Cas clinique Patient de 66 ans, polyvasculaire, alcoolo

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Cas clinique Patient de 66 ans, polyvasculaire, alcoolo
Cas clinique
Patient de 66 ans, polyvasculaire, alcoolo-tabagique avec une récidive
de néoplasie au niveau ORL. Il est admis pour une occlusion de la
branche droite de son carrefour aorto-iliaque.
Une thrombolyse seule ne pourra pas dissoudre l’occlusion iliaque et il
faut rappeler que les thrombolytiques ne sont pas dénués d’effets
secondaires importants (hémorragie cérébrale).
Question résolue par le Dr Bob MARTH, MACCS Anesthésiologie
Août 2000
1
SOMMAIRE
Prise en charge préopératoire
Anamnèse
Bilan préopératoire
Prémédication
Evolution peropératoire
Contrôle des voies aériennes
Evolution peropératoire
Réveil et période postopératoire
Conclusions
Bibliographie
CAS CLINIQUE
Patient de 66 ans, polyvasculaire, alcoolotabagique avec une récidive de néoplasie au
niveau ORL. Il est admis pour une occlusion de la branche droite de son carrefour aortoiliaque.
Une thrombolyse seule ne pourra pas dissoudre l’occlusion iliaque et il faut rappeler que
les thrombolytiques ne sont pas dénués d’effets secondaires importants (hémorragie
cérébrale).
PRISE EN CHARGE PREOPERATOIRE
Nous retenons de ses antécédents 3 faits importants :
1. C’est un patient polyvasculaire
2. Il est alcoolotabagique
3. Il a déjà subi une intervention pour une exérèse d’un néo d’origine ORL et
il semble présenter une récidive importante. Ce dernier fait laisse présager
une intubation et un contrôle difficile de ses voies aériennes.
La chirurgie vasculaire connaît un taux de mortalité de 3 à 8 % (1-2 % pour les autres
types de chirurgie). Ce fait est renforcé par l’identification des facteurs de risque.
2
Tableau 1 : Fréquence(en %) des pathologies coexistantes chez des patients
polyvasculaires
Hypertension artérielle
Cardiopathie
Angor
Ischémie silencieuse
Atcd infarctus myocarde
Ins. Cardiaque congestive
Diabète
BPCO
Insuffisance rénale
40-60
50-70
10-20
20-60
40-60
5-15
8-12
25-50
5-15
L’anamnèse
Les médications en cours :
1. LOFTYL :
Buflomédil
• Augmente la perfusion artérielle de la micro circulation.
• Effets minimaux sur le système hémodynamique central.
• Effet inhibiteur sur l’agrégation plaquettaire.
• ½ vie courte, volume de distribution 40-100 l.
• Effets secondaires : nausées, céphalées, vertiges, rougeurs.
2. TORENTAL :
•
•
•
Pentoxifylline
Dérivé de la Xanthine.
Influence la microcirculaion et irrigation tissulaire.
Effets secondaires : bouffées de chaleur, troubles gastro-intestinaux,
tachycardie.
3. AMLOR :
Amlodipine besilate
• Diminution du flux transmembranaire des ions Ca, effet de relâchement direct de
la musculature vasculaire lisse.
• Diminution de la charge ischémique : 1) ↓ résistances périphériques (postcharge)
2) dilatation des artères coronaires.
• Effets secondaires : céphalées, œdème, fatigue.
4. ZYLORIC : Allopurinol
• Diminution du taux d’acide urique par inhibition de l’enzyme Xanthine Oxydase.
• Traitement de la crise de goutte.
Elle doit faire préciser les consommations actuelles et passées au niveau alcoolotabagique. Il faut être sûr si ces consommations ont été arrêtées ou non ; dans le cas contraire,
un sevrage éthylique devra être redouté en postopératoire immédiat.
L’anamnèse apportera également des informations utiles sur le niveau d’activités
physiques actuelles. Ici, le fait qu’il jardine semble rassurant de premier abord, car il n’est
pas sédentaire et un angor d’effort semble être exclu.
