La monographie de la Turquie

Transcription

La monographie de la Turquie
OBSERVATOIRE DE LA GOUVERNANCE
DEMOCRATIQUE EN MEDITERRANEE
REPUBLIQUE DE TURQUIE
La Turquie est une République parlementaire. Elle repose sur la Constitution de 1982, plusieurs fois
réformée
(la dernière réforme date de 2010).
Depuis 2014, le Président est élu au suffrage universel pour une durée de 5 ans. Il était jusqu’alors élu par
le Parlement pour une durée de 7 ans.
Le pays est une république monocamérale : la Grande Assemblée nationale de Turquie est l’unique
assemblée législative du pays.
////////////////////////////// ÉTAT DE LA DÉCENTRALISATION
• Une organisation territoriale et administrative en grande partie déconcentrée
L’organisation et le fonctionnement de la Turquie sont définis dans la Constitution comme étant « basés sur les
principes de la centralisation et de la décentralisation » (article 123). Les administrations déconcentrées et
décentralisées coexistent à l’échelle de la province.
D’après l’article 127 de la Constitution, les collectivités locales sont des personnes morales de droit public et
autonomes. La réalité est cependant plus complexe, et les experts rapprochent davantage l’organisation territoriale
turque de la déconcentration.
- Une administration centrale très présente via ses organes déconcentrés :
Les 81 provinces turques, divisées en 892 districts, sont des organes déconcentrés de l’Etat.
L’administration centrale nomme les gouverneurs de provinces et gouverneurs de districts.
- Les organes décentralisés :
La décentralisation turque s’articule autour de 3 types de gouvernements locaux autonomes :
- les administrations provinciales spéciales : 81 entités décentralisées qui coïncident avec les provinces
- les municipalités : 30 municipalités métropolitaines composées de municipalités (plus de 750000 habitants),
municipalités (plus de 5000 habitants et les chefs-lieux de province et de district quelle que soit leur taille)
- les villages : plus anciens et premiers échelons des autorités locales (généralement moins de 2000 habitants)
Ceci étant, si les administrations provinciales spéciales sont des entités décentralisées, et ont à ce titre une Assemblée
générale provinciale élue, leur corps exécutif est dirigé par le gouverneur de la province, qui est désigné par l’Etat.
1
FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF DES ORGANES DÉCENTRALISÉS TURCS
2
• Pouvoirs des organes décentralisés turcs : des compétences limitées par un budget faible et une tutelle étatique
considérable
L’exercice des compétences des collectivités territoriales se heurte à de nombreux chevauchements avec
l’administration centrale. Ils sont dus au fait que les compétences attribuées aux autorités locales n’ont pas
systématiquement été retirées à l’administration centrale.
De plus, les collectivités tirent majoritairement leurs ressources des transferts de l’Etat qui demeurent relativement
faibles. Les pourcentages du budget général de l’Etat alloués sont les suivantes : 2,85% pour les municipalités, 2,5% pour
les municipalités composant les métropoles et 1,15% pour les administrations provinciales spéciales. Les municipalités
métropolitaines touchent 5% des taxes prélevées sur leur territoire et 30% de ce que touchent les municipalités qui les
composent.
Par ailleurs, les collectivités souffrent d’un manque de qualification de leur personnel. Le fait que les postes qu’elles sont
en mesure de proposer soient peu attractifs ne va pas dans le sens d’une amélioration de cette situation.
• Coopération entre les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales ont la possibilité de coopérer avec d’autres collectivités pour former des associations en
vue de mener à bien des missions d’intérêt commun. Ces associations doivent résulter de l’initiative de plusieurs
collectivités locales, et nécessitent l’approbation du conseil des ministres pour être mises en place. Une fois
approuvées, elles sont instituées en tant que personnes morales de droit public, et disposent d’une autonomie
financière et administrative.
Les municipalités et les administrations provinciales spéciales peuvent établir des associations à l’échelle nationale
pour défendre leurs intérêts communs, donner leur avis sur des projets de loi concernant les collectivités locales et
assurer leur propre développement.
Elles peuvent également devenir membres d’organisations ou d’instances internationales à condition que le Ministère
de l’Intérieur donne son accord au préalable.
L’Union des Municipalités Turques (UMT) est l’unique union de municipalités au niveau national instaurée en entité
juridique publique en 2005, en conformité avec l’Article 20 de la loi n°5355 sur l’Union des autorités locales dans le cadre
du Processus de réforme des autorités locales. Par conséquent, les 2950 municipalités de Turquie sont des membres de
l’UMT.
L’Union des municipalités de Marmara réunit pour sa part les 231 municipalités des 12 provinces riveraines de la mer de
Marmara. Il s’agit de la principale union de municipalités à l’échelle régionale. Elle a pour objectif le renforcement des
autorités locales et de la démocratie, notamment au travers du développement, de la coopération et de la solidarité
entre les municipalités. Elle promeut le principe de la gouvernance locale, la démocratie participative et la transparence
pour les municipalités turques.
