GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DES SÛRETÉS

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GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DES SÛRETÉS
GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DES SÛRETÉS
MOBILIÈRES ISSUE DES LOIS DE 2013
Jeanine Windey
Partner, BYULE LEGAL
I.
PRESENTATION GENERALE
I.1.- ENTREE EN VIGUEUR, CONTEXTE ET OBJECTIFS
1.- Siège de la matière: les lois du 24 juin1 et du 11 juillet 2013,
publiées au M.B. du 2 août 2013 réforment en profondeur le régime des
sûretés mobilières (ci-après, la « Loi »).
Le titre XVII du Livre II du Code civil est ainsi intégralement
remplacé et s’articule en trois chapitres intitulés successivement « Du
gage », de la « Réserve de propriété » et du « Droit de rétention».
2.- La date d’entrée en vigueur de cette réforme doit être fixée par
le Roi (à ce jour, aucun A.R. n’est paru), celle devant au plus tard être celle
du 1er décembre 2014.
A noter que l’application concrète de cette réforme est tributaire de
la mise en place du registre national des gages, lequel n’est à ce jour pas
encore existant.
Nous savons que des démarches sont menées pour obtenir un report
de l’entrée en vigueur de la Loi eu égard aux incertitudes qui subsistent
quant à son incidence, notamment en ce qui concerne le contrat de leasing
(infra)
Rappelons qu’en matière de sûreté réelles, la Loi nouvelle
s’appliquera en principe avec effet immédiat2.
1
Cette loi ne contient que deux articles et consacre la compétence du juge des saisies pour connaître
des demandes relatives aux sûretés réelles mobilières et au registre des gages.
3.- Contexte et objectifs : l’inadéquation du droit belge des sûretés
aux nécessités du crédit et aux besoins de la pratique ont suscité cette
réforme dont les objectifs poursuivis sont les suivants :
- Efficacité : transformer notre système actuel de droit des sûretés en
un « système efficace, flexible et prévisible3, afin de favoriser l’octroi
de crédits pour renforcer l’économie ».
- Tendre vers une approche équilibrée des intérêts du créancier et du
débiteur. Les intérêts des tiers ne doivent pas non plus être perdus de
vue.
- L’approche fonctionnelle : soit «une approche rationnelle et
intégrée dans le cadre de laquelle des figures de sûretés analogues
doivent avoir les mêmes effets juridiques, indépendamment de leurs
différences conceptuelles »4.
- La remise à l’honneur du Code civil.
I.2.- CHAMP D’APPLICATION
4.- Les nouvelles règles concernent tout droit de sûreté réel sur des biens
meubles.
Eu égard à l’objet de la journée d’étude, nous avons limité l’analyse
aux sûretés sur biens meubles corporels, en sorte que ce n’est qu’à titre
d’incise que sera évoqué l’engagement de créances, soit les meubles
incorporels. A titre d’incise, signalons que désormais le versement d’une
somme d’argent est analysée comme un gage sur espèces (article 59).
5.- Matières exclues de la nouvelle Loi, notamment :
2
Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, 2012-2013, n°5- 2463(2464)/001, p. 33 (ci-après, « Exposé des
motifs »).
3
Exposé des motifs, p. 9.
4
Ibidem, p. 10.
2
 La loi sur les sûretés financières du 15 décembre 2004.
 Loi sur la continuité des entreprises et la loi sur les faillites.
 Les opérations de leasing et de sale and lease back : en principe,
mais rien n’est assuré sur ce point (infra)
II.
LES GRANDS AXES DE LA REFORME
6.- La réforme des sûretés mobilières (i) tend principalement à
réformer en profondeur et à uniformiser l’institution du gage (infra, Titre
III), (ii) à préciser le régime de la réserve de propriété (infra, Titre IV),
(iii) à préciser le régime du droit de rétention (infra, Titre V) et (iv) à
régler des conflits de rang entre certaines créances privilégiées.
Sera exclue de la présente note, les dispositions spécifiques applicables
au constituant consommateur au sens de l’article 2, 3° de la loi du 6 avril
2010 relatives aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.
III.
LE NOUVEAU REGIME DU GAGE
9.- Les principaux changements introduits par la Loi, dans le cadre
de cette volonté de simplification du régime des sûretés impliquant l’usage
de la propriété à des fins de garanties sont les suivants.
Il faut aussi noter que :
« le gage peut porter sur n’importe quel actif mobilier et garantir
n’importe quelle créance »5.
III.1.- SUPPRESSION
DE CERTAINES SURETES ET ABROGATION DE LOIS
SPECIALES
5
Exposé des motifs, p 17.
3
10.1.- Suppression de la distinction entre le gage civil et le gage
commercial, en sorte que les dispositions spécifiques gouvernant le gage
commercial portées dans le Code de commerce ont été abrogées.
10.2.- Abrogation de certaines dispositions particulières. Ainsi,
les dispositions du Code civil relatives à l’antichrèse ont été abrogées
entrainant dans la foulée la disparition de cette institution.
Il en est de même en ce qui concerne le warrant qui était organisé
par la loi du 18 novembre 1862. L’introduction du gage sans dépossession
justifie cette mesure, l’institution n’ayant plus de raison d’être.
Si les législations particulières organisant le privilège du prêteur
agricole et du gage sur fonds de commerce sont abrogées, ces institutions
sont désormais visées à l’article 7 nouveau du Code civil sous le titre :
« objet du gage » (infra).
La Loi abroge enfin quelques privilèges6.
III.2.- INTRODUCTION DU GAGE SANS DEPOSSESSION AUX COTES DU
GAGE TRADITIONNEL AVEC DEPOSSESSION
A.- Gage sans dépossession
11.1.- La loi porte la consécration du gage sans dépossession qui est
nommé « gage de registre ».
L’exigence de dépossession comme élément constitutif du gage étant
supprimée, celui-ci devient un contrat consensuel (sauf le cas du
consommateur), et n’entre plus dans la notion de contrat réel.
Aussi, le gage de registre n’exige pas comme condition de sa
formation (condition de validité) l’établissement d’un écrit.
6
(i) le privilège pour les sommes dues pour les semences et les frais de la récolte et le privilège pour les
sommes dues pour les ustensiles (art. 20, 2° de la Loi hypothécaire) ; (ii) le privilège du créancier gagiste
mis en possession (art. 20, 3° de la Loi hypothécaire) ; (iii) le privilège de l’hôtelier. Du fait de la
suppression de ces privilèges, les articles 24 et 25 bis de la Loi hypothécaire qui règlent les conflits de
rang y relatifs, sont également supprimés.
4
Néanmoins, dans le souci de protéger le constituant du gage et les
autres créanciers, l’article 10, al. 2 prévoit que :
« la convention de gage7 mentionne le montant maximum à
concurrence duquel les créances sont garanties ».
Cette obligation rend donc indispensable la rédaction d’un écrit pour
respecter les termes de la disposition précitée, d’une part et pour être admis
à procéder à l’inscription – l’enregistrement - de la sûreté au registre
national des gages, laquelle constitue une condition d’opposabilité de celleci, d’autre part.
C’est au créancier gagiste qu’il appartient de procéder à
l’enregistrement de son gage en mentionnant les données exigées par la Loi
(art. 30) au rang desquelles figurent la mention de l’article 10, al. 2, entre
autres8.
B.- Gage avec dépossession
12.- Maintien du gage avec dépossession : les parties conservent en
effet la possibilité alternative de recourir à la dépossession.
Nous considérons que l’article 10, al. 2, qui impose la précision du
montant à concurrence duquel les créances sont garanties, vaut également
pour le gage avec dépossession dès lors qu’il vise à protéger le constituant.
Dans la mesure où l’article 10 alinéa 2 fait mention d’« une convention », à
l’instar de ce qui vient dit à propos du gage sans dépossession, le créancier
gagiste devra toujours faire constater par écrit son gage,.
7
8
Sans faire de distinction selon le type de gage.
A côté de l’article 10, al. 2, il faut encore faire mention de l’article 4, al. 1er qui dispose que :
« La mise en gage est prouvée par un écrit contenant la désignation précise des biens grevés du gage,
des créances garanties et du montant maximum à concurrence duquel les créances sont garanties ».
