D-un(e)-prof-a-l-autre-Numero-81-Septembre-2015

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D-un(e)-prof-a-l-autre-Numero-81-Septembre-2015
Numéro 81 – Septembre 2015
2015
Aube
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais.
L’eau était morte. Les camps d’ombres ne
quittaient pas la route du bois. J’ai marché,
réveillant les haleines vives et tièdes, et les
pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent
sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà
empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me
dit son nom.
Arthur Rimbaud
Au sommaire :
p. 2
p. 3
Editorial : Gérer la complexité...
Décret Paysage : une nouvelle logique, des
acquis à préserver, des progrès à intégrer
DOSSIER ORALITÉ
ORALITÉ (1)
p. 7
Parler coyote ou parler girafe ? TFE sur la
communication non violente
p. 12 De l'oral pendant un an
p. 16 Index des articles de la revue sur l'oral
p. 17 Stromae est-il si formidable ? Tournures et
vocabulaire du débat
p. 21 On vous informe !
D'un(e) prof ... à l'autre
La lettre du bac en français de HELMo Sainte-Croix
61, Hors-Château – 4000 Liège
Comité de rédaction : Sylvie Bougelet, Aurélie Cintori, Anne Dister, Pierre-Yves Duchâteau, Jean Kattus
Informations – abonnement – numéros précédents - index :
www.helmo.be > Formation continuée > D'un(e) prof à l'autre
Contact : [email protected]
1
Editorial - Gérer la complexité...
Discussion de vacances, lors d'une balade, entre deux amis...
- Finalement, qu'est-ce que tu as fait avec les taupinères de ta pelouse ?
- J'ai mis des pièges à pétard, ça marche très bien !
- Tu es tranquille maintenant...
- Ben..., non. Des mulots ont envahi les galeries abandonnées et ont remplacé les taupes. Mais ça
va, je les ai empoisonnés !
- Te voilà avec une belle pelouse bien verte, alors...
- Attends, ce n'est pas si simple : des guêpes sont venues faire leurs nids dans les galeries...
- Quoi ?
- Alors, j'ai voulu les noyer au tuyau d'arrosage, j'en avais marre, tu comprends ? J'ai essayé deux
fois, sans résultat, mais à la troisième tentative, elles avaient compris : j'ai récolté 6 piqures...
Analyse : Que nous dit cette histoire de taupes à nous, étudiants en formation et enseignants ?
Le raisonnement suivi par le propriétaire de la pelouse – à savoir qu'il suffit d'éliminer la cause
(ici les taupes) pour supprimer la conséquence (les taupinières) – ne fonctionne manifestement pas.
Or, il s'agit d'un raisonnement très habituel, directement issu de notre culture cartésienne, encore
sous la coupe de ce 2e précepte énoncé au XVIIe siècle par DESCARTES dans son fameux Discours
de la méthode : « Diviser chacune des difficultés afin de mieux les examiner et les résoudre ».
C'est que nous oublions souvent le 4e précepte énoncé par Descartes, « Passer toutes les choses en
revue afin de ne rien omettre »... C'est évidemment beaucoup plus complexe d'envisager la question
qui pose problème (ici les taupinières) comme faisant partie d'un ensemble plus large (tout
l'écosystème d'un jardin à la campagne), entretenant ainsi de multiples liens avec des éléments
connexes (mulots, guêpes, ...) et faisant donc partie d'un système dont toutes les composantes
interagissent.
Mais pour quelle raison parler de cette notion de système complexe ici, dans cette revue, et
maintenant, à la rentrée de septembre ?
● Parce que.... ce numéro est consacré en grande partie à l'oralité, compétence éminemment
complexe car touchant à des composantes très diverses du locuteur : émotivité et confiance en soi,
dynamique du groupe, gestion de la voix et de l'image corporelle, etc.
● Parce que... le 1er article de ce numéro présente la nouvelle configuration de la formation des
enseignants qui résulte du décret « Paysage » : pour faire sens, la mise en œuvre de ce décret a
nécessité, vous le comprendrez sans doute un peu mieux à la lecture de l'article, de prendre en
compte tous les éléments d'un système éminemment complexe.
● Parce que... nous nous retrouvons tous ce 1er septembre plongés dans un système éminemment
complexe, l'Ecole, et que pour être efficaces, nous avons tout intérêt
à intégrer cette complexité (éminemment intéressante par ailleurs)
dans nos raisonnements, que nous soyons étudiants ou enseignants.
● Parce que... l'actualité (le droit d'asile, le climat, l'économie...) ne
reste pas à l'extérieur de la classe : l'Ecole fait partie intégrante du
système complexe « Société »...
● Et aussi parce que... les réponses simples ou simplistes (par
exemple celle qu'illustre cette sculpture de Maurizio CATTELAN) sont
toujours tentantes, mais, comme l'illustre la petite histoire de taupes,
de mulots et de guêpes, toujours dangereuses.
Excellente rentrée à tous !
L'équipe de rédaction
2
« Paysage » – Blocs 1, 2 et 3
Une nouvelle logique, des acquis à conserver, des progrès à intégrer
Le décret « Paysage » entrait en vigueur en première année en septembre dernier, introduisant de
nombreuses nouveautés dans l'organisation des études supérieures. Nous sommes en mesure de
vous présenter aujourd'hui l'ensemble de la formation de bachelier en français (option FLES ou
religion) telle qu'elle a été réorganisée, de la première année, appelée aujourd'hui bloc 1, aux blocs 2
et 3. Il nous parait en effet important d'informer chacun, et en particulier les maitres de stage, de
l'organisation des apprentissages réalisés par les étudiants qu'ils accueillent dans leurs classes et de
la logique générale de la formation.
La complexité de cette organisation est grande... raison pour laquelle nous vous présentons d'abord
ci-dessous quelques clés de lecture des tableaux qui suivent (sans vouloir être exhaustifs) et
quelques-uns des principes qui nous ont guidés dans l'élaboration de ce programme.
1. Une année d'études est dorénavant organisée en UE (= Unités d'Enseignement) qui regroupent
des AA (= Activités d'Apprentissage). En principe, le décret pousse à ce que les UE soient
indépendantes les unes des autres et couvrent un seul quadrimestre. Cela correspond à une
conception de l'enseignement supérieur de type traditionnel, qui « empile » des « briques de
savoirs » indépendantes les unes des autres. Mais dans une formation professionnalisante comme
les études d'enseignant, cela pose évidemment de nombreux problèmes... Nous avons donc cherché
des solutions variées :
● certaines UE couvrent la totalité de l'année (elles ne sont donc évaluées qu'en juin).
Trois exemples : la formation optionnelle en FLES ou en religion (des blocs 1 et 2), la formation
professionnelle centrée autour des stages (« Enseigner et faire apprendre ») aux blocs 2 et 3 ou
encore le TFE.
