L`ETOILE-ABSINTHE - Société des Amis d`Alfred Jarry
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L`ETOILE-ABSINTHE - Société des Amis d`Alfred Jarry
Juin 1980 L'ETOILE-ABSINTHE 5~6éme Tournée SOCIETE DES AMIS D'ALFRED J A R R Y SOCIETE DES A M I S D'ALFRED JARRY 8, boulevard J e a n n e d ' A r c 35000 RENNES L'ETOILE - A B S I N T H E 5/6ème Tournée J U I N 1980 EDITORIAL «Quand on voit s o n d o u b l e on m e u r t » , écrit J a r r y d a n s César-Antéchrist. Absinthe n'hésite pas à L 'Etoile- prendre des risques et voit, a v e c la présente «tournée», naître s o n d o u b l e pour la deuxième fois, espérant bien q u e ce n'est pas la s e c o n d e ! Il est vrai que le lecteur, lui, s'étonner de ne pas voir double, pourra la pré- sente livraison n'ayant, en effet, que peu de pages en plus de notre quatrième n u m é r o . M a i s la richesse d ' u n e publication ne provient-elle pas, d ' a b o r d , des d o c u ments et textes inédits, n o m b r e u x , qui l'ornent? Q u e le lecteur, ce « c o c h o n de p a y a n t » , h u m e d o n c de s o n rose et noble groin les inédits d ' A l f r e d Jarry qui e m b a u m e n t les deux dossiers réunis ici autour de Félix Fénéon et de la B e l g i q u e ! Qu'en sus Faustroll aide chacun à g o û t e r , à leur juste valeur, la multiplicité des signatures qui rehausse la rubrique « C o m p t e - r e n d u s » , celle-ci ayant en effet bénéficié de notre récent appel aux collaborations ; et n o u s ne v o u d r i o n s pas terminer a u t r e m e n t q u ' e n le renouvelant... H. B. Sommaire DOSSIER FENEON : Henri B O R D I L L O N : A v a n t - d i r e C o r r e s p o n d a n c e de J a r r y a v e c Fénéon Entretien a v e c Pascal Pia sur Fénéon Trois lettres de F. Fénéon à 0 . M i r b e a u RICHE BELGIQUE Philippe V A N D E N B R Œ C K : R i c h e B e l g i q u e José P I E R R E : Le S y m b o l i s m e en B e l g i q u e A l f r e d J A R R Y : Les M a r i o n n e t t e s D o c u m e n t s divers : Lettre inédite de J a r r y à Fontainas C o m p t e - r e n d u de la c o n f é r e n c e , par 0 . M a u s - Les Pouchinels. ETUDES Bernard H U E : L ' E m p i r e o t t o m a n d a n s Ubu enchaîné, ou l'Envers et l'Endroit J e a n - P a u l G O U J O N : A l f r e d J a r r y , les S y m b o l i s t e s , et la Mi-Carême 5 7 25 29 33 38 42 48 . 53 58 DOCUMENTS Lettre inédite d ' A l f r e d J a r r y à Karl Boès Le bois d u lion noir 63 63 M E N U S C O M P T E S ET P R O P O S R E N D U S Brunella E R U L I : Italie : J a r r y au théâtre Bernard L E D O Z E : Y o u b o u à L o n d r e s 69 75 79 S t a t u t s de la Société des A m i s d ' A l f r e d Jarry 81 DOSSIER FENEON - 3 - AVANT-LIRE On ne connaît plus guère, aujourd'hui, l'œuvre de Félix Fénéon, ni son importance pour la génération des jeunes symbolistes, dont Jarry, qui le lisait et l'admirait, comme en témoignent ses premières Minutes d'Art, où il le prend pour modèle, tout autant qu'Aurier, et ses Visions actuelles et futures. Or Fénéon, qui eut le malheur de naître dans la triste Turin le 29 juin 1861, «d'un père bourguignon et d'une mère suisse», et — comme un malheur n'arrive jamais seul — celui de mourir à Paris en 1944, fut de tous les combats d'avant-garde, tant littéraires que picturaux ou politiques, de 1885 à la fin; et si l'on sait ce qu'un Jean Paulhan, par exemple, lui doit, combien d'autres, qui ne le savent pas, lui doivent plus encore!... Sans doute la correspondance que nous avons réunie ici va décevoir : c'est qu'elle concerne, le plus souvent, l'envoi d'un texte pour la Revue Blanche, — que Jarry semble écrire, toujours, à la dernière minute — et, à partir de 1902, des besoins d'argent qui se font de plus en plus impérieux. Certes, ce n'est probablement là que l'un des moindres aspects des relations entre les deux hommes; mais cette correspondance, pourtant, et telle qu'elle est, a le mérite de mettre à nu, plus d'une fois, les mécanismes de la création jarryque, en nous enseignant la Poésie d'une chronique et le bon usage de la Lettre. 5 Il nous faut regretter, de ne pouvoir publier ici qu'une seule lettre de Fénéon à Jarry (et une à Thadée Natanson, présente dans cet ensemble parce qu'elle touche Jarry de très près); espérons que la présente publication fera surgir les autres, et l'intégral des lettres de Jarry qui ne sont encore connues que fragmentairement. Henri BORDILLON Lettre 1 Paris, le 7 mars 1886 Mon cher Alfred Jarry, Voudriez-vous m'envoyer, par retour du courrier le ou les clichés de votre annonce du Perhindérion et de son texte? Merci pour le premier numéro, que j'ai reçu il y a quelques jours, et pour le César-Antéchrist. Pourquoi n'enverriez-vous pas à la Revue Blanche un peu de copie, — choisissant, peut-être, quelque chose que vous aimeriez beaucoup et qui pourtant ne serait pas trop abstrus (la première fois!...) Cordialités que je vous prie de vouloir bien agréer. Félix Fénéon Lettre 2 8 mars (1896). Mon cher Félix Fénéon, Je vous remercie très infiniment d'avoir bien voulu penser à cette annonce. Voici les clichés et le texte : s'il est un peu long, vous en couperez. Je m'aperçois que je me suis permis de vous envoyer un drame dont il manque un acte : ce me sera une occasion de vous donner une Minutes sur des papiers plus ou moins absurdes. Tout à fait cordialement. Lettre 3 15 mars (1896). Mon cher Félix Fénéon, Je me permets de vous envoyer une chose qui a été écrite en vue de la Revue Blanche; mais si (pour des raisons de longueur, obscénité ou obscurité), elle ne devait point passer, ça ne ferait rien du tout et il faudra me le dire. Maintenant, si cela passe, ça me fera beaucoup de plaisir. Je vous enverrai aussi la Baleine. Bien cordialement à vous. Lettre 4 Lundi soir (fin août 1901 ) Jarry vient d'arriver fort heureusement dans l'admirable séjour de Mirbeau, lequel vous attend tous les deux au plus tôt... Une rectification est à faire sur la copie... le bon géant tueur de militaires est Pantagruel, au lieu de Gargantua. Lettre 5 (24 avril 1902) Mon cher ami, Ma copie (Gestes — bibliogr. Vampires) part avec cette lettre chez Lamy. Excusez du retard! Ai écrit à Terrasse pour Parapluie. Amitiés A. Jarry Lettre 6 (21 juillet 1902) Mon cher ami, J'ai raté pour mes Gestes le courrier du matin, mais ils vont être terminés à temps pour le courrier de 3 h. cette après-midi. Ils doivent vous arriver chez vous ce soir à 8 h. Si vous avez le loisir de passer à La Revue avant votre départ, je voudrais bien recevoir ici un exemplaire du dernier numéro, celui où il y a l'article de Thadée Natanson sur le Sacre. Bien cordialement A. Jarry Lettre 7 (8 novembre 1902) Mon cher ami, J'ai tardé à vous envoyer ma copie, attendant la fin des aventures de M. Vidal, dont je désire parler. J e pense que le Geste vous parviendra chez vous avant ce soir (je le mettrai à la poste vers 3 h.). J'ai émargé chez M. Fasquelle sans difficulté. Quant au numéro du premier novembre ce matin, dans les mêmes conditions qu'à La Revue. Bien cordialement A . Jar- Lettre 8 (décembre 1902) Mon cher ami, I0 Carte-lettre et «pneu» adressés par J a r r y à Félix Fénéon. Voici le dernier Geste. Je pense que la fin de la revue ne nous empêchera pas trop de nous revoir. J'ai dit à Mardrus que vous vouliez bien que je le bibliographie. Mais avez-vous des épreuves du tome ou dois-je lui en écrire? Et aussi, n'y a-t-il pas de risque de double emploi avec Arnauld? Si vous voulez bien, j'irai vous déranger brièvement pour ces questions au Figaro demain vendredi. (Si épreuves il y a, pourriez-vous me les confier momentanément?) Votre Alfred Jarry Lettre 9 (décembre 1902) Jarry, qui a omis de le faire la dernière fois qu'il l'a vu, le remercie de son aimable annonce sur la Renaissance. Il lui envoie la copie dernière bibliographique et espère qu'ils auront d'autres occasions de se revoir en dehors de la revue. Il souhaite que le Figaro lui laisse le temps de trouver quelques besoins d'explorer /es rives et la surface du fleuve qui jouxte mes demeures. Lettre 10 (fin décembre 1902) Mon cher ami, Merci encore pour l'agréable soirée d'hier et pour la complaisance avec laquelle — je dois vraiment en abuser! — 11 vous m'avez conférés les Théâtres. Cela me fait un grand plaisir, mais il va sans dire que si André Picard s'en plaint, je suis prêt à n'avoir été qu'un intérim. S'il n'y a pas d'inconvénient, j'aime mieux faire cela que les Gestes, pour la raison que je vous ai dite, et m'arrangerai pour voir les pièces sans causer trop d'embarras. Mes meilleures amitiés à votre famille et bien cordialement vôtre. P.S. — J'ai été si long sur les Nèfles parce que : 1° c'était la seule pièce que j'eusse vue; 2° l'auteur était un de mes amis et en outre la pièce surtout est vraiment drôle. Lettre 11 (30 décembre 1902) Mardi 3 heures. Mon cher ami, Dans les Théâtres que je vous ai envoyés, il y a une phrase que je voudrais modifier, comptant sur votre complaisance dont je continue à abuser sans vergogne. Je parle de Jules et de l'usage de le traiter, militairement par-dessous la jambe. Je me repens de cette phrase (supposez que l'auteur soit... La Vallière). Voudrez-vous, si vous y pensez, rétablir : le traiter, si nous osons ainsi dire, de haut en bas, au lieu de par-dessous la jambe, sans capitales, malgré ce soulignement! Merci d'avance, comme toujours! Vôtre... P. S. — M. Gavard se complaint après la pige. Deuxième abus de complaisance de ma part! Mais ce n'urge point avant samedi. 12 Lettre 12 (fin décembre 1902) Mon cher ami, Voici le paragraphe. J'ai ajouté, croyant bien faire, une pièce, Théroigne. Ce mode d'appréciation des pièces paraît le meilleur, épargnant un temps précieux et étant le seul qui garantisse l'absolue impartialité. J e vous rappelle mon obsession : que l'imprimeur rétablisse dans Jules : de haut en bas au lieu de par dessous, e t c . . 1° Pardon. 2° Merci. 3° Bien cordialement vôtre. Lettre 13 (2 janvier 1903) Mon cher ami, Je vous souhaite un excellent 1903. Quant à moi j'inaugure l'an nouveau par une espèce d'influenza, depuis mardi. J e pense que cette calamité ne se prolongera pas et qu'il me sera possible de faire une visite à votre famille un de ces jours dans l'après-midi. J e n'ai voulu confier à la poste quelques envois, non précieux d'ailleurs. Votre Alfred Jarry Lettre 14 Mardi soir (6 janvier 1903), 8 h. 1/2. 13 Mon cher ami, J e vous enverrai les Théâtres — avec quelques lignes d'enclave gesticulante — demain dans la journée. (Bien entendu, ça ne compte que comme Théâtres.) Merci — comme toujours. J'attendais trois choses pour répondre à la Renaissance latine : 1° d'être sur pied, car on ne sait jamais...; 2° d'avoir acquis du papier représentant un lis dans une sombre vallée, ceci à titre de jubilation puérile et personnelle; 3° votre lettre. Comme curiosité, je vous communique pour votre distraction particulière, l'épître à Binet-Valmer. Mon cher ami, je vous remercie de m'avoir permis de me documenter sur ce phénomène qu'il ne m'avait point été donné, jusqu'à ce jour, d'observer, le retour d'un manuscrit. N'ayez point de regrets et l'affaire a d'ailleurs peu d'importance. Mais si les princes ne considèrent plus avec un respect suffisamment ébloui nos œuvres complètes... quo vadimus? Croyez-moi, mon cher, votre dévoué, e t c . . Quant au manuscrit en litige, ce jour des rois, 6 janvier, il est à la Plume et s'imprime. Mille amitiés à vous et à tous. Lettre 15 (9 (?) janvier 1903) Vendredi matin 11 h Mon cher ami, Je continue mes exigences. Nous vîmes ce matin M. Gavard, chez Fasquelle, et nous serions fort désireux de pouvoir, demain samedi, lui faire rendre gorge quant aux bibliographies (les Gestes sont perçus). Le réveillon et ses 14 débauches nous contraignent à ces nécessités : me feriez-vous parvenir un mot qui serait ma pige individuelle, ou en favoriser ledit Gavard? Celui-ci exige une telle formalité. Votre Alfred Jarry Nos deux télégrammes se sont croisés. Ma copie a dû parvenir très tôt, mais elle est peut-être un peu courte? Lettre 16 11 février 1903. Mon cher ami, J e viens de mettre mes épreuves à la poste, mais j'ai oublié un mot additionnel (il ne sera pas dit que je ne vous aurai pas tourmenté jusqu'à la fin!) : je me suis permis d'ajouter quelques lignes dans le compte rendu de la pièce de Terrasse. Dans ces lignes, j'ai, je crois, cette phrase, que maintenant le prince de Coma... est revêtu d'un mirifique costume doré, qui, etc.. Seriez-vous assez bon pour rétablir revêtu d'un mirifique costume doré, Kurde pour le moins, etc... Le costume de la pièce est, en effet, assez exotique pour être dit kurde, mais en outre, j'ai appris, hier, que mon Bibescul est d'origine kurde, ou si l'on veut bibeskurde. Je sais que vous ne me refuserez point cette satisfaction pacifique. N'imprimez tout de même point bibeskurde : ce serait peut-être englober d'autres bibescul plus dignes d'intérêt. Merci encore. Vôtre 15 Lettre 17 Samedi 28 ( février 1903), 11 h. du matin. Mon cher ami, Je viens d'arracher l'or des Théâtres à M. Gavard ou, pour mieux dire, il me l'a spontanément présenté. Mais il m'a informé d'un détail qui n'a plus d'urgence pour moi (m'ayant réservé que les bibliographies), mais qui pourra, quant à la pige, obliger Fagus ou d'autres; j'avais mal compris, l'autre jour, votre feuille est allée au bureau de Fasquelle, vraisemblablement, parce qu'elle était adressée : Maison Fasquelle, sans sous-titre. M. Gavard insinue qu'en précisant Maison Fasquelle, comptabilité, ce précieux papier parviendrait tout droit à lui. Gavard, le seul, paraît-il, qui en ait charge, sauf le cas de correspondance jointe à la pige et intéressant Fasquelle, alors que la semaine dernière, il séjourna des temps considérables sur le bureau de M. Fasquelle, jusqu'à ma réquisition impérieuse... J e travaille et instrumente. J e vous dirai exactement, le 5, si j'ai quelque chose de prêt : ou la nouvelle faisant un tout empruntée au roman, ou les vers. Plus vraisemblablement, je vous donnerai même cette copie le 5... et je tâcherai en outre, sinon d'aller aux théâtres, au moins de les lire en des journaux... Donc, à bientôt, au Figaro. Bien amicalement... Lettre 18 19 mars 1903 Mon cher ami, I6 Félix Fénéon v u par T o u l o u s e - L a u t r e c (à g a u c h e ) , Paul S l g n a c (en haut à droite) et Félix V a l l o t o n (en bas à droite). J'ai eu, hier, chez l'imprimeur, les épreuves : il y a infiniment peu de coquilles, ce qui est étonnant, et autant que j'ai pu mesurer, cela n'atteindra pas vingt huit pages — quand le 9 de la liste, etc., sera composé. Il paraît qu'en vous donnant la copie de Demolder, j'ai pris l'une pour l'autre et que lui tiendrait davantage précisément à la partie qui n'a pas été gardée... Je vous l'apporterai avec mes épreuves. Il part à Bruxelles demain — son père est malade — et ne rentrera que dans un mois. Le manuscrit de la Bataille et les épreuves corrigées vous seront apportés très probablement demain vendredi soir, à 10 heures, au Figaro. Le reste, samedi. Je crois que dans le dernier numéro, je ne vous soumettrai que deux pages de vers : cela sera peut-être plus pratique s'il est, comme il arrivera, sans doute, très encombré. Et après, je repartirai pour les pays du Barrage, où je pense que vous ne tarderez point à paraître. Mes amitiés en votre demeure, et bien cordialement. Lettre 19 (30 mars 1903) Mon cher ami, Par une erreur postale sans doute, je n'ai reçu que ce matin à 8 h. les épreuves. J e les réexpédie corrigées, par ce courrier, au metteur en pages de la R.B., chez Lamy. Il y avait force coquilles dans les admirables vers de Magre : // pour Je tout le temps, sans doute de par mon écriture défectueuse. M. Gavard vient de me rendre gorge des Théâtres, avant qu'ils soient imprimés. J e serais fort heureux si, mettant le comble à vos complaisances, vous lui octroyiez fort provisoirement la pige, m'y trouvant cupidement intéressé. Bien amicalement Alfred Jarry Lettre 20 (9 avril 1903) Mon cher ami, Je ne vais pouvoir mettre mes Théâtres et le 1/4 de page sur Nohain à la poste que ce soir, mais j'espère que ce retard n'est pas fort grave. Comme vous me l'avez permis, j'envoie cette copie directement à Lamy, pour qu'il l'ait demain matin. Je ne pars — définitivement — que samedi matin. Si donc il y avait des épreuves de poèmes je pourrais encore les avoir à Paris, peut-être, et vous les retourner fort vite par pneumatique? Bien amicalement Alfred Jarry Je reviendrai à Paris pour un jour vers le 15 ou 16 pour conciliabule du Canard Sauvage. Peut-être aussi serai-je informé par vous, à cet instant, si la Revue blanche est décidément morte? A.J. Lettre 21 25 mai (1906) 18 Lettre inédite d ' A l f r e d Jarry à Félix Fénéon (Collection Henri Bordillon) L e t t r e i n é d i t e d ' A l f r e d J a r r y à Félix F é n é o n (Collection Patrick Besnier) L e t t r e i n é d i t e d ' A l f r e d J a r r y à Félix F é n é o n (Collection H e n i Bordillon) r Lettre inédite d ' A l f r e d Jarry à Félix Fénéon (Collection Henri Bordillon) Mon cherThadée, Vallette m'envoie, pour moi et les palotins amis, des bulletins de souscription à un opuscule tiré à 