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DOSSIER DE PRESSE I Décembre 2015 LA LISTE ROUGE D’URGENCE DES BIENS CULTURELS LIBYENS EN PÉRIL Et l’ouvrage de l’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels de l’ICOM : Contrer le trafic illicite des biens culturels : un défi pour la protection du patrimoine mondial CONTACTS PRESSE Pierre Laporte Communication Laurent Jourdren / Marie Roy [email protected] T. + 33 (0)1 45 23 14 14 ICOM Yu Zhang, chef du service de communication [email protected] T. + 33 (1)1 47 34 91 76 La conservation du patrimoine culturel est au cœur de la réflexion et de l’action de l’ICOM à l’international, et ce depuis la création de notre institution, il y a bientôt 70 ans. Hans-Martin Hinz, président du Conseil international des musées (ICOM) Chaque jour, des objets culturels disparaissent. Volés dans les musées ou, le plus souvent, arrachés à même le sol de sites archéologiques, ces objets trafiqués empruntent des chemins illégaux trop fréquentés par les antiquités. Des circuits que nous tentons en permanence de suivre avec plus de précision. France Desmarais, directrice des programmes et des partenariats de l’ICOM Couverture : Buste funéraire en marbre d’une femme voilée, Cyrène, période hellénistique (Ier s. av. J.-C.), 128 x 62 cm. © Università Roma Tre Archaeological Mission in Libya / Fabian Baroni, Courtesy of ICOM Red List SOMMAIRE A. Qu’est-ce que le trafic illicite des biens culturels ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 01 B. L’ICOM (Conseil international des musées), engagé dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 03 C Les Listes rouges de l’ICOM, des outils pratiques d’identification. . . . . . . . . . . . . . . . . . 04 D. La Liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 06 E. L’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels de l’ICOM – première plateforme coopérative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 08 F. La publication : « Contrer le trafic illicite des biens culturels : un défi pour la protection du patrimoine mondial » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 09 Vue de l’angle sud-ouest du temple de Zeus, Cyrène © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye A. QU’EST-CE QUE LE TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS ? DES PRATIQUES AVÉRÉES MAIS NON QUANTIFIABLES Reconnu comme un fait avéré et répandu, le trafic d’objets culturels est cependant difficilement quantifiable : Combien d’objets ? Quels montants ? Ces questions restent à ce jour sans réponse précise. Toutefois, les experts s’accordent à dire qu’il s’agit d’une activité criminelle très attractive car à faible risque et à haute marge de profits et qu’il est question d’un trafic qui transcende les frontières, affectant les pays développés et les pays émergents. Le trafic concerne des objets répertoriés (volés dans les musées) mais également, et dans une plus grande proportion, plusieurs catégories d’objets : le produit de fouilles archéologiques clandestines, les éléments provenant du démembrement de monuments historiques, sans oublier les objets du patrimoine sous-marin, un vaste domaine sans protection. 01 - transfert illégal de propriété des biens culturels (vente, achat, échange, donation ou legs) ; - production, échange ou utilisation de faux documents de provenance ; - trafic de biens culturels faux ou falsifiés. Définition donnée par l’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels de l’ICOM. http://obs-traffic.museum/what-illicit-trafic Il n’y a pas de circuit type, la destinée des objets variant selon le profil des fournisseurs (populations locales, voleurs compulsifs, crime organisé) et celui des acheteurs (simples touristes, collectionneurs privés en quête de pièces spécifiques, galeries, marchands d’art mais également lieux de conservation). Les objets volés peuvent disparaître des années ou des décennies avant de réapparaître sur le marché avec de faux papiers justifiant d’une provenance inventée (ou fictive). DES FORMES ET DES ACTEURS MULTIPLES Du fournisseur à l’acheteur, le trafic illicite des biens culturels implique de multiples intervenants et recouvre une grande variété de pratiques selon les contextes géographique, socioéconomique et politique des pays concernés : - vols dans des musées, des monuments, des sites religieux et autres lieux de conservation publics ou privés ; - excavations illicites d’objets archéologiques lors de conflits armés ou de périodes d’occupation militaire ; - exportation et importation illicite de biens culturels ; Relief funéraire en calcaire avec des bustes portraits, nécropole sud de Ghirza, période romaine tardive (IVe s. ap. J.