• Des projets de coopération décentralisée peu nombreux mais en augmentation
La coopération décentralisée en Turquie ne fait pas l’objet de nombreux projets. Les principaux partenaires du pays sont
la France et l’Allemagne. En règle générale, la Turquie a surtout cherché à se rapprocher des pays membres de l’Union
européenne.
A titre d’exemple, on dénombre 20 accords de coopération décentralisée entre les collectivités françaises et turques.
3
/////////////////////////////////////////////// LA SOCIÉTÉ CIVILE
L’émergence de la société civile turque n’est pas récente. Elle s’est développée dans un premier temps autour de la
question kurde, dont l’issue est toujours en suspens. A partir de la décennie 1990, la société civile s’est étendue et s’est
davantage focalisée sur la critique du gouvernement. Exemple plus que signifiant, les manifestations des mois de mai
et juin 2013 ont témoigné de la volonté de la société civile turque d’être entendue et prise en considération par le
pouvoir en place. Aujourd’hui, la société civile turque se cristallise autour d’une volonté forte d’être davantage associée
aux décisions du gouvernement ; une revendication qui s’est souvent traduite par de violentes répressions.
• La place des femmes dans la société turque : une parité encore loin d’être respectée
L’article 10 de la Constitution prévoit l’égalité entre hommes et femmes. La réforme de 2010 augmente les droits des
femmes, notamment en instaurant des quotas. Reste qu’en pratique la parité entre hommes et femmes est loin d’être
appliquée, en particulier dans la sphère politique (en 2011, seulement 9% des députés étaient de sexe féminin et, sur 26
ministres une seule femme occupait un poste au gouvernement2 (Fatma Şahin, Affaires familiales et sociales).
• La jeunesse turque : des revendications de plus en plus fortes face à un gouvernement peu à l’écoute
Les revendications portées sur la place Taksim et au parc Gezi ont d’abord été portées par la jeunesse. Se réclamant des
héritages de M. Kemal Atatürk, une partie des jeunes revendiquent davantage de laïcité face à un gouvernement de plus
en plus conservateur, auquel ils reprochent une certaine islamisation de la société.
Au même titre que la société civile en général, les jeunes sont peu écoutés par le pouvoir en place, et leurs
revendications sont souvent réprimées.
/////////////////////////////////////////////////// PERSPECTIVES
Le contexte politique est mouvementé en Turquie. Les manifestations en faveur d’une démocratie locale plus poussée
et leurs répressions, parfois violentes, ont installé un climat de tensions importantes. Et le pays est actuellement tiraillé
par des courants socio-politiques aussi forts que divergents. La Turquie reste marquée par certains traits conservateurs
mais s‘est modernisée et est aujourd’hui une puissance économique méditerranéenne de premier ordre.
Le climat de tensions ne va pas dans le sens d’une amélioration des chances du pays d’adhérer à l’Union européenne,
malgré sa demande ancienne et ses partenariats multiples avec l’Union.
4
////////////////////////////////////////////////// BIBLIOGRAPHIE
Constitution de la République de Turquie, 1982
Site internet du Ministry of Interior, General Directorate of Local Authorities
Municipal Law (Law 5393), 03 juillet 2005
UCLG Country Profiles, Republic of Turkey
Division of powers, Committee of the regions, European Union, Turkey
https://portal.cor.europa.eu/divisionpowers/countries/Candidates/Turkey/Pages/default.aspx
Compte-Rendu Cités Unies France, Réunion du Groupe Turquie, 31 mai 2012
Structure et fonctionnement de la démocratie locale et régionale, Turquie, Situation en 2009, Rapport du Conseil de
l’Europe
« Repères sur la Turquie n°6, Elections législatives turques de juin 2011 : les règles du jeu », Actuelles de l’IFRI, Julien
CECILLON, 2011
Référendum constitutionnel en Turquie : éclairage sur une réforme controversée, Observatoire de la Turquie et de son
environnement géopolitique, Alican TAYLA, 9 septembre 2010
FOCALES 07, Rapport AFD, La décentralisation en Turquie, Ulas BAYRAKTAR et Elise MASSICARD, août 2011
« La décentralisation en Turquie : du principe à la réalité », La Documentation française © DILA, P@ges Europe, Elise
MASSICARD, 21 janvier 2013
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/pages-europe/d000653-la-decentralisation-en-turquie.-du-principea-la-realite-par-elise-massicard/article
« Turquie : la parité hommes-femmes en politique s’éloigne de plus en plus ! » Observatoire de la vie politique turque,
Jean-Paul BURDY, 10 juillet 2011
http://ovipot.hypotheses.org/6144
« L’éveil de la société civile turque », Le Journal international, 8 juin 2013,
http://www.lejournalinternational.fr/Istanbul-l-eveil-de-la-societe-civile-turque_a860.html
5