Retour sur l`effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996
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Retour sur l`effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996
189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 189 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 Pascal DUBOIS - Ingénieur Général des Ponts et Chaussées e.r. Résumé : Le 15 mars 1996, le tube nord du tunnel de Toulon s’est effondré en cours de creusement, provoquant la création d’un fontis. Cet article apporte quelques éléments complémentaires aux analyses antérieures, en s’appuyant sur une simulation par le calcul de la flexion des piédroits des prévoûtes en béton constituant le soutènement, jusqu’au déclenchement de la rupture. Les résultats présentés ont été établis par utilisation du logiciel aux différences finies FLAC 2D. Ils font appel à une modélisation particulière du soutènement du tunnel, de façon à prendre en compte la fissuration des prévoûtes. Ils sont l’occasion de revenir sur le comportement des revêtements de tunnels en béton non armé. Abstract: Flashback to the collapse of the Toulon tunnel on March 15th, 1996 On March 15th, 1996, the North tube of the Toulon road tunnel collapsed, causing a sink hole. This paper provides some elements -complementary to the former analysisesbased on calculating the bending value of the supporting side-walls of the concrete pre-arches until occurrence of failure. The results shown were set up by using the finite differences FlaC 2D software. They use a particular modeling of the tunnel support aimed at taking into account the fissuration of the pre-arches. They provide an opportunity to come back on the behaviour of non-reinforced concerte tunnel linings. EFFONDREMENT DU 15 MARS 1996 Les circonstances de l’effondrement ont notamment été rappelées dans le numéro 806 de la revue Travaux, consacré au creusement du tunnel [Robert et Guilloux, 2004]. Elles ne sont pas reprises dans le présent article. Rappelons simplement que la rupture s’est initiée à une trentaine de mètres en arrière du front de taille et qu’elle a été précédée par l’apparition de fissures sur le piédroit gauche des prévoûtes en béton constituant le soutènement . Les facteurs susceptibles d’expliquer cet effondrement ont été analysés dans des rapports ou articles publiés dans les années 1996-1999 (cf. notamment [Lupiac, Mair et Habib, 1997], [Dubois et Jassionnesse, 1997], [Dubois, Chantron et Dias, 1999]). Parmi les facteurs mis en cause, figure l’insuffisance du soutènement provisoire, notamment en regard d’un mode de fonctionnement défavorable des prévoûtes incomplètement pris en compte dans les calculs de dimensionnement. La mise en évidence de moments de flexion significatifs en piédroit n’avait en effet pas été jugée alarmante dans la mesure où l’on tablait sur la possibilité d’adaptation de la structure, en interaction avec le terrain, pour redistribuer les efforts. Le présent article présente une simulation par le calcul du développement de la flexion Nature du terrain Pélites brunes (inférieures) Etude de sensibilité Pélites rouge brique (supérieures) Couverture quaternaire des prévoûtes jusqu’à la rupture, basée sur l’hypothèse que le début de fissuration de celles-ci n’induit pas nécessairement de réduction du moment de flexion. RAPPEL DES CARACTÉRISTIQUES DU TERRAIN ET DU TUNNEL Le site du tunnel possède une structure géologique particulièrement complexe, les terrains traversés ayant été mis en place par des charriages de grande ampleur qui ont conduit à la superposition d’écailles et à la formation d’une série renversée [Rat et Serratrice, 2004]. A l’emplacement de l’effondrement la hauteur de couverture était pratiquement maximale (38 m). Le tunnel traversait une écaille de pélites du Permien, présentant deux faciès distincts superposés selon un contact oblique montant de gauche à droite (figure 1). Les mesures de