le matinal - maseratitude

Transcription

le matinal - maseratitude
LE MATINAL
Alido entrouvre une paupière, une seule. Une lueur insignifiante filtre au dessus du
volet et transforme le noir absolu de la chambre en pleine nuit en un gris très
sombre. C'est le signe discret de l'aube imminente, d'un nouveau jour à naître qui
balbutie.
C'est dimanche matin, Alido aurait pu laisser retomber sa lourde paupière et
s'accorder un supplément de sommeil tout comme son épouse, profondément
assoupie à ses côtés, ou ses enfants. Mais non, l'appel est bien trop puissant,
irrésistible, et la passion met debout notre homme.
Silencieusement habillé, sans nul besoin de café pour avoir les idées claires
(contrairement aux jours de travail), Alido referme délicatement la porte de la maison
derrière lui. L'air est encore frais à cette heure du jour, bien avant la canicule du jour,
la lumière du jour est encore blafarde.
Il enfourche son vélo, direction le garage qu'il loue à 2 minutes de chez lui. Quelle
émotion constante, fidèle, à chaque fois qu'il soulève la housse de la Ghibli. Il est
assailli d'images hautement émouvantes. L'arête du coffre, le renflement des ailes,
les grilles d'aération sur le capot sont autant de chocs visuels, d'accélérations
cardiaques. Il caresse l'auto et ne peut s'empêcher de prononcer un "Hello engine"
comme Steve Mac-Queen saluant son moteur dans "la canonnière du Yang-Tsé"
Alido réveille la Ghibli au petit matin ! Ecouter ce moteur s'animer, respirer, vivre,
transmettre sa vibration à l'homme émerveillé, à l'air, aux voisins (Ca c'est parfois
plus complexe !)
Tout à leur rêve, l'homme et la machine s'éloignent, lentement le fauve s'échauffe. Ils
ont rendez-vous avec le lever du soleil, là-bas au bout de la corniche, dans la baie
d'Agay. Pas un touriste, pas encore de baigneur, une légère brume sur la mer, un
"pointu" qui rentre en glissant sur une eau toute lisse et calme.
Alido connaît la corniche et ses visages par coeur, la Ghibli est préte à libérer son
énergie, muis pourtant enchaîne les courbes en toute souplesse, par des ébauches
de relances, puissantes mais brèves, elle suggère son énorme potentiel sans pour
autant le libérer. Tout à fait excitant !
Au détour d'un ultime virage, près de la villa de Colette et avant le fief de SaintExupery, c'est la baie d'Aga qui s'ouvre à eux et les embrasse. Alido mène a Ghibli (à
moins que ce ne soit l'inverse) sur un petit parking aménagé à cet endroit pour les
touristes et désert à cette heure.
Ensemble l'homme et sa machine regardent le soleil se lever au dessus de la
Méditerranée, tout contre les roches de l'Esterel, comme une renaissance
perpétuelle, la force irréversible d'un nouveau jour.