La marque communautaire : les marques notoires *

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La marque communautaire : les marques notoires *
 MARQUES
La marque communautaire : les marques notoires *
*article publié dans le cadre d’une étude pratique sur la marque communautaire dans la Revue des Affaires
Européennes n°1998 / 4.
Aujourd’hui, dans la plupart des pays, le droit à la marque s’acquiert par l’enregistrement et la zone de protection qui lui est reconnue se limite aux produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée (règle de la spécialité). Cependant, et depuis longtemps, les titulaires de marques notoires ont réclamé, avec plus ou moins de succès, une protection exceptionnelle contre leur adoption abusive, frauduleuse ou préjudiciable par des tiers, dans des pays où elles n’étaient pas enregistrées ou en relation avec des produits ou services différents de ceux pour lesquels elles étaient enregistrées. Ainsi, parmi des cas récents : • le titulaire de la marque " The Pink Panther " (La Panthère Rose) utilisée notamment en association avec des oeuvres cinématographiques et bien que renommée à travers tout le Canada, a vu rejeter son opposition à l’enregistrement d’une marque homonyme pour des produits de beauté au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques aux yeux d’un consommateur moyen, en l’absence de connexité entre les produits (Section d’Appel de la Cour Fédérale canadienne 6 Juillet 1998). • le titulaire de la célèbre marque de rhum " Bacardi " a été plus heureux en obtenant confirmation par la Cour Suprême d’Israël d’une décision de l’Office des Brevets refusant, à la suite de son opposition, la demande d’enregistrement d’une marque " Bakardi " pour des vêtements (décision du 18 Juillet 1998). Les bases légales de cette protection étendue des marques notoires ont souvent été trouvées en dehors du droit des marques et par application des règles de la responsabilité civile, de la concurrence déloyale, des agissements parasitaires ou de l’abus de droit. Mais la tendance actuelle, initiée par la Convention de Paris dans laquelle fut en 1925 inséré un article 6 bis imposant une protection spécifique de la marque notoirement connue, semble être l’introduction de dispositions spéciales directement dans la loi sur les marques. Il en va ainsi du droit communautaire des marques : Directive du Conseil du 21 Décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques et Règlement du Conseil sur la marque communautaire du 20 Décembre 1993. Plusieurs dispositions de ces textes accordent aux titulaires de marques notoires des www.bdl-ip.com droits particuliers que nous allons examiner. La mise en place du système de la marque communautaire est trop récente (ler Avril 1996) pour que nous ayons pu relever des décisions significatives parmi les décisions des Chambres de recours ou des Divisions d’examen actuellement publiées dans le Journal Officiel de l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI) ou sur son site Internet. Nous serons donc amenés à nous référer à des décisions de juridictions ou d’Offices d’Etats membres de l’Union Européenne que la Directive d’harmonisation a conduit à introduire dans leur loi nationale des dispositions parallèles. Les dispositions du droit communautaire concernent : 1. la marque nationale notoirement connue 2. La marque nationale enregistrée jouissant d’une renommée dans son pays 3. La marque communautaire jouissant d’une renommée dans la Communauté. 1. la marque nationale notoirement connue : Elle peut constituer un motif relatif de refus d’enregistrement d’une demande de marque communautaire : Article 8 du Règlement : "1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement : a) lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ; b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ". 