3
Du point de vue ORL, il faut connaître l’origine et la nature de la néoplasie ORL
précédente. Il faut aussi s’assurer des protocoles opératoires ORL pour connaître les détails
de l’intervention (curage ganglionnaire avec résection de la jugulaire externe et /ou interne),
du montage effectué et finalement d’éventuels problèmes survenus en per- et postopératoire.
L’irradiation est importante car elle peut provoquer une dermite d’irradiation et des
rétractions fibreuses au niveau cervical.
A l’anamnèse, on soupçonne une récidive du néo ORL au niveau de la loge
amygdalienne et de l’épiglotte. Ceci doit être confirmé.
Le fait de savoir si le patient présente une dysphagie pour des solides ou pire pour des
liquides peut déjà donner des informations sur une sténose pharyngée; des fausses
déglutitions à répétition sont également péjoratives. Un changement de voix ou une raucité
peut signifier un envahissement des cordes vocales ou du nerf laryngé récurrent. Une
impossibilité d’avaler sa propre salive signifie un épaississement majeur de l’épiglotte.
Finalement une détresse respiratoire haute associant une dyspnée inspiratoire, un stridor
et un tirage intercostal ou sus-mandibulaire ne peut que signifier une sténose avec quasi
obstruction des voies aériennes supérieures nécessitant un geste chirurgical (trachéotomie en
urgence).
De par son postopératoire, il faut s’assurer qu’il n’a pas fait de sevrage postopératoire et
s'il a été trachéotomisé ou non ; il faut garder en mémoire l’existence de sténoses sousglottiques qu’on peut rencontrer après une trachéotomie. (Il faut savoir si on a à faire à une
trachéotomie percutanée ou plus vraisemblablement à une trachéotomie chirurgicale, dont on
ne connaît pas encore le pourcentage exact de sténoses sous-glottiques.
L’estimation du périmètre de marche permet d’estimer le niveau d’activité physique du
patient et de l’évolution de son occlusion iliaque, raison pour laquelle il vient d’être
hospitalisé. Si l’occlusion a été brutale, il faut exclure un phénomène embolique, soit par
décollement d’une plaque athéromateuse ou d’un embole d’origine cardiaque : embole intraventriculaire ou suite à une arythmie cardiaque de type fibrillation auriculaire, laquelle aurait
pu être asymptomatique pour le patient.
BILAN PRE-OPERATOIRE
Vu l’urgence vasculaire devant laquelle nous nous trouvons, on devra bien cibler les
examens complémentaires, pour éviter de perdre du temps inutile et prolonger l’ischémie du
membre inférieur.
Bien sûr, nous commencerons par une biologie de contrôle comprenant un ionogramme,
un hémogramme (une hémoglobine aussi élevée ne peut signifier qu’une hydratation
insuffisante, voire les dosages d’urée et de créatinine), une analyse de la fonction rénale (urée
et créatinine), un dosage des enzymes hépatiques (GPT et GOT augmentés en cas de foie de
stase), pancréatiques et le lactate (exclusion d’une ischémie mésentérique).
Un dosage de troponine, de myoglobine, de GOT permet d’exclure une souffrance
myocardique biologique.
Un électrocardiogramme 12 dérivations permet d’exclure des arythmies, une ischémie
myocardique silencieuse de repos, un trouble ionique ou une souffrance myocardique au sens
large, une hypertrophie ventriculaire gauche ou une séquelle éventuelle d’un infarctus.
Une radiographie de thorax peut montrer des signes de surcharge vasculaire, un index
cardiothoracique supérieur à 0.5 peut être le signe indirect d’une fonction myocardique altérée
(Fraction d’éjection < 50 %), un émoussement des sinus cardiophréniques et une
athéromatose importante de la crosse de l’aorte ou de l’aorte descendante. Des calcifications
du bouton aortique peuvent montrer indirectement une artériosclérose importante. On peut
4
également noter si la trachée est bien médiane et s’il n’existe pas de compression externe.