convergence de la galerie de reconnaissance et des prévoûtes avaient montré une forte différence de module entre ces deux faciès, confirmée par les reconnaissances complémentaires effectuées de part et d’autre de l’axe du tunnel après l’effondrement. Pour la modélisation dont les résultats sont présentés dans cet article, les caractéristiques attribuées aux terrains figurent dans le tableau 1. Module (MPa) 150 200 600 Angle de frt (degrés) 25 20 25 Cohésion (kPa) 50 25 50 50 25 25 Tableau 1 : Caractéristiques des terrains TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 189 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 190 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 Figure 1 Figure 2 Le ratio K0 entre contrainte verticale et contrainte horizontale est un autre paramètre important, difficile à déterminer. Deux séries de calcul ont donc été effectuées, respectivement avec K0 = 1 et K0 = 0,5. Le soutènement du tunnel était constitué de prévoûtes emboîtées en béton projeté fibré, réalisées par la méthode du prédécoupage mécanique [Bizon et Durand, 2004], de longueur 4 m et d’épaisseur 0,22 m. Pour la modélisation, il a été retenu un rayon extrados de la voûte égal à 6m. En raison de la méthode de construction, la partie inférieure des piédroits est rectiligne de façon à permettre d’extraire l’outil de havage de la saignée. La hauteur entre clé et point bas du radier est de 10,50 m. La section était fermée par un préradier contrevoûté mis en place à l’avancement. Dans la zone de la rupture celui-ci comportait des extrémités épaissies et ferraillées permettant son accrochage sur les prévoûtes par l’intermédiaire de barres d’acier scellées dans le béton de ces dernières. Les caractéristiques adoptées pour le béton des prévoûtes sont données dans le tableau 2. La valeur de la résistance attribuée au béton tient compte des résultats des essais et du fait que la rupture s’est produite sur des prévoûtes déjà assez âgées (un mois environ). Le module attribué au béton du préradier est également de 10 000 MPa. MODÉLISATION PAR UTILISATION DU LOGICIEL FLAC (2D)1 Le maillage est représenté en figure 2. La modélisation est bidimensionnelle en déformation plane. Le creusement du tunnel est simulé par le déconfinement progressif des contraintes sur le pourtour de la section excavée. Le taux de déconfinement λ varie comme indiqué dans le tableau 3. Ces valeurs du taux de déconfinement résultent du calage sur des modélisations axisymétriques et de la confrontation des résultats des calculs avec les convergences mesurées [ Dubois, 2004 ]. Le modèle prend en compte le contact oblique entre les deux types de pélites pour une position particulière de ce contact, dans laquelle le piédroit gauche s’inscrit entièrement dans les pélites de faible module. Il n’est pas introduit de A la réalisation de la prévoûte Après excavation sous la prévoûte Après mise en place du préradier condition d’interface le long du contact. La présence du contact influe peu sur les résultats du piédroit faible par rapport au cas d’un terrain encaissant unique ayant le plus faible module. Le modèle de comportement du terrain est de type Mohr-Coulomb sans résistance à la traction, avec angle de dilatance nul. Le soutènement est modélisé par des éléments-poutres dont la résistance en flexion est définie comme cela est exposé plus loin. Il n’est pas tenu compte du recouvrement entre prévoûtes (qui variait de 1,20 m à 1,60 m dans la zone de la rupture). Cette hypothèse est celle qui a été retenue dans les calculs postérieurs à la rupture ; elle tient compte de l’absence de véritable adhérence entre prévoûtes. Entre terrain et soutènement, il est introduit une interface ayant les mêmes caractéristiques de résistance que le terrain. Pour ce qui concerne la jonction entre radier et prévoûte, différentes hypothèses ont été testées : articulation parfaite, encastrement parfait, limitation du moment