● les principaux axes de la formation (1) formation professionnelle d'enseignants spécialisés dans
l'apprentissage du français, (2) formation littéraire, (3) formation linguistique, (4) formation
pédagogique (au sens large) et (5) option (FLES ou religion) sont préservés et aisément repérables
d'un bloc à l'autre (ils sont distingués dans les tableaux par les différentes couleurs ci-dessus).
Deux exemples : la formation professionnelle en 1re année, bien que répartie sur deux UE évaluées
séparément, articule une première approche de l'enseignement (« Décol(l)age ») et le passage à la
pratique lors des stages de mars et avril (« Atterri'stage »). Idem pour la formation littéraire :
« S'immerger dans la culture littéraire » au premier quadrimestre et « S'immerger dans la littérature
de jeunesse » au 2e quadrimestre.
2. Les UE regroupent d'anciens cours (une des contraintes du décret imposait de respecter la grille
de cours précédente et l'emploi, bien entendu), ou des parties d'anciens cours, selon une nouvelle
logique d'intégration des apprentissages, destinée à leur apporter un surcroit de sens. Cette logique
de regroupement fut dans certains cas relativement simple à trouver : les cours s'intègrent alors
harmonieusement dans des unités supérieures comme, par exemple, les cours de « Grammaire », de
« Maitrise de la langue » et de « Linguistique » (Bloc 1 - UE 124).
Dans ce cas, des épreuves d'évaluation intégrées peuvent alors être plus facilement mises en place.
Par contre, d'autres « mariages » sont plus « forcés ». Par exemple, si la littérature de jeunesse peut
ouvrir effectivement à un questionnement philosophique sur le monde, le cours de philosophie qui
lui est adjoint dans l'UE 123 (bloc 1) doit se donner obligatoirement très grand groupe, réuni en
auditoire. Il est donc suivi par des régents en français, mais aussi en sciences ou en mathématiques,
pour qui la littérature de jeunesse ne constitue nullement un objet d'apprentissage...
3. Dernière clé : les heures attribuées à chaque AA sont données en présenciel à raison de 75 %, les
3
25 % derniers correspondant à du travail autonome. Cette mesure permet ainsi de limiter les heures
à prester par les étudiants sur les bancs de l'école (dans la formule précédente, elles s'élevaient
jusqu'à 30h de 60 minutes par semaine) et développe leur autonomie.
4. Les principales difficultés vécues ? Les multiples contraintes à intégrer, la rapidité avec laquelle
il a fallu mettre en œuvre des textes parfois bien peu précis et fluctuants, les accords à trouver en
équipe...
5. Les principaux apports ? Plus de cohérence, une meilleure connaissance réciproque par les
enseignants de ce qui se fait dans chaque cours et une collaboration progressivement accrue.
Bloc 1 (= 1re année)
Quadrimestre 1
Quadrimestre 2
Crédits
UE 101
AA
Heures
Crédits
Option : Français Langue Etrangère et Seconde ou Religion
6
FLES / Religion
45
AA Ateliers de formation professionnelle
FLES / Religion
UE 112 Décol(l)age : observer et se
poser des questions pour se préparer à
faire apprendre
AA FLES / Religion
Heures
30
15
9
UE 122 Atterri'stage : observer et se
poser des questions, faire apprendre
16
AA Ateliers de formation professionnelle
70
AA Ateliers de formation professionnelle
37
AA
Didactique du français
15
AA Préparation de stage
12
AA
Pédagogie générale
30
AA Stage d'ouverture
15
AA
Identité de l'enseignant
15
AA Stage pédagogique (2 x 1 semaine)
60
AA
Stage d'observation et de participation
15
AA Didactique du français
15
AA Didactique du FLES / de la religion
15
AA Psychologie des apprentissages
30
AA Identité de l'enseignant
15
AA Module « Expression »
12
UE 113 S'immerger dans la culture
littéraire
7
UE 123 S'immerger dans le littérature de
jeunesse
6
AA Littérature
75
AA Littérature de jeunesse
45
AA Histoire des religions
15
AA Philosophie des religions
15
UE 114 Pratiquer et analyser la langue
6
UE 124 Pratiquer, analyser et enseigner
la langue
6
AA Grammaire
35
AA Grammaire
30
AA Maitrise de la langue française
25
AA Linguistique
30
AA Maitrise de la langue française
20
UE 115 Grandir et communiquer
4
AA Psychologie de la relation et de la
communication
30
AA Psychologie du développement A
15
AA Psychologie du développement B
15
TOTAL
425
TOTAL
371
4
Bloc 2
Quadrimestre 1
Quadrimestre 2
Crédits
UE 201
AA
Heures
Crédits
Option : Français Langue Etrangère et Seconde ou Religion
FLES / Religion
UE 202
60
52
7
AA FLES / Religion
30
AA Ateliers de formation professionnelle
FLES / Religion
15
Enseigner et faire apprendre
AA Ateliers de formation professionnelle
Heures
24
AA Ateliers de formation professionnelle
17
AA
Préparation de stage
12
AA Préparation de stage
12
AA
Stage pédagogique (2 semaines)
60
AA Stage essai
24
AA
Didactique générale du français
25
AA Stage pédagogique (2 semaines)
60
AA
Psychologie des apprentissages
30
AA Didactique générale du français
15
4
AA Evaluation des apprentissages A
15
AA Evaluation des apprentissages B
15
AA Initiation à la recherche en éducation
30
AA Citoyenneté
UE 213 Pratiquer, analyser et enseigner
la langue
8
UE 223 (Faire) lire et écrire
9
AA Grammaire
45
AA Littérature
40
AA Linguistique
25
AA Littérature de jeunesse
15
AA Didactique de la lecture
25
AA Didactique de l'écriture
30
UE 214 Préparer et vivre un projet de
voyage culturel
5
UE 224
Former un citoyen
7
AA Ouverture de l'école vers le monde
extérieur
15
AA Citoyenneté
26
AA Techniques de gestion de groupe
30
AA TICE
30
AA. Didactique générale du français
10
AA Français
15
AA Voyage culturel
12
AA Psychologie du développement
30
TOTAL
410
TOTAL
444
5
Bloc 3, à l'état de projet, en application en 2016-2017
Quadrimestre 1
Quadrimestre 2
Crédits
UE 301
AA
Heures
Crédits
Réaliser un TFE
TFE
Heures
16
40
AA TFE
15
AA Initiation à la recherche en éducation
15
AA TICE
30
AA Activité optionnelle 1
15
AA Maitrise de la langue
15
AA Activité optionnelle 2
15
UE 302
Faire apprendre
AA Ateliers de formation professionnelle
AA
23
Préparation de stage
26
AA Ateliers de formation professionnelle
8
12
AA Préparation de stage
12
AA Stage dans l'enseignement ordinaire
(3 semaines)
90
AA Stage dans l'enseignement ordinaire
(3 semaines)
90
AA Stage dans l'enseignement spécialisé
ou les CEFA
(1 semaine)
30
AA Stage projet personnel
(2 semaines)
60
AA
30
AA Stage dans l'enseignement primaire
(1 semaine)
30
AA Approche théorique de la diversité
culturelle B
15
Différenciation des apprentissages
UE 313 Formation sociale
3
AA Elaboration du projet professionnel
15
AA Accès à la profession
12
UE 323 Formation générale
2
AA Sociologie et politique de l'éducation
30
AA Initiation aux arts et à la culture
15
AA Approche théorique de la diversité
culturelle A
15
AA Etude critique des grands courants
pédagogiques
15
AA. Formation à la neutralité
20
UE 314 (Faire) apprendre le français
9
AA Langue-grammaire-linguistique
30
AA Didactique générale du français
30
AA Didactique de l'oral
30
AA Littérature
60
UE 315 Option : FLES ou Religion
4
AA FLES ou Religion
60
AA Ateliers de formation professionnelle
FLES ou Religion
5
TOTAL
535
TOTAL
382
Pour l'équipe, Jean KATTUS
6
Parler coyote
ou parler girafe ?
