Repousser les frontières de l`extrême - Mercedes-Benz

Transcription

Repousser les frontières de l`extrême - Mercedes-Benz
B ulle t in
L
Repousser les frontières
de l’extrême
a ligne crépite comme un feu
de camp, mais je reçois la voix
de stentor de Mike Horn cinq
sur cinq. Notre entrevue devait
avoir lieu à Johannesburg, mais
l’explorateur a dû annuler notre rendez-vous,
incapable de prévoir la date de son retour au
pays. « Si tout va bien, claironne-t-il dans le
téléphone satellite, on sera en Afrique du Sud
dans 17 ou 18 jours. » Pour l’instant, son voilier
mouille quelque part au large des côtes de Santos,
au Brésil. Une tempête fait rage, et de fortes
pluies fouettent son bateau depuis des jours. Il
prépare l’ultime expédition du Pangaea. De là,
il mettra les voiles avec un groupe de jeunes
vers le désert et la côte des squelettes de
Namibie. Le départ est prévu le lendemain.
Faire le tour du cercle polaire arctique, escalader
les plus hautes montagnes de la planète, descendre
l’Amazone, Mike Horn repousse constamment
les limites. Tout en véhiculant un message.
texte jenny buchholz
20 ans d’aventure
PHOTOS: SEBASTIAN DEVENISH/MIKE HORN EXPEDITIONS; DMITRY SHAROMOV/MIKE HORN EXPEDITIONS
« Quand on attend le beau temps, on peut attendre
longtemps », déclare Mike Horn, qui sait de quoi
il parle. Cet aventurier de 46 ans n’est pas né
de la dernière pluie lorsqu’il s’agit de causer
intempéries. Faites pivoter un globe terrestre à
la recherche des endroits les plus froids, les plus
sombres et les plus impraticables, il y a fort à
parier que notre homme y soit déjà passé.
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« Je fais tout ça pour me sentir vivant,
pas pour flirter avec la mort. »
Depuis plus de 20 ans, le Sud-Africain a en
effet exploré les régions les plus inhospita­lières
de la planète. Il a descendu l’Amazone de sa
source jusqu’à son embouchure dans l’océan.
Il a fait le tour de la terre en suivant l’équateur
– à pied, à vélo, en canot, en bateau à voiles.
Il a mis 2 mois à atteindre le pôle Nord dans
la nuit noire de l’hiver arctique. Il a consacré
2 ans à marcher droit devant vers le cercle
polaire arctique, traversant mers et mondes,
bravant des froids impitoyables, tout en tirant
un traîneau de 80 kg. Passant des mois sans
rencontrer âme qui vive.
Agréable solitude
L’isolement lui réussit. Après des jours de
silence, sans même s’adresser la parole, quand
il lève les yeux de ses skis vers l’horizon et
constate qu’il est complètement seul, c’est à ce
moment-là que Mike Horn éprouve la plus
grande satisfaction. « Quel extraordinaire senti­
ment de savoir que je peux m’adapter à un tel
environnement ! » Une fois, une tempête l’a
confiné dans sa petite tente des jours alors qu’il
faisait -60 °C dehors. « C’était relativement
agréable, il faisait à peine -20 °C dedans »,
déclare-t-il comme si ça devait nous réconforter.
En pareilles circonstances, il songe à sa prochaine aventure. C’est d’ailleurs là qu’il a imaginé le projet Pangaea, une mission se fixant
l’ambitieux objectif de sauver la planète. « Il
m’apparaissait évident que la génération montante constitue une formidable ressource inexploitée. Si je peux entraîner les gamins à
Mike Horn conduit un
groupe de jeunes vers le
pôle Nord magnétique.
prendre conscience de la beauté de la terre, ils
feront ce qu’il faut pour la préserver. »
PHOTOS: DMITRY SHAROMOV/MIKE HORN EXPEDITIONS; SEBASTIAN DEVENISH/MIKE HORN EXPEDITIONS; MIKE HORN EXPEDITIONS
Le Pangaea (35 m) est
le plus grand voilier
d’expédition de la terre.
ce n’est pas pour titiller ma peur, mais pour titiller
ma curiosité. Le désir de mener quelque chose à
bien doit être plus fort que la peur de l’échec. »
Sortant de sa bouche, ces propos n’ont rien
de léger ; il cultive ces valeurs depuis trop longtemps. Il a tout juste 8 ans, le jour où il décide
d’enfourcher sa bicyclette et de rendre visite à
son oncle, qui vit à 300 km de chez lui ! « Je
savais bien que je n’y arriverais pas en une
journée, mais je voulais tout de même tenter le
coup. » En 1990, Mike Horn part s’installer en
Suisse pour y travailler comme instructeur dans
une entreprise de plein air extrême. C’est avec
ses coéquipiers aventuriers, qui organisent des
expéditions à des fins promotionnelles, qu’il
apprend à financer sa vie d’explorateur. Depuis
son village d’adoption de Château d’Oex,
en Suisse, il exploite un parcours d’aventure (le
Mike Horn Family Trail), collabore étroitement
avec médias et commanditaires, et écrit des livres
sur ses expéditions.