110. Artifice imaginé par lui et Demolder pour tirer d'affaire, dit-il, notre père Ubu, qui est dans une situation lamentable, physiquement, moralement, pécuniairement... dans un dénuement désastreux. J e pense qu'il peut vous plaire d'avoir un bulletin : je le joins donc à ce mot. Entre autres choses Vallette ajoute qu'il y a extrême urgence. A vous, bien affectueusement Félix Fénéon J'écris la même chose à Alexandre Lettre 22 13, rue Charles Landelle, 13 L A V A L (Mayenne) 8 juin 1906 Mon cher ami. Je vous remercie infiniment d'avoir aidé Vallette pour la souscription. Je vous fais mille excuses pour ne vous être point allé voir depuis près d'un an. Quand le Père Ubu est malade, ce qui ne lui arrive pas souvent, il se terre. J e suis actuellement au vert, comme on dit, dans ma famille, en Bretagne, et ne cours plus le plus petit danger. Le bruit a été répandu, par une coquetterie inconsidérée de ma part, que le Père Ubu buvait comme un templier. A vous je puis avouer comme à un vieil ami qui fut si charmant au temps de la Revue Blanche (et grâce à Vallette je n'ai rien à demander à personne, ce que je n'ai jamais fait d'ailleurs), je puis avouer... que j'avais un peu perdu l'habitude de manger et 19 que c'était ma seule maladie. Cet état... fâcheux a commencé après le Pantagruel. J'ai été déçu et épuisé depuis un an. Les collaborations ne me réussissent pas. La Dragonne est un très gros livre. Il y en a le 1er chapitre — et le plus vulgaire — dans Vers et prose. Le petit tourisme que je viens de faire, sans blague, au-delà des portes de la mort, m'a donné le chapitre final, j'en suis très content, mais on ne fait pas deux fois cela dans sa vie. Vallette — et sans lui j'étais perdu — m'a guéri de la maladie de Panurge : Faulte d'argent, c'est douleur non pareille. Voici donc le service que je vous demande, mon cher ami : j'ai collaboré avec le docteur Saltas, qui est un sot, j'en ai toutes les preuves, et qui, me sachant pourtant en très grand danger (passé maintenant), me presse de finir la Dragonne, pour avoir la joie de voir publiée la Papesse Jeanne, traduite par nous ensemble du grec. Cet oriental (il est grec d'origine) — vous pouvez en juger par Mardrus, est insinuant, obstiné, arriviste et va embêter Fasquelle. Vous êtes le seul homme à Paris à qui je peux demander — si vos occupations du Matin vous en laissent le loisir — de parer le coup. Il me faut le désavouer chez Fasquelle... qui aura d'ailleurs la Dragonne à la fin du mois. Comment arranger tout cela? Un conseil de vous me serait précieux... et une lettre de vous — n'oublions pas que je garde la chambre depuis trois semaines — serait un joujou — ou un joyau — précieux pour un malade. Amitiés à Mesdames Fénéon. Bien cordialement. A. Jarry 'A) Notes LETTRE № 1 Publiée pour la première fois en fac simile par les Cahiers du Collège Palaphysique, № 22/23 page 108. de LETTRE № 2 Publiée pour la première fois dans le № 23 des Soirées de Paris du 15 avril 1914, pages 204 et s q . (Les autres lettres à Fénéon publiées d a n s le m ê m e n u m é r o s e r o n t , plus bas, indiquées : publiées d a n s S.P.) Les lettres № 2 et 3 ont été annotées par M i c h e l A r r i v é d a n s s o n édition de «La Pléiade». Le texte d o n t il est ici q u e s t i o n est le suivant : R E V U E D ' E S T A M P E S P A R A I S S A N T SIX FOIS D A N S L ' A N N É E , l(jQ, B O U LEVARD SAINTGERMAIN, PARIS, RÉDIGÉE P A R A L F R E D JARRY. FASCICULES D E PAGES INFOLIO C A V A L I E R A V E C DES TIRAGES D E G R A N D E S P L A N C H E S D ' A L B E R T D U R E R E T U N T E X T E COMPOSÉ A V E C DES CARACTÈ RES D U QUINZIEME SIÈ CLE. L E NUMÉRO : D E U X FRANCS CINQUANTE. ABONNEMENT A N N U E L : DOUZE FRANCS. 21 LETTRE № 3 Publiée d a n s S . P . LETTRE № 4 C a t a l o g u e 230 de la Librairie de l ' A b b a y e ( № 79 du catalogue). Les indications étaient : L . A . S . à Félix Fénéon. S . D . 1 page in8°. La «rectification à faire», et qui a été faite dans le № de la Revue Blanche du 1er s e p t e m b r e 1901, c o n c e r n e le c o m p t e r e n d u d'un roman de M i r b e a u (Cf. Chandelle verle, page 600). LETTRE № 5 Inédite. C o l l e c t i o n Patrick Besnier. Cartelettre (11 x 14 cm) avec m a r q u e s p o s t a l e s , adressée à Félix Fénéon, 36 rue D a m r é a u d , Paris. Pour la b o n n e c o m p r é h e n s i o n de cette lettre, se reporter à la Chandelle verte, pp 622623. Le n u m é r o de la Revue Blanche est celui du 1er mai 1902, et non du 1er s e p t e m b r e , c o m m e l'écrit f a u s s e m e n t M a u r i c e Saillet. LETTRE № 6 Inédite. C o l l e c t i o n Patrick Besnier. Cartelettre a v e c m a r q u e s postales, adressée le 2 1 / 7 / 0 2 à 12 H de Corbeil à M o n s i e u r Félix Fénéon, 15 rue des GrandesCarrières, Paris. LETTRE № 7 Inédite. C o l l e c t i o n Henri Bordillon. Cartelettre avec m a r q u e s postales, adressée le 8/11 /02 du Bureau de poste de la rue de R e n n e s , à M o n s i e u r F. Fénéon, 15 rue des GrandesCarrières. P o u r «le Geste» c o n c e r n é , voir la Chandelle verte, pp. 235237. LETTRE № 8 Inédite. C o l l e c t i o n Patrick Besnier. Lettre s.l.n.d. Le «dernier Geste» parut dans le № du 15/12/02 de la Revue. Blanche (Cf. Chandelle verte pp. 632634). Les allusions à M a r d r u s c o n c e r n e n t le c o m p t e r e n d u du t o m e XII des Mille et une Nuits (voir Chandelle verte, pp. 632634). I ETTRE № 9 F r a g m e n t s inédits. Lettre s.l.n.d. figurant dans une édition de 1911 du Faustro/I, et v e n d u e par la Librairie de l ' A b b a y e , rue de S e i n e , Paris. La date est peu aisée à établir ; sans doute s'agitil de d é c e m b r e 1902, à cause de la m e n t i o n de la Renaissance Latine. I E t T R E № 10 Publiée s.l.n.d. dans S . P . Jarry publie régulièrement des «Théâtres» à partir du № du 1/1/03, suite aux p r o m e s s e s faites à B i n e t V a l m e r , secrétaire de la Renaissance Latine d'y publier, et là s e u l e m e n t , ses c h r o n i q u e s U n e lettre inédite à Karl Boés, du 31 janvier 1903, éclaire toute cette affaire. O n la trouvera dans la partie « D o c u m e n t s » . 22 Le p o s t s c r i p t u m c o n c e r n e la pièce de: Karl R o s e n v a l (i.e. : B e r l h e Danville : Jules ou les nèfles de l'Alaska.(Cl. Chandelle verte, p. 640), I ETIRE № 1 1 Publiée pour la première fois d a n s S . P . avec l'indication : papier à entête du Mercure de France. La lettre a été publiée s.l.n.d. Le mardi peut être le 23 ou le 30 d é c e m b r e . La s e c o n d e date s e m b l e la plus probable. L E T T R E № 12 Lettre s . l . n . d . publiée pour la première fois d a n s S . P . Le p a r a g r a p h e a n n o n c é est sans d o u t e celui c o n c e r n a n t L'autre geste de M a u r i c e D o n n a y (Chandelle verte, pp. 640641 ). Le texte publié par S . P . faisait suivre le texte de la lettre de deux i n d i c a t i o n s : «Côté à lacérer/Côté à divulguer à l ' i m p r i m e u r » . L E T T R E № 13 Lettre publiée pour la première fois en 1979, s.l.n.d., s o u s la f o r m e d ' u n e carte postale tirée à 200 e x e m p l a i r e s n u m é r o t é s puis d a n s l'EtoileAbsin the № 4, page 45. Le mardi d o n t il est q u e s t i o n est le 30 d é c e m b r e 1902. L E T T R E № 14 Publiée pour la première fois d a n s S . P . a v e c l'indication : le papier est orné d ' u n lys. L E T T R E № 15 Inédite. C o l l e c t i o n Henri B o r d i l l o n . La date est incertaine. La lettre porte en filigrane un lion qui s e m b l e bien avoir servi de modèle au bois gravé a n o n y m e qui c o n c l u e le Louis XI, curieux homme de Paul Fort (Voir d a n s la partie « D o c u m e n t s » ; Un bois inconnu de Jarry.) L E T T R E № 16 Publiée pour la première fois d a n s S . P . V o i r Chandelle verte, p p . 650652. L E T T R E № 17 Publiée pour la première fois d a n s S . P . Les p r o p o s i t i o n s de textes sont La Bataille deMorsang(parue dans le № 236 du 1er avril 1903 de la R.B. et les p o è m e s : Bardes et cordes et le chaînier, parus d a n s le dernier n u m é r o de la R.B. L E T T R E № 18 Publiée pour la première fois d a n s S . P . L E T T R E № 19 Inédite. C o l l e c t i o n Henri B o r d i l l o n . Carteiettre aux m a r q u e s p o s t a l e s . A l l u s i o n au c o m p t e r e n d u du Denier du Rêve, de M a u r i c e M a g r e (Cf. 23 Chandelle verte pp. 672673) LETTRE № 2 0 Inédite. C o l l e c t i o n Henri B o r d i l l o n . Cartelettre aux marques postales. Le quart de page a n n o n c é ne figure pas d a n s le dernier n u m é r o de la Revue Blanche du 15 avril 1903. La première c o l l a b o r a t i o n de Jarry au Canard Sauvage, dirigé par C h a r l e s L o u i s P h i l i p p e , fut publiée d a n s le № du 2128 mars 1903. LETTRE № 2 1 Lettre inédite, c r o y o n s n o u s , de Félix Fénéon à Thadée N a t a n s o n . Le texte est établi à partir d ' u n cliché du d o c u m e n t original, qui a figuré d a n s la c o l l e c t i o n de M a d a m e Kapferer. L ' o p u s c u l e est le Moutardier LETTRE du pape, qui ne paraîtra q u ' e n 1907. №22 Lettre publiée f r a g m e n t a i r e m e n t en fac simile d a n s Jarry, poète d'aujour d'hui ( S e g h e r s , 1951 ) puis, in e x t e n s o , et partiellement en fac simile, d a n s le № 26/27 d e s Cahiers du Collège de Pataphysique. '/A E N T R E T I E N A V E C P A S C A L PIA S U R FELIX F E N E O N J e a n - P a u l G O U J O N - Q u a n d v o u s avez c o n n u Fénéon, était-il déjà à la Galerie B e r n h e i m ? Pascal P I A - O u i . C'était lui qui tenait la galerie une g r a n d e partie de la j o u r n é e . J e parle de la galerie B e r n h e i m jeune, située place de la M a d e l e i n e , où est M a d e l i o s a u j o u r d ' h u i . Cette galerie avait une petite publication destinée aux c o l l e c t i o n n e u r s de tableaux qui s'appelait le Bulletin d'Avertissements, et qui était e n t i è r e m e n t rédigé par Fénéon et Tabarant. Fénéon a q u i t t é la galerie vers 1925, q u a n d elle s'est transférée rue du F a u b o u r g S t - H o n o r é . C h e z B e r n h e i m , il était à la fois m a r c h a n d et — en partie — a c h e t e u r : q u a n d des peintres essayaient de v e n d r e q u e l q u e c h o s e , ils c o m m e n ç a i e n t par faire le siège de Fénéon... J P G : Etait-il p r o d i q u e de ses s o u v e n i r s littéraires ? P P : O n p o u v a i t bien sûr le faire parler, mais il ne cherchait pas à les étaler. Ce n'était pas s o n genre... Et q u a n t à s o n activité littéraire, en fait il ne se c o n s a c r a i t alors à rien. Il vivait de ses négoces de tableaux. Il demeurait à M o n t m a r t r e , derrière le cimetière, rue Eugène-Carrière. Il avait d e s côtés assez drôles... Il avait d û non pas se brouiller a v e c les B e r n h e i m , q u a n d il les a q u i t t é s , mais il devait p r o b a b l e m e n t leur reprocher q u e l q u e c h o s e (ou eux lui reprocher q u e l q u e c h o s e ) . Et je sais q u ' u n jour qu'il n'était déjà plus c h e z e u x , ils ont acheté, après la mort de Loutreuil, une toile de Loutreuil que Fénéon aurait bien v o u l u avoir. Et Fénéon l'a fait acheter par un ami c o m m u n , qui s'appelait Espinas, parce qu'il ne voulait pas que les B e r n h e i m s a c h e n t q u e c'était lui qui l'avait payée ce prix-là. Les B e r n h e i m lui auraient c e r t a i n e m e n t fait un prix plus a v a n t a g e u x , mais il ne voufait rien leur devoir. Il préférait payer plus cher. J - P G : Q u e sont d e v e n u s ses papiers et ses c o l l e c t i o n s ? P . P . : Il est mort vers la fin de l ' o c c u p a t i o n , p e n d a n t la guerre, et tout cela est allé à sa v e u v e , qui n'a pas v é c u très l o n g t e m p s après lui, un o u deux ans peut-être. Des papiers, il n'y en avait, je c r o i s , pas b e a u c o u p , mais il y avait s u r t o u t des t a b l e a u x . Il y a eu des v e n t e s qui ont servi, selon ses i n s t r u c t i o n s , à faire un prix Fénéon, q u e d o n n e l'Université de Paris à un jeune peintre et à un jeune p o è t e . Et e n c o r e , tout n'a pas été v e n d u , car F a n n y F é n é o n , suivant les instructions de s o n mari, a fait un certain n o m b r e de legs. C'est ainsi q u ' A l i c e S i g n a c a eu des Seurat et qu'elle en a d o n n é un à P o n g e par t e s t a m e n t . J P G : Fénéon n'en avait-il pas légué aux Musées N a t i o n a u x ? 25 P . P . : IL a d û leur en léguer q u e l q u e s uns. M a i s au départ (et cela est assez drôle), vingt o u trente ans plus t ô t , Fénéon avait fait un t e s t a m e n t en faveur du Musée de M o s c o u . . . Il voulait que ce qu'il possédait aille à un état socialiste. Et puis, après les histoires de T r o t s k i , il a été a b s o l u m e n t d é g o û t é du stalinisme et il a annulé son testament. Ensuite, il a refait c e t e s t a m e n t qui prévoyait des v e n t e s de tableaux et un prix Fénéon. M a i s à l'époque — d i s o n s vers 1920 — il avait c r u , c o m m e b e a u c o u p de g e n s , d a n s un état socialiste libertaire... J P G : Avait-il fait de l'action politique? P . P . : N o n , mais en 1894 il avait collaboré à des journaux a n a r c h i s t e s , d ' o ù son i n c u l p a t i o n d a n s le procès d e s Trente. J P G : N e l'avait-on pas alors inculpé pour un autre motif ? P . P . : O h , il avait alors abrité des anars. A u x termes de la loi, il aurait é v i d e m m e n t pu être inculpé pour recel de malfaiteurs, mais cela n'allait pas plus loin... 26 L E T T R E S I NEDI TES DE FELI X F E N E O N A O C T A V E MI R B E A U I (1893?) Samedi Cher Monsieur, J ' a i bien reçu v o s d e u x lettres pour la rue L e c o u r b e et votre lettre pour la guerre. M o n adresse est m a i n t e n a n t soit Guerre soit 78 rue L e p i c . Q u e je v o u s remercie d o n c de tant d ' e m p r e s s e m e n t à favoriser le projet Cohen. C o h e n a été, le jour dit, c h e z S i m o n d , qui a p r o n o n c é des paroles v a g u e s , et l'a invité à formuler, séance tenante, dans une lettre, sa p r o p o s i t i o n de c o l l a b o r a t i o n — C e q u e fit notre c a n d i d a t . «Je verrai, je v o u s écrirai» a ajouté S i m o n d . U n participe passé! était mal accordé, aije c o n s t a t é q u a n d C o h e n a r e c o n s t i t u é pour moi sa lettre à S i m o n d . Cela auraitil c h o q u é celuici? Q u o i qu'il en soit nulle réponse n'est v e n u e . N o u s l'attendions et c ' e s t c e qui a retardé ce c o m p t e r e n d u des opérations. N o u s a v o n s eu le tort de ne pas v o u s écrire tout de suite. Veuillez n o u s pardonner. N o u s s o m m e s très t o u c h é s de votre c o n c o u r s si obligeant. Y atil e n c o r e q u e l q u e c h o s e à faire? En m ê m e t e m p s que le № 78 de Y Endehors, v o u s recevrez un e x e m p l a i r e d u № qui c o n t e n a i t votre article, un exemplaire sur lequel j'ai t a m p o n n é un bois de C h a r l e s M a u r i n . Très cordialement 27 Il (Lettre à en-tête de La Revue Blanche) 10janvier 1895 M o n cher a m i , Q u e je v o u s dise que d e p u i s ce matin je suis le secrétaire de la rédaction de La Revue Blanche : et déjà v o u s ne v o u s étonnez plus q u e je v o u s mette à c o n t r i b u t i o n . Cette revue paraîtra deux fois par mois à partir de février, mais sur 50 p a g e s s e u l e m e n t et non plus 100. A r t i c l e s plus c o u r t s (3 ou 4 p a g e s ) , ton plus vif, plus de s o u c i de l'actualité, etc. Depuis l o n g t e m p s M M . N a t a n s o n , q u i , c o m m e v o u s le savez, dirigent La Revue Blanche, désiraient votre c o n c o u r s . J e leur ai dit que d a n s un récent v o y a g e à L o n d r e s v o u s aviez étudié q u e l q u e s préraphaélites, et n o t a m m e n t B u r n e - J o n e s et Rossetti en v u e d'articles que v o u s publierez dans Pall Mail Gazette. Ne c o n s e n t i r i e z - v o u s pas à publier des articles sur ce sujet — et plus généralement sur l'art anglais — d a n s la R.B. ? V o u s pensez si je serais heureux que votre entrée d a n s la Revue Blanche coïncidât a v e c la m i e n n e . M e s r e s p e c t u e u x h o m m a g e s , je v o u s prie, à M a d a m e M i r b e a u . Bien cordialement v ô t r e Félix Fénéon III (Carte-lettre à en-tête de la Revue Blanche) 6 M a i 1896 M o n cher M i r b e a u , A c c o m p a g n a n t un article d ' A d a m , il y aura, d a n s le n u m é r o imminent de la Revue Blanche, votre portrait et c e u x de C l e m e n c e a u , Mendès, Baùer, Zola et Lorrain — par Félix V a l l o t o n , 11 rue J a c o b . Paris, à qui je v o u s serais obligé d ' e n v c o y e r une p h o t o g r a p h i e ou un autre portrait de v o u s dès réception de cette lettre. — M e r c i . V o t r e fidèle Félix Fénéon ( B . N . ; M s . , N A F r . 