La communication non
violente au service du
vivre-ensemble
- TFE -
L’idée que l’Ecole est effectivement un lieu où les élèves acquièrent, entre autres, des compétences
les rendant aptes à se connaitre pour, ensuite, prendre leur juste place dans la société et entrer en
relation de manière authentique avec les autres n’est pas partagée par tout le monde. Divers articles
et témoignages accusent même cette institution de ne pas répondre aux « vrais » besoins des élèves
et de ne pas les préparer à la vie. Pourtant, je reste intimement convaincue que l’école est un lieu
qui doit aider les élèves à devenir des citoyens à part entière, capables d'affirmer leur individualité
tout en étant aptes au vivre-ensemble. C’est pourquoi j’ai décidé, dans le cadre de mon TFE, de
réfléchir à la manière d’enseigner aux élèves l’esprit critique, de leur apprendre à trouver leur juste
place dans la société, de pouvoir se protéger de ses dangers ainsi que d’être capables d’affirmer
leurs droits, tout en étant conscients de leurs obligations. Tout cela sans pour autant adopter des
comportements violents. Voici donc un aperçu rapide des recherches que j’ai menées.
Tout d’abord, une problématique à cibler…
Durant mes recherches, j’ai découvert la notion d’assertivité. Il s’agit d’une attitude affirmée et sûre
de soi qui favorise l’égalité dans les relations humaines en nous permettant d’agir au mieux de nos
intérêts, de nous défendre sans éprouver d’anxiété excessive, d’exprimer nos sentiments librement
et sans détour, et d’exercer nos droits sans nier ceux des autres.1
Au fil de mes lectures, il m’a semblé que l’apprentissage d’une attitude assertive, visant donc à
apprendre à s’affirmer dans le respect de l’autre, permettrait d’aborder avec les élèves les notions de
respect de soi, de respect de l’autre et par conséquent du vivre-ensemble.
Je me suis alors penchée sur la question de savoir comment les cours de
français et de religion pourraient permettre aux élèves d’améliorer leur
assertivité.
J’ai découvert qu’en 2005, Marshall ROSENBERG avait développé une méthode
dite de « la Communication Non Violente» (CNV) qui permettrait d’adopter
une attitude assertive. Je me suis aperçue que l’apprentissage de cette méthode
était intimement lié aux compétences de l’oralité travaillées dans le cours de
français et à la thématique de la violence traitée dans celui de religion.
J’ai donc choisi d’approfondir cette problématique au sein de mon TFE en articulant ma réflexion
autour de cette question :
En quoi l’apprentissage de la CNV (Communication Non Violente) aux cours de français et de
religion peut-il permettre aux élèves d’améliorer leur assertivité et d’instaurer un climat de
bienveillance dans le groupe classe, climat propice aux apprentissages ?
1 Alberti, Emmons et Robert, S'affirmer, savoir prendre sa place. Le jour Editeur, 1992.
7
Ensuite, un dispositif à mettre en place…
Par mes lectures, j’ai appris que l’apprentissage de l’assertivité pouvait être abordé par des portes
d’entrée différentes, telles qu’illustrées dans le schéma ci-dessous.
C’est pourquoi le dispositif que j’ai mis en place consistait, dans un premier temps, à préexpérimenter chaque facette individuellement dans différentes classes pour, dans un deuxième
temps, expérimenter toutes les facettes dans un même parcours ayant comme projet la création d’un
cercle de parole bimensuel dans une classe de première différenciée. L’objectif de ce projet était
de réinstaurer un climat de bienveillance dans le groupe classe et une relation de confiance entre les
élèves. Durant le cercle de parole, les élèves ont la liberté d’exprimer leurs besoins tout en prenant
en compte ceux des autres. Chaque demande est traitée selon la méthode de la CNV. Celle-ci vise à
permettre à l’élève de pouvoir entendre une contestation ou une remarque sans s’en offenser et à
oser énoncer ce qui lui pose problème sans adopter de comportement agressif.
Quelques idées…
Voici quelques-uns des outils qui me semblent être les plus pertinents.
Frasbee
Cette animation se déroule en deux parties.
Dans un premier temps, les jeunes étaient
séparés en deux groupes et chaque sousgroupe avait en sa possession huit
affirmations. Chaque groupe devait, sur
base d’un consensus, trier les phrases en
quatre tas : deux phrases avec lesquelles les
participants étaient d’accord, deux avec
lesquelles ils n’étaient pas d’accord, deux
avec lesquelles ils étaient plus ou moins
d’accord et deux à mettre de côté.
Dans un deuxième temps, les animés ont dû
faire part de leurs choix à l’autre groupe en
veillant à argumenter. Par cet échange, un
débat se crée autour des huit phrases.
(Outil proposé par la Mutualité Chrétienne
http://www.et-toi.be )
Jeu : création d’une exposition
Un cercle de parole fictif dans lequel les élèves doivent
se parler et s’écouter afin de trouver des compromis
leur permettant de réussir l’organisation d’une
exposition scolaire.
Pour ce jeu, les élèves étaient séparés en trois groupes.
Chaque groupe représentait un acteur de l’école : les
professeurs, le directeur et les élèves. Chaque groupe
avait en sa possession une fiche reprenant les
exigences sur lesquelles ils ne pouvaient pas transiger.
L’objectif de ces fiches était de ne pas donner la
possibilité aux élèves d’adopter un comportement de
fuite. C’est ensemble que les élèves devaient résoudre
les conflits. Le choix de mettre les élèves en situation
fictive a été fait pour éviter de les mettre dans une
situation où ils devaient s’impliquer personnellement et
qui pouvait devenir stressante.
8
Création de saynètes
Par groupes, les élèves reçoivent une situation conflictuelle
à résoudre et à transformer en saynète. Ensuite, ils
présentent leur production à l’ensemble de la classe.
En tant qu’activité fonctionnelle de départ, cette activité
permet de dégager et de théoriser les quatre types de
comportements face au conflit (fuite, agressivité,
manipulation, assertivité).