Aujourd’hui, Mike Horn a fait le tour du monde
plusieurs fois. Il qualifie ses périples de « voyages
intérieurs » – parce qu’ils lui permettent de mettre en lumière des aspects de sa personnalité
qu’il n’aurait jamais soupçonnés autrement ;
parce qu’ils le mettent constamment au défi
de toujours repousser plus loin ses limites ;
parce qu’ils l’ont aidé à comprendre que si on
mène sa vie comme un long fleuve tranquille,
en coulant des jours paisibles, en passant des
vacances sans histoires, on ne se découvre pas.
Amour de la liberté
« Le désir
de mener quelque
chose à bien doit
être plus fort que
la peur de l’échec. »
Mike Horn s’explique mal qu’on puisse s’enliser
dans la routine, passer ses journées dans le
même bureau, rentrer à la maison, regarder la
télé, aller dormir, puis rendre l’âme à 80 ans
sans avoir jamais su ce dont on est capable. « Je
fais tout ça pour me sentir vivant, pas pour flirter avec la mort. » Ce qui résonne de cette déclaration, c’est qu’il a eu des moments au cours de
ses expéditions où il aurait été plus facile de
rendre les armes, de renoncer à la lutte pour la
survie. Mais il préfère ne pas en parler.
Néanmoins, il parle volontiers de sa famille, dont
il a plus besoin que l’inverse, ce qui ne l’empêche pas de couper le cordon de temps à autre.
« Cela va de soi, mais ma famille n’en demeure
pas moins mon point d’ancrage, et la raison pour
laquelle je rentre au bercail. On se persuade que
l’amour consiste à vivre près de quelqu’un pour
l’éternité. Mais l’amour consiste plutôt à laisser
sa douce moitié faire ce qu’elle aime. »
Mike Horn a rencontré sa femme en Suisse,
pendant sa jeunesse. Elle soupçonnait probablement déjà ce qui l’attendait – ils sont tombés
amoureux alors que l’aventurier était hospitalisé à la suite d’un accident de parapente. Quant
à leurs filles, Annika (19 ans) et Jessica (18 ans),
elles sont habituées à ce mode de vie. Elles ont
grandi en se séparant régulièrement de leur
père. « J’ai toujours été franc avec elles. Je leur
disais où je me rendais et ce qui m’attendait.
Surtout, je leur disais que j’allais revenir, par
amour pour elles. » Ainsi, lorsque leur papa
voyageur met le cap sur le cercle polaire arctique, en 2002, les petites ont peint un dessin de
la maison sur ses skis, de sorte qu’il ne perde
jamais de vue son port attache.
Avec le soutien de Mercedes-Benz, Mike Horn
emmène depuis 4 ans des groupes de jeunes en
des points du globe dont la beauté les renverse.
Il leur explique comment ils peuvent aider à
sauver les glaciers, les forêts vierges et les
poissons de l’Amazone. Trois semaines plus tard,
il les renvoie chez eux en tant qu’ambassadeurs
de l’environnement. La graine est semée, et la
plupart d’entre eux ont déjà la piqure.
« La passion fait toute la différence, affirmet-il. On a tous des rêves, mais combien d’entre
nous les réalisent ? La plupart des gens ont peur
de l’échec, ou craignent que les choses tournent
mal, si bien qu’ils abandonnent en esprit avant
même d’esquisser un pas. » La ligne est si mauvaise que j’ai l’impression de parler dans une
soufflerie, mais Mike Horn claironne si bien son
message que sa voix porte sa mission au-delà
de l’Atlantique. C’est comme s’il voulait secouer
tous ses semblables pour qu’ils cessent de se
cacher derrière leurs peurs.
« Je suis moi-même un type plutôt anxieux,
avoue-t-il. Lorsque je me lance dans une aventure,
La planète Horn
19 9 7 –19 9 8
19 9 9 – 2 0 0 0
20 02–20 0 4
2006
20 07
L’ A m a z o n e
L’ é q u a t e u r
L’ A r c t i q u e
Le pôle Nord
L’ H i m a l a y a
Sur les
traces du
danger
En parapente, en chaland,
en pirogue, Mike Horn
a été le premier à
descendre l’Amazone
d’un bout à l’autre, de sa
source dans les Andes
jusqu’à son embouchure
dans l’Atlantique.
Mike Horn a fait le tour
du monde en 18 mois.
Au départ de l’Afrique
de l’Ouest, il a suivi la
ligne équatoriale. Son
objectif ? Effectuer le
parcours en solitaire,
sans transport motorisé.
Pendant 2 ans et
3 mois, Mike Horn a
suivi le tracé du cercle
polaire, seul et sans
soutien auxiliaire,
alors qu’il affrontait
des températures
frôlant les -60 °C.
Il a fallu 2 mois à Mike Horn
et à l’explorateur Børge
Ousland pour se rendre
à pied au pôle Nord. Ils
ont été les premiers à
réaliser cet exploit
pendant l’hiver arctique,
sans soutien auxiliaire.
Avec 3 coéquipiers,
Mike Horn a réussi
à gravir 2 sommets
himalayens de 8000 m
sans oxygène d’appoint
avant que l’expédition
soit annulée pour cause
de mauvais temps.
Carbure à la passion
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