"Illiade", sea, sex and blood,Hip-hop et capoeira pour

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"Illiade", sea, sex and blood,Hip-hop et capoeira pour
« Illiade », sea, sex and
blood
Copyright : Pauline Le Goff
L’Iliade, cette épopée dont on parle si souvent et qu’on a si
peu lue, aurait été écrite par Homère autour de 800 avant
notre ère. Quinze mille trois cent trente-sept vers en
hexamètres dactyliques, vingt-quatre chants, presque autant de
noms et de héros pour raconter six jours d’une bataille qui a
opposé les Grecs et les Troyens, qui a divisé l’Olympe pendant
plus de dix ans : tel est le texte. Un texte si riche pour
raconter une guerre à l’origine si banale, à savoir deux
disputes côté mortels, l’une entre Achille et Agamemnon qui a
enlevé Chryséis puis Briséis, l’autre entre Ménélas et Pâris
qui a enlevé Hélène, la femme de ce dernier. Côté divinités,
l’origine du conflit n’est pas moins triviale. Zeus le numéro
un de l’Olympe voudrait soutenir les Troyens, mais c’était
sans compter sur sa femme Héra qui soutient les Grecs et va le
trahir par l’entremise de Poséidon. Alors une belle dispute de
couple éclate.
Tout ça pour ça ? C’est en tout cas ce que l’adaptation et
mise en scène de Pauline Bayle donne à voir. Grâce à une
troupe de cinq comédiens aussi talentueux que survoltés
incarnant à tour de rôle quantité de personnages, le texte
s’éclaircit pour un résultat plus que bluffant.
Surprenant, voilà comment qualifier le début de la pièce qui
commence non pas sur scène mais dans le hall du théâtre de
Belleville. Dès le départ, le public est pris à parti par
Charlotte Van Bervesselès dans le rôle d’Achille qui voit et
désigne dans le public des chefs de guerre venus avec leurs
bateaux, un public emmené presque malgré lui au combat qui
aura lieu sur scène. S’ensuit la découverte d’un décor qui
mise sur l’essentiel, c’est-à-dire cinq chaises, quelques
seaux posés ça-et-là et deux panneaux accrochés symétriquement
sur le mur du fond, avec pour rappel sur chacun la liste des
personnages les plus illustres liés aux camps grec et troyen.
La mise en scène qui se veut didactique et réduite à un décor
minimal n’en reste pas moins éloquente, comme lorsque le
simple fait de retourner les chaises suffit à créer un rempart
indiscutablement infranchissable aux yeux de tous. Aussi, les
jeux de lumières permettent une lecture claire de l’espace
divisé en deux plans, servant toujours une double narration
savamment mise en scène.
Copyright : Pauline Le Goff
En effet, comment passer du monde des mortels au monde des
dieux, du récit au combat ? Pauline Bayle entend y répondre de
deux manières. D’abord, par un renvoi du texte homérique à
l’essence même du théâtre : la tragédie et la comédie. Un
renvoi manifesté par une opposition entre le monde divin
comique qui donne à voir des dieux capricieux tissant le
destin des hommes, vivant eux, dans un monde tragique.
Ensuite, la mise en scène dépouillée est extrêmement efficace
pour signifier les moments de récit et de combat grâce à un
recours au sable, à l’eau et à de la peinture rouge. Les
tableaux créés et l’utilisation de l’espace par les comédiens,
vêtus de noir et misant sur un minimum d’accessoires, sont non
seulement esthétiques mais très efficaces. Deux éponges
pressées pour faire couler le sang, quelques seaux d’eau jetés
à la figure d’Achille pour signifier la mer agitée, des
paillettes dorées comme armure, un cercle de sable tracé au
sol en guise d’arène de combat : tout fonctionne. Portés par
une énergie communicative, les jeunes comédiens parviennent
incroyablement bien à restituer la trame des chants de
l’Iliade, en s’en faisant les acteurs et commentateurs. Tour à
tour et avec une rapidité déconcertante, ils réussissent à
émouvoir et faire rire aux éclats. Notamment quand Héra en
bikini rouge, jouée par Florent Dorin, demande des conseils
séduction à une Aphrodite aux airs de Blondie. Ou quand
Poséidon vole la foudre de Zeus : un micro avec lequel il se
met à raper de l’hexamètre homérique avec une époustouflante
facilité.
