pfizer les missions délicates de jeffrey kindler

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Actualités
PFIZER
LES MISSIONS DÉLICATES
DE JEFFREY KINDLER
Exit Hank McKinnell, remplacé au cœur de l’été par
Jeffrey Kindler au poste de directeur général de
Pfizer. Un point sur les défis que celui-ci aura à
relever et sur la nouvelle organisation du numéro un
mondial de l’industrie pharmaceutique.
——————
epuis fin juillet, le fauteuil
de directeur général de Pfizer est dorénavant occupé
par un des vice-présidents
du groupe, Jeffrey Kindler, jusqu’à
présent en charge des affaires juridiques. Si l’emblématique Hank McKinnell conserve sa fonction de président du conseil d’administration, son
départ en retraite, initialement prévu
en 2008, a été avancé de près d’un an
et est maintenant programmé pour
février 2007. Après avoir réduit son
bonus de 7,2 % en février dernier invoquant les performances réduites de
l’action, Pfizer a donc choisi d’employer les grands moyens pour stimuler ses résultats et doper ses perspectives de développement1. En résumé,
pour changer d’orientation, autant
changer de capitaine…
D
Mission délicate. Jeffrey Kindler aura
donc la lourde tâche d’insuffler une
nouvelle dynamique à un groupe,
certes numéro un mondial de l’industrie pharmaceutique, mais dont
les revenus sont mis à rude épreuve
par la concurrence des génériques sur
ses principaux blockbusters. OutreAtlantique, sont ainsi tombés dans le
domaine public en 2004, les brevets
de l’antifongique Diflucan® (fluconazole), de Neurontin® (gabapentine) et de l’inhibiteur de l’enzyme
PHARMACEUTIQUES _ SEPTEMBRE 2006
de conversion de l’angiotensine Accupril®/Accuretic® (quinapril), suivis, en novembre 2005, par l’antibiotique Zithromax® (azithromycine).
Cette année, leur a succédé son antidépresseur vedette Zoloft® (sertraline), qui avait déjà perdu sa protection dans l’Union européenne en
octobre 2005. D’ici 2008, viendra ensuite le tour de Norvasc® (amlodipine), puis de l’antihistaminique Zyrtec®. Les expirations de brevets déjà
intervenues aux Etats-Unis ont ainsi
lourdement ébranlé les ventes de Pfizer. Au total, les pertes consécutives
aux expirations de brevets sur la période 2004-2008 représentent un tiers
des 46 milliards de dollars générés par
les activités de Pfizer en santé humaine en 2004.
Outre la lutte contre l’impact des
pertes de brevets propres à Pfizer, Jeffrey Kindler devra aussi prendre à
bras le corps les menaces pesant sur
Lipitor® (atorvastatine). Si le médicament vedette de Pfizer, premier produit du genre à avoir franchi la barre
mythique des dix milliards de dollars
de ventes annuelles, est protégé jusqu’en 2011, l’arrivée des génériques
de Zocor® (simvastatine) de
Merck&Co et de Pravachol® (pravastatine) de BMS aux Etats-Unis est en
mesure d’éroder ses parts de marché,
les assureurs santé américains pou-
Jeffrey Kindler
au poste de
directeur général
de Pfizer
vant être tentés de privilégier le remboursement de ces deux anticholestérols aux dépens de Lipitor®.