En tant qu’activité fonctionnelle de réinvestissement, cette
activité permet aux élèves de réinvestir les apprentissages en
utilisant la méthode en quatre étapes de la CNV pour
résoudre le conflit.
Histoire du pommier
Un pommier porte des pommes
rouges à gauche et vertes à droite.
Deux hommes, Albert et Roger, se
tiennent respectivement à gauche et à
droite de cet arbre. Albert, étant à
gauche, est persuadé que les pommes
sont rouges et Roger, étant à droite,
est certain que les pommes sont
vertes. Comme ils ne sont pas
d’accord, une dispute éclate. Après
un certain temps, Albert décide de se
déplacer et de rejoindre Roger.
Voyant l’arbre du point de vue de
Roger, il se rend compte que sa
vision était subjective. Il invite Roger
à venir observer le pommier du côté
gauche. Ce dernier s’aperçoit
également que sa vision était erronée.
Une conclusion plutôt positive…
Pour répondre à la question de départ de mon travail, j’ai mis en place deux moyens différents : le
premier consiste à analyser les résultats d’un questionnaire donné aux élèves avant et après
l’expérimentation et le deuxième moyen consiste en une analyse qualitative réalisée sur base de mes
observations et des observations faites par le maitre de stage.
Les résultats du questionnaire sont plutôt positifs : je constate une augmentation, même si elle reste
légère, du nombre d’élèves ayant un comportement assertif comme comportement dominant après
l’expérimentation. De plus, il y a également une diminution voire une disparition du nombre
d’élèves ayant un comportement agressif comme comportement dominant.
Les observations sont aussi concluantes. La sécurité affective, la confiance, la recherche de sens et
de motivation ainsi que la coopération se sont améliorées durant l’expérimentation. Par exemple,
lors des exposés oraux des élèves, j’ai constaté plus de confiance chez eux: ils étaient moins
timides, demandaient pour intervenir les premiers, étaient souriants et contents de passer devant la
classe. J’ai aussi observé, de la part des élèves-spectateurs, une écoute plus attentive, une
diminution voire une disparition des paroles et gestes blessants et humiliants vis-à-vis des élèves qui
passaient.
Cependant, je pense que cet apprentissage serait plus pertinent s'il était mis en place en début
d’année et si le dispositif était moins condensé et planifié sur une plus longue période.
D’autres bénéfices ont été constatés : ce sont également les pratiques relationnelles de l’enseignant
qui s’améliorent. Avant de l'enseigner à d’autres, la méthode de la CNV doit être maitrisée. En
l’utilisant et en adoptant un comportement assertif vis-à-vis des élèves et des autres acteurs de
l’école, l’enseignant se transforme. Tout au long de ce travail, j’ai pris conscience des bénéfices
9
issus de ces transformations. D’ailleurs, une amélioration, entre autres, de mes capacités en tant que
« personne en relation » et « acteur social »2 a été observée. De plus, l’assertivité tend à favoriser
chez l’enseignant une analyse réflexive plus objective et, du coup, plus efficace. Par les
observations que j’ai réalisées, je reste convaincue de l’intérêt de cet enseignement pour les élèves.
Ce travail fut donc très enrichissant. Il m’a permis de remettre en question mes pratiques et
d’enrichir ma vision de l’enseignement.
La CNV est une méthode en quatre étapes qui permet d’adopter un comportement assertif.
L’objectif de cette méthode est donc de devenir capable de s’exprimer avec authenticité et d’écouter
avec empathie. Pour y arriver, la CNV est composée de trois clés : parler de soi, écouter en silence
et reformuler. Le schéma ci-dessus représente les relations entre ces différents éléments. Et la bande
dessinée de la page suivante peut constituer un poster à afficher en classe et auquel les élèves
pourront se référer.
2
Deux des six facettes de la personne enseignante à développer (voir les rapports de stage de HELMo Sainte-Croix),
avec “maitre instruit”, “praticien réflexif”, “pédagogue” et “didacticien”.
10
Alicia BUSCEMI
11
De l'oral pendant un an
Au terme de leur formation, il importe que les étudiant(e)s / jeunes diplômé(e)s aient réfléchi à la
programmation de l'enseignement des compétences sur une année scolaire entière puisque cette
question se posera immanquablement à la rentrée, pour ceux qui, bien sûr, auront la chance de
trouver de suite un emploi d'une année complète. C'était l'objet d'une des questions de l'examen de
juin en didactique de l'oral :
Nous sommes le 1er septembre et tu abordes une classe de 1re année, dont tu seras la/le titulaire. Tu
disposeras de 28 semaines de cours à 6 périodes de français, soit un total théorique de 168 h.
Comment, dans ce cadre-horaire, organiseras-tu l'apprentissage de l'oral ? Quelle proportion pour
l'oral et quels choix principaux (contenus et méthodologies) ?
Tes nouveaux collègues t'ont demandé de leur expliquer tes choix et tu as donc préparé cette
réunion par écrit. Explique et argumente à chaque fois, de façon très structurée : choix 1 +
argument(s), choix 2 + argument(s), etc.
Va à l'essentiel : tu disposes de 2 faces maximum.
En guise d'information, voici des extraits significatifs du programme du 1er degré commun, relatifs
à l'oral :
Fiche 6 : Ecouter et dire des textes littéraires pour partager sa lecture grâce aux ressources
expressives de l'oralité
Compétence : Ecouter et dire des textes littéraires (textes narratifs, poétiques et dialogués) pour
produire du sens à partir de moyens non verbaux.
Objets à produire :
Lecture à voix haute de textes
Déclamation de textes poétiques
Jeu (mise en espace ou en scène) de textes dialogués
Prescrit :
La lecture à voix haute et un autre genre oral au choix
Fiche 7 : s'écouter et se parler dans le cadre scolaire et social
Compétence : (s')écouter, (se) dire, échanger et demander en ajustant sa communication aux
caractéristiques et aux normes de la situation pour mieux participer à la vie collective
Objets à produire :
Ecouter
- Manifester des signes non verbaux d’écoute durant la communication
- Rendre compte de son écoute après la communication par des signes verbaux (question,
demande d’explicitation, réaction...) ou par une médiation
Parler :
- Prise de parole individuelle en public (en direct ou enregistrée) : présentation de soi, d’un avis,
d’un document, du fruit d’un travail de groupe, d’une expérience, d’une activité, d’une lecture
- Echanges entre pairs : travail de groupe, conseil de tous, discussion sur une lecture
- Echanges avec un adulte : demande de renseignements, d’explication, d’aide, d’autorisation ...
Prescrit :
Objets à produire : un genre de prise de parole individuelle, un genre d’échange entre pairs et un
genre d’échange avec un adulte.
12
Voici copie, avec son autorisation, de la (très bonne, à mon sens) réponse de Florine DE POTTER.
En bleu, quelques notions commentées à la suite de la copie de l'examen.