à la jonction. D’autre part, après λ = 0,3 λ = 0,6 (sensibilité à λ = 0,7) λ=1 Tableau 3 : Valeurs du taux de déconfinement Module (MPa) 10 000 Résistance à la compression simple (MPa) 20 1) Logiciel aux différences finies ITASCA FLAC Version 5.00 190 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 Résistance à la traction (MPa) 3 Tableau 2 : Caractéristiques du béton des prévoûtes 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 191 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 • on répète les deux items ci-dessus jusqu’à ce que la rotation à chaque nœud atteigne la valeur désirée. comparaison de différents maillages, il a finalement été choisi de ne pas modéliser l’extrémité des piédroits se prolongeant au-delà de l’attache du radier, ce qui introduit une complication sans modifier de manière significative les résultats. Avec les notations suivantes : Epaisseur de la prévoûte : Résistance à la compression : Résistance à la traction : Effort normal : Moment de flexion : PRISE EN COMPTE DE LA FISSURATION DES PRÉVOÛTES les moments maximaux admissibles dans chaque mode sont les suivants : mode 1 : M1 = a (N + a σt)/6 mode 2 : M2 = N (a/2 - 2 N/3/σc) mode 3 : M3 = N (a/2 - N/2/σc) Dans le code FLAC, les éléments de structure de type " poutre " présentent trois degrés de liberté (translation selon les deux axes et rotation) à chaque nœud d’extrémité. Les éléments peuvent être attachés entre eux ainsi qu’au maillage du terrain. Ils peuvent travailler en compression, traction et flexion. Les moments sont transmis uniquement au sein de la structure. On peut spécifier un moment maximal qui entraîne, lorsqu’il est atteint en un nœud, une discontinuité de rotation (rotule plastique). Dans les calculs effectués, on a retenu en outre les hypothèses suivantes : • lorsque la résistance à la traction du béton est atteinte, les sections concernées de la poutre continuent à reprendre les efforts en travaillant comme des sections de béton non armé fissurées ; • ceci implique un supplément de rotation, calculé en supposant que les sections restent planes ; • lorsque la résistance à la compression du béton est atteinte sur la fibre extrême, la section peut continuer à se charger par extension de la partie soumise à la compression limite. Une section de la prévoûte peut donc travailler successivement selon les trois modes de la figure 3. a σc σt N M On notera, qu’au coefficient réducteur près affectant la résistance à la compression du béton, l’expression du moment M3 est équivalente à celle de l’effort normal résistant limite donnée dans les recommandations de l’AFTES relatives au calcul des revêtements en béton non armé [AFTES, 2007]. Dans les calculs présentés, la résistance à la compression est prise en compte sans minoration puisque l’on cherche à approcher au mieux les conditions de la rupture. La rupture est donc supposée atteinte lorsque le moment excède M3 ou lorsque, dans les modes 2 ou 3, la longueur fissurée excède la moitié de l’épaisseur. En pratique, les hypothèses ci-dessus sont mises en œuvre de la façon suivante : • pour un incrément de déconfinement, on calcule les efforts dans la prévoûte supposée élastique ; • pour les éléments de soutènement pour lesquels le moment excède M1, on détermine et on impute à chaque nœud concerné le supplément de rotation engendré par le passage au mode 2 ou au mode 3 ; • on libère la rotation de ces nœuds et on opère une redistribution des efforts en y imposant un moment plastique légèrement réduit par rapport au moment calculé ; La figure 7 montre un exemple d’évolution des moments en piédroit avec les ajustements opérés à chaque incrément de déconfinement. On constate que les moments peuvent continuer à augmenter très sensiblement après que la limite de résistance à la traction du béton est atteinte. La mise en œuvre de l’algorithme ci-dessus est faite par utilisation du langage de programmation FISH inclus dans le code FLAC. Il faut noter que FLAC donne la possibilité d’utiliser un autre type d’éléments de structure, dénommés " liner elements ", qui intègrent une limitation de la résistance en flexion. Mais ces éléments impliquent une réduction du moment admissible lorsque la résistance à la traction est atteinte ; ils ne semblaient donc pas adaptés à la présente étude. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS Les différents cas ayant fait l’objet d’un calcul sont récapitulés dans le tableau 4 , qui donne les valeurs retenues pour les paramètres suivants : K 0 : ratio entre contrainte verticale et contrainte horizontale E : module d’élasticité (pélites brunes) ϕ : angle de frottement (pélites brunes) C : cohésion (pélites brunes) Radier : type de la liaison radier/prévoûte λ : taux de déconfinement après excavation sous la prévoûte Figure 3 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 191 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 192 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 ϕ (degrés) 25 25 25 25 20 25 25 C (kPa) 50 50 50 25 50 50 50 Radier λ 1 1 1 1 1 1 1 E (MPa) 150 150 150 150 150 200 150 articulé encastré * * * * * 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,7 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 150 150 150 150 200 150 25 25 25 20 25 25 50 50 25 50 50 50 articulé * * * * * 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,7 xd piédroit (kPa) 25,6 23,9 28,2 27,2 24,5 25,8 30,9 yd piédroit yd clé -6,8 -6,5 -6,9 -6,6 -6,4 -5,1 -8,3 -10,5 -11,1 -11,1 -10,6 -9,7 -10,8 -11,6 20,6 20,0 21,9 21,5 18,5 24,2 -12,5 -12,5 -13,7 -15,4 -11,5 -17,0 -24,0 -24,5 -23,5 -21,2 -22,7 -28,6 N° K0 11 12 13 15 17 18 19 21 23 25 27 28 29 * Rotule à partir d’un moment de 50 kNxm Tableau 4 : Cas de calcul N° λ rupture 11 12 13 15 17 18 19 0,94 stable 0,98 0,95 0,90 stable 0,99 21 23 25 27 28 29 0,95 0,98 0,95 0,90 stable stable M piédroit N piédroit kNxm) (kN) 113 1984 113 2343 114 2200 113 2137 106 1885 113 2307 114 2129 114 116 116 109 114 115 1979 2078 2032 1788 2172 2066 déplacements soient significativement différents. Cela vient du fait que l’essentiel des efforts en piédroit provient du déconfinement des contraintes verticales en voûte et en radier. • Comme on pouvait le prévoir, le cas du radier articulé est plus défavorable vis à vis de la flexion en piédroit que celui du radier encastré. Mais l’hypothèse d’un radier parfaitement encastré est peu crédible : elle supposerait qu’un moment de près de 250 kNxm puisse se développer à la jonction. C’est pourquoi le cas intermédiaire - avec un moment limité à 50 kNxm qui semble mieux correspondre aux dispositions constructives mises en œuvre - a été retenu pour les calculs suivants. • La réduction de l’angle de frottement à 20° - qui correspond à une réduction de tan ϕ d’environ vingt pour cent - a une influence beaucoup plus grande (λ rupture = 0,90) que la réduction de la cohésion à 25 kPa (λ rupture = 0,95). • Le module du terrain a également une influence significative : pas de rupture pour E = 200 MPa. • Enfin, la prise en compte d’un déconfinement plus important lors de l’excavation sous la prévoûte (λ = 0,7) ne suffit pas à éviter la rupture dans le cas K0 = 1. • En tout état de cause, l’ensemble des calculs montre que la prévoûte atteint la rupture ou en est très proche en fin de déconfinement, ce qui est en accord avec la réalité. Tableau 5 : Résultats des calculs Le tableau 5 donne, pour chaque cas de calcul, les résultats suivants : - λ rupture : taux de déconfinement à la rupture - M piédroit : moment maximal en piédroit (dans la plupart des cas au nœud 61 cf. figure 4) - N piédroit : effort normal correspondant - xd piédroit : déplacement horizontal en piédroit (nœud 61) - yd piédroit : déplacement vertical en piédroit (nœud 61) - yd clé : déplacement vertical en clé Ces résultats appellent les principales remarques suivantes : • Le