Des lésions métastatiques pourront également être décelées dans les champs pulmonaires.
Une échographie cardiaque semble être intéressante : d’une part elle donne une idée
globale de la fonction myocardique et de valvulopathies. Le risque d’infarctus du myocarde
est très élevé lors d’une chirurgie vasculaire périphérique si la fraction d’éjection est
inférieure à 35 %, et cela en l’absence ou l’existence de signes de décompensation cardiaque
clinique (9; 10).
Si jamais le temps le permet, un echo-doppler des artères carotides démontre également
une éventuelle sténose des carotides et des sources d’accidents vasculaires cérébraux
éventuels en per- et postopératoire.
Un examen du fond d’œil permet d’évaluer l’étendue et la durée de l’hypertension
artérielle dont souffre le patient.
Une épreuve d’effort représente une perte de temps inutile, vu l’urgence vasculaire
devant laquelle nous nous trouvons et la difficulté qu’aura le patient à pédaler à cause de sa
claudication intermittente.
Une scintigraphie Thalium-Persantine avec redistribution prend également beaucoup de
temps, mais peut démontrer des zones de souffrance myocardique avec une redistribution au
repos (durée 24 heures), mais l’urgence vasculaire ne le permet pas.
Des épreuves fonctionnelles respiratoires peuvent démontrer les séquelles et réserves
respiratoires du patient.
Un CT-scanner cervical permet d’évaluer l’envahissement loco-régional de la néoplasie.
Retenons de tout ceci : une biologie sanguine complète, une compatibilité (avec
commande d’au moins 4 unités de globules rouges concentrés), une radiographie de thorax,
une échographie cardiaque, un écho-doppler des membres inférieurs (voir si existence d’une
circulation collatérale) et carotidienne, un ECG 12 dérivations.
De plus, un avis ORL comprenant une fibroscopie souple à travers le nez peut estimer
l’envahissement local du nouveau néo et essayer de visualiser les cordes vocales et d’exclure
une sténose sous-glottique post-trachéotomie ; si cela est possible, une intubation par
fibroscopie nasale pourra être tentée.
Une place aux Soins Intensifs devra être prévue en postopératoire, vu les risques et
complications per- et postopératoires possibles : gros choc hémorragique, infarctus per- ou
postopératoire, difficulté de sevrage de l’assistance respiratoire, un accident vasculaire
cérébral important.
Finalement, il ne faut pas hésiter à rappeler un collègue anesthésiste et un ORL avant la
mise sur table du patient.
PREMEDICATION
Si l’on prévoit une intubation difficile, il vaut mieux associer un anticholinergique,
comme par exemple du Glycopyrrolate, à dose de 0,2 mg en IM. Si l’on craint un
bronchospasme pendant les manipulations des voies aériennes, des doses plus élevées de
l’ordre de 0,4 à 1 mg en IV sont recommandées. Ceci permet non seulement une meilleure
visualisation lors de la laryngoscopie, mais cela limite aussi la dilution des solutions
d’anesthésiques locaux.
Dans le but d’obtenir une sédation supérieure à ce que procure une dose modérée de
morphiniques, un second produit est souvent associé : il s’agit du Dropéridol, qui est une
butyrophénone qui assure une sédation adaptée mais sans majorer la dépression respiratoire
due aux morphiniques (7). Ce produit est contre-indiqué chez les parkinsoniens, parce qu’il
bloque les récepteurs à Dopamine. Les doses peuvent aller de 1,25 à 5 mg.
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D’autres préfèrent ajouter une benzodiazépine : le Midazolam étant préféré, dû à son
début d’action et à sa réversibilité rapide. Le Flumazényl, qui est l’antagoniste des
benzodiazépines, doit être à disponibilité en salle.
EVOLUTION PEROPERATOIRE
Une bonne voie d’entrée périphérique semble nécessaire comme point de départ. De
plus, la pose d’une ligne artérielle sous anesthésie locale semble nécessaire avant l’induction.