5
Cette obligation ne remet pas en cause le fait que, conformément à
l’article 40, la preuve de l’existence du gage sans dépossession peut être
rapportée par toutes voies de droit.
13.- En ce qui l’opposabilité aux tiers, elle est assurée par « la mise
en possession »9 matérielle du créancier gagiste ou d’un tiers convenu (art.
39).
Le gage traditionnel ne fait évidemment l’objet d’aucune inscription
dans le registre, celle-ci étant remplacée par la prise de possession.
13.2.- Il faut observer que le gage sur créances, non évoqué comme
tel dans la présente note (supra) est resté rangé dans la catégorie des gages
avec dépossession.
Pour rappel, la question de la mise en possession d’une créance a été
réglée par la modification en 1994 de l’article 2075 du C. civ., qui dispose
que « le créancier gagiste est mis en possession de la créance gagée par la
conclusion de la convention de gage », ce qui permet de rencontrer
l’exigence posée par l’article 4, § 1er, 2° loi du 15 décembre 2004 sur les
sûretés financières, qui exige que l’objet du gage sur actifs financiers soit
réellement remis en « la possession » ou « le contrôle » du bénéficiaire de
la sûreté.
Ajoutons que l’article 60 de la Loi de 2013 transpose ces principes
en exigeant que :
« Le créancier gagiste est mis en possession d’une créance gagée
par la conclusion de la convention de gage à la condition qu’il
dispose du pouvoir de notifier le gage au débiteur.
La mise en gage n’est opposable au débiteur de la créance qu’à
partir du moment où elle lui a été notifiée ou qu’il l’a reconnue».
Aussi, pour répondre à l’obligation de dépossession imposée par la
Loi, le créancier est désormais habilité à procéder à cette notification
destinée à priver le débiteur de tout contrôle sur la créance gagée à tout
9
L’article 57, al. 2, sous le titre « règle d’antériorité », organise le concours entre créanciers gagistes par
référence à la « prise en possession ».
6
moment. Cela a pour effet de priver le constituant de la possession de la
créance.
L’étendue du gage sera déterminée selon le moment de la
notification (art. 70).
13.3.- On peut se demander pourquoi le législateur a voulu maintenir
le gage sur créance dans la catégorie des gages avec dépossession alors
précisément que la nouvelle Loi a introduit le gage sans dépossession :
« le gage peut avoir pour objet un bien mobilier corporel ou
incorporel » ( article 7)
En outre, la dépossession d’une créance a toujours posé un
problème10 conceptuel. Certes, en se faisant la Loi est en cohérence, sur ce
point, avec celle du 15 décembre 2004.
III.3.- L’OBJET DU GAGE
ET ETENDUE DE LA CREANCE GARANTIE
A.- Objet du gage
15.- Nous examinerons certaines questions concernant l’objet du
gage, sans toutes les couvrir.
1° Le gage sans dépossession
16.- Le gage sans dépossession peut porter sur tous biens actuels ou
futurs (art. 13), corporels ou incorporels, ou un ensemble déterminé de
biens de ce type, en vue de garantir toutes créances, actuelles ou futures.
10
F. Georges, op. cit., p. 353.
7
A cet égard l’Exposé des motifs11 insiste sur le fait qu’il est permis
de :
« utiliser (…) tous les types de biens à titre de garantie ».
Aussi, comme l’a très bien dit Monsieur GEORGES12:
« le gage peut [désormais] porter sur tous les biens meubles
corporels ou incorporels possibles, tant des biens déterminés qu’un
ensemble de biens existants ou futurs13, tant une universalité de fait
qu’une universalité juridique ».
Dans la foulée de la conception large de l’objet du gage, le
législateur a consacré par plusieurs dispositions la nature fluctuante de
celui-ci. Cette approche s’est traduite dans les articles suivants :
 L’article 18 : le gage est maintenu malgré la transformation de
l’objet gagé.
 L’article 19 : le gage est maintenu en cas d’immobilisation, sans
précision du type d’immobilisation.
 L’article 20 : la confusion des biens fongibles n’affecte pas la
validité du gage.
 L’article 9 reconnaît le bénéfice de la subrogation réelle en faveur du
créancier gagiste.
 Les articles 24 et 25 reconnaissent un droit de suite au créancier
gagiste en cas de cession du bien gagé en quelques mains que ce soit.
2°.- Cas particulier du gage sur fonds de commerce
11
Page 14.
F. Georges, op. cit., p. 334 n° 19.
13
A cet égard, on rappellera un intéressant jugement rendu le 5 mars 1996 par le tribunal de commerce
de Bruxelles (JT, 1996, n°5800) qui a décidé que rien ne s’opposait dans la loi du 25 octobre 1919 à ce
que le gage puisse être constitué sur un fonds de commerce en formation en se référant à la doctrine de
VAN RYN ET HEENEN (T. IV, p. 176) et STRANART (les Sûretés, Story Scientia, 1992). Il se réfère aussi, à
l’arrêt MENGAL dont la solution peut être appliquée par analogie (infra). Le gage est potentiel jusqu’à la
constitution du fond, soit son ouverture au public. Il faut toutefois préciser que pour répondre à la
condition d’être déterminable, la convention de mise en gage devra permettre de l’identifier (LECHIEN,
ULB, 1994).
12
8
17.- En ce qui concerne le cas particulier du gage sur fonds de
commerce, comme dit plus haut, l’institution n’est plus régie par la loi
spéciale de 1919, mais par le nouvel article 7 du Code civil qui le définit
ainsi :
« le gage ayant pour objet un fonds de commerce comprend
l’ensemble des biens qui composent le fonds de commerce ».
Cette définition est relativement indigente, comme l’a déjà souligné
la doctrine, le législateur n’ayant pas saisi l’occasion de régler la question
de savoir si le gage peut porter ou non sur une universalité en tant que telle.
Si l’on s’en tient aux travaux préparatoires14, il faudrait admettre
que l’universalité du fonds de commerce n’est pas encore affirmée puisque
ceux-ci indiquent que :
« cette règle [lire, celle du gage sur fonds de commerce] s’inscrit
dans la continuité directe des dispositions légales actuelles relatives
au gage sur fonds de commerce (…) ».
Certes, les premiers commentateurs de la Loi ont un sentiment
contraire, considérant que fonds de commerce est bien « une universalité
ou une branche d’activité »15.
Pareillement, Monsieur GEORGES a précisé que le gage peut
porter sur tout bien, même « une universalité de fait [ou] une universalité
juridique ».
Il faut toutefois admettre que l’article 47 qui touche au mode de
réalisation du gage d’un constituant non consommateur n’apporte guère
d’éclaircissements en visant « tout ou partie des biens grevés du gage ».
Chaque bien le composant devra-t-il être réalisé suivant sa nature comme
par le passé ou une mise en œuvre suivant un régime unique pourrait être
envisagé ?
18.- Le gage sur fonds de commerce a toutefois subi deux
modifications substantielles :
14
15
Exposé des motifs, p. 37.
W. Derijke, op.cit., p.703, n° 39.
9
 Il n’est plus réservé aux établissements agréés.
 La limitation à 50% des stocks a été supprimée.
B.- Créances garanties
19.- Le gage peut couvrir des créances futures, à condition que
celles-ci soient déterminées ou déterminables (article 10)16, la convention
de gage devant toutefois mentionner le montant maximum des créances
garanties (supra, ce qui a déjà été dit quant à la formation du contrat et sa
preuve).
Le gage sera opposable aux tiers et prend rang à partir du moment où
l’inscription a été faite, indépendamment de la date à laquelle les créances
garanties sont nées17.
III.4.- LE REGISTRE DES GAGES
A.- Définition
20.1.- Le registre des gages, conservé aux services des Hypothèques
de l’administration générale de la Documentation patrimoniale du service
public fédéral Finances, vise par l’enregistrement dans celui-ci, à rendre
opposable aux tiers la sûreté (article 15) et à déterminer son rang,
indépendamment de la date de naissance de la créance garantie. Il est tenu
au niveau national.