-C.), 73 x 47 x 24,5 cm. © Mission archéologique en Libye de l’Università Roma Tre / Fabian Baroni, Courtesy of ICOM Red List Vue du forum de Septime Sévère, Leptis Magna, IIIe siècle ap. J.-C. © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye QU’EST-CE QUE LE TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS ? DES PRATIQUES CONDAMNÉES PAR DES DISPOSITIFS DE PROTECTION DU PATRIMOINE dont les principaux sont : - la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (La Haye, 14 mai 1954), premier traité international consacré à la protection du patrimoine culturel en cas de guerre mettant en valeur la notion de « patrimoine commun de l’humanité » ; - la Convention de l’UNESCO du 14 novembre 1970, concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels ; - la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (Rome, 1995). donc pas universels et leur application se heurte à un faisceau d’obstacles : - d’ordre juridique (à titre d’exemple, la grande majorité des pays potentiellement destinataires n’a pas ratifié la Convention d’UNIDROIT, et plusieurs pays n’ont pas développé de législation permettant une mise en application efficace de la Convention UNESCO de 1970) ; Ces dispositifs de protection ne concernent que les pays ayant ratifié les conventions. Ils ne sont - d’ordre opérationnel, en raison du manque de moyens de contrôle mais aussi du manque de sensibilisation (collectionner des antiquités n’est pas vu comme une activité potentiellement criminelle, sans compter la bonne conscience d’acheteurs qui pensent qu’en se portant acquéreur ils sauvent des objets en péril). Vue de l’arc tétrapyle de Septime Sévère, Leptis Magna, IIIe siècle ap. J.-C. © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye Vue du marché romain de Leptis Magna, IIIe siècle ap. J.-C. © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye 02 B. L’ICOM (CONSEIL INTERNATIONAL DES MUSÉES) ENGAGÉ DANS LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS Le trafic illégal de biens culturels ne constitue pas une pratique récente, toutefois les conflits au MoyenOrient (Égypte, Irak, Syrie, Yémen) et en Afrique (Libye, Mali) ont amplifié le phénomène. Des pans entiers du patrimoine culturel ont été endommagés ou détruits notamment par Daech : le musée de Mossoul, les sites antiques de Ninive, Nimroud et Hatra en Irak, de Palmyre en Syrie. Des actes qui alimentent les réseaux par lesquels transitent les objets volés ou pillés. Le combat contre ce trafic doit en permanence s’adapter aux situations d’urgence et aux nouvelles pratiques observées, notamment la vente sur Internet. Pour faire face à ces défis, l’ICOM, engagé depuis sa création dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, a développé de nouveaux outils de recueil d’informations et de sensibilisation en renfort des législations nationales et internationales existantes. Ces mesures consistent en : - l’élaboration des Listes rouges de biens culturels en péril - depuis 2000 ; - la création de l’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels en décembre 2012, un projet de trois ans mis en œuvre par l’ICOM avec le soutien financier de la Commission européenne ; et en cette fin d’année 2015, - la publication de la Liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril ; - l’édition et la diffusion d’une publication, en anglais : Countering Illicit Traffic in Cultural Goods – The Global Challenge of Protecting the World’s Heritage (Contrer le trafic illicite des biens culturels : un défi pour la protection du patrimoine mondial). 