L’hypertension du patient, ainsi que sa polyvascularité semblent être des facteurs prédictifs
d’une grande instabilité hémodynamique à l’induction et pendant le maintien de l’anesthésie
générale avec une alternance de périodes d’hypo- et hypertension. Il faut également garder en
mémoire qu’il y a un décalage vers la droite de la courbe d’autorégulation cérébrale, et des
périodes d’hypoperfusion peuvent survenir en dessous de certaines pressions artérielles (14).
L’accès d’une voie centrale (piquer à gauche à cause d’une éventuelle ligature de la
veine jugulaire interne) ou même d’un cathétérisme pulmonaire semble nécessaire
(hémoglobine à 22 !).
Le type d’anesthésie à proposer reste l’anesthésie générale, combinée à une péridurale
thoracique basse, une péridurale seule peut rester insuffisante au niveau antalgique pour ce
cas de chirurgie vasculaire.
Il faut garder en mémoire que ce patient est hypovolémique et il faudra se méfier des
effets systémiques des différents agents anesthésiants (modification des volumes de
distribution et hémodynamique fragile).
Un remplissage vasculaire sous contrôle
hémodynamique peut être préventif devant toute hypotension pendant l’induction.
Un taux d’hémoglobine en dessous de 8 n’est pas recommandé devant un tel patient
polyvasculaire.
CONTROLE DES VOIES AERIENNES
Ici consiste le réel problème chez ce patient. Il a déjà subi une exérèse de néoplasie
ORL et une récidive semble être plus que probable.
Si une intubation paraît être impossible, il faudra veiller à la présence d’un ORL en salle
d’opération pour réaliser une trachéotomie d’urgence (sous anesthésie locale). Il faut rappeler
qu’un bon nombre de patients présentent une sténose trachéale post-trachéotomie ou postinvasion néoplasique.
En cas de doute, prévoir une intubation vigile fibroscopique et la présence d’un
RAVUSSIN.
On peut toujours tenter une intubation orale avec laryngoscopie directe chez un patient
conscient avec utilisation de produits asséchants, d’une sédation, d’anesthésie locale et / ou de
blocs nerveux. Il faut introduire le laryngoscope doucement, mais avec fermeté si nécessaire.
Une grande variété de lames ingénieuses ont été mises au point pour aider une intubation
difficile : des lames courbes, droites, mais aussi des miroirs (lames de SYKER) et des
prismes (HUFFMAN, BELLHOUSE) qui permettent de voir "dans les coins" (5 ;4 ; 8).
Signalons aussi la possibilité d’une intubation par voie orale avec laryngoscopie
indirecte : un mandrin rigide avec fibre optique permet de localiser la glotte, mais l’extrémité
ne peut pas pénétrer le larynx (laryngoscope de BULLARD).
Intubation nasale ou orale aveugle : n’est à réserver qu’à des mains expérimentées et
un patient en ventilation spontanée : on avance le tube pendant l’inspiration, et à la disparition
du bruit respiratoire, on se trouve devant l’œsophage. Une traction sur la langue permet de
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mettre le larynx plus en antérieur : s'il y a échec de cette méthode, la situation vitale du patient
devient des plus précaires. Il est préférable de confirmer la position correcte du tube par un
capnographe.
Intubation nasale vigile : elle semble être inévitable. Un bloc cervical et pharyngé
peut rendre ce geste invasif de contrôle des voies aériennes plus supportable pour le patient.
Le bloc glossopharyngien décrit par Woods et Lander (15) bloque les influx nerveux issus de
la zone postérieure de la langue. On injecte avec une aiguille de 23G 2 ml de Lidocaïne 1 %
adrénalinée dans la zone où la base de la langue se poursuit par le repli palatoglosse. Ce bloc
est acceptable même en situation d’estomac plein. Woods a démontré qu’en injectant une
dose de 5 ml de Lidocaine, on pouvait également obtenir un bloc du nerf laryngé supérieur.