Les nouveaux articles 26 à 34 du Code civil sont dédiés à ce registre
et à son organisation, celui-ci étant désigné :
16
Jurisprudence Mengal du 28 mars 1974 : l’arrêt admet la validité de principe des sûretés consenties
pour garantie de créances futures à condition que celles-ci soient suffisamment déterminées ou
déterminables, ce qui suppose que la convention instituant la sûreté permette de les définir. Il faut
également qu’il résulte des éléments de la cause qu’elles sont effectivement de celles que les parties
avaient entendu assortir de la garantie (RCJB, 1974, p. 232).
17
Exposé des motifs, p. 7 ; F. Georges, op.cit., p. 336.
10
« comme un système informatisé destiné à l’enregistrement et à la
consultation des gages ainsi qu’à la modification, au renouvellement
ainsi qu’à la radiation des gages ».
Le législateur a délégué au Roi le règlement des modalités de
fonctionnement du registre des gages.
Sans doute que la prise de l’arrêté est également subordonnée à la
mise en place du système par le SPF Finances dont dépendra ce nouveau
service. C’est à ce dernier qu’appartiendra la responsabilité du traitement
des données à caractère personnel, dont nous avons dit un mot plus haut.
20.2.- La Loi habilite le créancier gagiste (tout type ) à procéder à
l’enregistrement qui se fait par l’inscription des données relatives au gage,
laquelle se fait sous l’entière responsabilité de ce dernier (art. 2918).
Il appartient également au créancier gagiste d’informer par écrit le
constituant du gage de réalisation de la formalité de l’enregistrement (art.
29).
L’habilitation est conçue comme donnant le droit au créancier
gagiste de procéder unilatéralement à cette formalité ; il puise celui-ci dans
la convention de gage19, ce qui une fois encore rend celle-ci indispensable
dès que la gage doit faire l’objet d’un enregistrement.
La durée de validité de l’enregistrement est de dix années,
renouvelable pour des périodes successives de 10 ans. Le non
renouvellement avant l’échéance du terme de 10 ans entraine la perte du
rang dans le chef du créancier gagiste (art. 35).
Le but de la création de ce registre est l’information objective des
tiers de l’existence d’un gage et la résolution de conflits de rangs sans la
moindre discussion20.
18
Le débiteur peut gratuitement demander aux service des Hypothèque la correction des données
inexactes si le créancier gagiste ne le fait pas automatiquement (art. 33). En cas de modification des
données enregistrées suite à une erreur ou à une modification de la convention de gage, le registre
mentionnera tant l’inscription originale que la modification (art. 32).
19
E. Dirix, op. cit., p. 31.
20
E. Dirix, op. cit., p. 30.
11
Avant d’examiner si cet objectif est atteint de manière satisfaisante,
il importe d’abord d’identifier les personnes habilitées à avoir accès au
registre, d’une part et les mentions portées dans celui-ci, d’autre part (infra,
§ 20 et 21).
B.- Personnes aptes à consulter le registre
21.1.- L’article 34 liste les personnes habilitées à consulter le registre
soit:
 Le constituant du gage et le créancier gagiste.
 « Les catégories de personnes ou d’institutions déterminées par le
Roi après avis de la Commission de la protection de la vie privée ».
L’Exposé des motifs dans sa version finale décrit cette seconde
catégorie de personnes, comme étant celles qui ont « un intérêt
professionnel en lien direct avec l’existence du gage, tels les mandataires
de justice»21.
Relevons que dans une version précédente, la liste des personnes
pouvant avoir accès au registre était beaucoup plus large visant :
« créanciers, financiers, cocontractants et tiers intéressés (curateurs,
médiateurs de dettes, huissiers de justice dans le cadre de la saisie et
de la distribution par contribution ou compagnie d’assurances
(…) »22.
L’abandon de cette approche extensive résulte de l’avis négatif émis
par le Conseil d’Etat qui a estimé qu’il fallait s’en tenir strictement aux
finalités de la Loi étant :
« la constitution d’une forme de publicité alternative à celle qui était
assurée par la dépossession ».
21.2- Cette approche restrictive de la fonctionnalité du registre est
critiquée par les quelques auteurs qui ont à ce jour examiné la Loi.
21
22
Exposé des motifs, p. 52.
F. Georges, op. cit., note infrapaginale n°73 qui reprend cette ancienne version.
12
Ainsi, Monsieur DERIJKE écrit :
« tout le système de la loi nouvelle repose sur l’absence de
dépossession et sur la publicité au travers d’un registre des gages.
La loi crée donc par hypothèse une différence de traitement entre les
personnes qui ont accès au registre de gages et celles qui n’y ont pas
accès ».
Le reproche adressé par cet auteur tient au fait que s’opèrerait ainsi
une distinction injustifiée entre les agents de la vie économique puisque
tous n’ont pas également accès à une vision exacte du patrimoine du
débiteur23.
C.- Données qui doivent, être portées dans le registre des gages
22.- Les données qui doivent être portées dans le registre des gages
sont énumérées à l’article 30 de la Loi :
 Identité du créancier gagiste ou de son représentant.
 Identité du constituant du gage.
 La désignation des biens objet du gage.
 La désignation des créances garanties.
 La désignation du montant maximum à concurrence duquel le
créances sont garanties.
 La déclaration du créancier garanti selon laquelle il est responsable
de tout dommage résultant de mentions erronées.
22.1.- En vertu de l’article 31, l’ensemble de ces données est
consultable ainsi que (i) le numéro d’enregistrement et (ii) la date de
l’enregistrement.
A cet égard, le Conseil d’Etat a rendu un avis plus que mitigé sur
« la réelle pertinence et le caractère non excessif » au regard de la loi sur la
23
W. Derijke, op. cit., p.706.
13
protection de la vie privée, de la communication des mentions relatives à
(i) l’identité du créancier gagiste et (ii) à la désignation des créances
garanties, eu égard à la finalité de la Loi.
De première part, même si comme le souligne la doctrine cela n’est
pas en soi un justification d’une éventuelle illégalité, on sait que ces
données ont toujours été dévoilées en matière de gage sur fonds de
commerce, d’hypothèque et de privilège agricole.
De seconde part, le législateur24 a considéré que ces données
n’avaient rien d’excessif dès lors qu’elles sont ancrées de manière
indissociable à ce mécanisme de sûreté.
D.- Objectif du registre des gages
23.- L’objectif poursuivi par la création de cet outil informatique est
d’une part, l’information de l’existence d’un gage aux fins d’éviter que des
professionnels ne fassent l’acquisition d’un bien engagé et partant ne
subissent le droit de suite et d’autre part, qu’un même bien ne soit grevé
d’un second gage à l’insu du second constituant.
L’autre objectif, plus large est de donner une vue globale du
patrimoine d’un débiteur.
Sur ce dernier objectif, nous avons déjà évoqué les réserves quant
aux personnes habilitées à le consulter auxquelles s’ajoutent celle lié au fait
que le registre puisse être véritablement le reflet de la situation
patrimoniale d’un débiteur.
De première part, en n’assortissant pas le gage avec dépossession
d’une inscription dans le registre, la consultation du registre donnera une
vue nécessairement incomplète du patrimoine.
De seconde part, d’autres formes de gage, puisque c’est ainsi qu’il
faut désormais qualifier la vente avec clause de réserve de propriété et le
droit de rétention, ne sont en règle pas davantage assorties de la mesure de
l’inscription. Ces biens apparaîtront donc comme des actifs dans le bilan.
24
Exposé des motifs, p. 50.
14
De troisième part, la formalité de l’enregistrement ne vise pas le
gage sur espèces puisque par essence celui-ci emporte une dépossession au
profit du créancier, comme dit plus haut (art. 59).
III.5.- L’EXECUTION DU GAGE
24.- La procédure actuelle est fortement simplifiée à l’égard des
constituants non-consommateurs tandis qu’elle est laissée inchangée en ce
qui concerne les constituants consommateurs25.
La Loi a très nettement voulu distinguer les professionnels des non
professionnels.