03 L’ICOM 70 ans au service du patrimoine Créé en 1946, l’ICOM est une organisation non gouvernementale internationale (ONG) qui a pour mission de promouvoir et protéger le patrimoine culturel et naturel, présent et futur, matériel et immatériel. Avec 35 000 membres (répartis dans 137 pays), l’ICOM constitue un réseau unique de musées, d’experts et de professionnels. En lien avec l’UNESCO et bénéficiant d’un statut consultatif au sein du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), l’ICOM collabore également avec des organisations comme INTERPOL et l’OMD (Organisation mondiale des douanes) afin de mener à bien ses missions, notamment en matière de lutte contre le trafic illicite des biens culturels et de protection du patrimoine culturel mondial en cas de catastrophe naturelle ou de conflit armé. L’ICOM est l’une des quatre organisations fondatrices du Comité international du Bouclier bleu1 (ICBS). Les musées, doublement concernés par le trafic illicite des biens culturels. En tant que lieux de conservation, les musées sont, d’une part, victimes de vols et, d’autre part, susceptibles, involontairement, de se porter acquéreurs par achat, legs ou donation, d’objets issus du trafic illégal. À ce titre, parmi les principes du Code de déontologie de l’ICOM pour les musées2 que tous les membres s’engagent à respecter, figurent des directives relatives aux biens culturels issus de pratiques ou du commerce illégaux, notamment la suivante : Aucun objet ou spécimen ne doit être acquis par achat, don, prêt, legs ou échange, si le musée acquéreur n’est pas certain de l’existence d’un titre de propriété en règle. Un acte de propriété, dans un pays donné, ne constitue pas nécessairement un titre de propriété en règle. 1. Le Bouclier bleu est le symbole employé pour identifier les sites culturels protégés par la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (Convention de La Haye, 1954). 2. Le Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, adopté en 1986 et révisé en 2004, établit les valeurs et principes communs à l’ICOM et à la communauté muséale mondiale et fixe les normes minimales de pratiques et de performance professionnelles pour les musées et leur personnel. ICOM Maison de l’UNESCO - 1 rue Miollis - 75732 Paris Cedex 15, France - Tél. : +33 (0)1 47 34 05 00 Site web : http://icom.museum - Courriel : [email protected] C. LES LISTES ROUGES DE L’ICOM, DES OUTILS PRATIQUES D’IDENTIFICATION Les Listes rouges répertorient, pour des zones du monde particulièrement vulnérables, les catégories d’objets archéologiques ou d’œuvres d’art en danger afin d’empêcher leur exportation illégale et leur vente. UNE TYPOLOGIE D’OBJETS EN DANGER Les Listes rouges présentent et décrivent des types d’objets susceptibles d’être volés ou pillés puis vendus illégalement. Afin de faciliter leur identification, les objets sont répertoriés par catégories (sculptures, récipients, monnaies, éléments architecturaux, etc.). Au texte descriptif s’ajoutent des photos légendées. La sélection des catégories et sous-catégories d’objets est établie par des groupes d’experts nationaux et internationaux comprenant des historiens d’art, des archéologues, des conservateurs et autres professionnels du patrimoine culturel. À SAVOIR 04 Les Listes rouges - Toutes les illustrations incluses dans les Listes rouges sont des photos d’objets issus de collections muséales ou de missions archéologiques - Ces illustrations sont représentatives des types d’objets nécessitant une vigilance particulière du fait d’un risque accru de transfert illégal de propriété - Les Listes rouges sont utiles à long terme car les objets identifiés restent prisés par le marché pendant de nombreuses années Sarcophage ou urne cinéraire en marbre orné de reliefs (guirlandes de feuilles, noix, fruits attachés aux cornes de bucrane), Ain el-Selmani (Benghazi), période romaine (ca. 120 – 140 ap. J.-C.), 44,8 x 66 x 44,1 cm. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List LES CRITÈRES REQUIS POUR ÉTABLIR UNE LISTE ROUGE - Le constat d’un risque avéré. Les catégories d’objets répertoriés doivent faire partie du patrimoine d’une région ou d’un pays donné où les risques sont avérés. - La prise en compte des instruments juridiques. Les objets inclus dans la liste doivent être protégés par la législation nationale et internationale. - La demande sur le marché de l’art. Sans acheteur potentiel il n’y a pas de débouchés pour les trafiquants. C’est pourquoi seuls les objets répondant aux deux critères précédents et faisant l’objet d’une demande sur le marché sont intégrés dans les Listes rouges. LE SOUCI D’EFFICACITÉ Les Listes rouges sont des outils pratiques. Leur présentation est conçue de façon à faciliter l’identification des objets, notamment par les douaniers : un format adapté (un dépliant pouvant être affiché), des textes descriptifs courts et simples et des images représentatives. L’OBJECTIF : DIFFUSER LARGEMENT L’INFORMATION Les Listes rouges sont publiées dans la langue du pays concerné et dans les langues des pays où les objets peuvent transiter ou être mis sur le marché. Elles sont diffusées aux services de police et de douane par l’intermédiaire d’INTERPOL, de l’OMD et des instances nationales chargées de la protection du patrimoine et sont également distribuées aux musées et aux marchands d’art. Tétradrachme en argent avec la plante du silphium (avers) et une tête (revers), Cyrène, 435 – 375 av. J.-C., 13,29 g. © Trustees of the British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List 15 LISTES ROUGES ONT ÉTÉ ÉTABLIES DEPUIS 2000 Six d’entre elles sont qualifiées de Listes rouges « d’urgence » : elles concernent des pays où le patrimoine culturel a été mis en danger de façon soudaine, soit en raison d’une catastrophe naturelle, ce fut le cas d’Haïti (tremblement de terre en 2010), soit à cause d’un conflit armé, par exemple l’Égypte, l’Irak, la Syrie et aujourd’hui la Libye. Les Listes rouges « traditionnelles » sont établies à la demande d’une institution ou d’un ministère dans un pays donné ayant fait le constat de menaces pesant sur son patrimoine. Dans ce cas, l’ICOM examine la situation sur le terrain afin d’évaluer le besoin de protection et d’y répondre. 05 Liste rouge des objets archéologiques africains, 2000 Liste rouge des biens culturels latino-américains en péril, 2003 Liste rouge d’urgence des antiquités iraquiennes en péril, 2003 Liste rouge des antiquités afghanes en péril, 2006 Liste rouge des antiquités péruviennes en péril, 2007 Liste rouge des antiquités cambodgiennes en péril, 2009 Liste rouge des biens culturels en péril d’Amérique centrale et du Mexique, 2009 Liste rouge d’urgence des biens culturels haïtiens en péril, 2010 Liste rouge des biens culturels chinois en péril, 2010 Liste rouge des biens culturels colombiens en péril, 2010 Liste rouge d’urgence des biens culturels égyptiens en péril, 2011 Liste rouge des biens culturels dominicains en péril, 2013 Liste rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril, 2013 Liste rouge d’urgence des biens culturels irakiens en péril - Mise à jour 2015 Liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril, 2015 - En préparation : Liste rouge des biens culturels d’Afrique de l’Ouest, avec une section d’urgence consacrée au Mali Liste rouge d’urgence des biens culturels en péril du Yémen Liste rouge des biens culturels d’Europe du sud-est Les Listes rouges sont consultables en ligne : http://redlist.icom.museum 1 2 3 4 5 6 1. Urne en calcaire inscrite avec un couvercle, poignées enroulés et décors de stries, nécropole de Tazuit (Homs), période romaine (IIe s. ap. J.-C.), 44 x Ø 34,5 cm. © Mission archéologique en Libye de l’Università Roma Tre / Fabian Baroni, Courtesy of ICOM Red List 2. Urne funéraire en verre, Leptis Magna, période romaine, 26,5 x 16,3 cm. © Mission archéologique française / Vincent Michel, Courtesy of ICOM Red List 3. Lécythe en calcite, Cyrénaïque, période grecque (ca. 300 – 100 av. J.-C.), H 16,51 cm. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List 4. Petite amphore en bronze aux poignées en forme de Satyres, nécropole du Wadi er-Rsaf (Leptis Magna), période romaine (Ier s. ap. J.-C.), 25,5 x Ø 13 cm. © Mission archéologique en Libye de l’Università Roma Tre / Fabian Baroni, Courtesy of ICOM Red List 5. Lécythe en albâtre, Cyrénaïque, époque grecque (400 – 300 av. J.-C.), H 23,45 cm. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List 6. Petite poterie hydrie ornée à couronne de lierre et à bandes rouges, Cyrénaïque, période hellénistique (300 – 200 av. J.-C.), H 20 cm. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List D. LA LISTE ROUGE D’URGENCE DES BIENS CULTURELS LIBYENS EN PÉRIL 06 Vue du sanctuaire d’Apollon, ville basse de Cyrène © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye LE PATRIMOINE LIBYEN EN DANGER Avec deux gouvernements rivaux, l’un basé à Tripoli, l’autre, reconnu par la communauté internationale, à Tobrouk, le pays est en plein chaos. Daech est implanté d’est en ouest à Derna, à Syrte et à Sabratha. Les missions archéologiques françaises et italiennes ont cessé toute activité sur le terrain depuis 2013. On ne déplore pas, à l’heure actuelle, aucun saccage avéré destinés à faire table rase du passé, comme en Irak ou en Syrie, même si des vols, pillages et destructions affectent certains sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité (et plusieurs mosquées soufis en Tripolitaine). Depuis le début du conflit, en février 2011, l’ICOM a suivi la situation des musées et des sites, en soutenant notamment une mission d’évaluation in situ en 2012. La Liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril a été dressée par l’ICOM, grâce à l’aide généreuse du Département d’État des États-Unis ; avec le soutien scientifique de Vincent Michel (directeur de la mission archéologique française pour la Libye antique, université de Poitiers) et d’un groupe de 12 autres experts de Libye, des États-Unis et de divers pays européens. Elle répertorie les catégories d’objets en danger : sculptures et bustes funéraires - notam- ment les bustes funéraires féminins « sans visage » ou « se dévoilant », une spécificité de Cyrène mais également des objets de l’époque grecque, punique et romaine et de l’époque islamique et médiévale, comme les monnaies décorées du fameux silphium, plante aujourd’hui éteinte. Diffusée sur Internet et dans sa version papier pour alerter les douanes, INTERPOL et le marché de l’art, la liste est disponible en anglais, français et arabe. Ce sont donc des millénaires d’histoire antique qui se lisent dans la pierre de sites d’un intérêt sans égal dépassant les cinq sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO : Cyrène, colonie grecque fondée en 631 av. J.-C., dont la grande nécropole est toujours menacée par des constructions modernes ; Leptis Magna, la « Rome de l’Afrique » ; Sabratha, centre de commerce carthaginois et romain ; Tadrart Acacus, désert libyen aux nombreux sites préhistoriques d’art rupestre datant de 12 000 à 100 apr. J.-C. ; et Ghadamès, une des plus anciennes cités présahariennes encore existantes, pilonnée en 2011. LA LISTE ROUGE D’URGENCE DES BIENS CULTURELS LIBYENS EN PÉRIL LISTE DES EXPERTS • Hafed Abdouli, Professor of Islamic History, Sfax University (Tunisia), and former Professor, Misurata University (Libya) • Paul Bennett, Head of Mission for the Society for Libyan Studies and Director, Canterbury Archaeological Trust (UK) • Laura Buccino, Member of the Archaeological Mission of Roma Tre University (Italy) at Lepcis Magna and Adjunct Professor of Roman Archaeology at the Department of History, Archeology, Geography, Arts and Show, Florence University (Italy) • Brian Daniels, Director of Research and Programs, Penn University and Penn Museum (US) • Marc-André Haldimann, Associate Professor, Bern University (Switzerland) • Peter Higgs, Curator of Greek Sculpture, British Museum (UK) • Susan Kane, Professor of Art History and Chair of Classical Archeology, Oberlin College (US) • Anna Leone, Professor at the Centre for Roman Cultural Studies, Durham University (UK) • Vincent Michel, Director of the French Archaeological Mission in Libya and Lecturer in Ancient Archaeology, Poitiers University (France) • Luisa Musso, Director of the Archaeological Mission of Roma Tre University at Lepcis Magna and Professor of Archaeology and Art History, University Roma Tre (Italy) • Mustafa Turjman, Chief of Research and Archaeological Excavation Unit, Libyan Department of Antiquities (Libya) • Hafed Walda, Libyan Heritage Research Fellow, King’s College London (UK) • Jerzy Żelazowski, Member of the Polish Archaeological Mission to Ptolemais and Adjunct Professor, Archeological Institute, Warsaw University (Poland) 07 Vue d’une Victoire ailée sur l’agora de Cyrène © Loïc Mazou/Mission Archéologique Française de Libye E. L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DU TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS DE L’ICOM PREMIÈRE PLATEFORME COOPÉRATIVE Identifier les circuits, les acteurs et les types d’objets ciblés est