Une anesthésie transtrachéale (ponction de la membrane transcricoïdienne, aspiration d’air et
injection de Lidocaïne) peut également rendre l’intubation plus confortable, mais on bloque
tous les réflexes protecteurs de la glotte et on risque une fausse déglutition.
Une autre méthode consiste en la réalisation d’une anesthésie locale du carrefour
nasopharyngé par un spray à base de Xylocaïne 10 %. Une oxygénation préalable reste
importante et nécessaire (dénitrogénation pulmonaire préanesthésie). Il est fortement
recommandé d’utiliser des vasoconstricteurs locaux
et une prémédication à base
d’anticholinergiques car toute sécrétion peut obstruer le canal visuel. Un tube endotrachéal
monté sur un fibroscope à fibres optiques permet d’avancer lentement mais sous contrôle
visuel au-delà des cordes vocales. La sonde est passée préférentiellement pendant une
inspiration à travers les cordes vocales afin d’éviter un réflexe de toux. Une légère sédation à
base de petites doses de Sufentanyl et de Midazolam permet de rendre ce geste plus agréable
pour le patient. Une fois les cordes vocales passées, on gonfle le cuff endotrachéal, on retire
le fibroscope, puis on réalise une anesthésie générale bien titrée. Des pathologies telles
qu’une tumeur, une infection ou un œdème de la paroi pharyngée postérieure peuvent rendre
la fibroscopie difficile voire également impossible.
Intubation orale par fibroscopie : est également envisageable, mais il faut utiliser un
ouvre-bouche afin de protéger le fibroscope, et on peut éviter un déplacement postérieur de la
langue. L’intubation vigile sous fibroscopie par voie orale est quelque peu plus difficile que
par voie nasale, car l’épiglotte représente un obstacle plus important et l’extrémité de la sonde
ne se dirige pas naturellement vers la glotte : n’oublions pas que ce patient présente un néo au
niveau de son épiglotte, alors il ne reste plus que la fibroscopie par voie nasale.
La ventilation spontanée évite bien évidemment de trop longues périodes d’apnée et
cette fibroscopie risque de prendre beaucoup de temps.
L’utilisation d’un cathéter de RAVUSSIN et jet-ventilation transtrachéale
La membrane cricothyroïdienne est facilement palpable. Elle est ponctionnée par une
aiguille de 23 G et infiltrée de Xylocaine 2 %. La ponction se fait perpendiculairement au
plan de la peau et l’aspiration d’air confirme la position intratrachéale. Une jet-ventilation
permet d’assurer une ventilation adéquate, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une
technique de courte durée et les voies aériennes ne sont pas protégées.
Trachéotomie chirurgicale sous anesthésie locale : reste une autre méthode d’assurer
la sécurité des voies aériennes, puis endormir le patient : cela entraîne un réveil du patient
avec une trachéotomie, qui peut être très traumatisant psychologiquement pour le patient et sa
famille.
La plupart des anesthésistes actuels sont formés pour intuber avec l’aide d’un
fibroscope et réaliser une intubation nasotrachéale (avec présence d’un ORL).
L’induction de l’anesthésie après contrôle des voies aériennes doit être prudente et
titrée, à base de sufentanyl, d’un hypnotique de type Hypnomidate ou même de Diprivan avec
utilisation d’un curare de type non dépolarisant de type Benzoquinoléines. La mise en place
7
d’une ligne artérielle invasive va se révéler maintenant payante pour pouvoir anticiper des
!
EVOLUTION PEROPERATOIRE
prélever des échantillons de sang artériel. Un câble d’électrocardiogramme à 5 dérivations
semble bien indiqué, afin de pouvoir détecter des arythmies et des signes
d’ischémie myocardique (sous et/ou sus-décalage segment ST).
ou de suivre l’évolution d’une décompensation cardiaque (beaucoup d’anesthésistes
n’hésitent pas à monter un cathéter pulmonaire de type
Bien évidemment, il faudra vivement recommander une péridurale thoracique basse
chez ce patient
hémodynamiquement plus stable, le réveil sera beaucoup moins douloureux, et cette
péridurale créera une
viscères et des membres inférieurs. Cette péridurale sera même maintenue le plus longtemps
possible en postopératoire.