A.- Modes de réalisation admis par la loi
25.- L’article 47 de la nouvelle Loi offre désormais au créancier
gagiste, dont le débiteur est en défaut d’exécuter ses obligations, outre la
voie classique de la réalisation du bien gagé, celle de l’option de la location
de tout ou partie des biens grevés du gage, ainsi que celle de
l’appropriation du bien par le créancier gagiste.
Ce dernier mode de réalisation impose toutefois qu’un accord existe
entre le constituant et le créancier gagiste, soit dans la convention
concomitante à la constitution de la sûreté, soit ultérieurement.
Le mode de réalisation par appropriation du bien gagé exige aussi
(art. 53) que la convention prévoie que :
25
A l’égard des constituants consommateurs, la saisine du juge est toujours requise avant de procéder à
la réalisation du bien donné en gage. Précisons que le juge compétent reste le tribunal de première
instance et non le juge des saisies. L’on ne comprend pas les raisons qui ont poussé le législateur à
écarter la compétence du juge des saisies dans ce cas de figure, d’autant que la juridiction des saisies
ère
relève du tribunal de 1 instance.
15
« la valeur des biens sera déterminée par un expert au jour de
l’appropriation et pour les biens qui sont négociés sur un marché,
par référence au prix de ce marché ».
26..- Autre nouveauté, pour procéder à la réalisation des biens
donnés en gage, le créancier gagiste ne doit plus disposer d’un titre
exécutoire pour autant que, minimum 10 jours avant l’entame de la
réalisation, de la location et, nous croyons devoir ajouter, de sa décision de
s’approprier le bien, il ait adressé une notification au débiteur et le cas
échéant, au tiers constituant du gage, ainsi qu’aux éventuels autres
créanciers gagistes et/ou à ceux qui ont saisi les biens grevés (art. 48).
A ce sujet, il est important de relever que l’article 47 ne fait pas
obstacle au droit actuel pour le créancier gagiste d’exercer son gage selon
les voies d’exécution traditionnelles prévues au Code judiciaire, notamment
en recourant à la saisie. Cette option est maintenue.
26.1.- La notification doit préciser (i) la description des biens gagés,
(ii) le mode de réalisation envisagé ainsi que (iii) le droit du débiteur ou du
constituant de libérer le bien engagé en payant la dette garantie.
Pour exécuter son gage, sous une forme ou l’autre, le créancier doit
préalablement entrer « en possession » du bien nanti (art. 47). En cas de
litige au sujet de cette mise en possession, le créancier gagiste a désormais
un recours devant juge des saisies compétent (infra, § 27).
26.2.- Il faut noter que le nouveau régime organisant la réalisation
d’un gage est identique quelle que soit la forme empruntée par cette sûreté.
Il est intéressant de rappeler que le droit de réaliser en dehors de tout
titre préalable était déjà reconnu par loi de 1919 relative au gage sur le
fonds de commerce, dont article 11 permettait au créancier gagiste de faire
saisir exécuter les meubles corporels couverts par le gage sans se faire
décerner au préalable le commandement visé à l’article 1499 du Code
judiciaire.
La question de la constitutionnalité du traitement différent réservé au
créancier gagiste sur le fonds de commerce a fait l’objet d’un arrêt du 24
mai 2006. Dans celui-ci, la Cour constitutionnelle a justifié la
16
constitutionnalité de cette prérogative en constatant d’une part qu’il existait
une différence entre ce créancier et les autres créanciers gagistes ordinaires
et d’autre part, que la procédure de réalisation du gage sur fonds de
commerce était soumise à un contrôle de régularité de la procédure par le
président du tribunal de commerce ainsi qu’à une information répétée du
créancier au débiteur gagiste sur fonds de commerce.
Il ressortait de cet arrêt que les règles de procédure et le contrôle du
juge constituaient des gardes fous essentiels autorisant une réalisation sans
titre exécutoire26.
Il restait qu’à l’époque où a été rendu cet arrêt, aucun contrôle
judiciaire a priori n’existait en ce qui concerne le gage ordinaire. C’est
cette lacune que la nouvelle loi a comblé en introduisant la saisine a priori
du juge des saisies qui aux termes de l’article 54 est compétent pour :
« trancher tout litige pouvant survenir dans le cadre de la mise en
œuvre de la réalisation ».
B.- Compétences du juge des saisies
27.- Ratione materiae, le juge des saisies s’est vu doter de
compétences nouvelles aux termes de la Loi du 24 juin 2013 relative à la
modification de deux dispositions du Code judiciaire étant les articles 633
et 1395.
1° Compétence a priori
28.- Aux termes des articles cités ci-dessus, le juge des saisies
devient compétent pour trancher toutes les demandes touchant aux sûretés
réelles mobilières et au registre des gages, sauf à l’égard d’un constituant
consommateur.
26
Pour une approbation de cette jurisprudence, voir F. Georges et Ch. Musch, « Développements
récents en matière de garanties mobilières et de cautionnement, in L’Entreprise en difficultés, JB 2012,
p. 71 et s.
17
Sa compétence a priori tient son efficacité de la suspension de la
réalisation du gage que la saisine du juge entraîne.
L’effet suspensif constitue une réponse à l’observation du Conseil
d’Etat quant au caractère :
« exorbitant du droit commun reconnu au créancier de procéder
sans titre exécutoire et sans contrôle préalable à la réalisation du
gage »27.
29. Le juge sera saisi soit par citation soit par une requête
contradictoire, conformément aux articles 1034bis et suivants du Code
judiciaire.
Sa décision est rendue au provisoire, d’une part et n’est pas
susceptible d’opposition au d’appel, d’autre part. La décision sera donc
soumise au seul contrôle de la Cour de cassation.
En instituant ce contrôle a priori du juge des saisies, certes souhaité
par la doctrine28, le législateur de 2013 n’a pas suivi l’option prise par la
loi du 14 décembre 2004 en matière de sûretés financières dont l’article 8
reconnaît au débiteur, voire à tout intéressé, le droit de saisir le juge
exclusivement pour contester a posteriori le mode de réalisation du gage.
Par conséquent, la question est posée de la justification du
« traitement différencié » 29 introduit par la Loi de 2013 au regard du sort
du créancier gagiste, selon qu’il relève de la Loi de 2013 ou de celle sur les
sûretés financières, laquelle concerne des enjeux financiers généralement
plus importants que ceux relevant de la Loi.
27.3.- De troisième part, ratione loci, c’est le juge du domicile du
constituant qui est compétent, sauf si celui-ci est inconnu ou installé à
l’étranger, auquel cas ce sera celui du domicile du créancier gagiste (art.
633, al. 3 Code judiciaire).
27
Avis du Conseil d’état, Doc (53) 2463 (2464)/001, p. 116.
Confer, F. Georges et Ch. Musch, op. cit. Aussi on comprend mal les réserves émises aujourd’hui par
M. Georges sur la contrariété injustifiée à la loi de 2004.
29
F. Georges, op.cit., p. 350, n° 58.
28
18
28.- Le mode de réalisation peut être convenu par les parties au
moment de la conclusion de la convention de gage ou ultérieurement (art.
47, al. 6).
La réalisation doit en tout état de cause être effectuée de bonne foi et
d’une manière économiquement justifiée (art. 47, al. 3), ce qui constituera
la base du contrôle a priori du juge.
Nous partageons les réserves de la doctrine quant au caractère vague
des critères de réalisation retenus par le législateur en sorte que grand est le
risque d’ouvrir un nouveau contentieux.
Pour éviter de telles incertitudes, le Conseil d’Etat avait suggéré que
l’objet de l’action visée à l’article 54 soit limité à30 :
« l’exigibilité de la créance (le débiteur est-il en défaut de
s’exécuter) et sur le caractère économiquement justifié du mode de
réalisation ».
2°.- Compétence a posteriori
29.- Conformément à l’article 56, le juge des saisies peut également
être saisi a posteriori pour connaitre de toute :
« contestation sur le mode de réalisation ou sur l’affectation du
produit ».
