COMPLICATIONS POSTOPERATOIRES 1, 2

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COMPLICATIONS POSTOPERATOIRES 1, 2
Les complications postopératoires
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COMPLICATIONS POSTOPERATOIRES 1, 2
Dr Philippe Gomis
Département d'Anesthésie-Réanimation. CHU Reims
---------------------------------------------------------------------Par soucis de clarté les complications postopératoires peuvent être classées en : complications en rapport avec
l'anesthésie, complications en rapport avec l'acte chirurgical, complications en rapport avec le terrain. Ce
cours décrit les complications en rapport avec l'anesthésie a. Ces complications sont décrites par définition chez le
sujet sain. En pratique clinique, la cause exacte peut être difficile à reconnaître tant les mécanismes
physiopathologiques peuvent être intriqués (le cas typique est représenté par l'insuffisance respiratoire postopératoire
du patient broncho-pneumopathe imprégné de morphinomimétiques et ayant subi une laparotomie). L’évaluation, la
surveillance et la prise en charge de ces complications sont stéréotypées.
La période de réveil anesthésique constitue la période au cours de laquelle les accidents d'anesthésie sont les plus
nombreux et les plus graves. Au cours de cette période, le patient cumule les effets d'une récupération incomplète de
l'anesthésie et ceux liés aux conséquences de l'acte chirurgical. Le décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 est une
réglementation importante dans ce domaine en imposant une surveillance postinterventionnelle pour tout patient
anesthésié. Ce décret efface par sa portée juridique toutes les circulaires ou recommandations antérieures. Notez que
la terminologie évolue et que la salle de réveil devient salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI), indiquant que
la surveillance continue concerne autant les suites anesthésiques que les suites liées à l'intervention elle-même.
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I. COMPLICATIONS RESPIRATOIRES
Après s’être assurer de la liberté des voies aériennes,
l’attention doit se porter sur le mode ventilatoire
(hypoventilation, tachypnée).
A. Anomalies sur les voies respiratoires
a) une hypoventilation peut être due à :
En postopératoire immédiat la majorité des patients sont
extubés. On doit s’assurer que les voies respiratoires
sont libres et que le patient respire correctement.
Occasionnellement un patient peut avoir une obstruction
mettant en jeu le pronostic vital.
1. Effet résiduel de l’anesthésie
2. morphinisation résiduelle
3. hypothermie
Les signes d’obstruction sont :
1. tirage trachéal
2. mouvements respiratoires désordonnés
3. cyanose, sueurs.
Les causes d’obstruction sont :
1. curarisation résiduelles
2. œdème laryngé post intubation
3. vomissements / sécrétions bucco-pharyngées
Le traitement vise à rétablir l’airway. Les gestes sont
:
1. aspiration bucco-pharyngée
2. ventilation au masque
3. réintubation
4. antidote des curares
5. corticoides pour diminuer l'œdème glottique
B. Anomalies de la ventilation
En cas d’hypoventilation le patient doit être surveillé et
monitoré avec attention. Une ventilation assistée au
masque et/ou une réintubation peuvent être nécessaires.
Si un effet résiduel de morphinique est en cause,
l’injection titrée de Naloxone (0.04 mg IV) stimulera la
ventilation sans déprimer l’analgésie du patient.
L’hypoventilation est caractérisée par une hypercapnie et
une acidose respiratoire. L’hypercapnie postopératoire
peut être due à :
1. hypoventilation
2. augmentation de la production de CO2
Le plus souvent, c’est l’hypoventilation qui est en cause.
Plus rarement, c’est une augmentation de la production
de CO2 qui peut être due à :
1.
2.
3.
4.
hyperthermie maligne
frissons postopératoires
thyrotoxicose
(hyperalimentation avec quotient respiratoire élevé)
b) une tachypnée peut être due à :
a
Les complications en rapport avec l’acte chirurgicale sont décrites dans les cours “ anesthésie selon l’acte chirurgical ”, les complications en
rapport avec le terrain sont décrites dans les cours “ anesthésie en fonction du terrain ”.
POSTOP2002.doc
Cours IADE 2002.
Les complications postopératoires
1. hypoxémie
2. anxiété
3. douleur
Les patients ayant une fréquence respiratoire rapide (>
30) doivent être attentivement surveillés et examinés.
L’hypoxémie doit être exclue avant de considérer les
autres causes. Les moyens diagnostiques sont :
1. l’oxymètre de pouls
2. gaz du sang artériel
3. la radiographie pulmonaire
Les causes d’une hypoxémie postopératoire sont :
1.
2.
3.
4.
baisse de la FIO2
hypoventilation
anomalie du rapport ventilation/perfusion (V/Q)
un shunt vrai
En pratique, un patient ayant une tachypnée et une
hypoxémie postopératoire présente une anomalie du V/Q
dont les causes sont :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
pneumothorax
œdème pulmonaire
atélectasie
embolie pulmonaire
pneumonie
inhalation
SDRA
Transfusion massive
Le traitement symptomatique vise à restaurer une
oxygénation satisfaisante en augmentant la FIO2 ou en
instaurant une ventilation assistée. Parallèlement le
traitement de la cause est indispensable.
c) nécessité d’une intubation / ventilation
postopératoire prolongée.