14687, f°s 69-73) 28 N O T E R E L A TI V E A L A P R E MI E R E L E T T R E : Félix Fénéon, qui y était entré en 1881, quitta en 1894 le Ministère de la Guerre, à la suite lors du procès dit «des Trente». I l habita rue Lepic j u s q u ' a u 1 0 avril 1894. «Le projet Cohen» est sans d o u t e lié à la traduction par A l e x a n d r e C o h e n d'Ames Solitaires de Gerhart H a u p t m a n n , pièce représentée au Théâtre de l'Œuvre le 13 d é c e m b r e 1893 (Cf. E.A. № 4 , pages 11 et 21) Quant au titre de la revue, difficile à lire sur le manuscrit, il s'agit p r o b a b l e m e n t de Y Endehors, de Charles G a l l a n d , dit Zo d ' A x a , qui f o n d a cette revue en mai 1891, et dont le n u m é r o de février 1893 contient Lin bois de C h a r l e s M a u r i n . 29 RICHE BELGIQUE Si RICHE B E L GI Q U E Il y a, d i s o n s l e d ' e m b l é e , q u e l q u e irritation, q u e l q u e a g a c e m e n t aussi, où perce volontiers la v e x a t i o n , à traiter d e s liens, personnels ou littéraires, qui unirent J a r r y à la B e l g i q u e . D u tissu de c e s relations, c o n s c i e n c i e u s e m e n t éraillé par le t e m p s , ne subsistent en effet, pour le m o m e n t en tout c a s , q u e la trame laissée par de m e n u s textes et d o c u m e n t s . T r a m e grossière et élimée, sans d o u t e , mais pas assez pour que n o u s a b d i q u i o n s nos prétentions à retracer. Le premier, à notre c o n n a i s s a n c e , des enfants du limon que f r é q u e n t a J a r r y , épistolairement du m o i n s , fut M a x Elskamp à qui il a d r e s s a , en 1894, un exemplaire des Minutes de sable mémorial fraîchement parues. E l s k a m p , t o u c h é , retourna la politesse s o u s f o r m e des Salutations dont d'angé/iques, a c c o m p a g n é e s d ' u n e lettre où fleurissent d e s c o m p l i m e n t s qui s e m b l e n t autre c h o s e q u e d e s o r n e m e n t s du d i s c o u r s (1). L'année s u i v a n t e , le B e l g e récidive a v e c En Symbole vers l'Apostolat. Et Jarry d ' a n n o n c e r , en manière de r e m e r c i e m e n t , d a n s une lettre du 16 avril 1895, la seule adressée à E l s k a m p q u e n o u s possédons, et q u e n o u s d o n n o n s ici en fac simi/e, l'envoi p r o c h a i n du № 3 de VYmagier en voie d ' a c h è v e m e n t . M . Arrivé, glosant le mot p o u r r a pléiade, fait état de deux autres lettres, q u ' o n aimerait lire, d ' E l s k a m p à J a r r y , qui laissent s u p p o s e r une c o r r e s p o n d a n c e plus fournie entre les deux h o m m e s . De fait, le manège c o n t i n u a , au m o i n s de la part de J a r r y q u i , g é n é r e u s e m e n t , dédicaça la plupart d e ses œuvres au poète a n v e r s o i s , d'Ubu Roi au Moutardier du pape. «Elskamp plut à J a r r y par la naïveté artisanale de s o n travail g r a p h i q u e et de sa poésie — un peu f a u s s e m e n t populaire et joliment p s e u d o m o y e n â g e u s e » (2) Le j u g e m e n t est juste et il n'est pas i n o p p o r t u n de rappeler q u ' E l s k a m p f i g u r é , en b o n n e p l a c e , d ' a b o r d pour ses Salutations, ensuite pour les plus récentes Enluminures, d a n s la précieuse bibliothèque, du D o c t e u r Faustroll, en c o m p a g n i e d'un autre Belge : Emile V e r h a e r e n . Cette présentation c o n s t i t u e en q u e l q u e sorte l'inventaire de notes diverses, éparses, q u e n o u s prîmes sur le sujet. N o u s espérons les c o m p l é t e r le jour o ù , grâce à Faustroll, n o u s mettrons une main ferme sur les papiers d ' E u g è n e D e m o l d e r et les archives littéraires de la Libre Esthétique, qui n o u s é c h a p p e n t e n c o r e . 33 C ' e s t en juin 1896 q u e J a r r y offre à V e r h a e r e n un e x e m p l a i r e à'Ubu Roi qui vient de sortir d e s presses du M e r c u r e . La réponse est p r o m p t e , nette... et e n t h o u s i a s t e , qui paraît d a n s L'Art Moderne d u 19 juillet. C e c o m p t e - r e n d u , élégant et juste, est cité in extenso par Noël A r n a u d d a n s sa b i o g r a p h i e jarryque, aux p a g e s 219-221, ce qui n o u s d i s p e n s e d ' e n dire plus. J a r r y eut-il vent des bienveillantes réactions d e c e n o u v e a u c o r y b a n t e d ' U b u ? Les marécages de l'ignorance o ù n o u s n o u s d é b a t t o n s n o u s e m p ê c h e n t de f o r m u l e r une q u e l c o n q u e réponse à c e s inquiétudes pourtant légitimes. T o u j o u r s est-il q u e le p o è t e d e s Campagnes hallucinées bénéficia l o n g t e m p s d u s e r v i c e de presse de J a r r y qui s ' e m p r e s s a d e le ranger m é t i c u l e u s e m e n t e m m i ses auteurs pairs. Des rapports p e r s o n n e l s qui unirent J a r r y et V e r h a e r e n n o u s i g n o r o n s tout. A u c u n e c o r r e s p o n d a n c e , m ê m e a n o d i n e , n'a, j u s q u ' à présent, été mise au jour et les seuls d o c u m e n t s q u e n o u s c o n s e r v o n s s o n t d e s dédicaces. Q u a n t à B e c k , le m o i n s q u ' o n puisse dire, c'est qu'après une brève mais p r o f o n d e amitié parisienne (3), o ù d ' a u c u n s croient p o u v o i r distinguer l'uranisme, J a r r y l'a c o p i e u s e m e n t assaisonné d e q u o l i b e t s féroces, de g l a c e pilée et de c o u p s — de p o i n g s o u de feu — s e l o n d e s s o u r c e s diverses et pas toujours p o t a b l e s , qui s o n t parfois d e s tinettes. B e c k , plastron de l'hubris jarryque, s'enfuit de Paris e n mai 1897. N o u s ne reviendrons pas sur cet épisode c o c a s s e a b o n d a m m e n t c o m m e n t é ailleurs. Il reste q u e le statut de B o s s e - d e - N a g e , d a n s le Faustroll, ne laisse pas d'être a m b i g u . S'il a la mise un p e u ridicule et « d é g o û t a n t e » , si le D o c t e u r l'étrangle de «la serre de s e s o n g l e s » , le c y n o p h a l e p a p i o n joue d'évidence un rôle capital d a n s le périple faustrollien : assurer l'amarrage de l'as et p o n c t u e r , littéralement, le d i s c o u r s d e s e s «ha Ha». Quelle fut la c a u s e de cette brouille éclatante? O n n'est pas en m e s u r e d e le dire. M a i s , détail de taille, d a n s la livraison ô'Antée d u m o i s de mai 1907, d o n c bien avant la lettre de Jarry à Rachilde , datée d u 14 a o û t , o ù J a r r y , « p o u r la première fois», selon M . Saillet, «fait état d e cet o u v r a g e » (4). C r o s s o p t y l o n - B e c k a n n o n c e la parution p r o c h a i n e de la Chandelle verte : « A l f r e d J a r r y , c o m p l è t e m e n t rétabli d ' u n e assez longue maladie, travaille à un r o m a n qui paraîtra c h e z Fasquelle, à la s a i s o n p r o c h a i n e . Titre : La Dragonne. O n dit q u e c e livre, sauf c o m p l i c a t i o n s d'ordre politique, pourrait bien remporter le prix G o n c o u r t . D u m ê m e auteur v o n t paraître, très proc h a i n e m e n t , les Spéculations, de cette série d ' a d m i r a b l e s b o u t a d e s qu'il écrivit jadis p o u r la Revue Blanche et qui firent l ' e n c h a n t e m e n t de tous les artistes. C e n o u v e a u livre s'appellera la Chan délie verte. 34 Beck «battu et c o n t e n t » , ou p l u t ô t Beck réconcilié (le ton de la note autorise l'hypothèse) s e m b l e d o n c avoir p o u r s u i v i , j u s q u ' a u x derniers jours, ses relations a v e c J a r r y . A traiter des séjours de ce dernier en nos verts pâturages il eût fallu évoquer la v a c a n c e étésienne de 1896, au c o u r s de laquelle le récent auteur d'Ubu Roi g o û t a l'hospitalité de G u s t a v e K a h n en ses d e m e u r e s littorales de K n o k k e - l e - Z o u t e . M a i s de cette pause solsticiale, o n ne sait pas g r a n d c h o s e , c e qui é c o n o m i s e l'encre et le papier. Plus « i m p o r t a n t » par ses multiples et p r o f o n d e s implications p a t a p h y s i q u e s , est l'équinoxe vernal de 1902. La sève m o n t a n t , O c t a v e M a u s , directeur de la Libre Esthétique, épris de neuf en matière d'art et de littérature, décida d'exhiber Jarry à la c a n t o n a d e h u p p é e de Bruxelles. J a r r y , a v e c jubilation, répondit p o s i t i v e m e n t à cette sollicitation et a n n o n ç a , pour le 21 mars, sa Conférence sur les pantins dont n o u s a v o n s maintenant, grâce au trèsméticuleux Thiéri Foule, le texte enfin exact et c o m p l e t «à une possible lacune près» (5) Jarry n'ignorait pas ce q u e M a u s , et peut-être une infime fraction de «connaisseurs», attendaient de lui. U n t é m o i n , L. D u m o n t W i l d e n , rapporte : « M e s d a m e s et M e s s i e u r s , dit-il, je sais bien q u e je suis venu ici pour v o u s dire le m o t , mais le mot ne doit p a s s e dire, il doit se gueuler» (6) Et J a r r y de gueuler. Le mot t o n n a , c o r u s c a n t . A p r è s q u o i , M a u s , D e m o l d e r , E e k h o u d , V o s s , Picard et d'autres lui offrirent un banquet où il fut fait un usage généreux de breuvages f e r m e n t e s . J a r r y , dont la capacité n'est plus à dire, enterra les Belges de pourtant solide réputation. De cette brève trajectoire bruxelloise s u b s i s t e n t deux autres textes : un c o m p t e - r e n d u de la neuvième e x p o s i t i o n de la Libre Esthétique, paru dans la Revue Blanche du 15 avril, et Les Pouchine/s, r é c e m m e n t remis en lumière (7), où Jarry o b s e r v e et décrit a v e c sa p a t a p h y s i q u e minutie de l ' e t h n o g r a p h e , les mœurs e x o t i q u e s des pantins de la capitale. Egalement o b s e r v a t e u r du langage et de ses particularismes, le Breton écrivit belge. Faut-il voir d a n s Jef des réminiscences de ce séjour à Bruxelles ou le verbiage ridicule mais truculent de J e f est-il copié sur celui du «Kapitaine» D e m o l d e r a v e c qui Jarry travailla d ' a b o n d a n c e d a n s les dernières années de sa vie? N o u s ne s a v o n s . S a n s d o u t e , c o m m e toujours, et p a t a p h y s i q u e m e n t , y a-t-iI des d e u x . Des rapports entre J a r r y et la B e l g i q u e , on le voit, il reste b e a u c o u p à découvrir et à expliquer. Puisse le peu de d o c u m e n t s ici colligés jeter quelque lumière, — fût-elle tamisée par l'ombre de lacunes e n c o r e trop n o m b r e u s e s , sur c e s relations qui laissèrent aux c o n t e m p o r a i n s maints s t i g m a t e s , d o n t de p a t a p h y s i q u e s . Philippe V A N D E N BRŒCK 36 Notes (1) . V . cette lettre d a n s le № 2223 des Cahiers sique, p. 27. du Collège de ' P a t a p h y (2) . Cf. Cahier du Collège d e ' P a t a p h y s l q u e , № 10, p. 17. (3) . On r e c h e r c h e e n c o r e un e x p l . sur H o l l a n d e d'Ubu Roi, dédicacé A M. Christian Beck, en toute sympathie littéraire, 14 octobre 1896. (4) . Cf. La Chandelle verte, p. 25. (5) . Cf. A . J a r r y , Les Pouchinels suivi de la Conférence sur les Pantins en partie inédite, I nstitut L i m b o u r g e o i s de H a u t e s Etudes P a t a p h y s i q u e s , 107 E.P. (1979 vulg.) (6) . L. D u m o n t W i l d e n : Souvenirs du Père Ubu, «Le Soir», 10 nov. 1937. (7) . Cf. la note 5. 37 Le S y m b o l i s m e en B e l g i q u e «En B e l g i q u e , pas d ' A r t ; l'Art s'est retiré du pays». « A u t a n t que possible, pas de poètes, ou très peu de poètes». «Haine de la beauté, pour faire p e n d a n t à la haine de l'esprit)). «Ici, il y a des femelles. Il n'y a pas de femmes)). «La verdure noire». «L'animal lui-même fuit c e s contrées maudites...». A u plan spirituel, on ne peut faire que ce qui a été dit soit c o m m e ce qui n'a pas été dit, que ce qui a été écrit soit c o m m e ce qui n'a pas été écrit, pour peu q u e parole et écriture soient proférées par qui sait ce que parler et écrire veulent dire, à plus forte raison si celui-là (ici, Baudelaire, en ses brouillons rageurs de Pauvre Belgique) exerce sur le parler et sur l'écrire un magistère s u f f o q u a n t . J e veux dire qu'il importe assez peu de savoir les raisons, et si Baudelaire avait raison contre la Belgique (ou la B e l g i q u e contre lui), q u e ce que je v o u d r a i s considérer c'est q u e rien ne peut faire q u e Baudelaire n'ait f u l m i n é (du m ê m e ton en s o m m e q u e s o n ultime « C r é n o m l » ) les «fusées» terrifiantes et humiliantes de Pauvre Belgique et que si ce sont là pour le g é o g r a p h e , l'historien, le s o c i o l o g u e et l'ethnographe c h o s e s nulles et non a v e n u e s (pour le linguiste, je ne sais pas), pour le poète et pour l'artiste ce sont c h o s e s bel et bien a v e n u e s , puisqu'ils sont g e n s pour qui (les seuls, peut-être) ce qui a été écrit, ou peint, ou sculpté, ou m u s i q u e , voire bâti, acquiert une pertinence au m o i n s égale à ce qui n'a pas besoin pour exister d'en passer par l'écriture, la peinture, la s c u l p t u r e , la m u s i q u e , l'architecture. Rien ne peut-faire d o n c , à m o n s e n s , que les poètes et les artistes belges n'aient reçu de Baudelaire cette révélation particulièrement délétère (car q u ' o n le veuille ou n o n , et q u a n d bien m ê m e on serait à c o u t e a u x tirés a v e c sa propre patrie, on ne peut pas rester indifférent à sa nature, par un sorte de relation œdipienne, aussi) qu'ils étaient nés et qu'ils vivaient d a n s un pays f o n c i è r e m e n t et a b s o l u m e n t apoétique, puisque à la fois la nature et la civilisation s'y montrent dégradées au point que l'on y crève les yeux des p i n s o n s et des poètes et que les artistes s'y c o m p l a i s e n t à des «sujets ignobles, pisseurs, chieurs et v o m i s s e u r s » . J e prétends que pour eux, poètes et peintres de B e l g i q u e , cette révélation f u l m i n é e par Baudelaire à leur intention (car pour les autres elle n'était qu'injurieuse, c'est-à-dire d é p o u r v u e de sens p r o f o n d parce q u e ne manifestant q u ' u n e différence de point de vue) fut non s e u l e m e n t délétère mais révolutionnaire parce qu'elle les contraignit à prendre p o s i t i o n , non pas e n c o r e une fois pour ou contre Baudelaire et ses o p i n i o n s t o u c h a n t à leur pays, mais au niveau de leur raison d'être : poètes et artistes d a n s un c o n t e x t e où art et poésie étaient dits inviables. 38 Baudelaire en q u e l q u e sorte les p o u s s a à faire que la poésie et l'art soient désormais possibles en un lieu, la B e l g i q u e , où il avait décrété (ou c o n s t a t é , c'est tout un) qu'ils n'existaient pas. C e qui revient à c e c i : Baudelaire, en décrétant le caracère apoétique de la B e l g i q u e , a inventé la poésie et l'art belges tels q u e le S y m b o l i s m e et le Surréalisme allaient les reconnaître. Riche B e l g i q u e ! Si partout le S y m b o l i s m e apparut revanche sur le sordide du spirituel, sur le matériel de l'immatériel, c o m b i e n à plus forte raison en B e l g i q u e si l'on a d m e t que poètes et peintres, serait-ce sans l'avouer, y prirent pour argent c o m p t a n t la parole de Baudelaire. Or la Belgique est peut-être, du S y m b o l i s m e , le foyer le plus ardent, celui où la spiritualité crépite le mieux d a n s l'âtre, q u ' a l i m e n t e n t en étincelles une foule de poètes (desquels l'un d e s d e u x ou trois «phares» du M o u v e m e n t non p a s , c o m m e le crut S t e f a n Z w e i g , V e r h a e r e n , une casserole attachée à sa q u e u e , mais le m a g e des Serres chaudes, Maeterlinck) et une non m o i n s g r a n d e de peintres, q u ' a v e c un plaisir pervers je vois envahir a u j o u r d ' h u i les serres froides du G r a n d Palais, de l'autre c ô t é de l'avenue A l e x a n d r e III, les Préraphaélites leur a d r e s s a n t des s i g n e s de c o n n i v e n c e (1 ). Si l'on e x c e p t e d ' u n e part les seuls qu'ait c o n n u s Baudelaire («Wiertz, c h a r l a t a n . Idiot, v o l e u r » . «Wiertz, le peintre p h i l o s o p h e littérateur. Billevesées m o d e r n e s . Le Christ des humanitaires». «Il ne sait pas dessiner et sa bêtise est aussi g r a n d e q u e ses colosses» et : «Pas d'artistes, e x c e p t é Rops») q u i , pas plus q u ' H e n r i de G r o u x , ne sont vraiment à mettre au:rang des S y m b o l i s t e s ; d'autre part c e u x , par trop t o r t u r é s , qui ont à faire à se s a u v e g a r d e r des o b s e s s i o n s effroyables (Mais Emile Fabry vécut 101 a n s ! Q u a n t a Léon Spilliaert, il est un très prenant M ü n c h des Flandres) ; tous sans e x c e p t i o n se v o u e n t à sublimer la q u o t i d i e n n e t é belges : f e m m e s , enfants, p a y s a g e s , intérieurs (au d o u b l e s e n s du terme). «Des y e u x i n c o l o r e s et s a n s regard» disait, de la f e m m e belge, Baudelaire. A v e c F e r n a n d K h n o p f f , noble entre tous les peintres s y m b o l i s t e s , le regard f é m i n i n devient le plus lancinant des défis en m ê m e temps q u e le plus glacial des interdits : regard, d'ailleurs, de sa sœur M a r g u e r i t e , d r a g o n a n d r o g y n e de la d o u b l e c o n t i n e n c e , infiniment c o n templé. Et la mer, peu à p e u , envahit les places de B r u g e s - l a - M o r t e . J e a n Delville le R o s e + Croix peint d a n s la lumière astrale les délices de la castration : désormais, les âmes sont sœurs et «les R u b e n s en suif» se c h a n g e n t en s y l p h i d e s . D e s b a c c h a n a l e s d'âmes! « L ' e n f a n c e , jolie presque partout, est ici h i d e u s e , teigneuse, galeuse, c r a s s e u s e , merdeuse», disait Baudelaire. V i s i o n n a i r e hippie, Léon Frédéric a m o n c e l l e par milliards les bébés roses a s s o u p i s en plein air après un c o n c e r t P o p . La Nature, c'est la maternité ensevelie s o u s les fleurs. L'Age d'Or, c ' e s t , toutes g é n é r a t i o n s brassées, la c o m m u n a u t é sexuelle. 