Notes pour la réunion sur l'oral
1. Horaire = Enseigner quand ?
Pour enseigner l'oral, il faut respecter le principe
« Chacun, un peu, souvent »
difficile de calculer
précisément le nombre de périodes consacrées à
l'apprentissage de l'oral (= environ un tiers du total ?)
2. Enseigner quoi ?
Pour pratiquer l'oral, je vais m'organiser en fonction des
objets à produire : c'est plus simple et plus structuré.
Ne pas oublier de varier les perspectives et de pratiquer un « oral vrai » (>< oral purement
scolaire).
ORAL
Perspective expressive
Perspective communicationnelle
sans interactions
avec interactions
à deux
Par exemple :
slam
extrait de théâtre
...
exposé
lecture à voix haute
...
interview
discussion
...
à plusieurs
débat
réunion
...
3. Programme
a) la lecture à voix haute : oraliser un conte du pourquoi (Fiche 6 – perspective expressive).
b) l'exposé : intéressant en 1re année pour apprendre à se connaitre mutuellement et créer un bon
climat de classe : demander de se présenter de façon approfondie, présenter une passion/un domaine
dont on est le spécialiste... (Fiche 7 – perspective communicationnelle).
c) la conversation : c'est moins « vaste » que le débat (qui serait abordé en 2e année ? : à décider
ensemble – Je suis ouverte à la négociation bien entendu. Si ces choix ne conviennent pas, nous
pouvons en discuter. De toute façon, nous suivons une approche spiralaire en ce qui concerne les
apprentissages de l'oral (revoir et réactiver ce qui a déjà été abordé et y greffer de nouveaux
apprentissages).
4. Sens des activités : mettre les élèves en projet de communiquer, relier les activités à la « vie
réelle ».
5. Quelques principes à retenir lorsqu'on travaille l'oral avec les élèves :
13
- Oralité = deux compétences : parler et aussi écouter : enseigner l'écoute active est très
important (reformulations, questions exploratoires...).
- Lecture à voix haute = deux compétences en interaction : 1) comprendre le sens du texte choisi
(par exemple les émotions des personnages) et 2) oraliser à l'aide des outils de la voix tâche très
complexe.
- Renforcement positif : identifier en premier lieu les points forts, valoriser l'élève et sa production
le plus souvent possible (applaudir par exemple)
l'élève prend confiance et entre dans un
« cercle vertueux ». C'est une condition pour qu'il puisse s'améliorer. Ces renforcements sont
importants car prendre la parole, c'est s'exposer au regard des autres. Or, « complexe du homard 3».
C'est donc une action à encourager, à féliciter.
- « Tous capables ». Et même le professeur peut participer : lui aussi communique et s'exprime,
comme les élèves.
6. Objectifs et évaluation
Evaluer les élèves de façon formative et continue (cf le principe « Chacun, un peu, souvent »), par
exemple à l'aide d'une grille complétée à chaque prise de parole. Cela permet à l'élève de prendre
conscience de son profil d'orateur et d'enrichir sa palette de possibilités expressives.
Commentaires didactiques :
1 « Chacun, un peu, souvent » / approche spiralaire
Vingt-quatre élèves font un exposé de 5 minutes, à la suite les uns des autres, exposé suivi d'une rapide
analyse... Ennui assuré, non ? Sans vouloir supprimer l'exercice de l'exposé, au demeurant très formatif, sans
doute vaut-il mieux choisir d'autres modes d'intervention moins gourmands en temps : par exemple
demander à quelques élèves de préparer la lecture à voix haute du passage qu'on lira en classe au cours
prochain, profiter des réponses des élèves à nos questions pour souligner les qualités ou les difficultés
évidentes de leurs interventions, mettre à profit les 5 dernières minutes du cours pour proposer aux élèves de
dire leur phrase « fétiche » du moment avec force de conviction, etc. Les critères de qualité 4 émergent ainsi
peu à peu, sont répétés (= approche spiralaire) et on peut y faire référence (on peut aussi les noter sur une
affiche épinglée au mur de la classe)... L'oral, ce n'est pas difficile, il « suffit » d'y être attentif pour trouver
constamment des occasions de le travailler chacun, un peu, souvent...
2. Un oral vrai
Parler, oui, mais pour dire quoi ? Ânonner un texte écrit au préalable, auquel on ne croit pas, qu'on a produit
parce qu'il le faut bien et parce qu'on croit que c'est ce que le professeur attend, et en plus mal appris par
coeur ? Quel dommage et quelle perte de temps, alors que la plupart des jeunes, une fois hors de la salle de
classe, retrouvent leur langue pour se raconter des histoires, échanger des informations, parler de ce qu'ils
aiment, etc.
Je suggère donc que régulièrement (chacun, un peu, souvent...), le professeur demande aux élèves de
raconter, en quelques mots (une à deux minutes maximum), des histoires, des anecdotes, qui leur sont
arrivées : une minute par personne sur des thématiques variées : « J'ai eu la peur de ma vie », « Ce qui m'a
impressionné, c'est... », « J'ai éprouvé beaucoup d'admiration pour... », « Ce jour-là, j'ai compris que... ».
3
4
Françoise Dolto a inventé cette image (le complexe du homard) pour représenter la crise d’adolescence. L’enfant se
défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié
sur lui-même.
Voir l'article les présentant dans le numéro 1 de cette revue.
14
Une contrainte : pas question d'inventer quoi que ce soit : chacun raconte un épisode réel de sa vie.
Un droit : choisir ce que l'on dit (il ne s'agit pas de dévoiler des éléments intimes de sa vie).
Des aides : peu à peu, on peut chercher avec les élèves ce qui aide à bien raconter, comme par exemple :
- commencer par la mention du lieu et du moment où l'histoire s'est passée : « C'était il y a deux ans,
pendant les vacnces que je passais à la mer. »
- terminer par une conclusion, par exemple la leçon que l'on tire pour l'avenir de l'expérience vécue.
3. Conversation
Un sujet imposé, deux élèves qui en discutent pendant 2 minutes, et le reste de la classe qui observe les
stratégies de chacun : ce qui est dit, la voix, l'image corporelle. Le lendemain, deux autres élèves, qui
réinvestissent les apprentissages de la veille.
4. Oralité = deux compétences
Travailler l'oral est souvent confondu avec le seul travail de la compétence parler. Or, lorsqu'une personne de
la classe parle, les 24 autres écoutent ! Il s'agit donc d'amener peu à peu l'ensemble de la classe à développer
une écoute attentive et de modifier ainsi les représentations que les élèves ont de l'oral : quand on écoute, on
travaille, car on a le projet de comprendre et on apprend à observer précisément la façon dont celui qui parle
s'y prend.
5. Outils de la voix / Enrichir sa palette de possibilités expressives
La voix est un couteau suisse : certains se servent toujours de la grande lame, d'autres de la petite... Un des
objectifs de la formation des élèves à l'oral est de les rendre conscients de toutes les facettes de la voix, qu'ils
peuvent utiliser pour convaincre, émouvoir, capter l'attention... et de les amener, à partir de leur usage
habituel de leur voix, à se doter de nouvelles possibilités.
