La centrifugeuse a vingt ans
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La centrifugeuse a vingt ans
R A P P O R T D ’A C T I V I T É 2 0 0 4 GRANDES RÉUSSITES La notion de modèle, est couramment utilisée en physique et en mécanique pour désigner toutes les figurations ou reproductions qui servent les besoins de la connaissance. Le modèle peut être théorique, numérique ou physique et il doit reproduire les propriétés et le comportement de l’objet, de la structure ou de l’ouvrage réel. 96 LA CENTRIFUGEUSE GÉOTECHNIQUE A VINGT ANS Le modèle physique, maniable et de taille réduite, peut être soumis à des essais, des tests physiques et des mesures plus difficilement réalisables sur des éléments de grandes dimensions. Placer des modèles réduits de ponts métalliques dans une centrifugeuse pour y reproduire les mêmes états de contraintes que ceux qui règnent dans l’ouvrage en vraie grandeur est une idée française qui remonte à 1869 (E. Philips). Les premières applications à la géotechnique sont plus récentes (Bucky aux USA, Pokrovski en URSS vers 1930). Le parc mondial des centrifugeuses géotechniques civiles n’a réellement commencé à s’équiper qu’à partir des années 1970-1980, en parallèle avec la miniaturisation de l’instrumentation et le développement de la micro-électronique et de la micro-informatique. Si le principe de l’utilisation des modèles réduits en géotechnique est assez simple puisqu’un modèle réduit au 1/100ème doit être testé sous une accélération de 100g (cent fois la gravitation terrestre), la réalisation des essais nécessite un savoir-faire et du matériel adapté, toutes les actions sur le modèle devant en effet s’opérer à distance depuis le poste de commande. Après une phase prospective menée par G. Pilot (1975), c’est sous la direction de J.F. Corté que la centrifugeuse du LCPC a été portée sur les fonds baptismaux. Inaugurée en décembre 1985 par H. Curien, alors Ministre de la Recherche, elle va prochainement fêter ses vingt ans. Avec un rayon de 5.5 m, cette installation de grande capacité permet de soumettre un modèle de 2 tonnes à une accélération de 100g (figure 1). Cet anniversaire est aussi celui d’un succès pour la PME francilienne Actidyn Systèmes S.A. (à l’époque Acutronic), qui réalisait alors un équipement prototype et qui est aujourd’hui leader mondial, la moitié des 25 centrifugeuses de grand rayon actuellement en service dans le monde étant de fabrication Actidyn. Ces presque 20 années écoulées (et plus de 6200 heures de rotation), ont vu l’activité de modélisation physique se développer au LCPC, grâce au soutien constant des directions du Laboratoire et grâce aux compétences d’une équipe qui a pu rester assez stable. Les premières contributions du Laboratoire ont porté sur la reconstitution des massifs de sol (bâti de consolidation, trémie automatique de pluviation), sur leur caractérisation en cours de rotation (pénétromètre et scissomètre mobiles), sur le développement de moyens d’intervention, d’instrumentation, de visualisation (traitement numérique d’images). Tous ces équipements et dispositifs d’essais sont conçus dans une coopération très fructueuse entre la section Mécanique des Sols et Centrifugeuse (qui exploite l’installation) et le Service Métrologie et Instrumention du Laboratoire. Une convention a par ailleurs été signée avec Actidyn pour la diffusion de ces matériels développés sur la centrifugeuse du LCPC. Parmi ces moyens expérimentaux, une innovation majeure a été, à la fin des années 1990, la conception du premier robot embarqué en centrifugeuse (trois équipes dans le monde se sont depuis dotées de matériels équivalents, aux USA et à Hong-Kong). Disposant d’un changeur d’outils, fonctionnant sous 100g, le robot du LCPC permet d’effectuer différentes opérations sur le modèle sans arrêt de la machine. En 2005, un nouvel équipement va encore compléter l’installation. 