39 C o n s t a n t M o n t a l d , négligeable, célèbre aussi la f é c o n d i t é féminine et enneige la B e l g i q u e (la neige, qui naturellement sublime, est le substitut s y m b o l i s t e du s p e r m e ) . C'est sur L'Ame des choses le silence qui neige avec X a v i e r Mellery : une gravité s o n g e u s e s'établit autour des objets, fait un pont entre les radiations visibles de S e u r a t et les invisibles, de C h i r i c o . Les intérieurs belges anoblis par M e l l e r y , il reste à W i l l i a m D e g o u v e de N u n c q u e s , la c a n d e u r m ê m e , et la grâce, à procéder i d e n t i q u e m e n t sur les p a y s a g e s de B e l g i q u e (et d'ailleurs). Q u e l'on ne s'y t r o m p e point, on n'est pas ici d a n s le calendrier des p o s t e s , mais dans la rythmique pure, et dans l'hallucination. De c e s s u b l i m a t e u r s et d'autres, a b s e n t s (plus p r o c h e s de l'Express i o n n i s m e ou du Naturalisme), Francine-Claire L e g r a n d rend c o m p t e précisément d a n s le tout récent le Symbolisme en Belgique, a v e c n o m b r e d'illustrations ; mais, si je me p e r m e t s , ce n'est pas le S y m b o l i s m e qu'elle préfère, c h e z les S y m b o l i s t e s (et pour c e s derniers, le S y m b o l i s m e ne saurait être «une m o d e » ) ! R e g r e t t o n s , au G r a n d Palais, le m a n q u e de (harmonie l'admirable / lock my door upon myself, de K h n o p f f feuille-morte) et l'injustifiable a b s e n c e de l'autre grand artiste du s y m b o l e en B e l g i q u e , le s c u l p t e u r transi G e o r g e s M i n n e , i n c o m p a r a b l e illustrateur aussi des Serres chaudes. C e p e n d a n t , le p r o c e s s u s s y m b o l i s t e de poétisation des c h o s e s ne les t r a n s f o r m e pas : on feint s e u l e m e n t qu'elles soient transformées. Lunettes roses, ou lunettes de neige. Cela devient flagrant c h e z Paul D e l v a u x , arbitrairement rattaché au Surréalisme et que je dirais plutôt S y m b o l i s t e attardé : lorsqu'il ne triche pas aussi sur le décor (nous véhiculant d a n s de s u s p e c t e s P o m p é i ) , c'est celui de la q u o t i d i e n n e t é belge a u q u e l il i m p o s e ces a b s t r a c t i o n s , des f e m m e s nues ou des squelettes. Rêvez, p o u r v u que les trains partent à l'heure! Cette manière de «dorer la pilule» est le m e n s o n g e idéaliste (le m e n s o n g e matérialiste existe ailleurs). René M a g r i t t e est le refus de poétiser fait peintre, parce que poétiser est le contraire de la poésie. A c c e p t a n t les signes de la q u o t i d i e n n e t é belge tels qu'ils s o n t , a v e c leur irrémédiable a b s e n c e de halo, il n'en représente pas m o i n s l'effort d'atteindre à ce «point de l'esprit» d ' o ù Pauvre Belgique de Baudelaire et B e l g i q u e sublimée des S y m b o l i s t e s «cessent d'être perçues c o n t r a d i c t o i r e m e n t » . «Les Belges aiment leurs c h a p e a u x c o m m e le p a y s a n de P. D u p o n t ses bœufs», disait B a u d e l a i r e , qui disait a u s s i , c o m m e si déjà il envisageait la peinture de Magritte : «L'œil belge a l'insolence i n n o c e n t e du m i c r o s c o p e » . L'«insolence innocente» du regard de Magritte va mettre «la description e x a c t e du m o n d e visible» au service d ' u n e e x i g e n c e révolutionnaire, celle qui prétend q u ' o n ne peut «transformer le m o n d e » qu'à la c o n d i t i o n de 40 changer les objets, e n t e n d o n s : n o n pas les remplacer par d'autres, mais transformer leurs rapports, entre e u x , entre eux et n o u s , entre eux et la réalité. Changés les objets, c h a n g é le m o n d e ! changée la vie! Tel est le «sens bouleversant» de la peinture de Magritte et, par e x e m p l e , il n'est pas nécessaire d'être a f f a m é pour se sentir bouleversé par une théorie de pains croustillants v o g u a n t en plein ciel (La Légende dorée), ni linguiste pour se voir c o n c e r n é par les c a p r i c e s sémiologiques du Corps bleu ou de Personnage marchant vers l'horizon. J e m ' é t o n n e qu'à une époque tant que la nôtre éprise de «théories» nul n'ait e n c o r e tiré de la peinture de M a g r i t t e , maintenant que s o n «corpus» est achevé, quelque bréviaire révolutionnaire c e r t a i n e m e n t m o i n s discréditant pour l'esprit que tels autres qui circulent et peutêtre plus e f f i c a c e , q u a n d ce ne serait q u e pour la B e l g i q u e . Car v o i c i parfaitement r e c o n n a i s s a b l e a v e c s o n «culte des Belges pour leurs c h a p e a u x » , cette B e l g i q u e , en m ê m e t e m p s que c h a n g é e , révolu tionnée ou prête à l'être, prête à se réconcilier a v e c s o n vrai visage (mais audelà de quelles barricades?). Si l'on tient a b s o l u m e n t à le savoir, il n'est q u e de prendre Magritte au pied de la lettre. José P I E R R E (1) «La Peinture romantique janvieravril 1972. anglaise et les Préraphaélites», N . D . L . R . : Cet article fut publié pour la première 29 février de la Q uinzaine littéraire, pages 16 et livre de F r a n c i n e C l a i r e L e g r a n d : Le Symbolisme art du t e m p s » , L a c o n t i é d . , Bruxelles, 277 p., 212 Petit Palais, fois dans le № du 16 au 17. I l rendait c o m p t e du en Belgique, «Belgique, ill. UNDERSTATEMENT Due aux p l u m e s c o n j u g u é e s de R. B u r n i a u x et R. Frickx, paraît une édition mise à jour de La littérature belge d'expression française (collection «Que saisje?»). P. 29, cette phrase : «On ne peut dire que le s y m b o l i s m e ait fait école en Belgique» o u v r e le chapitre o ù sont étudiées les œuvres d ' A l b e r t M o c k e l , M a e t e r l i n c k , V a n Lerberghe, R o d e n b a c h , V e r h a e r e n , E l s k a m p . C o m m e n t diton understatement d a n s la langue belge d ' e x p r e s s i o n française? P.B. 41 LES MARIONNETTES Mesdames, messieurs, ES marionnettes sont un petit peuple \, tout à fait à part chez qui j'ai eu occaAiV"A>. sion de faire plusieurs voyages. Ce <~<Qfljf?* furent là des expéditions peu périlleuses qui ne nécessitaient point le casque d'explorateur ni une nombreuse escorte militaire. Les petits êtres de bois habitaient à Paris, chez mon ami Claude Terrasse, le musicien bien connu, et semblaient prendre grand plaisir à sa musique. Terrasse et moi-même avons été, pendant un pu deux ans, les Gullivers de ces lilliputiens. Mous les gouvernions, comme il convient, au moyen de fils, et Franc-Nohain, chargé d'inventer une devise pour le Théâtre des Pantins, n'a pas ou à en trouver de meilleure que la plus naturelle : en avant, par fil. Là furent joués notamment Paphnutius, une pièce latine et mystique de Hrotsvitha, traduite excellemment par Ferdinand Herold, Vive la France, de Franc-Nohain que la censure jugea bon d'interdire et qui restera interdite, sauf les quelques passages que j'aurai le plaisir de lire tout à l'heure. Les pantins ont représenté un grand nombre de fois Ubu Roi dont je lirai aussi deux scènes en demandant l'indulgence pour ie certain mot. Ils s'occupèrent aussi d'une pièce allemande extraordi- naire du célèbre Ch. D. Grabbe, proclamé en Allemagne le plus grand tragique après Schiller [rayé : mais on connaît peu Les Silènes, son unique pièce comique]. Les Pantins revivront probablement [rayé : à Paris] cette année, pour donner des pièces de guignol du peintre Ranson, l'inventeur de l'extravagant Abbé Prout. Je vous présenterai dans peu d'instants ce sympathique personnage. Voici donc la première scène et, hélas ! le premier mot d'Ubu Roi ; ensuite, après quelques extraits de Paphnutius, de Vive la France, de Grabbe et de l'Abbé Prout nous clôturerons cette causerie encore par le Père Ubu, dans la grande scène de la Trappe. Voici le Père Ubu. Le Père Ubu : [Merdre]. 1" scène d'Ubu Telle est la 1" scène. Voici Paphnutius. Ainsi prononçait-on irrévérencieusement aux Pantins le nom de ce grand personnage [ces deux mots ont été rayés, remplacés par : vénérable ermite, puis rétablis] ; car Paph[nutius] est une pièce sérieuse, c'est l'histoire de la conversion de Thaïs. Il a suffi pour en faire une pièce comique de l'interpréter en marionnettes. A la rigueur, la simple lecture suffit à cette invraisemblable métamorphose. Paphnutius montre à Thaïs la cellule où elle sera enfermée. Scène de Thaïs Vous voyez que c'est bien là une pièce sérieuse. Quant à Vive la France, le nom de son auteur, Franc-Nohain, ne nous permet pas de douter de la valeur de son comique. Dieu et l'Ange exterm[ina- teur] sont venus en touristes visiter la France. Ils entrent dans un café. La caissière de l'établissement salue l'ange de ces mots qui l'étonnent fort : Bonjour, capitaine. [Rayé : Après le vieux commandant]. Les célestes touristes rencontrent aussi le Jeune Homme pauvre. Voici le portrait du J.H. pauvre. [lacune ?] Après Franc-Nohain, ou plutôt avant FrancNohain, car il y a à peu près cent ans que vivait le célèbre tragique allemand dont je vous parlais tout à l'heure, Christian Dietrich Grabbe imaginait des personnages d'un grotesque extravagant. Voici son Diable et son margrave Tuai. Silènes Il n'aurait fallu rien moins pour exorciser ce diable que le bon Abbé Prout créé par Ranson. Vous connaissez les oeuvres de Ranson comme peintre : il a exposé à la Libre Esthétique, j'expose cette fois de sa part le portrait de l'abbé. Voici une scène de la pièce de Ranson intitulée Le Sabre et le Goupillon. Le colonel de la pièce n'est pas au-dessous de ce qu'annonce le titre. Ecoutez-le jurer : [Mille escadrons...] Le colonel : A la fin de la pièce Mais faisons l'abbé Prout. plus ample La vaseline connaissance avec Pour terminer, le Père Ubu en personne va nous présenter ses adieux dans la scène de la Trappe. Trappe Le Père Ubu désirant munifier le roi de Pologne Venceslas, lequel vient de le faire comte de Sandomir, ne sait rien trouver de mieux que cette généreuse formule : « Sire, acceptez, de grâce, un petit mirliton. » Le mirliton — cette « pratique » de Polichinelle prolongée en tuyau d'orgue — nous semble l'organe vocal congruent au théâtre des marionnettes. Les héros d'Eschyle, comme on sait, déclamaient dans des porte-voix. Et étaient-ils autre chose que des marionnettes exhaussées sur cothurne ? Le mirliton a le son d'un phonographe qui ressuscite l'enregistrement d'un passé — sans doute rien de plus que les joyeux et profonds souvenirs d'enfance alors qu'on nous conduisait à Guignol. Nous ne savons pourquoi, nous nous sommes toujours ennuyé à ce qu'on appelle le Théâtre. Serait-ce que nous avions conscience que l'acteur, si génial soit-il, trahit — et d'autant plus qu'il est génial — ou personnel — davantage la pensée du poète ? Les marionnettes seules dont on est maître, souverain et Créateur, car il nous paraît indispensable de les avoir fabriquées soi-même, traduisent, passivement et rudimentairement, ce qui est le schéma de l'exactitude, nos pensées. On pêche à la ligne — du fil de fer im [...] dont se servent les fleuristes — leurs gestes qui n'ont point les limites de la vulgaire humanité. On est devant — ou mieux au-dessus de ce clavier comme à celui d'une machine à écrire... et les actions qu'on leur prête n'ont point de limites non plus. Et les vers vo ulus « mirlitonesques » ne so ntils pas l'expressio n à dessein enfantine et simplifiée de l'abso lu, sagesse des natio ns ? Et puis... so ntils plus mirlito nesques que ceux récités dans les théâtres à perso nnages humains et que le public applaudit de to ute la co mpréhen sion de so n séant, seul po int par lequel il so it bien en co ntact avec le Théâtre ? Alfred J A R R Y Le présent texte, p u b l i é p o u r la p r e m i è r e fois s o u s fe titre : sur les Pantins d a n s le c a h i e r № Conférence 11 du «Collège d e P a t a p h y s i q u e » , fut repris, e n s u p p r i m a n t les é v i d e n t e s f a u t e s de lecture d u m a n u s c r i t , par M a u r i c e Saillet d a n s s o n Tout Ubu et par M i c h e l A r r i v é d a n s s o n é d i t i o n de la «Pléiade». R é c e m m e n t , T h i e r r i F o u l c en a établi l'édition , q u e l'on peut considérer c o m m e définitive, dans une plaquette intitulée «les P o u c h i n e l s » , publiée e n 1979 par « L 'I n s t i t u t L i m b o u r g e o i s de H a u t e s E t u d e s p a t a p h y s i q u e s » . Grâce à l ' o b l i g e a n c e de Thierri Foulc, nous r e p r e n o n s ici c e texte, (en reprint}, e n lui d o n n a n t s o n v é r i t a b l e titre, i n d i q u é d a n s la lettre à A n d r é F o n t a i n a s . Les titres i n t e r c a l a i r e s r e n v o i e n t a u x textes d o n t J a r r y d o n n a lecture lors de c e t t e c o n f é r e n c e et qui s o n t précisés par u n e autre feuille, q u e nous reproduisons cicontre. H. B. [BROUILLON] 1° Paphnutius, p. 29. 2° Vive la France • Jeanne d'Arc, le vieux commandant, manille (1 ' cahier). 3 cahier - le jeune homme pauvre avant la toilette (où est le cordeau (la corde) [texte douteux]. 1 3° Les Silènes 1. le margrave Tuai 2. M. Du val 4° Ranson le lys dans la vallée (rayé) le télescope (rayé) 1. l'armoire des voluptés 2. Le lys dans la vallée (rayé) 5" Ubu Roi 1. 1" scène 2. La trappe Lettre inédite à F o n t a i n a s (mars 1902 ?) M o n cher a m i , M a navrante paresse c o u t u m i è r e m ' e x c u s e — si c'est une e x c u s e ! — de ne v o u s avoir pas écrit plus tôt. J ' a i écrit à M a u s ; c'est arrangé pour le 21. Titre : Les Marionnettes. J ' y parle entre autres de « P a p h n u t i u s » . J ' a i retrouvé des tas d'A/manachs : je v o u s en transmets un pour votre ami en pardon ; et si v o u s en v o u l e z d'autres, il y en a e n c o r e ! Bien c o r d i a l e m e n t A l f r e d Jarry C o m p t e - r e n d u de la c o n f é r e n c e . Si m ê m e je vis très vieux, jamais je n'oublierai l'effet f o u d r o y a n t que fit le d é b u t de J a r r y à la Libre Esthétique, il y a une quinzaine d'années.La salle, très g r a n d e , était emplie d ' u n public ultra-chic. A i g r e t t e s , fourrures, c r i s s e m e n t s de soie, et cette légère agitation qui m a r q u e une attente impatiente. Q u i était cet A l f r e d Jarry q u i , pour la première fois, se levait à l'horizon bruxellois? — J a r r y parut, petit, la tête trop forte pour l'exiguité de son torse, l'air d ' u n têtard q u ' o n aurait vêtu de noir. Il se versa posément un verre d ' e a u ; puis, ramassé sur l u i - m ê m e c o m m e s'il allait bondir en avant, il lança d ' u n e voix de tonnerre le mot, le f a m e u x m o t , a v e c s o n o r t h o g r a p h e n o u v e l l e , et ce m o t roula en a v a l a n c h e d a n s l'immensité de la galerie, souffletant les belles d a m e s é p o u v a n t é e s , heurtant les m u r s qui le renvoyaient en échos... Il y eut des cris, des rires é t o u f f é s , d e s fuites éperdues, c h a c u n devant l'imprévu de l'événement hésitant sur l'attitude qu'il devait prendre, pour d e m e u r e r fidèle au protocole m o n d a i n tout en se m o n t r a n t instruit des plus récentes m œ u r s littéraires. Octave M A U S Ce c o m p t e - r e n d u est paru d a n s La Lanterne N e u c h a t e l , 1927 ; i n - 8 ° , 36 p p . 48 Magique, Impr. C e n t r a l e , Les «Pouchinels» Rue haute, d a n s une c a v e . Le montreur de marionnettes s'enorgueillit d ' u n nez si truculent qu'il a l'air faux, dérobé pour le m o i n s au m a c c u s antique o u à q u e l q u e diable de J é r ô m e B o s c h . I l brandit de la main g a u c h e s o n s c e p t r e , une latte carrée destinée, nous sembletil d ' a b o r d , à réfréner d a n s la limite des c o n v e n a n c e s la curiosité du jeune public marollien, désireux de toucher ces g r a n d e s poupées qui incarnent Louis XI I I , Richelieu ou le Lion de Flandre. De la main droite il tient le f a n t o c h e , de court. Le fil est court tout s i m p l e m e n t parce q u e le plafond est bas, mais la marionnette est si solide et si h u m a i n e que cette illusion s ' i m p o s e , qu'elle tire sur la laisse d a n s l'intention de la rompre et de courir à s o n gré. En effet, voici un duel : deux par d e u x , l'un contre l'autre, s'élancent des c o u l i s s e s quatre «Pouchinels» habillés en m o u s q u e t a i r e s . D a n s la fureur du c o m b a t et le dru cliquetis des d a g u e s de ferblanc, ils entraînent sur la scène les m o n t r e u r s , c o m m e des valets de c h i e n s q u ' e m p o r t e la meute. H e u r e u s e m e n t , n o u s nous étions sans d o u t e mépris sur le véritable usage de la baguette de l ' h o m m e au grand nez. Alfred J A R R Y Article paru d a n s Le Soir illustré, Bruxelles, juin 1902, page 24. ( № spécial p< lur les v i c t i m e s de la c a t a s t r o p h e des Antilles). 