Le vocable de « mode de réalisation » s’identifie selon nous, à celui
de « mise en œuvre de la réalisation » auquel il est recouru à l’article 54, en
sorte que le problème déjà identifié quant à l’imprécision des litiges
susceptibles d’être portés devant le juge des saisies se pose dans les mêmes
termes quant à sa compétence a posteriori.
L’action dans le cadre d’un contrôle a posteriori peut être introduite
(i) par toute « partie intéressée », (ii) par citation ou par requête
contradictoire, (iii) au plus tard dans l’année suivant la notification par
envoi recommandé de la fin de la réalisation aux personnes visées à
30
Monsieiur Dirix soutient que ces deux paramètres doivent circonscrire la saisine du juge a priori.
19
l’article 48. Le délai d’un an est un délai préfix, en sorte qu’il est prescrit à
peine de déchéance31.
Le mode d’introduction de l’action est similaire à celui du contrôle a
priori (supra) .
B.- Distribution
30.- L’article 55 règle la distribution du produit de réalisation. Il
stipule que ledit produit est imputé sur la créance garantie et les frais
raisonnables de réalisation.
S’il y a plusieurs créanciers gagistes, le produit net est partagé entre
eux selon leur rang.
Le solde éventuel revient au constituant de gage.
Cette règle devient un principe général applicable à toute sûreté visée
par la Loi, et la question se pose de son extension à d’autres mécanismes
faisant usage du droit de propriété à titre de garantie (infra).
III.6.- CONFLITS DE RANGS
A.- La règle de l’antériorité
31.- Conformément à l’article 57, le créancier gagiste est payé par
priorité :
« à tous les autres créanciers sur le produit des biens grevés du
gage, sans préjudice des articles 21 à 26 de la Loi hypothécaire »32.
En ce qui concerne plus spécifiquement le conflits entre le créancier
gagiste et le créancier hypothécaire ou privilégié sur les immeubles, la
31
Exposé des motifs, p. 62.
Étant les privilèges mobiliers : (i) frais de justice ; (ii) frais de conservation prime les privilèges
antérieurs ; (iii) gagiste, privilège de l’aubergiste et du voiturier prime le vendeur de l’objet mobilier ;
(iv) abrogé ; (v) frais funéraires prime tout sauf (i) (ii) & (iii) ;
32
20
disposition susvisée fait écho à l’enseignement de la jurisprudence de la
Cour de cassation issu de l’arrêt du 26 septembre 1972. Après avoir admis
que la gage sur fonds de commerce comprend les immeubles par
destination et partant qu’un conflit peut naitre avec le créancier
hypothécaire, la Cour a décidé que le concours se réglait en fonction des
dates d’inscription des sûretés.
L’article 57, vu l’abrogation de la loi de 1919 vise non plus
l’inscription mais l’enregistrement du gage, mais fait une application de la
règle dégagée par la Cour de cassation.
32.- La règle de l’antériorité souffre cependant certaines exceptions
au profit des créanciers qui bénéficient d’une « superpriorité » introduite
par l’article 58 qui prévoit que :
« Un gage basé sur un droit de rétention pour une créance en
conservation de la chose prime tous les créanciers gagistes.
Sous réserve de l’alinéa 1er, le vendeur impayé qui s’est réservé la
propriété, le vendeur privilégié et le privilège du sous-traitant
priment les créanciers gagiste».
1° Le rétenteur (art. 58 al 1er33.1.- Pour rappel, aux termes de l’article 20, 4° Loi hypothécaire :
« sont privilégiés sur certains meubles les frais faits pour la
conservation de la chose ».
La chose conservée peut être un bien meuble corporel33 ou incorporel
(une créance), elle doit être individualisée, identifiable et enfin être restée
dans le patrimoine du débiteur, pour que le privilège puisse s’exercer34.
D’autre part, la prestation donnant naissance au privilège peut être de
nature matérielle ou intellectuelle.
33
Confer controverse quant à la possibilité que le bien conservé soit une universalité comme un fonds
de commerce.
34
M. Grégoire, « Publicité foncière , Sûreté réelles et Privilèges », Bruxelles, Bruylant 2006, p. 332
21
L’article 58 ne modifie pas le privilège tel que énoncé par la Loi
hypothécaire. Toutefois, en reconnaissant au créancier conservateur qui a la
rétention de la chose conservée un super- privilège, c’est au droit de
rétention que le législateur donne des lettres de noblesse.
Le droit de rétention visé par l’article 58 est celui relatif à une
créance ayant un lien direct avec la chose retenue. La connexité entre la
créance et la chose est dans ce cas matérielle ou objective, par opposition à
la connexité juridique qui concerne des obligations nées dans le cadre d’un
même rapport synallagmatique.
Avant d’être reconnu par la Loi comme une véritable sûreté, la
doctrine conférait déjà ce statut au droit de rétention fondé sur la seule
connexité matérielle :
Il « se rapprocherait du droit réel et s’apparenterait (…) aux
sûretés »35.
Toutefois, la doctrine avait été au-delà, admettant que le droit de
rétention puisse valablement être opposé en cas de connexité juridique
entre la créance et le bien, soit que celle-ci soit issue d’un même rapport
synallagmatique.
2° le vendeur impayé (58 al 2)
33.2.- L’art. 58 prévoit que le vendeur impayé, qu’il dispose du
privilège de l’article 20, 5°LH ou qu’il se soit réservé la propriété du bien
vendu, prime le créancier gagiste sur les biens assiette de leur privilège et
qui sont également celle du gagiste.
Le créancier gagiste visé par la disposition est également le gagiste
sur fonds de commerce.
A cet égard, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10
novembre 196736 , avait déjà décidé que pour l’application de l’article 23,
al. 1er de la Loi hypothécaire37 - qui vise le concours entre le créancier
35
A-M Stranart, « Les Sûretés », p. 12
Cass. 10 novembre 1967, Pas., 1968, I. p. 343.
37
« le créancier gagiste (…) est préféré au vendeur de l’objet mobilier qui lui sert de gage, à moins qu’il
n’ait su en le recevant que le prix en était encore dû ».
36
22
gagiste et le vendeur d’objets mobiliers - le créancier gagiste sur fonds de
commerce devait être assimilé au créancier gagiste ordinaire.
Cet arrêt, ainsi que plusieurs arrêts successifs rendus le 28 septembre
197238, ayant trait au concours entre un vendeur impayé et un créancier
gagiste sur le fonds de commerce, avaient décidé que dès le dépôt de sa
facture, conformément à l’article 20, 5° de la Loi hypothécaire ancien, le
vendeur primait le créancier gagiste qui était considéré comme ayant
nécessairement connaissance de la situation du bien engagé.
Cette primauté est à présent consacrée par la Loi de 2013.
Néanmoins, le législateur a maintenu l’article 23 et partant la
préférence du créancier gagiste à moins qu’il n’ait su que le bien reçu était
impayé.
Le maintien de cette disposition est un non-sens puisqu’au regard de
l’article 58 on ne voit pas comment on pourrait maintenir l’article 23.
3° le sous-traitant (58 al 2)
33.3.- Le sous-traitant, bénéficie déjà du privilège de l’article 20,12
LH39, doublé d’une action directe40, cette dernière, certes, ne peut plus être
mise en œuvre après la naissance d’un concours41.
Par arrêt rendu le 25 mars 2005, la Cour de cassation a tranché le
concours de privilèges entre celui du sous-traitant et celui du créancier
gagiste sur fonds de commerce42 en faveur du premier, par application de
l’article 13 LH qui prévoit qu’entre les créanciers privilégiés, la préférence
se règle par la différence de qualité des privilèges.
38
Cass., 28 septembre 1972, Pas., 1973, I., p. 103.
Introduit par une loi du 19 février 1990
40
Ph. Gérard & J. Windey, « Action directe des sous-traitants, faillite et concordat judiciaire : à
contrecourant » in Hommage à L. Simont, Bruylant 2002, p 385 : nous écrivions que rien ne s’oppose à
ce que le législateur confère à une catégorie de créancier une double protection sous la forme d’une
action directe et d’un privilège spécial en s’appuyant sur l’arrête rendu par la Cour de cassation le 6
octobre 2000 en matière d’action directe du tiers lésé contre l’assureur de responsabilité.