Pauline Bayle parvient à proposer une adaptation du texte
homérique surprenante, intelligente et convaincante, l’Iliade
ainsi résumée à ce qu’elle est : dix ans de conflits et de
sang « tout ça pour une seule fille ! ».
« L’Iliade », d’Homère, adaptation et mise en scène de
Pauline Bayle, jusqu’au 7 février au Théâtre de Belleville,
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris. Durée : 1h30. Plus
d’informations
et
réservations
sur www.theatredebelleville.com/.
Hip-hop et capoeira
« Roméo et Juliette »
pour
Copyright : Rictus
Cette semaine, Paris a accueilli le dernier spectacle en date
de David Bobee. Créé à la biennale de la danse de Lyon en
septembre, le metteur en scène y propose un « Roméo et
Juliette » dans un décor solaire aux accents orientaux.
Bien évidemment, pendant tout le spectacle, la danse et
l’expression corporelle, sont aussi importantes que le texte
de Shakespeare. Les affrontements entre Montaigu et Capulet se
font en hip-hop et en capoeira. Le duel entre Tybalt et
Mercutio est particulièrement brillant dans le genre et leurs
fantômes, magiques. Le cirque et la musique ponctuent le
spectacle et laissent ainsi le temps au spectateur de respirer
pendant les 2h45 que dure la représentation (sans entracte).
Cette approche très physique de la pièce laisse apparaître de
belles scènes, véritables tableaux. L’utilisation de l’espace
monumental est remarquable. On aperçoit parfois ce que cette
histoire aurait pu donner visuellement si elle s’était
déroulée dans l’Alhambra de Grenade.
Et cela n’empêche pas certains acteurs, très théâtraux d’être
excellents. C’est le cas notamment du Prince (Thierry
Mettetal), Benvolio (Marc Agbedjidji) et de la nourrice
(Veronique Stas), très drôle. Mercutio (Pierre Bolo) dans son
personnage aux accents hip-hop jusqu’au bout des ongles est
aussi intéressant dans son registre. D’autres font plus parler
leur corps, comme Tybalt (Pierre Cartonnet). Et le duo Grégory
/ Samson (Edward Aleman / Wilmer Marquez) donne un numéro de
cirque à couper le souffle au cœur du spectacle.
Mais la pièce pêche un peu au niveau des rôles principaux. Le
Roméo (Mehdi Dehbi) et la Juliette (Sara Llorca) manquent de
profondeur chacun dans leur personnage, et surtout, c’est leur
relation qui manque de sensualité. A l’exception de la scène
du balcon où le duo fonctionne plutôt bien, il est difficile
de croire à leur amour. L’émotion décrite n’est pas vécue par
les personnages.
David Bobee fait néanmoins ressortir de cette interprétation
moderne un drame contemporain. La traduction a été revue,
laissant entendre la crudité de certains passages. Sont
visibles pendant la pièce quelques questions de notre époque,
la pression des pères, qui donnent à voir des humains voulant
tout, tout de suite et sans passion, « les plaisirs violents
connaissent des morts violentes »…
Pratique : Jusqu’au 23 novembre au théâtre National de
Chaillot, 1 place du Trocadéro (75116, Paris). Réservations
par
téléphone
au
01
53
65
30
00
ou
sur http://theatre-chaillot.fr/. Tarifs : entre 8 € et 33 €.
Durée : 2 h 45
Mise en scène : David Bobee
Avec :
Mehdi Dehbi, Sara Llorca, Veronique Stas, Hala Omran,
Jean Boissery, Pierre Cartonnet, Edward Aleman, Wilmer
Marquez, Radouan Leflahi, Serge Gaborieau, Pierre Bolo, Marc
Agbedjidji, Alain d’Haeyer, Thierry Mettetal
Tournée :
Le 27 novembre 2012
Charleville-Mézieres
au
théâtre
municipal
TCM,
Les 12 et 13 décembre 2012 au théâtre de l’Agora, Scène
nationale, Évry
Du 19 au 21 décembre 2012 à La Filature, Scène
nationale de Mulhouse
Du 15 au 18 janvier 2013 au Lieu Unique, Nantes
Du 23 au 26 janvier 2013 au CNCDC, Châteauvallon
Les 31 janvier et 1er février 2013 au Granit, Scène
nationale de Belfort
Les 7 et 8 février 2013 au Manège, Scène nationale de
Maubeuge
Du 12 au 15 février 2013 au théâtre de Caen
Le 19 février 2013 à la Scène nationale 61, Flers
Du 26 au 28 février 2013 au Carré – Les Colonnes, StMédard-en-Jalles
Les 14 et 15 mars 2013 à l’Hippodrome, Scène nationale
de Douai
Du 19 au 22 mars 2013 à la Comédie, CDN de Béthune
Les 26 et 27 mars 2013 au Carreau, Scène nationale de
Forbach
Le 4 avril 2013 à l’Avant Seine, Colombes
Les 14 et 15 mai 2013 au TAP, Scène nationale de
Poitiers
Dany Dan, sans détours
Fort de ses vingt années d’expérience dans le milieu hip-hop,
Dany Dan a le sourire facile. L’ancien des « Sages Po »
l’affirme dans son dernier album : avec lui, c’est À la
régulière, autrement dit: proprement.