49 ETUDES 5 ^ L'Empire ottoman dans Ubu enchaîné ou l'Envers et l'Endroit. L ' E m p i r e o t t o m a n apparaît, s o u s forme d ' é v o c a t i o n , d a n s Ubu enchaîné. S i , d u point de vue g é o g r a p h i q u e , cet Empire ne d o n n e naissance à a u c u n décor réaliste ( c o n f o r m é m e n t à la c o n c e p t i o n que Jarry se fait du décor), il joue c e p e n d a n t , pour ce qui c o n c e r n e l'action, un rôle i m p o r t a n t . C e rôle s ' e x p l i q u e par le parallélisme étroit voulu entre ce drame et Ubu Roi. O n sait que J a r r y a très explicitement présenté Ubu enchaîné c o m m e la contre-partie à'Ubu roi (1). Les deux pièces peuvent être, de ce fait, considérées c o m m e l'envers et l'endroit d'un m ê m e e n s e m b l e d r a m a t i q u e d a n s lequel le p e r s o n n a g e central, dont le n o m apparaît d a n s c h a c u n des titres a n t i t h é t i q u e s , apparaît c o m m e l'élément unificateur, autour d u q u e l gravitent les contraires et au sein d u q u e l , en définitive, v i e n n e n t se résorber et se résoudre les opposés. On voit, dès lors, en quoi c o n s i s t e la f o n c t i o n de l'élément spatial représenté par l'Empire o t t o m a n . D a n s la mesure où Ubu enchaîné offre une structure inverse, on peut s'attendre à y découvrir un schéma parallèle à celui d ' U b u roi. La terre, en tant que lieu scénique, d o m i n a n t d a n s ce dernier, son contraire, l'élément marin, va o c c u p e r une place importante et peut-être essentielle d a n s Ubu enchaîné. M a i s on remarquera q u e la terre, ou ce q u e l'on pourrait appeler les scènes terrestres, se présentent, d a n s Ubu roi, c o m m e un e s p a c e visible, en quelque sorte tangible, c o n c r e t . Il en résulte, selon une logique q u e suggère la propre remarque de J a r r y , q u e la mer, dans la contrepartie scénique, n'interviendra q u e c o m m e lieu imaginaire, non visible, non scénique, c o m m e lieu abstrait. A l'espace terrestre, s o u v e n t très large, voire illimité dans Ubu roi, s ' o p p o s e , dans la pièce de 1899, un e s p a c e clos, limité, allant, a v e c la p r i s o n , j u s q u ' à la quasi s u p p r e s s i o n de l'espace, contraste particulièrement sensible par rapport aux scènes à'Ubu roi qui se situent dans les m o n t a g n e s , aux portes de V a r s o v i e , d a n s les plaines de l'Ukraine ou d a n s la p r o v i n c e de Livonie c o u v e r t e de neige. (1) V o i r A l f r e d J a r r y , Œuvres Complètes I, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1211, Almanach illustré du Père Ubu, N o t i c e . Ce v o l u m e des œuvres c o m p l è t e s est désigné d a n s les notes de cet article par le sigle P l . 53 L'élément m a r i n , virtuel, est introduit par le terme galères, hypersignifiant c o m m e le fait présager sa répétition. C e sont les prévenus euxmêmes qui d e m a n d e n t à être envoyés aux galères : Je veux aller aux galères, (2) c l a m e U b u , qui précise aussitôt : nous souhaiterions que cette condamnation fût perpétuelle, villégiature près de la mer, en quelque sain climat (3). et notre C'est d o n c lui qui suggère le verdict q u e le tribunal va s ' e m p r e s s e r de prononcer : La cour... condamne François Ubu, dit Père Ubu, aux galères à perpétuité. Il sera ferré à deux boulets dans sa prison et joint au premier convoi de forçais pour les galères de Soliman. (4) La c o n d a m n a t i o n aux galères, a n a c h r o n i q u e , peut s e m b l e r inattendue ; mais e n v o y e r les a n c i e n s maîtres de P o l o g n e , l'ancien Maître des F i n a n c e s françaises, aux galères de S o l i m a n a de quoi surprendre d a v a n tage. Car peut-on se c o n t e n t e r de rappeler les intentions c o m i q u e s de l'auteur pour justifier ce qui apparaît d ' a b o r d c o m m e simple procédé burlesque? Le mot galères, dont l'origine byzantine ne suffit pas à faire naître i m m é d i a t e m e n t d a n s l'esprit du lecteur ou du spectateur une image orientale, é v o q u e , d e p u i s l'antiquité, le m o n d e m é d i t e r r a n é e n . Jarry apporte deux précisions à cette é v o c a t i o n , une d'ordre historique, par l'introduction du célèbre sultan S o l i m a n le M a g n i f i q u e , le m u s u l m a n toutpuissant a u q u e l l'Europe du X V I e soit les Capitulations ; la s e c o n d e , d'ordre spatial, «galères de Soliman» ayant pour équivalent s é m a n t i q u e galères turques. La turquerie, d a n s la littérature française, est passée de m o d e lorsque Jarry, à l'époque s y m b o l i s t e , fait s o n entrée d a n s les lettres. U n certain Orient, de plus en plus lointain, indien, c h i n o i s , puis japonais, exerce un attrait p r o f o n d sur les générations p o s t - r o m a n t i q u e s . Pierre L o t i , en 1879, avec Aziyadé n'a pas réussi à redonner à l'Empire o t t o m a n le lustre qu'il avait conservé j u s q u ' a u jour où H u g o , d a n s ses Orientales, s e m b l e avoir d é f i n i t i v e m e n t peint ce pays barbaresque c o m m e l'antithèse du m o n d e non civilisé, c'est à dire du m o n d e grec ou chrétien. En mettant l'Empire o t t o m a n à l'arrière-plan de sa pièce, J a r r y ne c h e r c h e , m a n i f e s t e m e n t , ni à imiter Molière ni à redonner vie à une tradition littéraire m o r i b o n d e . S o n c h o i x lui est imposé par la nécessité dans laquelle il se trouve de d o n n e r une contre-partie e x a c t e à Ubu roi, dont le cadre est c o n s t i t u é par la P o l o g n e et la Russie, pays chrétiens, (2) Pl. 444 (3) Pl. 446 (4) Ibidem. 54 pays du N o r d , de la neige, à travers lesquels se déplace celui q u i , pour avoir été roi d ' A r a g o n , peut être supposé avoir des origines o c c i d e n t a l e s , e s p a g n o l e s peut-être. A ce c a d r e européen va être opposée une région en tous points différente : sain climat, c o m m e le souhaite U b u , pays ensoleillé, c h a u d , m é d i t e r r a n é e n , mais aussi n o n chrétien, c'est à dire, si l'on se replace d a n s la perspective d ' u n e tradition q u i , elle, d e m e u r e v i v a c e , un pays m u s u l m a n , b a r b a r e s q u e , non civilisé, le pays des galères par e x c e l l e n c e , le seul qui garantisse à U b u la réalisation de s o n rêve d'esclavage. Le recours à l'Empire o t t o m a n a p p o r t e , de surcroît, q u e l q u e s éléments c o m i q u e s à la pièce, allant de la plaisanterie, non d é p o u r v u e de finesse, à la c o c a s s e r i e voisine de l'énormité, celle-ci se trouvant en parfaite c o n f o r mité a v e c la p h y s i o n o m i e et le caractère du p e r s o n n a g e principal. Plaisante idée, secondée v r a i s e m b l a b l e m e n t par q u e l q u e intention satirique, q u e celle qui c o n s i s t e à faire e n v o y e r , par un état chrétien, — d é n o m m é , par antiphrase et non sans h u m o u r , le Pays libre — ses propres sujets, c o n d a m n é s , à un état païen où ils seront privés, à perpétuité, n o n s e u l e m e n t de toute liberté, mais aussi de tout s e c o u r s spirituel p u i s q u ' i l s seront c o u p é s , séparés de leur église, jetés hors de leur religion. Il est inutile de c h e r c h e r d a n s l'histoire une justification, car Jarry se s o u c i e aussi peu de l'histoire que de la c o u l e u r locale. Il tourne le passé et le présent en dérision ; il présente un pays o c c i d e n t a l , qui se prétend libre, a d r e s s a n t un tribut — une chaîne de forçats — à un pays oriental qui n'a que mépris à l'égard de la chrétienté. C o m m e n t en serait-il autrement q u a n d aux yeux de S o l i m a n l u i - m ê m e un chrétien n'est q u ' u n h o m m e qui « m a n g e de la viande de p o u r c e a u et pisse tout d e b o u t » (5). D'où il c o n c l u t , à p r o p o s d ' U b u , qui a pourtant c o n n u de merveilleuses aventures, qu'il ne saurait être q u ' u n fou ou un hérétique (6). L'opposé d o n c de S o l i m a n . Du m o i n s , ce dernier le croit-il. M a i s sur ce point, c o m m e sur tant d'autres, les contraires v o n t se concilier, une des intentions majeures de J a r r y s e m b l a n t être de demeurer l'identité des contraires. N'hésitant pas à recourir au vieux procédé d r a m a t i q u e et r o m a n e s q u e de la r e c o n n a i s s a n c e , il décide de faire d ' U b u le propre frère du sultan : Maintenant que je l'ai vu... en peu de temps. (7) (5) U b u , précise Jarry, a surtout la face porcine. P l . 497. (6) P l . 450 D a n s Ubu roi, le mot m u s u l m a n est utilisé à plusieurs reprises c o m m e terme injurieux, associé à s a c r i p a n et mécréant. (7) P l . 461. Il suffit au sultan de voir U b u pour reconnaître i m m é d i a t e m e n t en lui s o n frère. Cet air noble, cette prestance... Jarry est féroce envers S o l i m a n ; le vizir ne lui a-t-il pas, peu a u p a r a v a n t , dépeint U b u plus gros (...) que le plus énorme de Vos eunuques ? P l . 450, ce qui permet de se faire une idée de la prestance sur laquelle le sultan va s'extasier. 55 S u l t a n et roi, m u s u l m a n , e t chrétien sont d o n c s e m b l a b l e s , doués de la même v i o l e n c e et, malgré les a p p a r e n c e s , des m ê m e s qualités : n o b l e s s e , prestance, avidité. Il méritent d o n c les m ê m e s égards. Maître et e s c l a v e se c o n f o n d e n t . U b u , l ' h o m m e à la face p o r c i n e , qui sera présenté c o m m e «le R . P . U b u , de la C o m p a g n i e de Jésus» d a n s Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, est l'envers de S o l i m a n , tout en étant son pareil, s o n d o u b l e . L'envers a le visage de l'endroit. U b u est destiné, c o m m e le craint s o n frère, à prendre sa p l a c e , à dévorer l'empire, à devenir, ici c o m m e naguère en P o l o g n e , un nouvel usurpateur. S a vraie patrie, le paradis de l'esclavage, ne peut d o n c le recevoir. U b u , d e m a n d a n t d a n s l'ignorance de ses vraies origines, va être chassé ; Embarquez-le pour n'importe où et faites vite (9), o r d o n n e S o l i m a n . S u r la galère c a p i t a n e qui l ' e m m è n e , U b u a le sentiment d'avoir été mis à la porte de ce pays (10) q u e l'on appelle aussi la S u b l i m e Porte. Le c o m i q u e du jeu de m o t s est renforcé par le fait que c e l u i - c i , m a n i f e s t e m e n t , échappe à U b u . S t r u c t u r e , intrigue, c o m i q u e sont é t r o i t e m e n t associés, tributaires les uns d e s autres et c o m m a n d é s par le désir de J a r r y de d é m o n t r e r l'identité des contraires. La scène finale d ' U b u roi et celle d'Ubu enchaîné manifestent clairement cette intention. D a n s un cas c o m m e d a n s l'autre, la dernière scène a pour cadre la mer : Baltique, puis mer du N o r d d ' u n e part ; M é d i terranée, mer de M a r m a r a , B o s p h o r e d'autre part ; c'est à dire le N o r d opposé au S u d , le vent violent qui fait croire à U b u que le navire doit «faire au m o i n s un million de nœuds à l'heure» (11) opposé au c a l m e de la Méditerranée qui permet à U b u de se croire sur le P l a n c h e r des V a c h e s (ou plus l o g i q u e m e n t , à ses y e u x , sur leur pâturage) ; le contraste a p p a raît e n c o r e entre les sombres lames de la mer du Nord (12) a u x q u e l l e s sont exposés les v o y a g e u r s en route pour l'exil et la «verdure», «couleur de l'espérance» (13) sur laquelle v o g u e la galère chargée de c o n d u i r e les mêmes v o y a g e u r s vers un lieu i n c o n n u , où ils n'aborderont peut-être jamais ; car si U b u a é c h a p p é à la t e m p ê t e , aux dangers de la Baltique et de la mer du N o r d , rien n'indique que le v o y a g e sur lequel se termine Ubu (8) Pl. 730 (9) P e u s o u c i e u x de la v r a i s e m b l a n c e , Jarry concilie l'enlèvement d ' U b u , qui remonte à de longues années et l'ignorance dans laquelle son p e r s o n n a g e se trouve quant à cet enlèvement et à ses origines. O u U b u a été enlevé tout enfant, et d a n s ce c a s , c o m m e n t S o l i m a n le reconnaîtraitil à s o n air et à sa prestance? ; ou il faut le s u p p o s e r frappé d ' u n e forte amnésie... A m o i n s e n c o r e que S o l i m a n ne fasse erreur. (10) (11) (12) (13) 56 Pl. Pl. Pl. Pl. 462. 397 398 462 enchaîné aura une fin aussi heureuse ; cette dernière pièce peut-elle avoir, elle, une contre-partie? Il n'est peut-être pas arbitraire d'établir une filiation entre ce d é n o u e m e n t à forme ouverte et la s e c o n d e version de Tatane, texte en relation avec L'Almanach illustré, d o n c légèrement postérieur à la c o m p o s i t i o n d ' U b u enchaîné. Sur la galère capitane, Ils étaient quatre-vingt rameurs Churent aux mains des écumeurs, Ayant perdu la tramontane... Tatane! (14) Enlevé par des pirates français au d é b u t de sa vie, U b u n'est-il pas destiné à t o m b e r aux mains de pirates de s o n propre pays? Quoi qu'il en soit, dans les deux d r a m e s parallèles et a n t i n o m i q u e s , U b u , roi ou e s c l a v e , déchu et indésirable, chassé, v o g u e dans une direction a d v e r s e . A n c i e n roi, il g a g n e la France où il se fera nommer Maître des Finances à Paris (15); esclave rejeté, il est e m m e n é , réduit au rang d ' a n i m a l , loin de l'empire turc. Chassé avec respect, il n'est pas renvoyé au pays d ' o ù il est v e n u ; la galère c a p i t a n e , en effet, ne prend pas la direction de l'Ouest, mais celle d'un Orient toujours plus lointain ; U b u v o g u e ainsi vers quelque pays extraordinaire, s u p p o s a n t qu'il existe un pays assez extraordinaire pour être digne de lui. Mère U b u déclare, non sans inquiétude : Nous nous éloignons de la France, Père Ubu. (16) Où s'achèvera le v o y a g e ? La terre étant ronde c o m m e la gidouille d ' U b u , le héros de Jarry ne se retrouvera-t-il pas un jour à l'endroit d ' o ù il est parti? Les directions contraires, sur un m ê m e cercle, sont appelées à se rencontrer. On ne se débarrasse pas plus d ' U b u que celui-ci ne se débarrasse de sa liberté. En quête d'un r o y a u m e , il se trouve bientôt sur le c h e m i n de l'exil ; en quête de l'esclavage, il se trouve rejeté sur la mer dont la f o n c t i o n , d a n s c h a q u e pièce, est de le recueillir et peut-être, quelque jour, de l'engloutir, qu'il soit ou non t o m b é au préalable aux mains de n o u v e a u x é c u m e u r s . M i c r o c o s m e terrestre à la dérive, éternel exilé, dérisoire n o u v e a u juif errant, U b u s e m b l e c o n d a m n é à ignorer sa propre identité et à être ballotté d ' u n pays à l'autre, d'Orient en O c c i d e n t , prêt à aborder n ' i m p o r t e o ù , étant, en définitive, destiné à n'aller nulle part. S e s a v e n t u r e s le ramènent à lui-même. Bernard H U E (14) Pl. 624 (15) Pl. 398 (16) Pl. 462 57 A l f r e d J a r r y , les S y m b o l i s t e s et la M i C a r ê m e . U n e des spécialités de la sévère revue d ' E r n e s t C h a r l e s , Le Censeur politique et littéraire, était, on le sait, de tonner contre les p r o d u c t i o n s « p o r n o g r a p h i q u e s » de W i l l y , lequel se vengeait spirituellement en d o n n a n t c o m m e c h â t i m e n t , à ses héroïnes délurées, la lecture d e s œuvres c o m p l è t e s d ' u n n o m m é «ErnestJules». En 1907, une certaine gaieté avait c e p e n d a n t droit de cité à la revue, ne seraitce que par les c h r o n i q u e s fantaisistes q u ' y d o n n a i t M a x Daireaux. D e ce journaliste et littérateur, n o u s ne s a v o n s pas g r a n d ' c h o s e , sauf qu'il fit paraître en 1906, c h e z S a n s o t , une plaquette de poèmes intitulée Les Pénitents noirs, œ u v r e t t e qui ne doit être ni pire ni meilleure que t o u s c e s c o m p t e s d'auteur d o n t S a n s o t c o m m e n ç a i t alors à se faire une spécialité. O n lui doit aussi un Villiers de l'/s/eAdam, l'homme et l'œuvre, paru en 1936 c h e z Desclée de B r o u w e r , p u b l i c a t i o n plus a m b i t i e u s e et qui atteste l'intérêt porté par Daireaux aux s y m b o l i s t e s . T o u t e f o i s , d a n s les c o l o n n e s du Censeur, en 1907, il s'ingéniait p l u t ô t , c o m m e o n va le voir, à s'égayer aux dépens de ces derniers. Le № d u Censeur du 2 mars 1907 contient en effet un texte burlesque de M a x Daireaux intitulés Symbolistes et MiCarême (un dîner de têtes) et qui met en scène n o m b r e de littérateurs s y m b o l i s t e s et assimilés, d o n t Jarry. A vrai dire, cette fiction qui décrit les gestes et o p i n i o n s de divers écrivains et artistes réunis d a n s «une taverne du Boulevard» n o u s évo querait, par s o n débridé et s o n allure preste, les Propos des BienIvres ou le b a n q u e t d u Moyen de Parvenir. P o u r s o n b a n q u e t , assez a n a l o g u e à c e u x , bien réels, de La Plume, Daireaux n'a pas hésité à réunir les personnalités les plus hétéroclites : outre J a r r y déjà cité et sur lequel n o u s allons revenir l o n g u e m e n t , on y d é n o m b r e Charles M o r i c e , J e a n Dolent, A n d r é G i d e , Francis J a m m e s , G u s t a v e K a h n , ViéléGriffin, Paul Fort, Tancrède de V i s a n , Robert S c h e f f e r , Léon Riotor, etc. A p p a r a i s s e n t é g a l e m e n t un T a n c r è d e et un C a r a b i n : ne faudraitil point reconnaître Fargue d a n s ce sieur Tancrède? Q u a n t à C a r a b i n , il s'agit bien p r o b a b l e m e n t de Rupert C a r a b i n , s c u l p t e u r et ébéniste a u q u e l on doit de f a m e u x m e u b l e s phalliques, d i g n e s d ' A n d r é M a r c e u i l s'il en fut. M a i s revenons à Jarry. S o n intervention se produit après le dîner, alors q u e les s y m b o l i s t e s digèrent et s ' e x c i t e n t à p r o p o s de la f o n d a t i o n d ' u n théâtre réservé «au peuple seul»(sic), où l'on jouera «depuis Molière j u s q u ' à Jarry» — o n voit que pour Daireaux J a r r y était le nec plus ultra du théâtre m o d e r n e . Peu 58 a u p a r a v a n t , J a r r y avait p r o n o n c é un v i g o u r e u x «Erdre!»