2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’................... c) les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, à la date de priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire, sont notoirement connues dans un Etat membre au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris ". www.bdl-ip.com L’existence d’une marque antérieure notoirement connue dans un Etat membre est également une cause de nullité relative de la marque communautaire dont la déclaration peut être demandée à l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon (article 52, 1 a. du Règlement). Que faut‐il entendre par marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis ? L’article 6 bis dispose : " (1) Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d’une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle­ci ". Force est de constater qu’aucune définition précise de la marque notoirement connue ne nous est livrée par ce texte. Des définitions ont été proposées, notamment par l’ancienne loi allemande sur les marques : " signe qu’un tiers utilise déjà à titre de marque pour des produits identiques ou similaires aux yeux de la majorité des milieux nationaux intéressés " et par l’AIPPI : "marque connue d’une large fraction des milieux concernés ". L’accord ADPIC (GATT ‐ Accord relatif aux aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) (Article 16.2) précise : " ....Pour déterminer si une marque de fabrique ou de commerce est notoirement connue, il sera tenu compte de la notoriété de cette marque dans la partie du public concernée, y compris la notoriété dans le Membre en question obtenue par suite de la promotion de cette marque ". La fin de cette phrase semble suggérer qu’il n’est pas nécessaire que la marque soit utilisée dans l’Etat concerné mais qu’il suffit que la notoriété ait été acquise par une publicité nationale ou transfrontalière. Mais surtout c’est le but même de la protection spéciale conférée à la marque par www.bdl-ip.com l’article 6 bis qui doit pouvoir nous éclairer. Dans les pays où le droit à la marque s’acquiert par l’enregistrement, celui qui souhaite adopter une marque pourra vérifier si la marque qu’il a choisie est disponible par une recherche d’antériorités parmi les marques enregistrées ou déposées pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels il entend déposer et utiliser sa propre marque. Mais lorsqu’une marque, bien que non déposée, est suffisamment connue pour qu’elle soit considérée par le public comme une marque déjà appropriée, son adoption par dépôt ou usage par un tiers pour des produits ou services identiques ou similaires créera un risque de confusion sur l’origine des produits ou services, préjudiciable au titulaire de la marque connue et au public. La fraude, ou au moins la grande imprudence de l’usurpateur que laisse présumer cette adoption, justifie une protection spéciale sans qu’il soit nécessaire d’apporter la preuve de la fraude ou de l’imprudence. La notoriété est ainsi considérée comme se substituant à l’enregistrement comme signal d’indisponibilité. Le Dictionnaire Robert nous donne une bonne définition de " notoire " : " qui est connu d’une manière sure, certaine et par un grand nombre de personnes ". Dans notre cas, ces personnes seront celles à qui l’usurpateur destine ses produits ou services, c’est‐à‐dire par définition des produits ou services identiques ou similaires à ceux du légitime titulaire de la marque. Il faut et il suffit que la marque soit notoire dans les milieux intéressés, c’est‐à‐dire dans le grand public s’il s’agit de produits de grande consommation ou parmi un public plus restreint s’il s’agit de produits très spécialisés. L’existence depuis près de 75 ans de l’article 6 bis de la Convention de Paris ou de dispositions nationales l’ayant transposé en droit interne, semble avoir rempli un rôle dissuasif car peu de décisions ont eu à l’appliquer. Notons cependant une décision de la Cour d’Appel de Versailles (JEUX OLYMPIQUES et OLYMPIQUE contre OLYMPRIX ‐ Versailles 15 Janvier 1997 ‐ Ann. Prop. Ind. 1997 p. 142) qui n’a pas dû beaucoup hésiter pour affirmer que : " les ‘Jeux Olympiques’ constituent un service et un spectacle ayant une notoriété planétaire. Dans cette expression dès lors constitutive d’une marque notoirement connue, c’est l’adjectif ‘olympique’ qui traduit ce qui est spécifique, le nom ‘jeu’ étant banal et générique ; ainsi le terme ‘olympique’ doit être tenu en tant que tel comme notoirement connu ". www.bdl-ip.com Mais c’est plus souvent dans le but d’obtenir une protection s’étendant à des produits non similaires que la notoriété de la marque a été invoquée. C’est aussi à cette fin qu’ont été introduites les dispositions suivantes dans le droit communautaire : 2. la marque nationale jouissant d’une renommée dans l’Etat concerné : Les effets d’une telle marque contre une marque communautaire sont précisés à l’article 8, § 5 du Règlement : " Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque......., dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Etat membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ". L’existence d’une marque antérieure jouissant d’une renommée dans un Etat membre est également une cause de nullité relative de la marque communautaire enregistrée (Article 52, § 1 a du Règlement). Aucune définition de la marque jouissant d’une renommée ne nous est fournie par ce texte. Comme pour la " marque notoirement connue ", le but de la protection exceptionnelle accordée peut nous éclairer : C’est la force attractive particulière de la marque notoire que l’on souhaite ici protéger, lorsqu’elle est telle qu’elle peut s’exercer auprès du public intéressé par des produits ou services non similaires à ceux pour lesquels une marque est enregistrée et que son utilisation par un tiers, sans le consentement du titulaire de la marque, lui procure un profit indû ou porte préjudice à la marque. La marque jouissant d’une renommée doit donc être bien connue non seulement dans son cercle de chalandise mais également par le public auquel l’usurpateur destine ses propres produits ou services, par hypothèse, différents. Ce public doit reconnaître immédiatement la marque et être attiré par elle si bien que, malgré l’absence de similitude objective entre les produits, il risque de leur attribuer la même origine ou que, bien que conscient de l’origine différente des produits, il puisse supposer à tort un lien entre les entreprises dans l’exploitation de la marque ou même, simplement, qu’une association d’idées spontanée confère au produit revêtu de la marque usurpée une image favorable. Le signal d’indisponibilité résulte non seulement de la connaissance du fait que la marque appartient à autrui mais aussi du fait que son utilisation dans un domaine www.bdl-ip.com différent sera profitable à l’utilisateur au détriment du titulaire de la marque. C’est ainsi que l’on peut distinguer la marque notoirement connue de la marque jouissant d’une renommée : la première ne déroge pas à la règle de la spécialité, elle est protégée dans sa fonction traditionnelle de signe distinctif. Il faut et il suffit que sa notoriété s’étende aux milieux intéressés. Il n’apparaît pas nécessaire de faire une distinction dans le degré de notoriété : s’agissant dans les deux cas de marques notoires, elles doivent, par définition, être connues d’un grand nombre de personnes. Cependant, ce qui distingue la marque jouissant d’une renommée, est qu’elle doit aussi être connue d’un grand nombre de personnes en dehors du domaine de protection défini par son enregistrement et y exercer une fonction attractive. Si beaucoup de marques notoirement connues dans leur domaine peuvent avoir une notoriété qui s’étend bien au‐delà de ce domaine, elles ne méritent pas nécessairement une protection élargie à des produits différents, à défaut d’un pouvoir distinctif et attractif exceptionnel. Un bon exemple nous est donné par l’arrêt CONCORDE (CONCORDE contre Editions CONCORDE ‐ hôtels‐restaurants contre films vidéo ‐ Paris 17 Janvier 1996 ‐ PIBD n° 607) : " En l’espèce, rien n’établit que la marque ait été connue, hors de son domaine, par une large fraction du public ni qu’elle possède un pouvoir distinctif qui s’étende au­delà de ce domaine et, notamment à ceux dans lesquels le défendeur exploite sa marque. Un sondage révèle que, pour 91 % des personnes interrogées, le mot ‘Concorde’ évoque un avion et pour seulement 6% un hôtel. Les coupures de presse et les guides produits démontrent simplement que la marque fait l’objet dans le domaine de l’hôtellerie d’une active publicité et d’une exploitation massive et constante et y a acquis une notoriété certaine. Mais ils n’établissent pas que ce signe exerce une action attractive en dehors de cette sphère d’activités. La marque ne peut donc être qualifiée de marque de renommée au sens de l’article 713­5 du Code de la Propriété Intellectuelle et, pour ce seul motif et sans qu’il soit besoin de rechercher l’existence d’un préjudice, il y a lieu de réformer le jugement qui avait retenu la responsabilité du demandeur et annulé sa marque ". A défaut, pour l’instant, de jurisprudence communautaire, nous avons relevé plusieurs décisions nationales qui ont déjà eu l’occasion d’examiner si les conditions de la protection exceptionnelle des marques jouissant d’une renommée étaient réunies, en particulier : • CHATEAU d’YQUEM contre YQUEM (vins contre produits