Dimanche soir - Passeurs d`images
Transcription
Dimanche soir - Passeurs d`images
Quelques pistes pour aller plus loin par Bartlomiej Woznica Dimanche soir s’ouvre sur des visages d’enfants silencieux, nous plaçant d’emblée © D.R. dans un face à face énigmatique. Qui sont-ils ? Où sont-ils ? On ne nous le dira pas. Tout comme nous ne saurons pas exactement le contexte de cet « au revoir » de fin de week-end. Le fils retrouve-t-il sa mère, est-il placé dans une institution, en internat ? Qu’importe, l’enjeu est ailleurs. Dimanche soir FICTION - FRANCE – 1992 – 5’ Réalisation Solange Martin Production Haut et Court Scénario Solange Martin Image Yorgos Arvanitis, Agnès Godard Montage Camille Cotte Son Eric Münch, Arnaud Damien Interprétation Christophe Delachaux, Benjamin Martin Que dire d’un enfant et d’un père qui se séparent parce que c’est dimanche soir ? Le film nous invite à embrasser le point de vue « pré-langagier » de l’enfance, celui où toute présence est intensément vécue dans une profonde intimité, angoissante parfois, avant le retrait dans lequel les mots viendront placer l’expérience du monde. Tout sera ainsi exclusivement chorégraphique : un corps tente d’en retenir un autre pour grappiller quelques minutes partagées supplémentaires. Dans le heurt d’un corps à corps d’abord, pour se transformer bientôt en embrassade avant d’exploser dans la jubilation d’un tournoiement. Ce trajet va progressivement renverser les rapports. Si c’est l’enfant qui, en perturbateur du monde adulte, réclame initialement une place et le fait savoir, à la clôture du film c’est le père qui semble éprouver le besoin de rester. Il a été touché. Quelque chose de l’amour de son fils lui a été transmis. Un basculement se joue à la césure du film, autour d’un flash blanc qui vient parachever dans un éclat de lumière le sourire qui commence à se dessiner sur le visage du fils. L’enfant ramène son père à une pleine présence, en lui imposant l’attention et le temps dont celle-ci a besoin pour advenir. La force du film tient en ce qu’il place le spectateur dans une situation similaire. Ne nous livrant rien des échanges murmurés, Dimanche soir nous invite à tendre l’oreille. Quand la dramaturgie classique s’appuie essentiellement sur le commerce des mots, nous sommes ici face à des corps opaques dont on ne sait rien, invités à traquer les signes où se dirait une vérité des êtres. Est-ce un hasard si l’une des seules phrases intelligibles du film soit celle qui vient face à tout visage impénétrable : « à quoi tu penses ? ». Mais l’une des définitions possibles de ce qui fonde le travail du cinéaste n’est-elle pas l’expérience d’un regard curieux de l’autre et, tout à la fois, celle de l’irréductible distance qui nous en sépare ? « Ce film est dédié à tous ceux qui n’ont pas renié leur enfance et qui à dix ans ont découvert à la fois l’amour et la séparation… ». Si cette dédicace ouvre le dernier court métrage de Georges Franju, La première nuit, elle trouve aussi un écho certain dans le film de Solange Martin. 1994 1993 16 Clermont-Ferrand « Festival international du Court Métrage » : Participation Aix-en-Provence « Festival tous courts » : Prix du jury Gardanne « Festival cinéma d’automne » : Grand prix Pantin « Festival du film «Côté court» » : Mention du jury de la presse Aix-en-Provence « Festival Tous Courts » : Participation Films passerelles Nue ; En rachâchant ; C’était pas la guerre 17