(sic) en réponse à la p r o p o s i t i o n de Tancrède d e V i s a n de jouer Ubu roi. U n q u i d a m suggère alors ûe publier un almanach où chacun écrirait, sans d o u t e pour c o n c u r rencer le d é f u n t Almanach du Père Ubu rédigé par le seul J a r r y . Après un silence bruyant (re-sic), Jarry se lève et prend la parole en ces termes : Messieurs, vous savez tous que le pain, qui est d'un usage quotidien, se vend chez les boulangers ( B r a v o , très bien ! ) dans des sacs en papier. Je propose de fournir ces sacs gratis et d'imprimer dessus des poèmes, des pages choisies, qui pourront aller au peuple... C'est là faire largesse à J a r r y d ' u n e s o l u t i o n imaginaire au problème de la culture d u p e u p l e , solution qui v a certes infiniment plus loin q u e c e s «Universités populaires» q u e l'on s ' a c h a r n a i t à créer à l'époque. A la q u e s t i o n : quipaiera? J a r r y r é p o n d fort bien : C'est là l'idée, tandis que d'un côté du sac nous imprimons de la littérature, du beau, de l'autre, nous imprimons des annonces. La publicité industrielle paiera notre gloire artistique. A u milieu d ' a p p l a u d i s s e m e n t s «frénétiques», Jarry poursuit : Je prends un exemple, d'un côté du sac nous mettons un sonnet de Ver/aine, de l'autre cette annonce... Carabin : L'Absinthe Pernod, c'est du génie en bouteilles. Jarry : A l'endroit, un poème de Viélé-Griffin, à l'envers... G. Viau : Le fer Bravais combat l'anémie. Jarry : Au recto des vers de T. de Visan, au verso... Fr. Jammes : Béquilles pour béquilles... Jarry : Enfin, une page de Paul Fort, avec l'affiche des Folies-Bergère : Un saut dans le vide! (Applaudissements, joie, exubérance ; Griffin, Fort et Visan rougissent modestement, les autres rougissent immodestement). Jarry (Reprenant) : En fournissant cent mille sacs par jour, nous gagnons mille francs, et supposant pour simplifier, que l'année ait quatre cent jours, cela fait un bénéfice de 400.000 francs, pour arrondir mettons 500.000 francs. Cette m a t h é m a t i q u e p r o p o s i t i o n clôt c e q u e n o s m o d e r n e s j a r g o n n e u r s appelleraient la «prestation» de Jarry d a n s le texte de M a x Daireaux. Ensuite, le d é b a t reprend de plus belle, parmi le tumulte, sur le théâtre et les arts décoratifs... Ecrit q u e l q u e s mois avant la mort d e J a r r y , c e texte — à notre c o n n a i s - Pi 1 s a n c e jamais signalé - t é m o i g n e d ' u n e légende jarryque déjà v i v a c e . S a n s d o u t e les lecteurs du Censeur tout c o m m e sa rédaction avaient-ils déjà été habitués à ne retenir de Jarry que le « b o h è m e l o u f o q u e » qui surprenait s e s c o n t e m p o r a i n s . Pure fantaisie, ce texte méritait d'être cité à titre de d o c u m e n t ; toutefois, sa fantaisie n'est pas aussi gratuite q u ' o n pourrait le croire. M a x Daireaux (sur q u i , soit dit en passant, on aimerait bien être d a v a n t a g e renseigné) y révèle un sens assez pertinent de la «spéculation» jarryque, et on incline à penser qu'il avait p r o b a b l e m e n t lu les gestes, spéculations et c h r o n i q u e s données par J a r r y à La Revue Blanche, La Plume, e t c . Il n'est pas d o u t e u x , en tout c a s , qu'il ait v o u l u refaire ici du J a r r y , et sa m o d e s t e proposition d'art populaire aurait pu sans i n v r a i s e m b l a n c e faire la matière d ' u n e page de La Chandelle verte. M a i s la ' p a t a p h y s i q u e ne n o u s enseigne-t-elle pas qu'il serait vain de trop c h e r c h e r si le Jarry de M a x Daireaux c o r r e s p o n d ou non au «vrai» J a r r y ? Jean-Paul G O U J O N 60 DOCUMENTS Lettre de J a r r y à Karl Boès. 31 janvier (1903) Cher M o n s i e u r Boés, J e v o u s s o u m e t s une d e m a n d e p r o d i g i e u s e m e n t indiscrète, mais que votre c o m p l a i s a n c e a j u s q u ' à un certain point encouragé. J e m'étais promis de ne soutirer à la Plume a u c u n or avant la date fatidique de trois mois révolus ; mais l'aventure a v e c le prince rebelle et esclave indigne Bibescu(l), dit de B r a n c o v a n , a réalisé, en q u e l q u e sorte, un tremblement de terre d a n s les p h y n a n c e s du roi de P o l o g n e . J ' a u r a i s pu exciper c u p i d e m e n t du traité c o n c l u a v e c ces g e n s , mais alors j'aurais perdu le plaisir de les c o n v i e r à venir s ' e x p o s e r à un fer vengeur. En un mot, seraitil inconsidéré, excessif et immoral d'implorer de la Plume un capital n o m b r e u x s'élevant j u s q u ' à vingt francs en espèces ayant c o u r s , lequel nous est nécessaire à parachever le paiement du terme du mirifique local dont je v o u s ai décrit les s p l e n d e u r s et le c o û t exorbitant? J e passerai lundi matin à la Plume ; mais il va sans dire q u e si cette c o n c u p i s c e n c e t o m b e , par q u e l q u e calamité, mal à p r o p o s , il ne v o u s faudra point faire s c r u p u l e de me le signifier. Cette c o m b i n a i s o n , pourtant m'assurerait une tranquillité propre à favoriser l'éclosion de nos œuvres c o m p l è t e s . . . et puis c'est arrivé ce mois par la faute du B r a n c o v a n , mais ce n'est pas une habitude. J ' a p p o r t e r a i sans d o u t e lundi ma c o p i e , pour éviter tout retard, et d'après ce q u e v o u s m ' a v e z signalé. Bien c o r d i a l e m e n t votre A l f r e d Jarry 7, rue C a s s e t t e Le bois du lion noir. (A P R O P O S D ' U N BOIS I N C O N N U DE J A R R Y ) Paul Fort, d a n s ses Mémoires si m o d e s t e m e n t sous-titrées : «toute la vie d ' u n p o è t e » , rapporte qu'il venait, «vers l'année 1897», de terminer le Roman de Louis XI, «tout d ' a b o r d n o m m é Louis XI, curieux homme et que «le m a n u s c r i t en était m a g n i f i q u e , orné de dessins à la plume d u s à mes c a m a r a d e s A l f r e d J a r r y et Léon Paul Fargue» (1). Cette affirmation 63 en a troublé plus d ' u n et, sans q u e jamais p e r s o n n e ne parvienne à mettre la main sur ce m a n u s c r i t , «de plus de q u a t r e - c e n t s pages», c h a c u n rêvait à part s o i , m ê m e si l ' a b o n d a n t Roman de Louis XI, publié en 1899 au « M e r c u r e de France», n'a jamais c o m p o r t é a u c u n dessin ni bois. Or, c o m m e tous les poètes, et en tout cas c o m m e tous les m é m o r i a listes, Paul Fort c o n f o n d s o u v e n t , q u a n d il ne l'oublie p a s ! tel fait ou tel é v é n e m e n t . Par c h a n c e . p o u r le c h e r c h e u r patient, il eut la b o n n e idée de faire suivre le premier t o m e de ses Ballades françaises, publié en 1897 au « M e r c u r e de France», d ' u n e a b o n d a n t e Bibliographie. Celle-ci permet d'établir q u ' u n e m i n c e plaquette de 16 pages fut publiée en 1896 au « M e r c u r e de France» s o u s le titre : Louis XI, curieux homme. Cette rare plaquette figure à la Bibliothèque N a t i o n a l e s o u s la c o t e : 8 Y e 4396. La justification du tirage indique : « i m p r i m é avec les caractères du Pérhindérion» ; trois bois ornent ce petit livre, d e u x , d'inspiration m o y e n âgeuse, rehaussent les pages de c o u v e r t u r e et de d o s , un troisième, produisant la noirceur d ' u n lion héraldique, s'installe sur une d e m i - p a g e , après la dernière ligne du texte. C e s trois bois, toutefois, gardent l'anonymat. Il semblait q u e n o u s n'en étions pas plus avancé, lorsque le hasard voulut q u e n o u s fissions l'acquisition d ' u n e lettre inédite de Jarry à Fénéon. Or cette dernière, p r o b a b l e moitié d ' u n e feuille de format 22 x 17 c m , possède un très intéressant filigrane : il représente un lion héraldique, identique, en format et en dessin, à q u e l q u e s m i n i m e s simplifications près, au lion de la plaquette de Fort. En d e s s o u s de l'animal, et toujours en filigrane, on peut lire les lettres : «a Mill», qui semblent indiquer une origine anglaise d u papier. Le p r o c é d é de décalque était ordinaire à Jarry ; ses dessins signés A l a i n J a n s en t é m o i g n e n t . A u s s i ne n o u s semble-t-il pas exagéré, en l'attente de l'avis d ' u n spécialiste mieux i n f o r m é , de tenir ce lion noir pour un bois jusqu'ici i n c o n n u d ' A l f r e d J a r r y . Henri B O R D I L L O N (1 ) - F l a m m a r i o n , 1944, page 8 1 . 65 MENUS COMPTES et PROPOS RENDUS MENUS BULLETIN IDE SANTE) DE LA SOCIETE Plusieurs membres de la Société se sont émus de la désespérante absence, dans leur boîte aux lettres, du Bulletin de la S o ciété pour 1979, pourtant promis par leur bulletin d'adhésion. Le Secrétariat de la S A A J leur doit, et aux autres, des explications. En effet, l'impression d'un Bulletin annuel, uniquement composé du compterendu des délibérations des réunions du Bureau de la Société et du Procès-verbal de l'Assemblée Générale annuelle a semblé tout bien considéré et la juste analyse de notre situation financière aidant, comme peu nécessaire, voire inopportune. Certes, ledit Bulletin était promis ; certes encore, tout était prêt pour l'impression dudit Bulletin. Toutefois, le Bureau de la S A A J a estimé qu'il semblerait préférable au plus grand nombre de réserver, dans l'immédiat notre maigre phynance à étoffer L'EtoileAbsinthe. Aussi, anticipant sur une proposition qui sera présentée à la prochaine Assemblée Générale de Rennes, le Bureau a estimé qu'il était préférable de ne pas imprimer de Bulletin pour 1979, et de n'en pas prévoir pour les années à venir. En attendant cette décision, phynancièrement raisonnable, le Secrétariat de la S A A J est prêt à fournir à tout adhérent qui en ferait la demande, une photocopie du Procès-Verbal de l'Assemblée Générale constitutive du 10 novembre 1979 contre 10 F en timbres. ELECTION DU C O N S E I L D ' A D M I N I S T R A T I O N Après le retrait de la candidature de Brunella Eruli qui, se révélant italienne, ne peut se porter candidate au conseil COMPTES d'administration d'une association française régie par la loi de 1901, Brigitte Girardey et François Sullerot se portent candidats. Sont nommés scrutateurs : François Naudin et Boris Rybak. Le résultat du vote est proclamé par Noël Arnaud : — Nombre de votants : 58 — Bulletins nuls : 3 — Nombres de voix par candidats : Noël Arnaud 55 voix Henri Béhar 51 voix Patrick Besnier 54 voix Henri Bordillon 55 voix François Caradec 52 voix Hubert Juin 54 voix Claude Rameil 52 voix François Sullerot 22 voix Brigitte Girardey 7 voix Sont élus au conseil d'administration : Noël Arnaud, Henri Béhar, Patrick Besnier, Henri Bordillon, François Caradec, Hubert Juin, Claude Rameil, François Sullerot. Après dix minutes de suspension de séance, pendant lesquelles se réunit le premier Conseil d'Administration élu de la S A A J , on apprend que le Bureau Provisoire est reconduit dans ses fonctions, à savoir : Président : Noël Arnaud Secrétaire : Henri Bordillon Trésorier : Patrick Besnier Las! lors d'une réunion du Bureau, en mars 1980, il se révélera que l'un des membres élus du Conseil d'Administration, Hubert Juin, n'est pas de nationalité française. Hubert Juin démissionne aussitôt et le Bureau se propose d'élire un huitième membre du Conseil d'Administration lors de la prochaine Assemblée générale à Rennes, en novembre 1980. 69 Il a èlé peu répondu à noire récent appel concernant la date de la prochaine Assemblée Générale. Toutes les réponses reçues (34), préfèrent, à une exception près, la date de samedi 8 novembre 1980. Elle se tiendra à Rennes, dans l'aprèsmidi, dans la salle de Physique du Lycée de Rennes, cellelà même où Jarry «était enseigné» par monsieur Hébert. Les convocations et les précisions nécessaires pour se rendre à Rennes, ainsi que le programme détaillé des manifes tations qui se dérouleront à la Maison de la Culture de Rennes,seront envoyés à tous les adhérents à jour de leurs cotisations pour 1980 dans le courant du mois d'octobre. La série des manifestations rennaises et l'exposition organisée à la Maison de la Culture donneront lieu à la publication d'un catalogue. Pour tous ceux qui ne pourront se rendre à Rennes, l'expédition du catalogue pourra être assurée par le Secrétariat de la S A A J , suivant des modalités qui seront u l t é r i e u r e m e n t précisées. Certains adhérents de 1979 n'ont pas encore réglé leur cotisation pour 1980. Le Bureau veut croire qu'il ne s'agit là que d'un oubli. En conséquence, le Secrétariat enverra à tous les adhérents 1979 le № 5/6 de L 'EtoileAbsinthe I I reste que tous ceux qui, quinze jours après cet envoi, n'auront pas réglé la cotisation 1980 ne pourront recevoir à temps les papiers pour l'Assem blée Générale de Rennes et jusqu'au règlement de leur cotisation, ils seront considérés comme démissionnaires de notre association. Pour améliorer notre situation phynan cière, assez difficile, une demande de subvention a été déposée auprès de la Caisse Nationale des Lettres. Elle sera examinée en octobre 1980. En outre, le Bureau a décidé de publier, en tiré à part, strictement limité à 100 exemplaires numérotés, la correspondance de Jarry et de Fénécn. Cette plaquette est disponible au Secrétariat et sera envoyée, dès réception de la somme de 80 F (plus 5 francs de port). Les demandes seront satisfaites dans l'ordre de réception des commandes, le cachet de la poste faisant éventuellement foi. Un colloque consacré à Alfred Jarry a été organisé par le Centre Culturel I nter national de CerisylaSalle fin aoûtdébut septembre avec le concours de la S A A J . Cette décade a été dirigée par Noël Arnaud et Henri Bordillon. LE Secrétariat PROPOS On annonce à paraître aux éditions Gallimard une édition critique des Gestes et opinions du docteur Faustroll et de L'Amour absolu d'Alfred Jarry dans la collection Poésie/Gallimard ; parution prévue : novembre 1980. Brunella Eruli a publié, en décembre 1979, une excellente traduction italienne de Messaline.. Cette édition, préfacée et annotée par B. Eruli, est disponible à l'adresse suivante : Editrice Espansione, Via Dezza 5, Roma. Notre prochaine livraison en rendra compte de manière détaillée, ainsi que de la dernière publi cation de B. Eruli : Alchimia délie imagini : Jarry e i mostri, pages 159223 du volume XVIII (1979) de Saggi e Ricerche di letteratura francese. La récente livraison des Organographes du Cymbalum Pataphysicum (s'adresser à Paul Gayot, Courtaumont par Sermiers 51500 RillylaMontagne) publie à la page 85 de son numéro 1213 un rapide «descriptif» des premiers travaux de notre Société. On y lira avec étonnement que, par le biais d'un étrange «et surtout», Jean Markale est préféré à Alfred Jarry lui même! Philippe Adrien, qui vient de créer Ubu à Reims, en mai 1980, voit le texte de son spectacle publié dans le № 7 do Théâtre, revueprogramme du Centre Dramatique National de Reims. Cette excellente publication, présentée et dirigée par Thierri Foule, comprend en outre RENDUS différents apports critiques, dont plusieurs republications d'articles peu connus. Cette création était accompagnée d'une exposition, due à l'initiative de J . Baudou, qui a donné naissance à une mince plaquette intitulée L'Ymagier d'Ubu, la quelle devrait être disponible auprès de la Maison de la Culture de Reims. Après les Promenades en BasseNor mandie avec un guide nommé Flaubert, livre annoncé dans notre dernière livraison, Gilles Henry vient de publier une très intéressante biographie de Flaubert : La vie est une farce, disponible aux mêmes éditions. Les éditions Gallimard viennent de publier un curieux livre : Uburss, de Gérard Moulin, qui, en sus de l'habituel discours sovietophobe, multiplie les citations de Jarry et reproduit une vingtaine de dessins inattendus d'Ubu, (en fait de Georges Lemoine), dont un en couverture et en couleurs! On republie beaucoup «findesiècle». Notre prochaine livraison fera un examen critique de plusieurs «reprints». Signalons, par exemple, NoaNoa, de Gauguin, aux Editions Maritimes et d'OutreMer, les Œuvres poétiques complètes de Rimbaud, Lautréamont, Corbière