6. Confiance / « Tous capables5 »
Comme jeune, comme adolescent, comment oser prendre la parole devant le groupe sans être assuré d'un
minimum de bienveillance de la part de l'enseignant et du groupe ? Et si cette confiance est mise à mal,
comment envisager un quelconque progrès ? D'où l'absolue nécessité pour l'enseignant de donner confiance
aux élèves, de les mettre à l'aise, de créer les conditions d'un travail dans le respect de chacun, de valoriser
les réussites et de répéter autant de fois que nécessaire cette conviction que chacun est capable d'apprendre.
7. Grille d'évaluation formative et continue / Profil d'orateur
Chaque élève reçoit ce profil d'orateur et le complète dès qu'il prend la parole et reçoit un retour :
Ce que je dis :
mes mots, mes phrases...
Ma voix :
volume, intonation, ...
Mon corps :
mes gestes, mon regard...
Séance 1
Objectif essentiel à poursuivre :
Séance 2
Objectif essentiel à poursuivre :
Séance 3
Objectif essentiel à poursuivre :
Et surtout... amusez-vous à parler, échanger, jouer de la voix et des gestes !
Jean KATTUS
5
« Tous capables ! » La formule portée avec audace par le GFEN (mouvement pédagogique héritier de Langevin et
de Wallon, présidents successifs de 1936 à 1962) fut d'abord un parti-pris éthique (relevant d'une philosophie de
l'éducation) et simultanément un défi pédagogique (pour en attester) avant de trouver un étayage scientifique, puis
de devenir un principe institutionnalisé. http://www.gfen.asso.fr/fr/touscapables_jacques_bernardin_2014
15
L'index des articles de D'un(e) prof... à l'autre
pour nourrir la réflexion et l'action concernant le travail de l'oral
Plusieurs articles touchant à l'oralité ont été publiés au fil des ans dans cette revue. Ils sont classés
en deux rubriques, « Parler » et « Voix ». Consultez-les afin de poursuivre votre réflexion et récolter
des idées variées pour enseigner les compétences d'oralité.
Pour rappel...
1. Tous les numéros de la revue sont téléchargeables sur le site www.helmo.be > Formation
continuée > D'un(e) prof à l'autre > Publications
2. L'index complet des articles est également disponible en suivant la même procédure.
18. Parler
Audio-guide – Je vous emmène au BAL (2)
N° 57 / p. 8
Bu sur le web
N° 59 / p. 9
Conjuguer citoyenneté et apprentissage de l’oral –10 décembre, journée internationale des N° 51 / p. 2
Droits de l’Homme
Déterminer le profil d’orateur d’un conférencier
N° 1 / p. 22
Discuter : Lecture en réseau pour réfléchir à l’écologie
N° 61 / p. 9
Ecrit et oral réflexifs
N° 44 / p. 21
Exposé – Travailler l’exposé
N° 3 / p. 17
Fable – Dire une fable : La Tortue et les deux Canards
N° 50 / p. 6
GTA5 : débattre
N° 60 / p. 7
Kamishibaï
N° 56 / p. 8
Kamishibaï : un outil pour développer l'écriture et l'oralité
N° 69 / p. 5, N° 70 / p. 13
Intonation et rythme – Une comptine et dialogue pour les travailler
N° 35 / p. 11
Lecture-spectacle
N° 69 / p. 2
Lire des histoires à voix haute à des enfants
N° 24 / p. 9
Parler d’un souvenir de vacances
N° 37 / p. 3
Phrase boule de neige
N° 20 / p. 2
« Scène » de prise de parole - Extrait d’un roman
N°25 / p. 2
24. Voix
Audio-guide – Je vous emmène au BAL (1)
N° 56 / p. 2
Audio-guide – Je vous emmène au BAL (2)
N° 57 / p. 8
Fable – Dire une fable : La Tortue et les deux Canards
N° 50 / p. 6
Intonation et rythme – Une comptine et dialogue pour les travailler
N° 35 / p. 11
Lecture-spectacle
N° 69 / p. 2
16
Stromae est-il si formidable ?
Travailler sur les caractéristiques verbales du débat argumentatif : 1re approche
Pour qui pratique le débat en classe, une question se posera immanquablement : quels savoir-faire
langagiers sont susceptibles d’amener les élèves à exprimer plus aisément leurs idées ? Les
compétences le plus souvent abordées et travaillées concernant ce genre oral portent sur les niveaux
1, 2, 6 et 7 du texte : il s’agit donc avant tout d’attirer l’attention de l’élève sur les enjeux du débat,
les intérêts de chacun des protagonistes et le contexte dans lequel il prend forme (niveau 1), les
idées qui peuvent étayer les différentes positions (niveau 2), les paramètres de la voix (niveau 6) et
les attitudes qui accompagnent la parole (niveau 7).
Pourtant, parmi les faiblesses récurrentes manifestées par les débatteurs, les lacunes verbales se
taillent une part remarquable. Nombreux sont en effet les étudiants qui, lors des débats qu’on
organise en classe, peinent à développer leurs idées et expriment leur position de façon minimaliste.
N’ont-ils pas d’idées ? Leur manque-t-il les mots et les tournures qui permettent de les exprimer ?
Peut-être les deux font-ils défaut de manière concomitante, tout intriqués qu’ils sont ?
Dans le présent article, je propose de mener une analyse du niveau verbal (et non paraverbal ni
corporel) de la langue parlée à partir de la transcription6 d’une interview (reproduite page 40).
L’objectif de cette analyse est d’isoler des structures plus ou moins propres au débat oral et de
retenir au final les plus fonctionnelles d’entre elles.
Délicat, à partir d’un seul texte, de prétendre à une quelconque scientificité de la démarche :
l’objectif est moins théorique que pragmatique et l’élève ne doit pas disposer d’un arsenal exhaustif
de structures langagières appropriées pour être en mesure de prendre part à ses premiers débats. En
outre, une telle démarche pourra se répéter à plusieurs reprises et l’arsenal s’étoffera ainsi
progressivement.
Je laisse à vos soins, lecteurs didacticiens, d’insérer cette analyse dans une séquence complète : à
vous donc d’imaginer une première activité fonctionnelle à partir ou non du support que je propose
ainsi qu’une activité fonctionnelle de réinvestissement. Je vais tâcher en ce qui me concerne de
prendre en charge les activités de structuration.
Quelles critiques Nicolas Capart, journaliste indépendant et critique musical, adresse-t-il à
Stromae ? Recopions-les dans la 1re colonne du tableau ci-dessous :
Critiques concernant l’artiste Stromae
Tournure
remarquable
Vocabulaire
intéressant
1. C’est un artiste intéressant, mais on en fait trop.
2. "Racine Carrée" est un bon 2e disque mais pas la panacée.