coefficient K0 influe très peu sur les conditions de la rupture, bien que les 192 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 Figure 4 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 193 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 L’analyse de la rupture, présentée ciaprès, est basée sur le cas n° 23 (K0 = 0,5, caractéristiques de base du terrain, radier partiellement encastré, λ = 0,6). L’allure des déplacements avec K0 = 0,5 est en effet plus proche de celle des déplacements mesurés qu’avec K0 = 1. ANALYSE DE LA RUPTURE Observons tout d’abord que la prise en compte de la fissuration des prévoûtes conduit à une modification significative du moment de flexion en piédroit et du déplacement horizontal de celui-ci, comme cela apparaît dans le tableau 6 qui compare les résultats des calculs avec et sans fissuration pour le taux de déconfinement λ = 0,97. Avec fissuration (cas n°23) Calcul élastique Figure 7 M piédroit (kNxm) N piédroit (kN) xd piédroit (mm) yd piédroit (mm) yd clé (mm) 116 2078 20,0 -12,5 -24,5 141 2043 14,2 -12,8 -24,4 Tableau 6 : Influence de la prise en compte de la fissuration Les figures suivantes se rapportent au cas de calcul n° 23 avec fissuration. Les figures 5 et 6 donnent la distribution du moment de flexion et de l’effort normal dans le soutènement juste avant l’amorce de la rupture (pour λ = 0,97). La figure 7 donne l’évolution des moments de flexion en piédroit en fonction du nombre de pas de calcul, pour chaque étape de déconfinement. La limite de la résistance à la traction du béton est atteinte pour λ = 0,76. La figure 8 donne les déplacements du soutènement, pour λ = 0,97. On peut signaler que les déplacements calculés sont assez proches des déplacements mesurés sur les prévoûtes de la zone de la rupture (cf. figure 9). L’analyse des résultats montre qu’un décollement en piédroit de la prévoûte par rapport au terrain commence à s’opérer à partir d’un taux de déconfinement λ = 0,84. Figure 5 Figure 6 Juste avant la rupture, les suppléments de rotation cumulés aux nœuds 60,61 et 62 correspondent à une ouverture de fissure de 0,7 mm. Pour λ = 0,98 le calcul donne un moment supérieur au moment limite M3 au nœud 61. La rupture est simulée en annulant le moment à ce nœud. Il en résulte une redistribution des efforts qui conduit à atteindre un moment limite de signe opposé au nœud 58 en haut du piédroit. L’annulation à son tour du moment au nœud 58 conduit au mode de rupture qui transparaît sur la figure 10, lequel correspond aux observations faites dans le tunnel : bombement du piédroit gauche suivi d’une double cassure, en milieu et en haut de piédroit. TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 193 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 194 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 Figure 8 Le report des efforts sur la partie droite de la prévoûte (cf. figure 11) entraîne d’autre part une forte augmentation de la flexion du piédroit droit, qui va conduire à sa rupture, ainsi que cela a également été observé. On peut observer qu’il n’est pas indispensable d’annuler le moment au nœud critique pour déclencher la rupture. En poursuivant le calcul de façon dynamique2, on constate que l’équilibre ne peut pas être trouvé même si le moment conserve une valeur substantielle (quelques dizaines de kNxm). Figure 10 APPLICATION DES RECOMMANDATIONS AFTES RELATIVES À LA VÉRIFICATION DES REVÊTEMENTS EN BÉTON NON ARMÉ AUX E.L.U Pour la vérification des coques en béton projeté, les recommandations relatives à la conception et au dimensionnement du béton projeté utilisé en travaux souterrains [AFTES, 2001] renvoient à la méthode Figure 9 2 Ceci peut se faire grossièrement dans FLAC en réduisant le taux d’amortissement du calcul. 