et Cros dans les «Bouquins» chez Robert Laffont, avec une préface générale d'Hubert Juin ; La Tour d'Amour de Rachilde, L'Homme tout nu 71 de Catulle Mendès, aux Editions Libres Hallier, avec une préface inutile de P. Grainville et une excellente postface de PierreEmmanuel Main ; Les Œuvres complètes de Jean de Tinan — à qui la revue «A l'Ecart» doit consacrer son prochain numéro spécial — en deux volumes de la collection 10/18, tous deux préfacés par Hubert Juin. On annonce aussi, toujours dans les «Bouquins» de chez Robert Laffont, une réédition com plète en deux forts volumes des Mille et une nuits dans la traduction du docteur J . C . Mardrus. Hubert Juin, après sa remarquable préface aux extraits du Journal intime de Jean de La Hire (Association des Amis de Pierre Louys, 13 Cours Kennedy, .35000 Rennes), publie Fernand Khnopff et la littérature de son temps, aux éditions Lebeer Hossmann, 124 avenue de Boeten dael B1180 Bruxelles. C'est un indispen sable complément au catalogue de l'expo sition Khnopff, dont nous avons précé demment parlé. Infatigable, Hubert Juin publie encore des poèmes, aux Editions Messidor, 24 rue du Sac 02420 Gouy), auxquelles il vient de donner une troisième plaquette qui paraîtra en novembre et sera accompa gnée de photos inédites prises par Pierre Louys. Titre : Q uatrains romantiques pour certaines qui n 'eurent pas le même nom. Dans le même petit village de Picardie, les éditions «A l'Ecart» (9, rue Nationale, 02420 Gouy) ont consacré le № 2 de la revue du même nom à Renée Vivien. Ce numéro spécial offre aux amateurs de la poétesse une importante quantité d'inédits, une trentaine de lettres, des poèmes, et de surprenants documents sur un amour masculin de Renée Vivien, de quoi porter un solide coup à l'un des aspects de sa légende. On trouve aussi aux éditions «A l'Ecart» le tome I (3 pièces) du Théâtre Inédit de Georges Darien. tophe Averty verra son adaptation télé visuelle du Surmâle présentée sur le petit écran à la fin du mois d'août 1980. Nous en rendrons compte dans notre prochaine livraison. JOSSOT Alfred Jarry reproduit dans le № 3 de l'Ymagier un dessin de Jossot avec la légende : Ils iront tous au paradis! repré sentant des paysans et des cochons bretons devant un calvaire. Jossot l'avait il choisi à l'intention de Jarry, ou ce dernier avaitil effectué personnellement son choix dans les cartons du dessinateur? Ce qu'il y a de certain, c'est que l'on ne savait pas grand chose de Jossot, jusqu'à ce que Miche! Dixmier publie son livre très docu menté sur L'Assiette au Beurre (Maspéro, 1974). Le numéro des «Cahiers de l'art mineur» qu'il lui consacre est cette fois très complet et accompagné du premier catalogue de l'œuvre imprimée de Jossot. Né en 1886 à Dijon, Jossot a dessiné depuis 1892 et obtenu un très grand succès de 1897 à 1905 : nombreux numéros spéciaux de L'Assiette au Beurre, affiches, illustrations, etc. Anarchiste, il ne pouvait se satisfaire des rêves anarchistes de Jean Grave. I l s'installa définitivement en 1911 en Tunisie, et cet antichrétien qu'on avait pris seulement pour un anti clérical, se convertit à l'I slam en 1913 : jusqu'en 1932, il ne signa plus que AbouI Karim Jossot des articles et des peintures, après avoir totalement abandonné la cari cature. Jossot est mort à Tunis en 1951. Bref, tous les lecteurs de L'EtoileAbsin the se doivent d'acheter le № 23 des «Cahiers de l'art mineur», qui n'est vraiment pas cher dans un monde sans prix. Quant à la Société des Amis d'Alfred Jarry, elle s'honorerait en rééditant Le Fœtus récalcitrant publié en Tunisie en 1938. F.C. PELADAN ET LES SCI ENCES H U M AI N E S Après Ubu roi et Ubu enchaîné, alors qu'il prépare un Ubu cocu, JeanChris 72 le № 176 de la Revue des Sciences Humaines est consacré aux Enjeux de l'occultisme. Nicole JacquesChaquin (membre de la S A A J ) , qui l'a dirige, y publie une étude sur Péladan, L'anankiatre ou l'occultisme à l'épreuve de la fiction. Les contradictions, chez le sâr, entre la théorie ésotérique et l'élément roma nesque ne sont pas minces. Aussi, parler de Péladan, c'est le plus souvent choisir «l'occultiste» aux dépens de «l'écrivain» ou le contraire. L'intérêt de cet article est de confronter les deux termes, de cerner l'inscription de l'occultisme dans la fiction. La rencontre se clôt généralement par la défaite de l'occultisme «retour de l'histoire» après la tentation de l'éternité. Si Mérodack et les siens triomphaient, l'œuvre serait terminée, il n'y aurait plus d'Ethopée possible. Que Péladan privilégie l'esthétique contre l'occultisme est clair depuis la rupture avec Guaita. Mme Chaquin termine en soulignant quelques paradoxes de l'œuvre péladane. Peutêtre ometelle celuici, sur quoi repose son étude : parler de l'occultisme du sâr n'est pas possible (son remake d'Eliphas Lévi ne rend pas compte de son originalité); l'omettre fausse également toute compréhension. On ne peut en parler, ni n'en point parler. Sans doute la seule approche possible de Péladan estelle pataphysique. chose. Nous comprenons bien que de tels souhaits soient ceux du barde breton mais, quoi qu'on en dise, rien encore ne nous permet de valider les rares témoignages qui nous dépeignent un Rimbaud, poète africain. D'ailleurs, et jusqu'à plus ample informé, ses écrits antérieurs nous inté ressent, nous, par le mépris qu'ils mani festent déjà pour la Littérature, ce en quoi ils fondent l'écriture moderne, et par cette expérience d'une vie qui déborde à ce point l'œuvre qu'elle amène à la renier. Certes, et suivant les critères de monsieur Grall, nous n'avons pas droit à la parole, étant professeur, très peu catho lique et breton à demi seulement. Mais avouons, et pour conclure, qu'un tel livre est désolant car, au milieu d'un flot d'injures, qui semblent souvent de dépit, contre Etiemble et quelques autres, ne surnage au bout du compte qu'un immense contentement de soi, qui fait penser à Barrés, un peu, mais sans le style, et à Maurice Clavel, beaucoup, avec ce à quoi cela oblige : un mélange, à parts inégales, de délire interprétatif et de délire tout court — avec ici, en prime, du lyrisme soidisant celte. Xavier Grall, ou l'essayiste aux semelles de plomb. Henri BORDI LLON Patrick BESNI ER LE CRI TI QUE I VRE Le nom et l'œuvre de Rimbaud ne sont pas près de mourir, du moins si l'on en juge par le nombre de ceux qui en écrivent ou s'en servent. Ainsi, après le Double Rimbaud (1), qui n'était pas indifférent, voici un recueil de poèmes en prose de Marc Cholodenko (2) qui, si nous avons bien lu, n'a de rapport avec le poète que par son titre, voici surtout une Marche au Soleil, orchestrée au biniou, par monsieur Xavier Grall (3). Qui connaît cet auteur, lequel aime rajouter sur tout son grain de celte, pouvait s'attendre au pire ; qu'on s'émerveille : le pire, qui n'est plus ce qu'il était, lui aussi, se trouve de très loin dépassé. A d i r é vrai, la thèse de monsieur Gall est simple, et n'est pas de lui : Rimbaud exhausserait et réaliserait même son œuvre en partant Ailleurs pour écrire Autre ( 1 ) Voir /'EtoileAbsinthe, № 4, pp 6061. (2) La trajectoire Rimbaud, collection POL, Hachette, 1980. (3) 182 pages, éditions Mazarine, 1980. LE MANOI R E N C H A N T E d'Alfred Jarry présenté à l'ArtKd'Déemi par Pierre Jaquet, Bernard Gruyer, Brigitte Girardey et JeanLouis Trujillo il s'agit de déchaîner contre le cato blépas de la sottise humaine toutes ies ressources du manoir enchanté où vécut (où hante?) CagliostroAlfred Jarry, oui, qui jadis fit tant avec pantins. Des marionnettes. Bille de cloune et clounesse: nos semblables nos frères si tant est que les miroirs auront jamais assimilé la 'pata physique. I ls s'agitent : les vers, comme les jeux de mots, sont de mirliton, du coq (hue!) à l'âne (halte!) bondissant, si féroces, si tapés, rapides, frénétiques. 73 Visant de toutes parts le monument que Boris Vian appelle la bêtise militante. Textes disparates (mais c'est ainsi que Jarry les laissa) sur un air de bastringue (mais c'est sans doute ainsi qu'il les eût s o u h a i t é s ) , a v e c des e n c h a î n e m e n t s cocasses. Des trouvailles de mise en scène comme des objets semi-détournés ou des ustensiles réels mis à contribution hors de tout contexte plausible. Pourtant le pari était bien difficile : monter un spectacle de Jarry destiné exclusivement aux plus éclairés, aux plus exigeants donc d'entre les amateurs et admirateurs de l'auteur du Surmâle\ Ils l'ont tenu, bien tenu, merci Brigitte Girardey, merci Ursula, merci d'Dée. Un mot encore, d'Azertiope : Jarry, l'auteur de la Dragonne ? Vous avez dit Jarry ? Bof, auteur mineur! François N A U D I N ITALIE : J A R R Y AU THEATRE A u c o u r s de la s a i s o n théâtrale 78-79, quatre s p e c t a c l e s ont été consacrés à J a r r y . T r o i s d'entre eux étaient tirés de textes qui n'avaient pas été c o n ç u s s o u s f o r m e théâtrale à leur origine [Spostamenti d'amore, I Supermaschio, faustroll) ; un s e u l e m e n t , Ubu, reprenait et e n c o r e v a g u e m e n t , le texte d''Ubu roi. L ' e x p l o s i o n d'intérêt pour J a r r y en Italie est d'autant plus significative si l'on se rappelle que l'avant-garde italienne des années 60 (à l'exception près d ' u n Ubu de C a r m e l o B e n e ) , n'a jamais essayé de se c o n f r o n t e r d i r e c t e m e n t aec U b u , très s o u v e n t cité mais s e u l e m e n t par allusion. C e p h é n o m è n e n o u s oblige maintenant à n o u s poser quelques q u e s t i o n s . D ' a b o r d au sujet d u texte : peut-on considérer c o m m e œuvre de Jarry le résultat d ' u n c o l l a g e de ses textes, aussi fidèle soit-il? P e u t - o n représenter Jarry sans J a r r y ? L'attitude d y n a m i q u e que le Père U b u t é m o i g n e au sujet de l'activité créatrice pourrait justifier le parti pris de représenter Jarry sans J a r r y ou p r e s q u e . R a p p e l o n s ici les p r o p o s de Jarry au sujet de la création théâtrale : ne doit écrire pour le théâtre que l'auteur qui pense d'abord sous la forme dramatique. On peut tirer ensuite un roman de son drame, si l'on veut, car on peut raconter une action ; mais la réciproque n'est presque jamais vraie ; et si un roman était dramatique, l'auteur l'aurait d'abord conçu (et écrit) sous forme de drame. Les quatre m i s e s en scène italiennes t é m o i g n e n t d ' u n e longue fidélité à l'œuvre de J a r r y , mais elles p o s e n t en m ê m e t e m p s le problème épineux de la relation du texte à sa réalisation scénique. Guidées par le désir de montrer une i m a g e inédite, m o i n s c o n n u e ou m o i n s stéréotypée de J a r r y , ces opérations théâtrales ont le mérite d'avoir souligné le b a g a g e philos o p h i q u e et culturel de s o n œuvre qui ne saurait se réduire aux seuls Ubu tout en ayant mis en lumière la c o m p o s a n t e grave et p a t a p h y s i q u e . Bien q u e les s p e c t a c l e s soient t o u s très intéressants, un danger existe, celui de d é t o u r n e r le public des véritables textes de Jarry. L'attitude manifestée par c e s s p e c t a c l e s est toutefois très positive car les troupes ont m o n t é les pièces considérant Jarry leur c o n t e m p o r a i n , leur grand frère en p a t a p h y s i q u e . Spostamenti d'amore (1) est un c o m p o s é d'éléments tirés de L'Amour César-Antéen visites, de Haldernablou, de Les Jours et les Nuits et de christ. Le p e r s o n n a g e J a r r y , habillé en e s c r i m e u r , évolue sur une estrade circulaire sur laquelle est tracé un triangle. C e s figures g é o m é t r i q u e s , chargées de significations d a n s l'univers de J a r r y , restent en grande partie o b s c u r e s au s p e c t a t e u r n o n averti, de m ê m e pour une q u a n t i t é 75 d'autres allusions qui parcourent le texte. A c ô t é de J a r r y - e s c r i m e u r , deux autres p e r s o n n a g e s : M a d a m e N o r m a , la patronne d ' u n b o r d e l , habillée en d a m e de c h e z M a x i m ' s et la C o n s c i e n c e , a n d r o g y n e fardé tel un c h a n t e u r de cabaret a l l e m a n d , c h a p e a u haut de f o r m e et habit noir, qui apparaît et disparaît p s a l m o d i a n t les lieders de W e b e r n . Le titre Spostamenti d'amore (Itinéraires d'amour) fait allusion aux différents m o m e n t s de Ja vie sexuelle du protagoniste ( o n a n i s m e , f é t i c h i s m e , e x h i b i t i o n n i s m e , homosexualité) dont toutes les m a n i f e s t a t i o n s ne seraient q u ' u n e tentative de sortir des limites de sa propre chair. M a d a m e N o r m a est la « n o r m e » , la loi qui lutte contre les dérèglements de tous les sens du p r o t a g o n i s t e , qu'ils soient erotiques ou artistiques. A la fin Jarry s'écrie « L ' h o m m e est Dieu par ma chandelle verte!» mais m a d a m e N o r m a lui répond q u e cela «n'était pas prévu» et elle le m e n a c e , telle une Vénus de v o n M a s o c h , d ' u n e fessée avec la tapette qu'elle tient à la m a i n . // Supermaschio (Le Surmâle) (2), proposé par A n t o n i o S a l i n e s , utilise le texte de la pièce Par la taille que Jarry l u i - m ê m e , avec la c o m p l i c i t é de D e m o l d e r , aurait tirée de s o n r o m a n . De ce texte, j u s q u ' à maintenant n o u s c o n n a i s s o n s seulement la traduction italienne publiée d a n s le v o l u m e Tutto il teatro (3) présenté par L. Chiavarelli. La version originale française aurait été d o n n é e par l'auteur lui-même à Marinetti à l'époque où «Poesia» publiait des textes de J a r r y ou de C h a r l o t t e . Marinetti renonça à mettre en scène la pièce car Jarry exigeait q u e les acteurs soient nus, et il passa ce texte à B r a g a g l i a , qui renonça à s o n tour. C e dernier en d o n n a la traduction à Chiavarelli qui la publia d a n s s o n v o l u m e en 1974. M a i n t e n a n t , grâce à la mise en scène de A . S a l i n e s , n o u s d é c o u v r o n s un texte rare et a s s i s t o n s à un s p e c t a c l e aussi intéressant q u ' i n é d i t . Pour des raisons d'ordre pratique, Salines réduit le n o m b r e effarant de p e r s o n n a g e s prévu par J a r r y , le c a r d i n a l , l'industriel, le m é d e c i n , le savant jouant le d o u b l e rôle d e s t é m o i n s - v o y e u r s et des prostituées au m o m e n t de l'exploit du Surmâle ; de ce fait, Salines obtient un effet original au point de v u e d r a m a t u r g i q u e . En plus le metteur en scène respecte la c o n s i g n e de J a r r y : lors de la scène de l'exploit du Surmâle, qui se déroule sur un ring, il montre les p r o t a g o n i s t e s a b s o l u m e n t nus. La pièce a p r o v o q u é de n o m b r e u s e s protestations de la part du public, s o u v e n t c h o q u é par la nudité du Surmâle qui arborait un é n o r m e pénis tricolore. C o m m e le s p e c t a c l e n'était pas interdit aux mineurs, le m a l h e u r e u x Surmâle a s o u v e n t dû rassurer les r e s p o n s a b l e s de l'ordre p u b l i c , prêts à interdire la pièce et les c o n v a i n c r e d u sérieux du texte, de la moralité d e s p r o p o s et d e s a c c o u t r e m e n t s . A T u r i n , la c o m p a g n i e «U» («U» c o m m e Ubu) s'est attaquée à l'un des textes les plus c o m p l e x e s de J a r r y : Faustroll (4). L'expérience qui pouvait tourner au désastre, fut au contraire c o n c l u a n t e . Spécialement c o n ç u pour les s u p e r b e s c a v e s voûtées du palais royal C a r i g a n o , le s p e c t a c l e se 76 En haut : une scène du italien. Surmâle En bas, l'as du Dr Faustroll. déroule d a n s les couloirs le long desquels s'ouvrent des salles aux d i m e n s i o n s différentes ; t a n t ô t très v a s t e s , t a n t ô t étroites c o m m e des cellules, c e s salles offrent une f o n c t i o n n a l i t é utile à une mise en scène influencée par la t e c h n i q u e du d é c o u p a g e c i n é m a t o g r a p h i q u e . Faustroll est un s p e c t a c l e - v o y a g e ; les s p e c t a t e u r s suivent ainsi leur guide et visitent les îles et leurs rois ( G a u g u i n , K i d , Mallarmé) c o m p l é t a n t leur tour auprès de l'Evêque M e n s o n g e r et Visitée. A v a n t de c o m m e n c e r le v o y a g e , Faustroll vêtu d'un manteau noir — p r o c h e parent d u c o m t e Dracula — chandelle verte à la m a i n , explique aux visiteurs les mystères de la ' p a t a p h y s i q u e p r o n o n ç a n t les propres mots de J a r r y . B o s s e - d e - N a g e , habillé en joueur de rugby (casque, épaules rembourrées, joues fardées en rouge et bleu, baskets dépareillées aux pieds) suit le g r o u p e en faisant des b o n d s s i m i e s q u e s , pareil à un singe qui imiterait H a r p o M a r x . Le v o y a g e est a g r é m e n t é par la m u s i q u e : D e b u s s y , les Pink F l o y d s et S t o c k h a u s e n mélangent j u d i c i e u s e m e n t leurs notes. L'initiation du s p e c t a t e u r se termine par une c o m m u n i o n à base de f o n d a n t s sucrés, que M e n s o n g e r distribue au public ; ensuite il s'attendrit sur «latente obscure» dans les toilettes des c a v e s , assis sur un w a t