3. Si je considère que Stromae n’a pas de génie mais du talent, je
vise ses grandes qualités de producteur.
4. Prendre comme marqueur son buzz aux 300.000 vues sur
YouTube me gêne.
5. N’est pas forcément populaire celui qui a la meilleure
proposition artistique.
6. On devine en filigrane des influences hip hop, de rumba
congolaise, mais dans sa globalité, cela reste une machine à tubes
eurodance, soit le niveau zéro pour les vrais amateurs de musique.
6 Une transcription retouchée, forcément. Ce n’est plus de l’oral spontané.
17
7. Quand il se dit gêné par cette comparaison, c’est de la com.
8. Il surfe allègrement sur la vague belgitude.
9. Du coup, il y a un trop plein.
10. Le ketje est devenu star d’un public pas vraiment fan de
musique.
11. Et naviguer en vents contraires, c’est s’exposer à la foudre
populaire qui le vénère, forcément.
12. Cette espèce de faux complexe d’infériorité du Belge que
Stromae a su parfaitement digérer et incarne en surfant sur la
vague de l’humilité.
13. Au diable le politiquement correct, ce que je voudrais parfois,
c’est le secouer.
Du point de vue du lexique, on pourrait épingler certaines expressions que l’on utilisera plus
volontiers à l’oral qu’à l’écrit : on en fait trop, il y a un trop plein, une machine à tubes, c’est de la
com, fan.
Attardons-nous à présent sur quelques structures intéressantes – ressortissant autant que possible
davantage à l’oral –, notamment employées dans l’expression d’un jugement.
Des mots de liaison : mais semble s’imposer (phrases 1, 2 et 6) pour introduire une idée que l’on
oppose à celle qui précède la conjonction ; du coup (9), signalé comme familier par le Robert, pour
introduire une conséquence ; soit pour expliciter ce qui vient d’être dit. La conjonction si (3)
n’introduit pas ici une condition mais plutôt une affirmation que l’on se propose d’affiner, de
compléter. Dans le même ordre d’idées, quand (7) n’a pas vraiment une valeur temporelle dans
l’exemple qui précède : son rôle est plutôt d’indiquer un comportement ou des propos (quand il dit
que) que l’émetteur entend par la suite démystifier.
Des constructions particulières :
La vague belgitude (7)… Autres exemples de cette construction trouvés sur la toile : la vague
tablettes, la vague SUV, le style Renaissance : les compléments sont directement liés à leur nom,
sans l’intermédiaire d’une préposition, construction aussi bien attestée à l’écrit qu’à l’oral.
Placer l’infinitif en position de sujet (4, 11) n’est pas une tournure propre à l’oral, loin s’en faut.
De telles constructions témoignent d’une maitrise stylistique assez fine. On notera que dans la
phrase 11, l’infinitif est antécédent de c’ – sujet de est – et détaché en tête de phrase. Cette
construction (A, c'est B) est particulièrement fréquente à l'oral.
La phrase 5 comporte une inversion qui relève plutôt d’un registre assez soutenu, tournure
conférant aux vérités générales une allure proverbiale qui en accentue l’aspect incontestable.
On notera aussi des structures averbales comme Au diable le politiquement correct et Cette
espèce de sentiment d’infériorité du Belge que… La première revêt un caractère péremptoire
intéressant ; la seconde est à considérer comme une reformulation nuancée de compléments qui
précèdent.
Enfin, dans la phrase 13, on relève une structure propre à l’oral et qui consiste à scinder le
groupe verbal au moyen de ce qui/ce que/ce dont… c’est…, scission qui permet d’isoler et donc de
mettre en évidence le complément du verbe.
Conclusion de cette brève analyse : il n’est pas facile d’isoler des tournures propres à l’oral. On peut
d’ailleurs se demander si l’exercice est pertinent. La grammaire, traditionnellement portée sur la
langue écrite « contrôlée », devrait aussi rendre compte de tournures plus spontanées, moins
18
élaborées, telles que celles que nous émettons sans trop réfléchir lorsque nous parlons. L’objectif
d’une telle étude, rappelons-le, consiste à faciliter le déstockage des idées dans le chef de l’élève, en
lui fournissant, progressivement, un répertoire de mots et de tournures appropriés. Et il me semble
que l’on peut considérer que ces mots et tournures sont appropriés s’ils répondent à nos intentions
communicationnelles et si leur construction ne contrevient pas au sentiment linguistique des
locuteurs ou, plus objectivement, s’il est possible d’établir des liens de dépendance attestés par
ailleurs entre les éléments de la construction examinée.
Comment aborder ce matériau avec les élèves ?
La « stratégie » argumentative de Nicolas Cappart revient à reprendre les mérites que l’on attribue
d’ordinaire à Stromae pour les contester, les réfuter. Et quels sont les mots par lesquels s’exprime
cette réfutation ? Voici la question à partir de laquelle nous pourrions mener l’analyse des 13
arguments ci-dessus avec les élèves.
On pourrait aussi demander à l’élève de sélectionner lui-même les constructions qui lui paraissent
particulièrement « adaptées » au débat argumentatif. On aura soin au préalable de définir avec son
aide ce que recouvre dans ce cadre le participe « adapté » (= clair, efficace, lapidaire, incisif… ?).
Enfin, on ne se contentera pas d’un simple relevé de formes plus ou moins intéressantes. On veillera
à ce que certaines d’entre elles fassent l’objet d’une étude particulière, toujours dans le but
d’amplifier le répertoire langagier des élèves. Voici quelques questions qui permettraient un tel
approfondissement :
Peut-on remplacer mais par d’autres mots de liaison dans les 2 premières phrases ? Fais-le, en
modifiant au besoin la ponctuation des phrases. Les expressions que tu as utilisées conviendraientelles, ainsi que mais, à un débat oral ?
Reformule autrement la phrase 4, afin qu’elle ne commence pas par prendre. Compare la phrase
que tu obtiens avec celle de l’interview. Laquelle te parait la plus efficace dans un débat ?
Pourquoi ?
Reformule la phrase 5 en te contentant de changer la place de ses éléments. Compare ta phrase à
l’originale au point de vue des effets sur le lecteur.
Stromae est selon Nicolas Cappart une machine à tubes… Que penses-tu de l’expression ?
Pourrais-tu formuler cette idée de manière plus avantageuse pour Stromae ?
Dans les phrases 8 et 12, compare les compléments du nom vague. Que constates-tu au niveau
de la construction du complément du nom ? Connais-tu d’autres expressions semblables, de par leur
construction, au syntagme la vague belgitude ?
Dans la phrase 11, remplace c’est par une expression équivalente7. Est-ce possible/souhaitable ?
Ce que je voudrais, c’est le secouer. Essaie de réduire cette phrase à ses éléments essentiels, en
supprimant ce qui te parait facultatif. Compare, au niveau des effets obtenus, ta phrase à l’originale.