Certains patients doivent rester intubés et ventilés de
principe en postopératoire pour les raisons connues à
l’avance suivantes :
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symptômes hémodynamiques observés en salle de réveil
sont souvent associés ou se succèdent dans le temps.
1. L’hypertension artérielle
L’hypertension artérielle postopératoire est fréquente.
Elle est secondaire à la sécrétion intense de
noradrénaline et son tableau hémodynamique est
marqué par une augmentation des RVS (postcharge),
une tachycardie, une élévation du débit cardiaque et de
la consommation d’oxygène. Cette HTA est le plus
souvent transitoire, maximale lors de l’extubation, mais
peut perdurer du fait de :
a étiologiesb
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Hypertension préexistante
douleur
anxiété
globe vésical
hypercapnie, hypoxie
frissons
b conséquences de l’HTA
- augmentation de la demande en oxygène d’ou
le risque d’épisodes d’ischémie myocardique ou de
décompensation cardiaque chez les patients ayant une
faible réserve cardio-vasculaire.
- risque de complication chirurgicale par
augmentation du saignement (neurochirurgie, ORL,
plastique, endartériectomie carotidienne.....).
c traitement
Le traitement doit être individualisé. Une hypertension
secondaire à la douleur, à un globe vésical ou à une
hypercapnie doit être contrôlée en traitant directement la
cause. L’hypertension artérielle préexistante est
fréquente, et il est impératif que le patient reprenne sont
traitement antihypertenseur antérieur le plus tôt possible
en postopératoire. Un traitement par voie intraveineuse
peut être nécessaire en postopératoire immédiat, on
suivra le guide suivant (tab 1) :
1. effet résiduel de l’anesthésie (après anesthésie de
longue durée)
2. effets résiduels des morphiniques ou des curares
(anesthésie analgésique).
3. maladie
respiratoire
préexistante
(bronchopneumopathie chronique obstructive).
4. complication peropératoire
Tableau 1 : Guide du traitement d’une hypertension artérielle
postopératoire (en dehors de la toxémie gravidique et de l'HIC).
Pouls
↑
PA
↑
↓
↑
↑↓
↑ + Ischémie
myocardique
Traitement
beta-bloquant (esmolol,
propanolol, labétalol),
urapidil.
vasodilatateur (nifedipine,
nicardipine).
trinitrine, diltiazem, bêtabloquant.
II. COMPLICATIONS CIRCULATOIRES
En postopératoire, après l’évaluation de l’état respiratoire
il faut évaluer et surveiller l’état circulatoire. Les
POSTOP2002.doc
2 L’hypotension artérielle
b
Une hypervolémie absolue entraîne rarement une hypertension mais
se révèle plus souvent par une décompensation cardiaque.
Cours IADE 2002.
Les complications postopératoires
C’est une complication plus fréquente que l’HTA. Elle
n’est due qu’a deux facteurs, la baisse du débit
cardiaque (elle-même due à une diminution de la
précharge ou à une diminution de la contractilité) et la
baisse des résistances vasculaires périphériques. La
baisse de la précharge par hypovolémie est le
mécanisme le plus fréquent.
a. évaluation du patient et recherche de l’étiologie
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avec des vasopresseurs (éphédrine, phényléphrine,
dopamine, adrénaline).
3 Tachycardie
Elle peut être primitive ou secondaire.
a tachycardie primitive :
arythmie supraventiculaire, fibrillation auriculaire, flutter
atriale, tachycardie ventriculaire. Le diagnostic est ECG.
1.
2.
3.
4.
voies respiratoires
ventilation
hémodynamique (pouls, PA)
niveau de conscience (la perte de conscience impose
la protection des voies respiratoires)
5. revue de la feuille d’anesthésie : ischémie
peropératoire, pertes sanguines, volumes perfusés
6. examen du patient : saignement extériorisé, redons,
distension abdominale, ECG, gaz du sang, radio
pulmonaire.
b tachycardie secondaire :
tachycardie sinusale secondaire à :
1. anémie
2. hypovolémie
3. hypercapnie
4. douleur / anxiété
5. globe vésical
6. fièvre
7. sepsis
8. hypotension artérielle
Dans le même temps on débutera une oxygénothérapie
et une épreuve de remplissage. Si la pression artérielle
reste basse d’autres explorations peuvent être
nécessaires.
c traitement
C'est le traitement direct de la cause dans le cas des
tachycardies secondaires et les antiarythmiques dans le
cas des tachycardies primitives.
1. Pression sanglante
2. sonde urinaire (oligurie si diurèse horaire < 0,5
ml/kg/h)
3. cathéter artériel pulmonaire en cas d’antécédents
d’insuffisance cardiaque ou face à une ischémie
myocardique patente
4. mesure du volume d’éjection systolique et de la
pression capillaire pulmonaire (fig 2).