Débarqué de République centre-africaine à l’âge de 11 ans,
Daniel Lakoué grandit à Boulogne-Billancourt et ne quittera
cette ville que pour venir s’installer sur l’Île-Saint-Denis
(93), il y a deux ans. Le « petit Africain émerveillé par la
ville et ses lumières » découvre la culture hip-hop en bas de
sa rue et dans son quartier avec ses amis : tag, break-dance,
rap, verlan, graff’… Ce novice, déjà passionné par le dessin,
opte pour la bombe et fait ses premières armes sur les murs,
laissant son art envahir l’espace public. La rencontre avec
deux amis donnera naissance au groupe les Sages Poètes de la
rue, qui a connu le succès dans les années 90, période où le
rap s’impose sur la scène musicale française. Le trio se met
d’accord pour que ses membres existent aussi indépendamment et
Dany Dan démarre une carrière solo, revenant régulièrement au
graff’ quand le temps le lui permet.
« Claustrophobe artistique »
Ni bavard ni avare de paroles, Dany semble incarner à
merveille le fameux « Don’t worry, be happy » de Bobby
McFerrin. Pourtant, ses rimes, alignées comme des quilles,
tombent sous le poids d’un flow qui détonne. Ses textes
transpirent l’égo assumé du rappeur et parlent des femmes, du
rap, de la rue, frôlant parfois la frime, évitant toujours le
bling-bling. Il y a de la légèreté chez Dany. Même s’il aborde
parfois des sujets plus sérieux, pas question d’endosser
l’étiquette du rappeur engagé. « Moi, je ramène des couleurs
et des histoires. J’essaie d’écrire le reflet de ma réalité.
Je n’ai jamais voulu porter cette casquette politique… D’abord
parce que d’autres le font mieux que moi. Et puis parce que je
déteste être mis dans une case, » explique ce « claustrophobe
artistique », comme il aime à se désigner. Du 92 au 93, la
périphérie le poursuit ? Non. La vie l’a fait atterrir sur
l’île, et vivre en banlieue ne veut pas dire habiter dans un «
quartier », rectifie-t-il. À 36 ans, dont la moitié dans le
milieu, Dany, est déjà un papi du rap. Le terme le fait
sourire. Il revendique sa longévité et se réjouit d’avoir la
plume toujours aussi affûtée.
Le succès, une « patate chaude »
Son regard sur le milieu hip-hop aujourd’hui ? « Il s’est bien
débrouillé, notre petit rap français… Mais depuis un moment
déjà, les rappeurs chantent moins pour faire de la bonne
musique que pour gagner de l’argent. Et quand tu cherches
l’argent, tu copies ce qui marche. Or, la reproduction empêche
la création. » Un rappeur à grosse tête, Dany ? « Je n’ai
jamais eu envie d’être une star, avec les autographes, les
groupies, tout ça… j’en suis vite revenu. Si c’était à
refaire, je masquerai mon visage. Le succès est une patate
chaude. » L’artiste porte un regard pessimiste sur la société
actuelle : « Les fossés se creusent entre jeunes et vieux,
riches et pauvres… Mais tant qu’il y aura des problèmes, les
rappeurs seront là pour en parler. » Au-delà, le rap n’est-il
qu’un magnifique instrument de dénonciation fondé sur un
triste constat ? « Je n’écris jamais mieux que quand je suis
triste. Paradoxalement, en ce moment mes chansons marchent et
je suis heureux ! »
http://www.youtube.com/watch?v=z6Of428KvZg&feature=related
À la régulière, sorti en mai dernier en autoproduction
Crédit photo de Une: Manon El Hadouchi

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