41
Ph. Gérard & J. Windey op cit. cette opinion a été depuis confirmée par la Cour de cassation
42
Dont le gage a été inscrit avant la naissance de la demande du sous-traitant.
39
23
L’article 58 consacre l’enseignement de la jurisprudence de la Cour
de cassation en reconnaissant un super-privilège au sous-traitant. En ce qui
concerne les modalités d’exercice du privilège , il convient de se référer à
l’article 20, 12°LH qui est resté inchangé
M. DERIJKE s’interroge sur la constitutionnalité de cette préférence
reconnue au sous-traitant dès lors qu’il n’est qu’un parmi d’autres
prestataires de services que la défaillance de son débiteur mettrait en
difficulté43.
IV.
LA RESERVE DE PROPRIETE
34.- L’article 69 reprend la substance de l’article 101, alinéa 2 de la
loi du 8 août 1997 sur les faillites, lequel a été abrogé par l’article 106 de
la loi du 11 juillet 2013.
Conformément à cette disposition, la clause de réserve de propriété
permet au vendeur de revendiquer le bien en cas de défaut de paiement par
l’acheteur à condition qu’elle soit constatée par écrit au plus tard au
moment de la délivrance du bien.
L’exigence de l’écrit est ainsi une condition d’opposabilité de la
clause de réserve aux tiers.
Notons que si l’acheteur est un consommateur, son accord quant à la
clause de réserve de propriété doit apparaître de l’écrit.
35.1.- L’enregistrement de la clause de réserve de propriété dans le
registre des gages n’est pas obligatoire pour en assurer son opposabilité,
l’écrit précité étant suffisant.
Par contre, l’article 71 prévoit qu’en cas d’immobilisation par
incorporation des biens vendus, la réserve de propriété n’est maintenue
qu’à la condition de son enregistrement au registre des gages.
L’enregistrement sera donc utile en cas de conflit avec un créancier
hypothécaire qui procéderait à une saisie immobilière sur les biens objets
de la réserve de propriété.
43
W. Derijcke, op. cit., p.711.
24
Relevons que le régime de la clause de réserve de propriété assure
une protection plus large que celle du privilège du vendeur, lequel n’est
valable que pendant une durée de 5 ans à compter de la livraison.
35.2.- En vertu de l’article 69, la réserve de propriété n’est plus
rattachée au seul contrat de vente mais peut assortir un contrat d’échange,
un apport ou un achat entreprise mixte44.
A cet égard, il semble ressortir de la philosophie de la Loi, que la
règlementation en matière de réserve de propriété devrait marquer « la
ligne à suivre pour d’autres cas où le droit de propriété est utilisé comme
un instrument de sûreté »45, la réserve de propriété ayant été conçue par le
législateur comme « un droit de sûreté à part entière »46, ce qui n’était pas
le cas jusqu’ici.
La Cour de cassation dans un arrêt du 7 mai 2010, relatif à l’exercice
d’une clause de réserve de propriété dans le cas d’un règlement collectif de
dette, avait en effet considéré que :
« il n’existe pas de principal général du droit de l’opposabilité de la
clause de réserve de propriété en cas de concours »
Dans la foulée de cette approche fonctionnelle, la loi rend applicable
à la réserve de propriété les dispositions relatives au gage contenues dans
les articles 9, 18 et 20 qui consacrent :
 le bénéfice de la subrogation réelle au créancier gagiste,
 le maintien de son privilège en cas de la transformation de la chose
gagée47
 le maintien de son privilège en cas de confusion.
44
Doc Ch n° 53.2463/003 ; Georges op cit p. 357 ; Dirix
Exposé des motifs p ; 69 . Approche fonctionnelle admise par F. Georges, op. cit. p.357. s Derijke op
cit p. 718, n° 126
46
Exposé des motifs p. 30
47
Le débiteur peut transformer le bien gagé à condition d’y être autorisé. En cas d’exécution, le
créancier a un droit sur le nouveau bien né de la transformation (supra)
45
25
36.- La Loi de 2013 en abrogeant l’article 101 alinéa 2 de la loi sur
les faillites et en le déplaçant vers le Code civil, le législateur a voulu
généraliser la reconnaissance de la réserve de propriété à tous les cas de
concours et non plus seulement aux cas de la faillite.
37.- Interdiction d’enrichissement. Toujours dans le même esprit,
appliquant la volonté du législateur de ramener à la portée d’un gage tout
mécanisme ayant eu pour effet de constituer une sûreté réelle mobilière,
l’article 72 dispose que :
« Le vendeur impute la valeur du bien repris sur sa créance.
Si cette valeur excède le montant de la créance, le vendeur est tenu
de verser le solde à l’acheteur».
La portée de cette disposition risque de poser question, quant à
l’institution du leasing (infra)
38.- Compétence judiciaire. La clause de réserve de propriété étant
désormais sans contestation possible, une sûreté réelle au sens légal du
terme, le contrôle de sa mise en œuvre relève de la compétence matérielle
que le juge des saisies puise dans l’article 1395, al. 3 nouveau du Code
judiciaire.
V.-
LE DROIT DE RETENTION
39.- Le législateur ne réforme pas la théorie du droit de rétention
mais en fixe la portée et l’érige, tout comme la réserve de propriété, en une
sûreté réelle.
Conformément à l’article 73 :
« Le droit de rétention confère au créancier le droit de suspendre la
restitution d’un bien qui lui a été remis par son débiteur ou qui est
destiné à son débiteur tant que sa créance relative à ce bien n’est
pas exécutée. »
Cette disposition doit être mise en regard de l’article 74 qui précise
que :
26
« Le droit de rétention prend fin dès que le créancier abandonne
volontairement la détention du bien, sauf si le créancier retrouve
cette détention dans le cadre du même rapport juridique ».
L’article 73 met l’accent sur le nécessaire lien de connexité entre le
bien retenu et la créance du rétenteur, semblant considérer qu’il n’y a droit
de rétention conforme à la Loi qu’en cas de connexité matérielle et
objective.
La créance doit être issue d’une prestation relative au bien.
Comme dit plus haut, la pratique a depuis longtemps admis
l’opposabilité du droit de rétention dans le cadre plus large d’un rapport
synallagmatique, ce qui autorise l’excipiens à refuser de remettre la chose
qu’il détient en vertu de ce rapport pour obtenir le paiement d’une créance
née à l’occasion de celui-ci48. Dans cette approche, la nécessité du lien
entre la créance et la chose disparait, la simple connexité juridique
justifiant l’expression du droit de rétention.
Le droit de rétention basé sur la connexité juridique impose
néanmoins la corrélation entre les prestations réciproques du rétenteur et du
débiteur fondant également l’exception d’inexécution, dont le droit de
rétention ainsi conçu se distingue peu il est vrai, comme la doctrine l’a
souligné 49.
39.2.- Il faut désormais considérer que le droit de rétention sûreté,
organisé par la Loi, ne concerne que la rétention fondée sur une connexité
objective.
Les termes de l’article 74, qui redonnent certes vigueur au droit de
rétention lorsque le rétenteur retrouve la détention dans le cadre du même
rapport juridique, n’autorisent toutefois pas, à notre avis, d’y puiser la
reconnaissance d’une droit de rétention basé sur un lien de connexité
juridique, puisque la notion de rétention portée à l’article 73 reste
inchangée.
48
A.M Stranart, op.cit., p. 11 et J.L. Fagnart, Recherche sur le droit de rétention et l’exception
d’inexécutions, note sous Cass. 7 ocotbre 1976, RCJB, 1979, p. 5 et suivantes.
49
A_M Stranart ; Fagnart et Drix in Privilège et hypothèques , supplément 15 du 15 octobre 2004, p. 58,
lequel considère qu’en cas de connexité juridique on ne pourrait parler de droit de rétention mais d’une
application de l’exceptio non adimpleti contractus
27
Est-ce à dire que le droit de rétention basé sur la connexité juridique
aurait disparu de notre arsenal, nous ne pensons pas, tout en croyant que
dans une telle hypothèse l’accent sera mis sur l’aspect exception
d’inexécution, d’une part et que persistera alors l’impasse quant à la
réalisation du droit, d’autre part.