la seule façon d’appréhender le marché illégal de l’art et des antiquités. On ne peut s’y attaquer que par le biais d’initiatives de recherche et de coopération transdisciplinaires telles que celle mise en œuvre avec le projet de l’Observatoire, conformément à la Convention de l’UNESCO de 1970. France Desmarais RÉPONDRE AU BESOIN URGENT D’ÉCHANGE D’INFORMATIONS 08 L’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels de l’ICOM a été créé en décembre 2012, dans le cadre d’un projet de trois ans mis en œuvre par l’ICOM avec le soutien financier du Programme « Prévenir et combattre la criminalité » de la Direction générale des affaires intérieures de la Commission européenne. L’Observatoire est le résultat de l’engagement à long terme de l’ICOM dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels et de sa volonté d’agir pour créer un réseau permanent de coopération entre les organisations internationales, les organismes chargés de l’application des lois, les centres de recherche et les spécialistes externes concernés par ce sujet. Le projet s’inscrit sur le court, le moyen et le long terme en raison de la nature même du trafic, qui nécessite à la fois une certaine réactivité en situation d’urgence (des missions sur le terrain sont menées par les experts de l’ICOM) et un travail de fond pour informer et sensibiliser tous les intervenants potentiels et parvenir finalement, par le développement d’outils efficaces et contraignants, à réduire le trafic. nées très importante explorable, par zone géographique ou par thématiques (3 689 ressources documentaires et 561 ONG, organisations internationales et agents sur le marché de l’art sont répertoriés). Le site offre par ailleurs un glossaire comportant 117 définitions éditées par les experts de l’Observatoire, des fiches techniques sur les bonnes pratiques (authentification, sécurité dans les musées, base de données des objets volés, etc.) et des études de cas. Depuis son lancement, le site de l’Observatoire s’est enrichi et compte désormais : - 117 définitions - 2 129 textes et documents et 395 enregistrements audio et vidéo - 792 outils pratiques obtenus auprès d’autres institutions et organisations - 145 instruments normatifs ou déontologiques - 114 instruments normatifs juridiques - des liens vers 114 sites Web fournissant des informations sur le sujet - 561 agents intéressés par ce sujet CONCEVOIR UNE PLATEFORME TRANSVERSALE ET INTERDISCIPLINAIRE SUR INTERNET : http://obs-traffic.museum Lancé en avril 2014, le site (en anglais) centralise et diffuse toutes sortes de ressources et d’outils documentaires pour informer sur le trafic illicite des biens culturels et sur les moyens de le combattre. Grâce à une approche transversale, il fournit des données interdisciplinaires, ce qui permet une navigation fluide pour le visiteur. Le site est organisé en trois sections qui permettent respectivement de s’informer sur tous les aspects du trafic illicite, de suivre l’actualité du secteur et d’effectuer une recherche globale sur le site, qui donne accès à une base de don- 1 2 3 1. Statue en marbre d’Apollon et sa lyre, thermes de Leptis Magna, période romaine (IIe s. ap. J.-C.). © Musée national à Tripoli (As-Saraya al-Hamra) , Courtesy of ICOM Red List 2. Figurine de déesse en terre cuite, Cyrénaïque, période grecque (ca. 450 av. J.-C.), H 24,5 cm. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List 3. Portrait en marbre d’une femme voilée, nord du Temple d’Apollon (Cyrène), période hellénistique (150 – 50 av. J.-C.), H 1,98 m. © British Museum, Londres, Courtesy of ICOM Red List F. LA PUBLICATION : « Contrer le trafic illicite des biens culturels : un défi pour la protection du patrimoine mondial » UNE APPROCHE ACTUELLE ET TRANSDISCIPLINAIRE 09 Concluant trois années de travaux de l’Observatoire, l’ouvrage : « Countering Illicit Traffic in Cultural Goods - The Global Challenge of Protecting the World’s Heritage » embrasse le sujet avec le souci de l’exactitude et du parler vrai. Publié en anglais (accessible également en ligne), édité et préfacé par France Desmarais il réunit les textes de 14 experts (archéologues, universitaires, conservateurs, juristes, journaliste) dans une approche transdisciplinaire et internationale. Ce croisement de compétences