194 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 207 - MAI/JUIN 2008 utilisée pour les revêtements en béton non armé. Cette méthode a récemment fait l’objet d’une mise au point dans le cadre de l’examen de la compatibilité des recommandations AFTES avec les Eurocodes [AFTES 2007 _ Annexe A]. Si on applique à la lettre ces recommandations, dans le cas présent : • la résistance de calcul en compression vaut ƒck/1,5 (ƒck est la résistance caractéristique du béton, prise égale à 20 MPa) ; • les sollicitations de calcul aux ELU sont Figure 11 189a195DUBOIS 6/05/08 9:35 Page 195 TECHNIQUE Retour sur l’effondrement du tunnel de Toulon le 15 mars 1996 obtenues en multipliant par le coefficient 1.35 les efforts calculés de façon élastique en affectant un facteur partiel de 1 aux actions et aux valeurs caractéristiques des paramètres de sol. Si l’on retient l’ensemble de ces éléments, dans le cas de calcul n° 23 la vérification n’est plus assurée dès que le taux de déconfinement dépasse 0,70. Cette limite est portée à 0,78 si l’on ne majore pas les efforts issus du calcul élastique et à 0,80 si l’on prend en compte les efforts issus du calcul avec fissuration. Ceci permet de situer, sur cet exemple, la marge de sécurité apportée par la vérification à l’ELU en conformité avec l’Eurocode 2, telle que préconisée par l’AFTES. Rappelons que, pour la reprise du creusement du tunnel, il a été pris en compte un taux de déconfinement égal à 0,85 à la mise en place du chemisage de renforcement des prévoûtes, mais ceci dans l’hypothèse d’un terrain de caractéristiques nettement plus favorables (E = 300 MPa). Si l’on avait retrouvé des conditions analogues à celles de la zone de l’effondrement, des profils de soutènement comportant d’autres renforcements (par boulonnage) auraient été utilisés [Rolandetti, Dubois et Mermet, 2004]. Il serait utile que des réflexions complémentaires soient menées pour préciser les conditions d’application des recommandations relatives au béton non armé aux coques en béton projeté, prenant notamment en compte les conditions d’évolution vers la rupture de ces coques. CONCLUSION Les calculs présentés, prenant en compte l’hypothèse d’une poursuite de l’augmentation des moments de flexion dans le piédroit gauche des prévoûtes malgré leur fissuration, permettent de simuler de façon acceptable l’effondrement du 15 mars 1996. La méthode utilisée pour intégrer l’effet de la fissuration suit la même approche que celle retenue pour vérifier les sections de béton non armé à l’ELU. L’exemple de cette rupture illustre la nécessité d’opérer avec prudence la redistribution des moments de flexion dans les structures de soutènement des tunnels. L’objet de cet article n’était pas de réexaminer les facteurs qui, dans le cas du tunnel de Toulon, ont favorisé le développement de flexions importantes : rigidité du béton, forme rectiligne des piédroits, mise en œuvre d’un préradier. Des éléments d’analyse sur cette question figurent dans les documents cités en bibliographie (notamment [Dubois, Chantron et Dias, 1999]). On se reportera également à la bibliographie pour ce qui concerne les dispositions de nature à sécuriser le présoutènement de type " prévoûtes " vis à vis du risque de rupture par flexion des piédroits. BIBLIOGRAPHIE •••••• AFTES. Conception et dimensionnement du béton projeté utilisé en travaux souterrains. Revue Tunnels et ouvrages souterrains n° 164. Mars-Avril 2001. AFTES. Compatibilité des recommandations AFTES relatives aux revêtements des tunnels en béton avec les Eurocodes. Revue Tunnels et ouvrages souterrains n° 204. Novembre-Décembre 2007. BIZON B., DURAND J-P. Le tunnel foré. Procédé initial de construction. Revue Travaux n° 806. Mars 2004, pp.39,43. DUBOIS P, JASSIONNESSE C. The Toulon underground tunnel crossing. First feedback analysis carried out using on-site measurements. "Tunnels for people". World Tunnel Congress ITA 97. Vienne, 12-17 Avril 1997, pp.157-162. DUBOIS P., CHANTRON L., DIAS D. Analyse du fonctionnement de prévoûtes en béton. 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