divers tels lessives, bijoux, vêtements ‐ Angers 7 Juin 1996 sur renvoi de Cassation ‐ Ann. Prop. Ind. 1996 p. 33 ‐ note Mathély) : " Yquem, élément essentiel de la marque , est susceptible d’exercer à lui seul la fonction distinctive de la marque. La marque bénéficie d’une notoriété qui s’étend bien au­delà du public qui a la possibilité de consommer le vin du Château d’Yquem d’un prix élevé. www.bdl-ip.com Elle est en mesure d’exercer une fonction attractive dans le domaine d’activité du défendeur. Elle jouit donc bien d’une renommée au sens de l’article 713­5. L’emploi de la marque Yquem pour désigner un grand nombre de produits allant des lessives à la bijouterie et à l’horlogerie est de nature à affaiblir le pouvoir distinctif et attractif de la marque et à entraîner sa vulgarisation. Il est, d’autre part, de nature à créer un risque de confusion sur l’origine des produits, toute utilisation du vocable Yquem étant susceptible d’être considérée par les consommateurs comme émanant, sinon de la société du Château d’Yquem, du moins d’un licencié de celui­
ci. Ainsi, l’emploi de la marque Yquem pour des produits non similaires à ceux de l’enregistrement est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque. En outre, cet emploi constitue une exploitation injustifiée de la marque dès lors que le défendeur n’a aucun lien avec ce lieu­dit et que le fait que ce nom sonne bien n’est pas suffisant pour en justifier l’emploi ". • COSMOPOLITAN contre COSMOPOLITAN (magazine contre vêtements, chaussures, accessoires ‐ Paris 31 Octobre 1997 ‐ PIBD n° 650) : " L’article L 713­5 du Code de la Propriété Intellectuelle, contrairement à ce que soutient le défendeur, n’exige pas que soit démontré une volonté parasitaire et pose ‘in fine’ une condition alternative, visant soit l’utilisation ‘de nature à porter préjudice’ soit ‘l’exploitation injustifiée’ de la marque. Les pièces mises au débat conduisent à retenir que la marque COSMOPOLITAN jouit d’une renommée, étant connue d’une large fraction du public et possédant un pouvoir distinctif qui s’étend au­delà des produits d’édition, notamment aux domaines visés par le dépôt adverse. Il n’est pas contestable que celui­ci est de nature à porter préjudice au demandeur, en affaiblissant le caractère distinctif et attractif de sa marque et en constituant un frein à l’extension de celle­ci pour la commercialisation (directe ou par l’intermédiaire de licenciés) de produits se rattachant à la mode ". • CRUNCH contre CRUNCH (chocolat combiné avec du riz contre des vêtements ‐ Tribunal de Grande Instance de Paris 20 Février 1998 ‐ PIBD n° 654) : " Bien que notoire, la marque CRUNCH demeure soumise à la règle de la spécialité. Cependant, son emploi et donc son simple dépôt pour des produits non similaires est susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur sous les conditions de l’article L 713­5 du Code de la Propriété Intellectuelle. La marque est attachée, dans l’esprit du public français qui ne perçoit pas nécessairement la signification anglaise du terme, à un chocolat qui croustille et, plus généralement, à un produit considéré comme une friandise et donc agréable. En procédant au dépôt de sa marque pour désigner des vêtements, la défenderesse profite indûment de l’association que les efforts et investissements de la demanderesse ont établi dans le public entre le terme Crunch et l’idée d’un produit de consommation courante agréable. En outre, banalisant la marque première, la seconde en affaiblit le pouvoir distinctif et www.bdl-ip.com porte atteinte à sa valeur économique. Le dépôt de la marque complexe CRUNCH étant de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque notoire CRUNCH, engage la responsabilité civile du déposant. La marque déposée n’étant pas utilisée, le préjudice résulte du seul dépôt ; il sera réparé par le prononcé de la nullité de la marque complexe, par l’allocation de 50.000 F. et l’interdiction d’usage ". • BOSS contre BOSS ! (vêtements contre boissons énergétiques ‐ Cour Suprême d’Autriche 21 Mai 1997) : " La marque et le nom commercial de la demanderesse sont notoires ; il est démontré que 68 % des Autrichiens interrogés, âgés de plus de 15 ans, ont établi, en Février et Mars 1996, un lien correct avec les produits de la demanderesse à l’énoncé de BOSS ; ce taux était de 98 % parmi les utilisateurs et acheteurs de vêtements de luxe. La demanderesse commercialise des vêtements