40.- Le droit de rétention, grâce à la possession, est opposable par le
rétenteur, non seulement au débiteur de la créance garantie par le droit de
rétention mais aussi aux créanciers de ce dernier ainsi qu’aux tiers ayant
acquis un droit sur le bien après que le créancier ait obtenu la détention du
bien50.
41.- En conclusion, la nouveauté réside dans la reconnaissance du
droit de rétention, au sens limité décrit plus haut, comme une sûreté à part
entière, en sorte que le rétenteur dispose d’un droit de préférence identique
à celui d’un créancier gagiste (article 76).
Avec un bémol puisqu’il n’en devient pas pour autant un gage dans
tous ses effets. .
En effet, le rétenteur qui veut réaliser le bien en sa possession doit
préalablement obtenir un titre exécutoire51 . Aussi, si le gage devient la
référence commune, toutes les caractéristique de cette sûreté ne sont pas
comme telles applicables aux autres sûretés reprises dans la Loi.
VI.- APPLICATION AU LEASING FINANCIER
VI.1.- SUR LA NATURE JURIDIQUE DU CONTRAT DE LEASING
50
Il est également opposable aux tiers ayant un droit plus ancien, à condition qu’au moment de la
réception du bien, le créancier ait pu supposer que le débiteur disposait du pouvoir de soumettre ce
bien à un droit de rétention (article 75). Appliquée au contrat de leasing, cette disposition entérine la
jurisprudence en la matière qui reconnaissait déjà l’opposabilité du droit de rétention du réparateur au
50
50
propriétaire d’un véhicule donné en location , sauf mauvaise foi du rétenteur . En revanche, à défaut
de lien de droit avec la société de leasing, le réparateur ne saurait agir contre cette dernière.
51
Derijcke op cit p. 31.
28
42.- Par un arrêt du 17 juin 199352, la Cour de cassation a analysé le
leasing comme un contrat sui generis indivisible, concernant une opération
de crédit, rejetant l’existence d’une superposition de contrats de location et
de vente, même s’il est acquis que l’opération fait naitre un rapport
triangulaire qui tisse des liens entre l’entreprise prêteuse, le crédité et le
vendeur du bien et qu’elle engendre la conclusions de plusieurs contrats53 .
Cet arrêt peut être lu avec celui du 8 novembre 2002 sur lequel nous
reviendrons54 et dont se dégagent les mêmes principes quant à la nature du
contrat de leasing.
M. FORIERS55, se référant expressément à l’enseignement de l’arrêt
du 17 juin 1993, a très bien défini le contrat de leasing comme étant :
« Une opération originale distincte d’un bail, même si elle en
emprunte la forme. Il s’agit d’une opération financière, « le loyer »56
n’étant pas la contrepartie de l’usage de la chose « leasée », mais
bien du financement consenti par le lessor »
Plus récemment, il a écrit que :
« la Cour de cassation paraît considérer le contrat de leasing
davantage comme un contrat unique que comme un contrat complexe
ou un groupe de contrats distincts »57.
A ce propos, l’auteur admet que les relations entre le fournisseur, le
lessor et lesse sont à ce point généralement imbriquées que « l’on pourrait
y voir un contrat multipartite unique » sans que cela ne modifie les
conséquences attachées au contrat de leasing.
52
Pas. 1993, n°291 et note Herbots sous l’arrêt in RCJB 1996, p. 227
le contrat de leasing à proprement parler, d’une part, et d’autre part, les contrats passés en exécution
des obligations assumées dans le contrat de leasing (achat du bien, vente ou relocation, etc voir
notamment Herbots op cit n° 5.
54
Pas, 2002, I, n° 594
55
« Groupe de contrats et ensembles contractuels. Quelques observations en droit positif », Chaire
Franqui, 2004- 2005, KUL, LGDJ, p. 74.
56
Cette position justifie qu’en matière de leasing immobilier, la Cour de cassation ait admis qu’il soit
dérogé au droit de résiliation triennal du preneur dans les locations financement ayant emprunté la
forme d’un bail commercial (cité par Foriers, Chaire Franqui, op cit p. 74). La loi du 30 avril 1951, écrit
l’éminent auteur, se saurait « pénétrer » le contrat de leasing.
57
Examen de jurisprudence, “contrats spéciaux”, in RCJB 2014, n° 4, p. 552 ; dans le même sens F.
Bruyns, « La location financement ou leasing mobilier (1993-1998) », JT, 1999 p. 201 ; voir également sa
chronique relative aux années 1999 à 2003, JT 2004, p. 605 et s.
53
29
VI.2.- SUR L’INCIDENCE DE LA LOI SUR LES EFFETS DU CONTRAT DE
LEASING FINANCIER
43.- La question qui se pose est de savoir si le leasing financier est
soumis à la Loi.
Selon M. DIRIX, l’approche fonctionnelle telle que prônée par les
rédacteurs de la Loi, voudrait que le lessor soit assimilé à un vendeur
disposant d’une réserve de propriété, considérant que dans les deux
situations, la propriété du bien est détenue essentiellement à titre de sûreté.
On serait en présence d’une notion de « droit de gage générique »58.
Il invoque les travaux préparatoires qui énoncent ;
« les figures de sûretés analogues reçoivent les mêmes effets
juridiques indépendamment de leur différences conceptuelles»59.
Pareillement, M DERIJKE a écrit:
« Le gage se voit confirmer la qualité de sûreté réelle étalon. Toute
tentative de création de suretés réelles mobilières nouvelles,
spécialement fondées sur le droit de propriété, se verra confinée à un
droit de gage ».
Cette analyse aurait pour effet que la règle suivant laquelle le
créancier ne peut tirer plus d’avantage de la non- exécution d’une
convention que de son exécution normale serait applicable au leasing.
Le lessor serait nécessairement soumis, sans plus de discussion à
l’interdiction d’enrichissement en cas de réalisation du bien donné en
leasing, prévue formellement à l’article 72 de la Loi.
58
59
Op cit., p. 14.
Op. cit., p. 11.
30
44.- Au soutien de son analyse, M. DIRIX invoque l’enseignement
de la jurisprudence en matière de réserve de propriété, d’une part et celui de
l’arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2002 en matière de leasing,
d’autre part.
En ce qui concerne la matière de la vente avec réserve de propriété,
l’éminent auteur rappelle qu’il est admis que le solde du prix d’achat soit
comparé à la valeur des biens repris. Si cette dernière excède le solde du
prix d’achat restant à payer, le vendeur est tenu au remboursement du
surplus, à l’instar du créancier gagiste (art. 55 – gage- ; 67 – gage sur
créance - ; 72 – vente avec réserve de propriété).
L’arrêt du 8 novembre 2002, relatif au cas particulier du leasing
financier a décidé quant à lui:
« il n’est pas contraire à la nature du contrat de location financement, tel qu’il est dé
clauses du contrat et sur les arriérés dus par le locataire. Pareille
imputation ne porte pas atteinte à la fonction de sûreté du contrat de
location financement ».
Partant des prémisses suivantes, soit que :
(i) la phrase de l’arrêt reconnaît à la location financement une « fonction
de sûreté »,
(ii) les dispositions de la Loi en matière de gage prévoient la restitution du
surplus au constituant du gage (articles 5561 & 67 alinéa 262),
60
1
Article 1.[ Il faut entendre par " location-financement " ou " leasing " :
1° La location-financement mobilière ou le " leasing mobilier ", caractérisé comme suit :
a) Il doit porter sur des biens d'équipement que le locataire affecte exclusivement à des fins
professionnelles.
b) Les biens doivent être spécialement achetés par le bailleur, en vue de la location, selon les
spécifications du futur locataire
c) La durée de la location fixée au contrat doit correspondre à la durée présumée d'utilisation
économique du bien.
d) Le prix de la location doit être fixé de manière à amortir la valeur du bien loué sur la période
d'utilisation déterminée au contrat.
e) Le contrat doit réserver au locataire la faculté d'acquérir en fin de bail la propriété du bien loué,
moyennant un prix fixé dans ce contrat, qui doit correspondre à la valeur résiduelle présumée de ce
bien. Rem : il est accepté aujourd’hui que l’AR ne contient pas les critères permettant de qualifier le
contrat de leasing. Il réglemente les conditions d’exercice de l’activité.