clampage de l’aorte
(augmentation de la
déclampage de l’aorte : risque hypotensif
Dans les 2 cas une vigilance armée (vasodilatateurs ou vasoconstricteurs), ainsi qu’un
remplissage vasculaire adéquat semble primordiaux.
clampage de l’aorte représente un stress cardiovasculaire majeur, spécifique à cette
chirurgie. En aval du
pression artérielle et la postcharge sont augmentées. Ce qui entraîne une mise sous tension
et de la moelle et l’accumulation de métabolites acides dans les tissus et les vaisseaux en
dessous du clamp.
importante vers les membres inférieurs se développe et les modifications produites par le
clampage sont habituellement moins importantes comparées à celles constatées lors de la
Dans la réponse hémodynamique au clampage, l’importance de l’état cardiaque et de la
coll (2
Attia et Godding ont documenté deux types de réponse en fonction de la présence ou de
la susceptibilité de développer une dysfonction ventriculaire ischémique ou ceux ayant une
réserve de contractilité myocardique diminuée après un infarctus montrent fréquemment des
clampage
sous-rénal. Cette réponse se caractérise par une grande diminution du volume d’éjection et du
d’arythmie et/ou de signes d’ischémie myocardique à l’ECG. Idéalement, les patients avec
une pathologie cardiaque significative doivent être identifiés en préopératoire pour qu’une
clampage.
En surveillant de manière continue avec une ETO,
coll (13
Gewertz et coll
6) démontrent que le
sus-cœliaque est associé à une augmentation importante des
surfaces
télédiastoliques du ventricule gauche, à une diminution sévère de la
fraction d’éjection et à de fréquentes anomalies de la cinétique segmentaire. Il faut débuter un
8
traitement avec de la nitroglycérine, car elle préserve la distribution du flux sanguin dans la
paroi du myocarde. De plus elle prévient la baisse progressive de la contractilité et du débit
cardiaque ainsi que l’élévation des résistances consécutives au clampage. Si après le retour de
la PAPO aux valeurs antérieures, le débit cardiaque et la SvO2 restent encore bas, l’addition
d’une drogue inotrope positive peut être indiquée. L’amrinone, un inhibiteur de la
phosphodiestérase, avec des propriétés vasodilatatrices et inotropes positives, présente un
intérêt particulier dans ce contexte.
Lors de la chirurgie de l’aorte abdominale, la survenue d’une oligurie transitoire est
fréquente et de nombreux patients présentent une légère insuffisance rénale en postopératoire.
De nombreux anesthésistes administrent du Mannitol (12 ,5 à 50 g) afin de provoquer une
diurèse osmotique avant le clampage aortique ; les autres moyens sont un remplissage
adéquat, l’administration de furosémide IV (5 à 50 mg).
Le déclampage de l’aorte
Il remet rapidement en circulation la vascularisation distale. Par de nombreux aspects,
les modifications hémodynamiques sont exactement opposées à celles observées lors du
clampage. Alors que les résistances vasculaires et la pression artérielle sont diminuées, le
volume d’éjection et le débit cardiaque peuvent être augmentés ou inchangés. Comme le
déclampage provoque invariablement une diminution des résistances vasculaires systémiques,
toute chute supplémentaire du débit cardiaque entraîne une hypotension importante. Dans le
passé, le terme de choc de déclampage était utilisé pour décrire ce syndrome d’hypotension
artérielle avec un bas débit cardiaque et qui pouvait évoluer vers le choc irréversible et la
mort. La connaissance du fait que ce syndrome est en partie réversible avec un remplissage
vasculaire adéquat avant le déclampage a réduit de manière importante la fréquence de ce
problème. La perfusion rapide de solutés pour élever la PAPO de 4 à 6 mm Hg au-dessus des
valeurs de base peut être utilisée.