e r - c l o s e t orné d ' u n e tête de cheval en faïence b l a n c h e . Finalement le spectateur est a d m i s d a n s une grande salle où se trouve le bateau de Faustroll. A l'intérieur de cette m a g n i f i q u e s c u l p t u r e en bois, tous les p e r s o n n a g e s prennent place auprès du d o c t e u r pour c o n t i n u e r leur v o y a g e dans la mort. V o y o n s maintenant le s p e c t a c l e Ubu (5) de la Coopérative D a g g i d e (en sicilien cela signifie le m a n n e q u i n utilisé pour provoquer le mauvais œil). Le s p e c t a c l e est le résultat d ' u n long travail d'affinement à partir du texte é'Ubu roi d o n t il ne garde à peine q u e les lignes essentielles : un roi bête et m é c h a n t arrive au p o u v o i r d a n s une P o l o g n e m y t h i q u e et perd son r o y a u m e en guerre. O n ne trouvera ici ni la «merdre», li les «oneilles» ni les différentes torsions du nez, mais on trouvera intacte la v o l o n t é et la capacité de p r o v o q u e r le s p e c t a t e u r . Les p e r s o n n a g e s sont des nains m o n s t r u e u x q u e l'on croirait sortis du dessin de Jarry pour le théâtre des pantins ; les acteurs jouent c o n s t a m m e n t à g e n o u x et leurs j a m b e s disparaissent à l'intérieur d ' u n e boule gidouille. Les p e r s o n n a g e s roulent sur scène p l u t ô t qu'ils ne m a r c h e n t , b o u g e n t c o m m e des marionnettes et parlent a v e c d e s b o r b o r y g m e s , triturant le texte avec des voix de fausset. Le s p e c t a c l e p r o p o s e une synthèse de tous les Pères U b u qui o p p r e s s e n t notre vie q u o t i d i e n n e , situation théâtrale lisible à plusieurs niveaux q u e le public perçoit parfaitement bien. S'il est vrai q u e d a n s cet Ubu il reste très peu du texte originaire, il faut aussi souligner q u e B e p p e R a n d a z z o a c o m p l è t e m e n t assimilé la leçon théâtrale de Jarry. O n peut alors se d e m a n d e r si, parfois, la trahison d ' u n texte ne serait pas aussi une manière de lui rendre la vie. Brunella ERULI 77 Notes (1) Spostamenti d'amore, C o m p a g n i a l ' A l b e r o , scénographie et mise en scène : J u l i o Z u l o e t a . Interprètes : Gigi A n g e l i l l o , L u d d o v i v a M o d u g n o , Edda D e l l ' O r s o . R o m a , Teatro A l b e r i c o , N o v e m b r e 1978. (2) Il Supermaschio, Coopérative del T e a t r o Belli. M i s e en scène : A n t o n i o Salines. Scènes et c o s t u m e s : Santi M i g n e c o . Interprètes : A n t o n i o Salines, C a r o l a S t a g n a e r o . R o m a , Teatro Belli, N o v e m b r e 1978. (3) A . J a r r y , Tutto il teatro. Introduction de J e a n - L o u i s Barrault, traductions de L. Chiavarelli, L u c i a n a C r e p a x , Libero Barletta. R o m a , N e w t o n C o m p t o n , 1974. (4) Faustroll-Jarry. Viaggio in colabrodo. Elaboration de V a l e r i a n o Gialli et G i o r g i o L a n z a . T o r i n o , U n i o n e Cultúrale, 15 mai 1979. (5) Ubu. Coopérative Teatro D a g g i d e . Réalisation collective de B e p p e R a n d a z z o , G i o v a n n a B r a n c a t o , S a r a C a p i l l o , Raffa d ' A v e l l a . Imola, Teatro C o m u n a l e , 9 avril 1979. 78 Youbou à Londres. Voilà qui ne pouvait m a n q u e r d'être un é v é n e m e n t ! Créé au J e a n n e t t a C o c h r a n e T h e a t e r (théâtre «fringe», le «off» londonien) par une troupe que dirige Charlie D r a k e , figure anglaise du théâtre et de la télévision, écrivain à ses heures, ce fut un Ubu bien singulier. U b u ? Y o u b o u p l u t ô t , si c'est là le m o y e n de différencier celui de Jarry et celui de S p i k e M i l l i g a n . C e dernier, considéré par b e a u c o u p (d'anglais?) c o m m e un d e s g r a n d s écrivains d ' h u m o u r de s o n t e m p s , est le créateur de n o m b r e u s e s pièces, des célèbres G o o n s h o w s et l'auteur du f a m e u x Hitler... M y part in his do wn fait. Très libre a d a p t a t i o n à'Ubu roi, sa pièce respecte les très g r a n d e s lignes de l ' u b u e s q u e s a g a , mais c'est bien tout. O n est en droit de se d e m a n d e r ce qui a pu p o u s s e r Milligan à se prévaloir d ' U b u ; l'anarchisme sans d o u t e , mais cet Ubu-là ne d e v i e n d r a pas une «amplification en plus éternel» de l'illustre m o d è l e ! C e t t e création se sera v o u l u e une fable sur l'exercice d u p o u v o i r et t o u t particulièrement de celui des r e s p o n s a b l e s syndicaux... A n a r c h i s m e oblige! A l'issue d ' u n p r o l o g u e qui réunit d a n s une cuisine pavoisée de linge h u m i d e t o u t e la famille — une famille anglaise «lower class» de nos jours, coincée entre s o n téléviseur et da cuisinière, médiocre d a n s ses o c c u p a t i o n s et s e s a m b i t i o n s — G l a d y s U b u incite s o n mari Fred, délégué s y n d i c a l c h e z F o r d , à c h a n g e r leur destin : Pourquoi ne deviens-tu pas roi de Pologne comme tous les autres hommes? Fred quitte s o n univers k i t c h e t t e s q u e et r e m o n t e le t e m p s (en a s c e n s e u r ! ) j u s q u ' a u seizième siècle afin de c o n q u é r i r le t r ô n e (portable) de P o l o g n e . A v a n t de remonter le t e m p s , U b u est entré d a n s l'histoire c o n t e m p o r a i n e ; c'est là une s o u r c e de c o m i q u e , l'auteur et le m e t t e u r en scène, Charles M a r o w i t z , usant et a b u s a n t d e l ' a n a c h r o n i s m e . Dès lors, il c o n v i e n t de parler de s p e c t a c l e plus q u e de pièce, le p u b l i c s a v o u r a n t les uns après les autres les g a g s , jeux de scène et de m o t s (parfois éculés, s o u v e n t paillards), citations, clins d ' œ i l , destinés à l ' a m u s e r , sans autre a m b i t i o n . Q u e l q u e s c h a n s o n s a c c o m p a g n é e s au p i a n o , q u e l q u e s pas de d a n s e c o m p l è t e n t une prestation l o u f o q u e et particulièrement irrévérencieuse tant Milligan s ' e m p l o i e à mettre à m a l , a v e c quelle d é l e c t a t i o n , le p o u v o i r s y n d i c a l . . . Il y a là les c h a n s o n n i e r s et les b r a n q u i g n o l l e s ! /9 P a r a d o x a l e m e n t , c'est de ce parti-pris c o m i q u e que provient la faiblesse du s p e c t a c l e : avoir assigné à U b u une f o n c t i o n satirique, alors que c h e z J a r r y , il est intransitivement bête et grotesque. Cet Ubu-là n'est jamais q u ' i n s o l e n t à force d ' i n s o l e n c e s selon la tradition chansonnière, mais il n'atteint à la radicale bêtise... Ce fut e f f r o n t é et arrogant mais pas ubuesque. L'affiche du s p e c t a c l e montre un U b u en pied qui tient de Falstaff ; il plastronne d é d a i g n e u s e m e n t , vêtu du pourpoint et des culottes bouffantes, une main à la h a n c h e , l'autre arborant une rapière, mais chaussé de « D o c t o r Martens» (le très populaire b r o d e q u i n anglais) et coiffé d ' u n e n t o n n o i r rehaussé d ' a u t r u c h e , parodiant ainsi l'aristocratique dignité des portraits royaux du Titien ou des maîtres a n o n y m e s de la fin du X V I e siècle... T o u t le s p e c t a c l e est d a n s cette initiale singerie. Charlie D r a k e , a u t h e n t i q u e acteur c o m i q u e , se démène sans nous c o n v a i n c r e qu'il tient d ' U b u . S a f a c o n d e au service de la satire que Milligan e n t e n d mener fait s o u v e n t croire qu'il sait être un petit roi c o u a r d et m é c h a n t c o m m e une teigne, mais il lui aura m a n q u é l'énormité. Q u e dire de ce qui reste du V e r b e jarryque? Qu'il subsiste à l'état de trace d a n s le très s y m b o l i q u e «Merdre» d e v e n u là-bas «Pppshittl». Ce très libre U b u a pu étonner d o n c , tant sa portée est radicalement différente de celui de J a r r y , c h e z qui il était, au dire m ê m e de l'écrivain le double ignoble d a n s lequel le public aurait dû se reconnaître, alors q u ' i c i il n'est plus q u e le héros d ' u n e satire sociale menée à c o u p de b o n s m o t s . Cette création a m è n e , finalement, q u e l q u e s remarques : — Faut-il être e n c o r e a u d a c i e u x pour m o n t e r Ubu p u i s q u e , n o u s l'avons déjà dit, ce s p e c t a c l e a été d o n n é dans un théâtre en marge? Les n o m s de S. Milligan et de C. Drake récusent l'idée de l'amateurisme nécessiteux contraint de se loger «off ». — S a n s perdre de vue que cette libre a d a p t a t i o n est signée M i l l i g a n , force est de constater qu'elle s'intitule Ubu ; voilà qui pourrait relancer le vieux débat sur la paternité des oeuvres et d e s modèles, tant il est vrai qu'il y a ici, utilisation (manipulation?) à des fins peu jarryques. — ... à m o i n s qu'Ubu ne soit cette pièce si d é m o d é e ou si c r e u s e qu'il ait fallu lui administrer q u e l q u e adjuvant social m o d e r n e ! A j o u t o n s toutefois q u e la critique anglaise a fraîchement accueilli cette création, la trouvant t a n t ô t «insipide», t a n t ô t «consternante», voire «éculée». A c c u s e - t - e l l e Milligan d'avoir ajouté à sa bibliographie un Jarry... My part in his Downfall ? Bernard LE D O Z E 80 Charlie D R A K E en U b u anglais. Société des A m i s d ' A l f r e d J a r r y Statuts A D O P T E S A L ' A S S E M B L E E G E N E R A L E D U 10 N O V E M B R E 1979 A R T I C L E 1er Il est f o n d é entre les adhérents aux présents statuts une a s s o c i a t i o n régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901, ayant pour titre : Société d e s A m i s d ' A l f r e d J a r r y . ARTICLE 2 Cette a s s o c i a t i o n a pour but de défendre et illustrer la vie, l'œuvre et l'époque de l'écrivain A l f r e d J a r r y en France et à l'étranger par tous m o y e n s existants et à venir. C h a q u e année, la Société décerne le prix Alfred Jarry. ARTICLE 3 Siège s o c i a l . Le siège s o c i a l est fixé à P e n n e - d u - T a r n (Tarn). Il pourra être transféré par simple décision du conseil d'administration ; la ratification par l'assemblée générale sera nécessaire. ARTICLE 4 L ' a s s o c i a t i o n se c o m p o s e de : a) m e m b r e s du c o m i t é de p a t r o n a g e , b) m e m b r e s d ' h o n n e u r , c) m e m b r e s f o n d a t e u r s , d) m e m b r e s bienfaiteurs, e) m e m b r e s actifs ou adhérents. A R T I C L E 5. A d m i s s i o n . Pour faire partie de l ' a s s o c i a t i o n , il faut être agréé par le bureau qui statue, lors de c h a c u n e de ses réunions, sur les d e m a n d e s d ' a d m i s s i o n présentées ; ratification de c h a q u e décision du bureau sera faite par le bureau d ' a d m i n i s t r a t i o n . A R T I C L E 6. Les m e m b r e s . S o n t m e m b r e s d ' h o n n e u r , sur proposition du président et après vote u n a n i m e du b u r e a u , c e u x qui ont rendu des services signalés à l'association ; ils sont dispensés de c o t i s a t i o n s ; les m e m b r e s du c o m i t é de p a t r o n a g e sont de droit m e m b r e s d ' h o n n e u r ; S o n t m e m b r e s f o n d a t e u r s les p e r s o n n e s qui versent une cotisation annuelle de quatre-vingts francs fixée c h a q u e année par l'assemblée générale ; S o n t m e m b r e s bienfaiteurs les p e r s o n n e s qui versent une cotisation annuelle de cent francs fixée c h a q u e année par l'assemblée générale ; S o n t m e m b r e s actifs ou adhérents c e u x qui ont pris l ' e n g a g e m e n t de verser a n n u e l l e m e n t une s o m m e de c i n q u a n t e francs fixée c h a q u e année par l'assemblée générale. La c o t i s a t i o n d o n n e droit aux diverses publications de l'association paraissant d a n s l'année de la c o t i s a t i o n . T o u t e c o t i s a t i o n pourra être rachetée m o y e n n a n t le paiement d ' u n e s o m m e m i n i m a égale à dix fois s o n m o n t a n t a n n u e l , sans q u e la s o m m e globale puisse dépasser cent francs. A R T I C L E 7. R A D I A T I O N S La qualité de m e m b r e se perd par : a) la démission ; b) la radiation p r o n o n c é e par le conseil d'administration pour n o n - p a i e m e n t de la c o t i s a t i o n ou pour motif grave, l'intéressé ayant été invité par lettre r e c o m m a n d é e à se présenter devant le bureau pour fournir des e x p l i c a t i o n s ; il doit en être rendu c o m p t e à l'assemblée générale. ARTICLE 8 Les r e s s o u r c e s de l'association c o m p r e n n e n t : 1. - le m o n t a n t des c o t i s a t i o n s ; 2. - les s u b v e n t i o n s de l'Etat, des d é p a r t e m e n t s et d e s c o m m u n e s ; 3. - toutes autres r e s s o u r c e s c o n f o r m e s à s o n objet. A R T I C L E 9. C o n s e i l d ' a d m i n i s t r a t i o n . L ' a s s o c i a t i o n est dirigée par un conseil d'administration de huit m e m b r e s , élus pour d e u x années par l'assemblée générale. Les m e m b r e s sont rééligibles. Le C o n s e i l d ' a d m i n i s t r a t i o n est renouvelé c h a q u e année par moitié à partir de la d e u x i è m e année suivant la première assemblée générale, année au c o u r s de laquelle les m e m b r e s sortants sont désignés par le sort; ils s o n t rééligibles. Le conseil choisit parmi ses m e m b r e s , au scrutin secret, un bureau c o m p o s é de : 1. - un président ; 2. - un secrétaire ; 3. - un trésorier. En c a s de v a c a n c e s , le conseil pourvoit provisoirement au r e m p l a c e m e n t de ses m e m b r e s par c o o p t a t i o n . Les pouvoirs des m e m b r e s ainsi c o o p t é s prennent fin à l'époque où devrait n o r m a l e m e n t expirer le m a n d a t d e s m e m b r e s remplacés. A R T I C L E 10. Réunion du C o n s e i l d ' a d m i n i s t r a t i o n . Le C o n s e i l d ' a d m i n i s t r a t i o n se réunit une fois au moins tous les six m o i s , sur c o n v o c a t i o n du président, ou sur la d e m a n d e de trois de ses m e m b r e s sur un objet identique. Les décisions sont prises à la majorité des voix ; en cas de partage, la voix du président est p r é p o n d é r a n t e . T o u t m e m b r e du conseil q u i , sans e x c u s e , n'aura pas assisté à trois réunions c o n s é c u t i v e s , pourra être considéré c o m m e démissionnaire. Nul ne peut faire partie d u conseil s'il n'est pas majeur. A R T I C L E 11. Assemblée générale ordinaire. L'assemblée générale ordinaire c o m p r e n d tous les m e m b r e s de l'association à q u e l q u e titre qu'ils y soient affiliés. L'assemblée générale ordinaire se réunit une fois c h a q u e année, au c o u r s du dernier trimestre de l'année. Q u i n z e jours au m o i n s avant la date fixée, les m e m b r e s de l'association sont c o n v o q u é s par les s o i n s d u secrétaire. Les m e m b r e s de l'association peuvent p r o p o s e r d e s q u e s t i o n s à inscrire à l'ordre du jour deux mois avant la date fixée c h a q u e année pour l'assemblée générale. L'ordre du jour est indiqué sur les c o n v o c a t i o n s ; il est s o u m i s à l'assemblée générale. Le président, assisté des m e m b r e s du c o n s e i l , préside l'assemblée et e x p o s e la situation morale de l ' a s s o c i a t i o n . Le trésorier rend c o m p t e de sa gestion et s o u m e t le bilan et le b u d g e t à l'approbation de l'assemblée. Il est p r o c é d é , après é p u i s e m e n t de l'ordre du jour, au r e m p l a c e m e n t , au scrutin s e c r e t , des m e m b r e s du conseil sortants. Ne devront être traitées, lors de l'assemblée générale, que les q u e s t i o n s s o u m i s e s à l'ordre du jour. T o u t e décision de l'assemblée générale n'est valide que si elle atteint la majorité des deux-tiers d e s m e m b r e s présents ou représentés. A R T I C L E 12. A s s e m b l é e générale extraordinaire. Si b e s o i n est, ou sur la d e m a n d e de la moitié plus un des m e m b r e s inscrits, le président peut c o n v o q u e r une assemblée générale extradinaire, suivant les formalités prévues par l'article 11. Les décisions de l'assemblée générale extraordinaire sont valides si elles sont prises à la majorité des m e m b r e s présents ou représentés. A R T I C L E 13. Règlement intérieur. U n règlement intérieur peut être établi par le conseil d ' a d m i n i s t r a t i o n qui le fait alors a p p r o u v e r par l'assemblée générale. Ce règlement éventuel est destiné à fixer les divers points n o n prévus par les statuts, n o t a m m e n t c e u x qui ont trait à l'administration interne de l'association. A R T I C L E 14. D i s s o l u t i o n . En c a s de d i s s o l u t i o n p r o n o n c é e par les deux tiers au m o i n s d e s m e m b r e s présents de l'association au c o u r s d ' u n e assemblée générale, un ou plusieurs liquidateurs sont n o m m é s par celle-ci et l'actif, s'il y a lieu, est d é v o l u , c o n f o r m é m e n t à l'article 9 de la loi du 1er juillet 1901 et au décret du 16 août 1901, à la Bibliothèque J a c q u e s D o u c e t de l'Université de Paris o u , en c a s de refus de celle-ci, à toute autre institution à but n o n lucratif c h o i s i e par le conseil d ' a d m i n i s t r a t i o n .