97 R A P P O R T D ’A C T I V I T É 2 0 0 4 Il s’agit d’un simulateur de séismes (le premier sur une centrifugeuse européenne) qui ouvre de nouvelles perspectives. Il va être utilisé dès 2005 dans le cadre d’un programme européen portant sur l’effet des séismes sur les fondations (QUAKER, 2003-2006). Par ses travaux dans le domaine de la modélisation physique, par ses participations à l’animation scientifique : organisation de la première conférence internationale à Paris en 1988, contributions au Comité International “Physical Modelling in Geotechnics” et au lancement de la revue internationale “Physical Modelling and Testing in Geotechnics). Le LCPC joue un rôle unanimement reconnu par la communauté scientifique internationale. Trois programmes successifs financés par la Commission Européenne ont ainsi été initiés et pilotés par le Laboratoire : Stimulation (3 partenaires), Science (5 partenaires), NECER (11 partenaires). Le programme NECER était par exemple consacré à la modélisation de la migration de polluants dans les sols (figure 2). Le LCPC est l’un des cinq partenaires d’un autre programme européen, déjà évoqué ci-dessus (programme QUAKER). Des coopérations bilatérales se sont aussi 98 engagées avec différents centres : université de Bochum, LNEC de Lisbonne, université de Sao Paulo, université de Hong-Kong, laboratoire C-CORE au Canada, universités de Cambridge et de Perth. La position du Laboratoire lui vaut par ailleurs d’être retenu par les grandes compagnies et les bureaux d’études du domaine pétrolier pour d’importants programmes de recherche et d’étude sur les fondations et l’ancrage de plates-formes offshore. Une douzaine de contrats avec l’IFP, Exxon, ExxonMobil, Chevron, Total, Bouygues Offshore, Geodia, Ifremer ont concerné les caissons à effet de succion, les planchers de stabilité, les pieux de grande longueur, les fondations dans les sables calcaires. Au niveau national, le Laboratoire a contribué aux projets nationaux du RGCU : Clouterre (clouage des sols) et Forever (micropieux) et va intervenir prochainement dans le projet Inclusions Rigides. Des études plus ciblées ont été réalisées à la demande de différents donneurs d’ordre pour la conception d’ouvrages particuliers comme par exemple le remblai de protection de la RN 90 contre des chutes de blocs (DDE Savoie), les fondations de la plate-forme Genesis de Chevron ou de la plate-forme Snorre d’Exxon (figure 3), le système de fondation du pont Rion-Antirion (GDS & Vinci). Une autre partie des études sur modèles réduits est relative aux programmes du réseau LPC avec, très souvent, la participation de doctorants (25 doctorants ont eu recours à des expériences sur modèles centrifugés). Les recherches ont porté en priorité sur les fondations, les soutènements, les tunnels en terrain meuble, les renforcements de sol. Bien que d’abord conçue pour les études géotechniques, l’installation est ouverte à d’autres applications. Le Laboratoire a ainsi pu mettre ses compétences à la disposition de différentes équipes pour la réalisation d’expériences en macrogravité dans des domaines aussi variés que la tectonique des plaques (IPGP), la croissance cristalline (CNRS Meudon et Paris VI), la combustion (CNRS Meudon et Poitiers), les silos métalliques (Projet National Silos), les avalanches de grains (ECP, X-LMS), la percolation de fluide en milieu poreux (CNRS Rennes), l’électro-osmose dans les argiles (LMSGC). Comme le montre l’évolution de l’activité scientifique internationale, le recours aux modèles physiques géotechniques se fait de plus en plus courant, pour trois raisons essentielles : les progrès sur la connaissances et la maîtrise des conditions Figure 1 - Centrifugeuse géotechnique du LCPC. de similitude repoussent sans cesse les limites d’utilisation de la méthode, les développements technologiques ouvrent de nouveaux domaines (simulation de séismes, migration de polluants, simulation des phases de construction des ouvrages), l’essor considérable des modèles numériques intensifie le besoin et la recherche de données expérimentales nécessaires à leur validation et leur calage. Figure 2 - Panache de polluant atteignant la nappe phréatique. Figure 3 - Caisson à effet de succion Ancrage de la plate-forme Snorre d’Exxon. Pour en savoir plus : http://www.lcpc.fr/fr/presentation/ moyens/centrifugeuse/ 99