Sur la base de ce modèle, construis 5 autres phrases, relatives à toi-même : Ce que je déteste, ce
sont les films d’horreur. Ce qui m’inquiète, c’est…
Voilà. Il vous reste, chers lecteurs, à imaginer des activités fonctionnelles qui puissent encadrer cette
étape de recensement et d’analyse. A votre place, je ne chercherais pas midi à 14 heures : la
question qui a suscité le texte qui suit et l’article que vous venez de lire est suffisamment motivante,
non ?
Pierre-Yves DUCHATEAU
7 Je pense à revient à : Et naviguer en vents contraires revient à s'exposer à la foudre populaire qui le vénère,
forcément.
19
Stromae est-il si fôôôôrmidable ?
Non, selon Nicolas CAPART, critique musical et journaliste indépendant.
Depuis le buzz youtubesque d'un Stromae faussement
éméché dans les rues de la Capitale, les louanges tombent
du ciel comme les gouttes de pluie un jour de drache
nationale. Pourtant, la question mérite d'être posée : cet
artiste, unanimement porté aux nues depuis que les
premières notes de Racine Carrée sont arrivées aux oreilles
de la critique et du public, est-il vraiment si formidable ?
Stromae est-il si formidable ?
C’est un artiste intéressant mais on en fait trop. "Racine
Carrée" est un bon 2e disque mais pas la panacée. Il est très
malin, instruit, sympa et cultivé, ce qui aide dans une
carrière et lui permet d’appréhender sans problème un schéma médiatique. Ce qui lui a permis de s’entourer d’une
armada de professionnels qui gère tout. Si je considère que Stromae n’a pas de génie mais du talent, je vise ses grandes
qualités de producteur. "Formidable", s’il m’horripile par son phrasé, n’en est pas moins un morceau extrêmement bien
produit par ses soins et s’appuyant sur un instrumental magnifique. Peu de gens en parlent, c’est pourtant son plus bel
atout.
Son buzz en a marqué beaucoup…
Prendre comme marqueur son buzz aux 300 000 vues sur YouTube me gêne. Une vidéo sur Internet d’un bébé qui
hoquette de rire ou d’un chat qui danse avec un chien fera aussi 300 000 vues… sans qu’ils aient de talent intrinsèque.
On ne transforme pas en or des vues sur YouTube.
Ses chiffres de vente impressionnent…
Ils s’emballent. Maintenant quand on décortique l’historique des meilleures ventes en France, on tombe sur des Michael
Youn, des Patrick Sébastien, pas tellement sur des artistes musicaux. N’est pas forcément populaire celui qui a la
meilleure proposition artistique. Il est bon de le rappeler.
Les médias l’encensent…
Ça me rappelle la chanteuse américaine Lana Del Rey. Elle a commencé à distiller des clips mystérieux sur la toile, bien
cadrée par sa maison de disques. L’effet démultiplicateur Internet et sa mise en valeur ont été incroyables. Avec la
même personne et la même voix qui n’intéressaient personne trois ans plus tôt, ils ont créé de toutes pièces une artiste
qui cartonne dans le monde entier. L’emballement de la machine a dépassé sa propre production. Idem avec Stromae,
même s’il a plus de talent.
Sa musique ?
On devine en filigrane des influences hip hop, de rumba congolaise, mais dans sa globalité, cela reste une machine à
tubes eurodance, soit le niveau zéro pour les vrais amateurs de musique. Le ketje est devenu star d’un public pas
vraiment fan de musique. Les autres n’ont pas le choix d’aimer ou pas Stromae, ils sont contraints de faire avec.
Le digne successeur de Jaques Brel ?
Quand il se dit gêné par cette comparaison, c’est de la com. Il a tout fait pour que cette référence s’impose. Jacques Brel
a chanté l’ivrogne, Stromae offre la version du mec bourré en roulant les "r". Il surfe allègrement sur la vague belgitude.
Il est bien sous tous rapports, aime la langue française, la mixité, les valeurs de la famille… Oui, il sait toujours quoi
dire. Un gendre idéal consensuel qui dégaine toujours la bonne carte. Passé maître dans l’art de se rendre sympa. Les
médias signent et suivent. Du coup, il y a un trop-plein. Paradoxe, celui qui a maximalisé sa com a sorti lors d’une
interview sur la RTBF : "Je suis le premier à être dégoûté de quelqu’un, d’un artiste, quand je n’arrête pas de le voir
dans les médias et c’est normal… Mais il faut avoir l’humilité de dire stop." C’est le moment, c’est l’instant.
Stromae, intouchable ?
Il est curieux d’observer le consensus quasi absolu des médias qui entoure Stromae et la sortie de son second album. Et
naviguer en vents contraires, c’est s’exposer à la foudre populaire qui le vénère, forcément. C’est aussi le signe d’un
certain chauvinisme noir-jaune-rouge. Celui-là même qui incite à porter aux nues le moindre artiste du cru et à
s’indigner à la moindre critique négative. Cette tendance à glorifier envers et contre tous nos héros locaux. Cette espèce
de faux complexe d’infériorité du Belge que Stromae a su parfaitement digérer et incarne en surfant sur la vague de
l’humilité. Au diable le politiquement correct, ce que je voudrais parfois c’est simplement le secouer.
Entretien réalisé par Thierry BOUTTE et publié sur le site de La Libre Belgique le mercredi 2 octobre 2013, mis à jour le mardi 15 octobre.
20
On vous informe !
J’ai le plaisir de vous informer de la publication
de la 2e édition du document
Caractéristiques de 50 genres
pour développer les compétences
langagières en français.
Nous avons développé la partie qui porte sur
l’oralité pour les genres oraux. Ce document
vise à soutenir le travail des enseignants de
français du primaire et du secondaire (inférieur
et supérieur) dans le cadre de l’enseignement du
français et de la littérature et celui de leurs
formateurs.
Afin d’avoir la plus large audience possible auprès des enseignants québécois, le choix des
genres, leur regroupement et le métalangage utilisé est conforme au document prescriptif
ministère de l’Éducation du Québec (Progression des apprentissages) pour l’enseignement
français, langue première, au secondaire québécois. Cet outil peut néanmoins être utile à tous
enseignants de la francophonie.
50
du
du
les
L’ouvrage est gratuit et disponible en ligne sur le Portail pour l’enseignement du français à
l’adresse suivante : http://www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca/document/?no_document=2306
Suzanne CHARTRAND
21
Prix Versele – 5 chouettes : pensez-y !
Le prix Versele est LE prix littéraire des enfants, porté depuis de nombreuses années par la Ligue des
Familles, comme le prix Farniente est celui des adolescents.
Mais la sélection « 5 chouettes » du prix Versele convient parfaitement pour assurer la transition entre le
primaire et le secondaire : intérêt des thématiques, qualité de l'écriture, variété des ouvrages, tout ce qu'il faut
pour accrocher les grands enfants ou les pré-ados à la lecture. Pensez-y en ce début d'année !
Le Ligueur, 26 aout 2015.
22