Il persiste également un risque hémorragique important, nécessitant l’emploi d’un
récupérateur de sang, d’une commande de sang adéquate. Un contact étroit chirurgien et
anesthésiste reste primordial et élémentaire.
Les pertes sanguines sont la conséquence de saignements artériels, d’une hémostase
chirurgicale insuffisante, de l’administration d’anticoagulant et de la consommation des
facteurs de coagulation. Les pertes liquidiennes par évaporation surviennent du fait de la
large exposition de la cavité abdominale et des viscères. De plus, les traumatismes tissulaires
par la dissection, les tractions et les manipulations entraînent un transfert liquidien vers un
compartiment non fonctionnel, défini comme le 3. Secteur. Lors de la chirurgie aortique,
l’œdème rétropéritonéal et la séquestration de liquides dans la paroi et la lumière des intestins
interviennent pour une grande part dans le déplacement liquidien hors du secteur vasculaire.
Malheureusement il n’existe pas de formule pour calculer la vitesse et le volume
d’administrations des apports peropératoires. La PVC ne fournit pas une bonne évaluation du
remplissage gauche chez la plupart des patients ayant une cardiopathie préexistante (1 ; 12).
De plus chez les patients bénéficiant d’une reconstruction de l’aorte abdominale, les études
montrent que la pression veineuse centrale n’est pas corrélée avec la mesure du volume
sanguin (3). A la vue de ces éléments, nous préférons nous baser sur les modifications de la
surface télédiastolique du ventricule gauche évaluée par ETO et /ou celles de la PAPO, de la
diurèse et de l’hématocrite pour nous guider.
Lorsqu’une hémorragie incontrôlée nécessite la transfusion de grandes quantités de
culots globulaires, les complications de la transfusion massive peuvent apparaître.
L’hémostase est perturbée, la courbe de dissociation de l’hémoglobine est déplacée vers la
9
gauche et la libération d’O2 au niveau tissulaire est gênée. Le volume qui provoque de
sérieuses altérations de la coagulation varie d’un patient à l’autre, mais dépasse en général 20
unités chez l’adulte.
Pour ce patient-ci, plusieurs options chirurgicales s’offrent à nous, mais toutes vont
nécessiter un clampage de l’aorte abdominale, un nouveau pontage (pont dédoublé) de la
branche droite de son carrefour aorto-iliaque, un remplacement complet du carrefour, la mise
en place d’un pontage axillo-bifémoral gauche, s’il existe des signes d’infection au niveau de
la prothèse (trop de modifications anatomiques au niveau cervical suite à la chirurgie,
l’irradiation, voire la récidive du néo ORL).
Pour le maintien de l’anesthésie générale, on a le choix : le diprifusor ou un faible
pourcentage de gaz halogénés. Rappelons à ce sujet la controverse qui existe concernant le
vol coronaire et l’utilisation d’isoflurane.
Réveil et période postopératoire
Les mêmes principes qui s’appliquent lors de l’induction et la maintenance de
l’anesthésie sont valables pour la fin de l’anesthésie et la période de réveil, c’est-à-dire que
l’anesthésie doit être arrêtée de telle manière que l’hémodynamique, les besoins métaboliques
en oxygène et le DSC soient le moins possible perturbés. Par cet aspect, le réveil
postanesthésique n’est pas moins important que les autres.
La transition doit être douce et sans douleurs ; si on opte pour de la morphine par voie
péridurale, celle-ci doit être injectée une heure avant la fin de la chirurgie.
L’extubation immédiatement après la chirurgie aortique est souvent indésirable pour
plusieurs raisons : la longueur de l’incision, l’importance de la dissection, la durée de
l’intervention, les drogues anesthésiques parfois utilisées (fortes doses de morphiniques),
l’existence d’une pathologie respiratoire préexistante (ce qui est le cas ici), les besoins
importants peropératoires de grandes quantités de solutés et de sang, et la possibilité d’une
hypothermie.