4 bradycardie
↑ VES - baisse des RVS ⇒ agents vasoprésseurs
↓ PA
- ↑ PCP - incompétence myocardique ⇒ inotropes
↓ VES
- ↓ PCP - hypovolémie ⇒ remplissage vasculaire
b. traitement
1. hypovolémie : remplissage vasculaire
2. incompétence myocardique : corriger une ischémie
myocardique (trinitrine, diltiazem), agents inotropes
(dopamine, dobutamine), voir ballonnet de contrepulsion...
3. résistances
vasculaires
basses
(septicémie,
vasoplégie
pharmacologique
ou
traumatique,
insuffisance hépathique, allergie) : la base du
traitement est de restaurer une pression de perfusion
POSTOP2002.doc
a bradycardie primitive
bloc auriculo-ventriculaire du 2eme et du 3eme degré,
sick sinus syndrome
b bradycardie secondaire
bradycardie sinusale secondaire à :
1. hypertension
2. hypertonie vagale
3. effet pharmacologique ( anticholinestérase,
morphinique)
4. sympatholyse (bêtabloquant)
c traitement
Le traitement est guidé par le traitement de la cause :
atropine, vasopresseur, pace-maker, EES.
5 Ischémie myocardique
La difficulté : l’approche du patient antérieurement
asymptomatique et en bonne santé qui présente des
modifications électrocardiographiques en postopératoire.
L'ischémie myocardique est le plus souvent secondaires
aux perturbations cardio-vasculaires précédemment
décrites, la plus néfaste est l'association hypovolémietachycardie car elle induit une réduction de la perfusion
diastolique coronaire.
a étiologies
Les modifications ECG postopératoires peuvent être
dues à :
1. ischémie myocardique
Cours IADE 2002.
Les complications postopératoires
2. anomalies électrolytiques
3. hypothermie
4. interaction neuro-cardiologique (hémorragie
méningée, etc..)
b traitement
Puisque l’ischémie myocardique postopératoire est
souvent silencieuse, il devient difficile de déterminer si
des modifications ECG postopératoires sont bénignes ou
sont prédictives d’une ischémie myocardique. On peut
suivre la démarche suivante face à des modifications
ECG :
1. tout évaluer : signes vitaux, antécédents, examen
clinique, déroulement de l’intervention
2. corriger les anomalies électrolytiques
3. réchauffer le patient
4. doser la CPK et la troponine A
5. refaire l’ECG : les modifications du segment ST, une
arythmie et des extrasystoles ventriculaires sont
péjoratives, des modifications de l’onde T sont moins
inquiétantes
6. si les anomalies ECG persistent, faire un traitement
d’épreuve à la trinitrine IV. Faire de la trinitrine jusqu’à
abaisser la pression artérielle de 20 % sans induire
pour autant une hypotension. Refaire l’ECG. Si les
signes s’améliorent s’est qu’ils sont sûrement
d’origine ischémique et la trinitrine sera continuée. Si
les signes ECG ne se modifient pas et que le patient
reste asymptomatique s’est que les modifications
ECG sont probablement bénignes.
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IV. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES
En postopératoire l’état neurologique doit être évalué par
des questions et des ordres simples au patient. En
neurochirurgie l’examen doit être complété par une série
de tests des fonctions neurologiques. On peut ainsi
détecter une dégradation brutale.
Agitation postopératoire et retard de réveil
Certains patients peuvent rester anormalement
somnolents en postopératoire immédiat. La conduite à
tenir est :
a.
b.
c.
d.
revoir les ATCD
revoir la feuille d’anesthésie
revoir la feuille de réveil
rechercher une cause :
(a) cardio-respiratoire : s’assurer que les paramètres
vitaux sont correctes
(b) pharmacologique / métabolique : effets résiduels
des drogues anesthésiques, alcool ou sédatifs
préanesthésiques,
syndrome
de
sevrage
postopératoire
(c) neurologique : hémorragie méningée, ischémie
cérébrale, embolie gazeuse
IV. L'HYPERTHERMIE MALIGNE (cf)
III. OLIGURIE/ANURIE POSTOPERATOIRE
Un bas débit urinaire est définie par un débit inférieure à
0.5 ml/kg/h
1. étiologies
La cause peut être classée en
a prérénale ou insuffisance rénale fonctionnelle:
hypovolémie, bas débit cardiaque, hypotension
b rénale
nécrose tubulaire aiguë, néphrite toxique ou ischémique
c postrénale
obstruction
mécanique
(compression/obstruction
urétérale, sonde urinaire bouchée)
2 diagnostic
Un bas débit urinaire postopératoire est le plus souvent
dû à un remplissage peropératoire inadéquat.
3 traitement
Une épreuve de remplissage est la première chose à
faire. Si la diurèse reste faible, alors d’autres moyens
diagnostiques et thérapeutiques seront nécessaires.
POSTOP2002.doc
1
S A Grace, J D Wasnick. Postanesthesia Unit Care of
Healthy Patients. in W J Hoffman, J D Wasnick, ed.
Postoperative critical care of the Massachusetts General
Hospital. Boston : Little Brown, 1992 ; 351-357.
2
Lectures conseillées : J.E.P.U.1995, XVIIe réunion de
perfectionnement des infirmières et infirmiers
anesthésistes, Paris 1995, Arnette Blackwell.
Cours IADE 2002.