pour hommes de haute qualité qui jouissent d’un grand prestige et qui sont donc renommés. Les produits de la demanderesse intéressent les acheteurs qui peuvent aussi être concernés par une boisson énergétique.....Les vêtements de la demanderesse et la boisson énergétique ont en commun d’être typiquement des articles de marque destinés au consommateur final. La renommée des vêtements de mode commercialisés par la demanderesse peut donc aussi être utilisée pour une boisson énergétique. Les défendeurs ont tenté de transférer cette renommée à leur boisson par une dénomination sensiblement identique et, ainsi, de l’exploiter d’une manière parasitaire. Ce comportement établit la condition de concurrence exigée pour une infraction à l’article 1 de la loi sur la concurrence déloyale car les défendeurs sont entrés en concurrence avec la demanderesse en tant que licenciés potentiels ". Cette décision, bien que non fondée sur une disposition légale spécifique protégeant la marque jouissant d’une renommée, met en évidence la condition que la notoriété doit dépasser la sphère des milieux intéressés par les produits du titulaire de la marque pour s’étendre à ceux intéressés par les produits de l’usurpateur. 3. la marque communautaire jouissant d’une renommée dans la Communauté Les possibilités d’action du titulaire d’une telle marque antérieure en matière d’opposition ou d’action en nullité contre une marque communautaire sont exactement les mêmes que celles du titulaire d’une marque nationale jouissant d’une renommée dans son pays. Elles découlent des mêmes textes. La seule condition qui diffère est que la marque communautaire doit être connue dans la Communauté. S’y ajoutent la possibilité d’interdire l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire (Règlement article 9, § 2 c). Enfin, la Directive du Conseil contient une disposition que les Etats membres auraient déjà dû introduire dans leur loi nationale (article 4, § 3) : www.bdl-ip.com " Une marque est également refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle si elle est identique ou similaire à une marque communautaire antérieure...... " si elle remplit les mêmes conditions que celle que l’article 8 § 5 du Règlement impose aux marques communautaires, c’est‐à‐dire notamment de jouir d’une renommée dans la Communauté. Pour l’application de ces dispositions, il convient de déterminer ce qu’il faut entendre par " marque jouissant d’une renommée dans la Communauté ". A défaut d’explication officielle de texte, force est de s’attacher à la terminologie employée. Il n’est pas dit " dans plusieurs Etats de la Communauté " ou " dans le commerce inter‐Etats ", la renommée acquise même dans un seul Etat devrait donc suffire. Cependant, pour que la protection spéciale de la marque renommée soit mise en oeuvre, il faut que son titulaire puisse établir que l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire pour des produits différents tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. A cet égard, il faudra sans doute distinguer plusieurs cas : • ler cas : le signe postérieur est une marque communautaire. Son dépôt s’étend nécessairement à toute la Communauté et son usage a vocation à s’y étendre. Si la marque communautaire antérieure jouit déjà d’une renommée, même dans un seul pays, celle‐ci pourra être indûment exploitée dans une partie de la Communauté. Une action serait donc fondée. • 2e cas : le signe attaqué est déposé ou utilisé dans un ou plusieurs pays de la Communauté où la marque communautaire antérieure jouit déjà d’une renommée. Celle‐ci peut être indûment exploitée ; une action serait possible. • 3e cas : le signe attaqué est déposé ou utilisé dans un ou plusieurs pays de la Communauté où la marque communautaire n’a pas encore étendu sa renommée. Celle‐ci ne peut être indûment exploitée ; une action ne serait donc pas fondée. Il s’agit là de simples réflexions et nous devons laisser à la jurisprudence, sous le contrôle unificateur de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la tâche d’interpréter et d’appliquer ces dispositions spéciales concernant les marques notoires, d’une façon certainement raisonnable, comme l’ont déjà fait les décisions nationales que nous avons citées, c’est‐à‐dire en maintenant ce délicat mais nécessaire équilibre entre le respect de la loyauté du commerce et la sécurité du droit. Gérard DASSAS © CABINET BEAU DE LOMENIE – 1998 www.bdl-ip.com