exigeantes, en proposant des débats en profondeur sur les grands enjeux et en garantissant l’expression d’un large éventail de points de vue, un diffuseur public joue un rôle essentiel pour maintenir en alerte l’esprit critique des citoyens. C’est ce même esprit critique qui permet de réagir sainement devant les propagandes et les dérives idéologiques. » (Alain Saulnier, le 28 janvier 2015) « Ils ont un ami fiable et digne de confiance. Il a mérité ce titre. Ces gens, pour être informés et pour connaître l’actualité, se tournent vers la SRC. Nous devons en tenir compte. » (Kady MacDonald Denton, le 27 octobre 2014) « Le journalisme présenté à la télévision de la CBC, malgré les quelques lacunes que j’ai soulignées dans le document que je vous ai soumis, est toujours perçu comme étant le meilleur et c’est le cas depuis les 10 ou 11 ans que nous avons entrepris des sondages nationaux auprès des anglophones. C’est aussi vrai pour le volet francophone qui diffuse les meilleurs bulletins d’information nationaux […] Tant la CBC que Radio-Canada sont perçues comme des chefs de file en journalisme et on leur attribue une note élevée pour la crédibilité. » (Barry Kiefl, le 2 avril 2014) CBC/Radio-Canada doit également continuer d’investir dans les nouvelles internationales. La couverture que fait la Société des nouvelles internationales est unique en son genre, et se démarque clairement de celles des radiodiffuseurs privés. Dans un monde complexe et en évolution, nous devons pouvoir profiter d’un regard et d’une perspective sur le monde qui sont ceux de Canadiens. Cela a été très clairement exprimé au comité : « Je ne pense pas que la couverture des enjeux internationaux effectuée par CBC, CTV et Global soit nécessairement la même. CBC a des correspondants partout dans le monde, et CTV et Global n’en ont pas beaucoup. Ils s’appuient sur les autres réseaux. Ils s’appuient en grande partie sur les réseaux américains. Si, par exemple, il y a une guerre et qu’on s’appuie sur la couverture des correspondants américains, le point de vue présenté dans les actualités 9 sera probablement différent de celui que présenterait un correspondant canadien si le Canada ne prend pas part à l’intervention. » (Kelly Toughill, le 21 octobre 2014) INDÉPENDANCE JOURNALISTIQUE D’autres préoccupations exprimées par les témoins ne figurent pas dans le rapport du comité. Il s’agit de préoccupations suscitées par les changements que le gouvernement a apportés au moyen de l’article 17 du projet de loi du budget C-60. Cet article accorde au gouvernement de nouveaux pouvoirs qui « lui permettent de s’asseoir à la table des négociations lorsque CBC/Radio-Canada et les syndicats de ses employés discutent de ce qui constitue l’actualité, des émissions d’actualité, de la façon dont les affectations sont faites et du rôle des [producteurs] ». (Mémoire de la Guilde canadienne des médias) De nombreux particuliers et de nombreuses organisations se sont à l’époque exprimés sur ce changement, car ils croient qu’il va se traduire par une interférence politique qui réduira l’indépendance journalistique de CBC/Radio-Canada. Recommandation no 7 Les changements apportés par l’article 17 du projet de loi C-60 devraient être abrogés. PRÉSENCE EN LIGNE On a observé au Canada une croissance marquée des services en ligne de diffusion en continu « par contournement ». Le nombre des abonnements à Netflix connaît une augmentation fulgurante au Canada, et Bell (avec Crave TV) ainsi que Rogers et Show (avec Shomi) offrent désormais en ligne des services de diffusion en continu afin d’essayer de récupérer une part de ce marché en expansion. CBC/Radio-Canada offre de nombreux lecteurs multimédias (tant en français qu’en anglais) qui peuvent être utilisés pour visionner des émissions et des contenus, mais elle n’offre pas de services de diffusion en continu similaires à celui de Netflix. Elle devrait investir dans de tels services et les offrir gratuitement aux Canadiens afin que ses contenus puissent être plus universellement accessibles aux Canadiens qui veulent en profiter. Recommandation no 8 CBC/Radio-Canada devrait accroître sa présence en ligne en se dotant d’applications de diffusion en continu similaires à celle de Netflix ou en proposant ses services sur un vaste éventail d’appareils tels que les Xbox, les PlayStation de Sony, les appareils de diffusion Android, les AppleTV, etc. 10 CONCLUSION CBC/Radio-Canada est aussi importante aujourd’hui qu’elle l’était au moment de sa création, il y a des décennies de cela. Le comité a formulé quelques recommandations que j’appuie, notamment au sujet de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, d’une diffusion accrue de films canadiens, de plus de transparence dans son fonctionnement, de restrictions sur les emplois rémunérés externes, sur la nomination des ombudsmans par le Conseil et la diffusion accrue des artistes canadiens. Cependant, il formule également des recommandations troublantes, telles que celles que j’ai mentionnées, car elles ne portent pas seulement atteinte à la viabilité de CBC/Radio-Canada, mais aussi à sa qualité. Je crois avoir offert ici quelques perspectives sur ce que pourrait être la voie à suivre. Les Canadiens ont besoin d’un radiodiffuseur public fort et dynamique qui appuie et protège notre identité nationale, qui leur raconte notre histoires, qui les divertit et qui les informe. Art Eggleton 11