La mission est claire et Jeffrey Kindler, qui a intégré Pfizer en 2002 après
un parcours chez General Electric et
chez McDonald’s, a déjà défini ses
principales orientations pour accélérer la transformation du groupe. Ses
objectifs visent notamment à améliorer la productivité de la recherche, à
élargir le portefeuille de médicaments
avec entre autres, des anticancéreux,
de nouveaux traitements de la maladie d’Alzheimer, un recours plus important à des produits dérivés des
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Pfizer et les biotechs
Depuis 2003, Pfizer s’est signalé par les
rachats de quelques fleurons des biotechnologies aux Etats-Unis, opérations pour
lesquelles le groupe américain a consacré, au
bas mot, un minimum de cinq milliards de
dollars. Sont ainsi tombés dans l’escarcelle
du leader mondial de la pharmacie :
- Esperion Therapeutics, spécialisée dans
la recherche de thérapies ciblant les HDL
(High density lipoprotein) et les
mécanismes de transport cellulaire du
cholesterol (décembre 2003) ;
- Meridica, spécialisée dans le
développement de formulations pour
inhalation, voie nasale, voie parentérale
(septembre 2004) ;
- l’ensemble du campus de R&D de La
Jolla qui travaille notamment dans les
domaines des cancers, du sida, des
hépatites, de la cécité, du diabète et de
l’obésité (novembre 2004) ;
- Angiosyn, spécialisée dans le
développement de produits impliqués
dans le contrôle de l’angiogénèse en
opthalmologie (janvier 2005) ;
- Idun Pharmaceutical, spécialisée dans la
R&D de produits candidats au contrôle de
l’apoptose (mort cellulaire programmée)
pour des applications dans le traitement
de maladies hépatiques, de cancers et de
maladies inflammatoires (février 2005) ;
- Bioren, spécialiste des technologies
d’optimisation des anticorps (août 2005) ;
- Vicuron Pharmaceuticals, spécialiste du
développement d’anti-infectieux
(septembre 2005).
biotechnologies et, pourquoi pas des
vaccins. Il s’agit également de développer la présence de Pfizer dans la
génomique et plus généralement,
dans les biotechnologies, secteur où
le groupe a déjà pratiqué quelques rachats intéressants depuis 2003 aux
Etats-Unis (voir encadré). Dans cette
tâche, Jeffrey Kindler s’est entouré,
dès la mi-août, d’une nouvelle équipe
dotée d’une organisation visant à accélérer le processus de prise de décisions. Au sein de cette structure, David Shedlarz, vice-président du
groupe en charge des finances, voit
ses responsabilités étendues. Celui-ci
aura dorénavant sous sa coupe l’ensemble de la stratégie globale du
groupe et l’activité de production
dans le monde et sera responsable
des activités de développement et de
licence.
Le début d’une nouvelle époque ?
Celui qui figurait parmi les prétendants à la succession de
McKinnell, devient le bras droit du
nouveau directeur. Quant à la responsable des opérations pharmaceutiques de Pfizer et membre du comité
directeur de la PhRMA, Karen Katen,
citée également parmi les favoris
pressentis, elle ne fera pas partie de
l’équipe et a annoncé son départ du
groupe en 2007.
Avec le départ d’Hank McKinnell
et l’arrivée de Jeffrey Kindler aux commandes du premier laboratoire pharmaceutique mondial, Pfizer est le
troisième des principaux groupes
pharmaceutiques à changer de tête
depuis un an et demi. Après Raymond Gilmartin, remplacé par Richard Clarke en mai 2005 à la présidence de Merck&Co et David
Brennan qui préside aux destinées
d’AstraZeneca depuis janvier 2006
après le départ en retraite de Tom McKillop, les prochains changements
programmés devraient intervenir
chez GSK, où Jean-Pierre Garnier doit
prendre sa retraite en mai 2008 et
chez Roche et Sanofi-Aventis où
Franz Humer et Jean-François Dehecq devraient quitter leurs places en
2009. Un renouvellement actif des
têtes pensantes et dirigeantes de l’industrie pharmaceutique qui pourrait
laisser présager d’une nouvelle ère,
non seulement pour Pfizer, mais pour
l’ensemble du secteur… ■
ANNE-LISE BERTHIER
(1) Le titre Pfizer a perdu 13 % en 2005 et le recul de
l’action atteint 40 % depuis l’entrée en fonction de
Hank McKinnell chez Pfizer après la fusion avec
Pharmacia en 2001.
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