Dictée de Chantilly 2013

CINQUIÈME TOURNOI D’ORTHOGRAPHE DE CHANTILLY
DICTÉE 2013
Pire qu’un crime, …une faute !
La toile de François Gérard, qu’a laissé filocher la France au Met, échappe à notre héritage culturel. Les
New-Yorkais accueillent dorénavant le prince de Talleyrand-Périgord, assis sur un fauteuil Empire. Quelque
peu fat, il nous toise d’un air hautain, esquisse un sourire machiavélique. Vient-il, par le feuillet qui traîne sur
l’écritoire ouvragée, de se renier une énième fois ?… La plume d’eider, effilée et rigide, plantée droit dans
l’encrier, contraste avec le personnage boudiné dans sa redingote bleu roi de samit velouté. Un chapeau noir sur
un canapé laisse imaginer qu’il va décamper et se rallier en toute traîtrise à l’adversaire d’hier. Il se vêt en
muscadin affété de bas de soie luisants, dont l’empereur, en une saillie ordurière, nous avait fait humer les
fèces…
N’eût-il pas été plus séant que ce tableau allât à Versailles enrichir les collections de portraits des grands
hommes qui s’y trouvent rassemblés depuis Louis-Philippe ? L’État aurait rogné, dans les raouts mondains, sur
le budget des bricelets, bretzels, croquignoles et autres croquembouches, sous l’œil sardonique de celui qui fit
la fortune du maître queux Carême. Et les mécènes, férus d’art, auraient pu s’enorgueillir de jouer les hoirs du
Diable boiteux.
Quant à notre évêque défroqué d’Autun, député de la Constituante, grand chambellan d’Empire,
disgracié et disgracieux, pivot de la Restauration et louis-philippard au crépuscule de sa vie, il a rejoint sur les
bords de l’Hudson son épouse Catherine, qu’Élisabeth Vigée-Lebrun avait croquée et qui l’y attendait depuis
une décennie. Le voilà condamné à un purgatoire puritain, sous le même toit que cette écervelée sans jugeote,
restée fameuse pour avoir caqueté à la cantonade : « Je suis d’Inde ». N’est-ce pas la pire des farces ?…Dont
nos musées sont les dindons…
Grâces soient rendues au duc d’Aumale d’avoir empêché que tout tableau du château de Chantilly ne fût
exposé ailleurs. Il n’a, jusqu’à son dernier souffle, jamais changé de position. Même les érotomanes savent qu’à
l’ultime - et prétendument sublime - instant de l’épectase, ils peuvent adopter une ferme position du duc,
devenue proverbiale dans le manuel du Kama-sutra !...Les sponsors actuels, pour user d’une terminologie des
plus in, et, entre autres, le chef religieux des Ismaéliens, avec l’appui des édiles locaux, se sont lancé le noble
défi de préserver, d’embellir, de sauvegarder le patrimoine. Les mânes du duc en sont tout… ragaillardis !…
Jean Chalvin
Dico d’or
Autres graphies possibles : n-ième, maître-queux, grâce soit rendue.