et d’expériences permet d’aborder divers aspects du trafic illicite des biens culturels, de s’interroger sur la pertinence des instruments de lutte existants et d’ouvrir des pistes de réflexion pour l’avenir. Des données actuelles viennent à l’appui des analyses de fond. Chaque collaboration est assortie d’une abondante bibliographie et éventuellement de documents (photos de sites après leur pillage, données chiffrées). DE LA SÉCURITÉ DANS LES MUSÉES FRANÇAIS AU RETOUR À KABOUL DE MILLIERS D’OBJETS… Cet ouvrage s’ouvre sur des textes portant sur les acteurs du monde de l’art (les musées, les marchands, Internet), puis aborde dans un deuxième temps des situations concrètes (trafic de biens culturels latino-américains, égyptiens, cambodgiens, européens) et évoque le pillage du patrimoine sous-marin avant d’explorer, dans une dernière section, les stratégies de lutte, leurs succès et parfois leurs limites. Comme une note d’espoir, le livre s’ouvre et se clôt sur l’évocation de résultats tangibles : en couverture, de la statue Fire Bouddha du IIe millénaire, volée en 1996 au musée national d’Afghanistan, identifiée dans une collection privée et restituée à Kaboul en 2012. À cette image fait écho le dernier texte de l’ouvrage, « Back to Kaboul », de St John Simpson, archéologue et conservateur au British Museum de Londres. Ce récit témoigne de l’efficacité d’actions concertées en montrant comment la collaboration entre le British Museum et le musée national d’Afghanistan, la vigilance des douanes et de la police anglaises, et enfin l’utilisation de la Liste rouge des antiquités afghanes en péril ont permis l’interception d’objets volés ou pillés sur des sites archéologiques afghans durant la guerre civile des années 1990. Authentifiés par les experts du British Museum, plus de 1 500 objets saisis à l’aéroport d’Heathrow entre 2003 et 2007 ont été restitués à Kaboul. SOMMAIRE Countering Illicit Traffic in Cultural Goods The Global Challenge of Protecting the World’s Heritage I. On the Market: Cui Bono? • Gunther Wessel, ‘Dealers, Collectors, Provenances and Rights: Searching for Traces’ • Neil Brodie, ‘The Internet Market in Antiquities’ • Sam Hardy, ‘The Conflict Antiquities Trade: A Historical Overview’ II. From the Source: Networks and Routes for Stolen Objects • Donna Yates, ‘Illicit Cultural Property from Latin America: Looting, Trafficking, and Sale’ • Monica Hanna, ‘Documenting Looting Activities in Post-2011 Egypt’ • Assad Seif, ‘Illicit Traffic in Cultural Property in Lebanon’ • Brian I. Daniels and Katryn Hanson, ‘Archaeological site looting in Syria and Iraq: A Review of the Evidence’ • Tess Davis, ‘The Lasting Impact of United States vs. Cambodian Sculpture’ • Augustin Lazar, ‘Illicit Trafficking in Cultural Goods in South East Europe: ‘Fiat Lux!’ • Michel L’Hour, ‘A Fight Yet To Be Waged: Underwater Heritage Protection’ III. Implementing Solutions: Legal Instruments and Practical Tools • Sophie Delepierre and Marina Schneider, ‘Ratification and Implementation of International Conventions to Fight Illicit Trafficking of Cultural Property’ • Robert Peters, ‘The Protection of Cultural Property in EU Law: Status Quo and Future Perspectives’ • Simon Mackenzie, ‘Do we need a Kimberley Process for the Illicit Antiquities Trade?’ • Laurie Rush, ‘Military Protection of Cultural Property’ • Guy Tubiana, ‘Museum Security in French Museums: An Overview’ • St John Simpson, ‘Back to Kabul: Case Studies of Successful Collaboration’ Amphore panathénaïque en céramique à figure noire, Apollonia, période grecque et hellénistique (milieu VIe – IIe av. J.-C.), 66,5 x Ø 32,6 cm. © Mission archéologique française / Gilles Mermet, Courtesy of ICOM Red List L’ouvrage de l’Observatoire a pu être réalisé grâce au soutien financier du Programme « Prévenir et combattre la criminalité » de la Direction générale des affaires intérieures de la Commission européenne Cette Liste rouge d’urgence a pu être réalisée grâce à l’aide généreuse du Département d’État des États-Unis Bureau des affaires éducatives et culturelles CONTACTS PRESSE Pierre Laporte Communication Laurent Jourdren / Marie Roy [email protected] T. + 33 (0)1 45 23 14 14 ICOM Yu Zhang, chef du service de communication [email protected] T. + 33 (1)1 47 34 91 76