Ici, il faudra surtout garder en mémoire la pathologie respiratoire du patient, et la
difficulté d’intubation ; il faudra être sûr que le patient a développé une dynamique
respiratoire suffisante, des réflexes de déglutition intacts, un éveil correct, une décurarisation
complète et que la pathologie néoplasique ne saigne pas : instrumentation difficile des voies
aériennes et utilisation d’héparine en peropératoire.
L’hémorragie et l’insuffisance respiratoire ou rénale ne sont pas rares en postopératoire.
Les patients avant d’être extubés doivent savoir maintenir en ventilation spontanée un
volume courant d’au moins 5 ml/kg, et une capacité vitale de 12 à 15 ml/kg et développer une
pression d’occlusion d’au moins 20 mm Hg. Le pharynx est alors gentiment aspiré et la
trachée extubée. De la Lidocaïne à une dose de 1,5 ml/kg peut être administrée en
intraveineux pour supprimer une toux excessive au moment de l’extubation.
Dans notre expérience, les patients qui reçoivent en plus une anesthésie péridurale
peuvent être extubés plus rapidement.
Si on a opté pour l’intervention de la mise en place d’une canule de trachéotomie : le
sevrage respiratoire sera plus simple, l’espace mort est plus réduit, la kinésithérapie
respiratoire également et les aspirations pharyngées moins fréquentes, donc moins de risque
de blesser les lésions néoplasiques ORL et de les faire saigner. Ceci représente d’autant plus
d’avantages par rapport à une intubation nasale fibroscopique. De plus, l’extubation peut
faire saigner, mobiliser des caillots ou même des fragments néoplasiques obstruant les voies
respiratoires hautes et qui risquent d’étouffer le patient. De plus, les réanimateurs n’ont pas
10
forcément la maîtrise d’une intubation fibroscopique comme peuvent l’avoir certains
anesthésistes.
En postopératoire d’une chirurgie aortique majeure, certains patients développent une
hypertension artérielle. Le mécanisme n’est pas encore complètement élucidé mais implique
le retour du tonus vasculaire après disparition de l’effet vasodilatateur des drogues
anesthésiques. Après avoir éliminé les causes réversibles, comme la douleur ou même une
rétention d’urine, l’hypertension est traitée avec le même médicament utilisé en peropératoire.
Chez certains patients, les niveaux plasmatiques de noradrénaline, d’adrénaline et d’hormone
antidiurétique sont élevés. Il a été montré que la Clonidine, à la dose de 7 µg/kg sur une
période de 120 minutes, inhibe la libération des vasopresseurs endogènes et diminue la
fréquence des hypertensions et des tachycardies postopératoires (11). Elle aura aussi un effet
bénéfique, en plus du Tiapridal, sur le sevrage éthylique que ce patient sera susceptible de
faire en postopératoire. Une hypertension peut réapparaître plusieurs jours plus tard lorsque
les liquides séquestrés et non fonctionnels sont mobilisés à partir du compartiment
extravasculaire. A ce moment, une petite dose de diurétique peut souvent améliorer le
contrôle d’une hypertension.
CONCLUSIONS
Nous sommes confrontés à un patient classé au moins en ASA IV E, qui a toutes les
raisons possibles et imaginables de ne pas survivre à une intervention de revascularisation
aortique. Sa pathologie ORL ne nous laisse pas le temps de bilanter correctement la
perméabilité des voies aériennes et nous sommes pressés par la pathologie vasculaire.
Il faudra bien aviser le patient et ses proches du taux élevé de mortalité et de morbidité
que représentent l’anesthésie et l’intervention chirurgicale.
Le contrôle des voies aériennes ne pourra s’effectuer que par une intubation vigile au
fibroscope par voie nasale et / ou une trachéotomie réalisée sous anesthésie locale par un ORL
rapide et expérimenté.
Au niveau peropératoire et postopératoire, une anesthésie combinée générale et
péridurale serait souhaitable.
Le réveil ne pourra se faire que progressivement et uniquement en salle de soins
intensifs. Son sevrage éthylique pourra également être néfaste hémodynamiquement en
postopératoire.
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