61
« le solde éventuel revient au constituant du gage »
62
« le créancier gagiste impute les montant perçu sur la créance garantie (…) et verse le solde au
constituant du gage »
31
(iii) l’article 72 de la Loi relatif à la vente avec réserve de propriété prévoit
une règle analogue à celle du gage,
(iv) les règles en cas de transformation, subrogation et confusion énoncées
à propos du gage s’appliquent au vendeur avec réserve de propriété, et
(v) la règle établie par l’article 23 qui prévoit que la cession de la créance
entraîne la transmission du gage, s’applique par analogie au vendeur
impayé,
M. DIRIX conclut que la Loi s’appliquerait incontestablement à toutes
« les formes de sûretés qui ne sont pas couvertes par la loi sur le gage »63 .
Cette approche liée au caractère fonctionnel de la Loi serait « la
seule qui assure la cohérence de notre système ».
45.1.- Cette analyse peut être mise en rapport avec celle faite par
Monsieur N. VAN OEVELEN eu lendemain de l’arrêt précité du 8
novembre 2002, qui concluait déjà que dans le cadre d’un leasing financier,
la propriété juridique du lessor avait un « caractère fonctionnel », en ce
sens qu’elle sert uniquement de garantie/de sûreté de l’opération de
financement.
Aussi, sur ces bases, cet auteur avait estimé que la règle suivant
laquelle « l’exercice par le créancier de sa sûreté ne peut pas l’enrichir »,
s’appliquait mutatis mutandis au contrat de leasing en sorte qu’il convenait
d’imputer le produit de la chose donnée en leasing sur les indemnités
revenant au lessor64 et l’on doit comprendre que dans la foulée de cette
analyse, l’auteur laissait entendre que le surplus éventuel devait revenir au
lessee -, cela n’est pas expressément dit-.
Déjà avant l’arrêt de cassation de 2002 et le commentaire précité, la
Cour d’appel de Bruxelles avait décidé, dans un arrêt rendu le 31 mars
199265, que même lorsque le lessor déduisait spontanément le prix de vente
du bien, de l’indemnité forfaitaire prévue au contrat, consistant en le
paiement de tous les loyers à échoir jusqu’à la fin de celui-ci, celle-ci
63
Pages 10 à 13
En ce sens voir également Bruxelles, 23 juin 1999 ; Bruxelles 28 mars 2000 et Gand 8 février 2001,
citées par Bruyns, « Chronique » in JT 2004, n° 38 qui critique cette approche
65
JT 1992, p. 640.
64
32
procurait au bailleur un bénéfice manifestement plus important en cas de
résiliation que dans l’hypothèse d’une exécution normale du contrat.
Par l’usage de cette formule il faut admettre que la Cour rejetait
implicitement le maintien du surplus du prix de vente en faveur du lessor .
45.2.- Certes certaines décisions rendues en premier degré de
juridiction avaient statué en sens contraire 66 ainsi que la Cour d’appel de
Mons dans un arrêt rendu le 30 décembre 199967.
Dans cette espèce, le lessor avait reloué le bien après la défaillance
du lessee, lequel entendant bénéficier de la différence entre le produit de la
relocation du bien et les sommes dues par elles au lessor au titre
d’indemnité de relocation. La Cour a rejeté cette demande, considérant
qu’il n’y avait aucun enrichissement sans cause dans le chef de ce dernier,
qui avait renoncé à percevoir l’indemnité de résiliation, et décidé de
conclure un nouveau contrat de leasing.
Pareillement, une fraction de la doctrine considérait qu’eu égard à la
nature particulière de l’opération, qui faisait que le lessor restait le
propriétaire du bien jusqu’à la levée de l’option, la plus-value éventuelle
réalisée lui sur la vente du bien loué, en cas de résiliation anticipée, devait
lui rester acquise peu important que cette propriété soit analysée comme
une sûreté 68
Nous analysons dans le même sens la position prise par Madame
LINSMEAU 69 qui certes considère qu’il est logique que le produit de la
revente du matériel soit portée au crédit du lessee, mais ne laisse pas
entendre que le lessor serait contraint de restituer à ce dernier le surplus de
la revente, dans la mesure où elle analyse le prix de leasing comme
correspondant à un investissement et non à une jouissance du bien, nous
ajoutons par opposition à la vente à tempérament.
46.1.- Il ressort de ce bref rappel de la jurisprudence et de la doctrine
antérieures à la Loi, que la question de l’attribution au lessor du surplus du
66
Comm Charleroi 21 mai 1999 et JJP La Roche en Ardenne 4 avril 200,
JT 2001, p. 70, et note Bruyns, « A qui revient le produit de réalisation du matériel donné en leasing à
un locataire défaillant » ?
68
Bruyns JT 2001 op cit p. 71
69
In Traité pratique du droit commercial, T V, p. 351
67
33
prix de vente était déjà controversée, indépendamment de savoir si le
leasing à un vente avec réserve de propriété.
Aujourd’hui, il est constant que la Loi ne vise pas expressément le
contrat de leasing.
Pourtant, l’un des promoteurs de celle-ci, Monsieur DIRIX estime
qu’elle devrait être appliquée au contrat de leasing pour les motifs déjà
exposés.
Certes, l’article 69, alinéa 3 de la Loi étend le bénéfice du droit de
revendication du vendeur avec réserve de propriété à tout contrat quelle que
soit sa nature.
Cette disposition selon nous, est subordonnée à l’existence d’un
clause de réserve propriété laquelle n’est pas consubstantielle du contrat de
leasing.
Certes, de nombreux contrats la contiennent sans doute pour protéger
le lessor du non- paiement du prix de l’option en cas de levée de celle-ci70.
Aussi, cette seule disposition ne justifie pas l’extension.
D’autre part, lessor est depuis le départ le propriétaire du bien, d’une
part, et le lessee n’a aucune obligation, in fine d’acquéreur le bien – soit de
lever l’option -, d’autre part.
Enfin, les dispositions de la loi qui concernent (i) la subrogation, (ii)
la transformation et la (iii) confusion, communes au gage et à la vente avec
réserve de propriété sont inapplicables à la matière du leasing.
Aussi, parler d’un tronc commun à tous les cas de sûreté impliquant
la propriété emporte une application byzantine de la Loi.
47.2.- Notons qu’en droit français, une doctrine autorisée71 considère
que : bien que le leasing ait en commun avec la réserve de propriété l’usage
70
Nous pensons que cette pratique risque d’avoir des effets négatifs en sorte que les clauses de réserve
de propriété devraient prévoir qu’elle ne jouent que lors de l’exercice du droit d’option, lequel
n’emporte transfert de propriété qu’après le paiement du prix de celle-ci.
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de la propriété à titre de garantie, dans le cadre du leasing la propriété n’a
pas la nature d’une véritable sûreté mais joue uniquement
« économiquement » le rôle d’une garantie.
Le contrat de leasing se distingue de la vente avec réserve de
propriété et ce essentiellement, par l’existence d’un droit d’option en fin de
contrat qui n’est pas automatiquement levée, en sorte que le transfert de
propriété au lessee n’est pas automatique.
Or, l’absence d’automaticité du transfert de propriété est contraire au
mécanisme d’une sûreté entendue au sens strict qui en tant qu’accessoire de
la créance disparait automatiquement lorsque celle-ci est payée par le
débiteur.
Ces quelques réflexions pour conclure qu’il existe des éléments
caractéristiques du contrat de leasing qui sont de nature à, dans l’état actuel
de la Loi’, milité pour son inapplication au contrat de leasing, nonobstant le
vœux de ses promoteurs.
Novembre 2014
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R.N. Schût, Le crédit-bail, Rép. Dalloz, Tome Civ. IV, 2007, p. 12.
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