la Procédure de la Région des Grands lacs

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la Procédure de la Région des Grands lacs
RMF 29
Observatoire des Situations de Déplacement Interne (IDMC)
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La Procédure de la Région
des Grands Lacs : de nouvelles
opportunités de protection par Jesse Bernstein et Olivia Bueno
La Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs
(IC/GLR) a créé un nouveau mécanisme régional de promotion
de la paix, de la sécurité et du développement. Pourra-t-il offrir de
l’espace pour la protection des droits des personnes déplacées ?
La région s’est engagée sur la voie de la paix
et du développement. Des accords de paix
ont été conclus avec le Burundi, le Soudan
du sud et la République Démocratique
du Congo (RDC). Les négociations pour
mettre un terme à la guerre en Ouganda
du Nord continuent. De grands nombres
de réfugiés ont pu retourner dans leurs
foyers en Angola, au Burundi, au Soudan
du Sud et, dans une certaine mesure,
dans le nord et l’est de l’Ouganda.
L’arrivée de la paix n’a pas toujours apporté
avec elle des solutions durables à la détresse
des personnes déplacées par la force. Même
lorsque les réfugiés et les PDI retournent
chez eux, eux-mêmes et leurs familles
rencontrent des obstacles considérables à leur
réintégration, allant de conflits sociaux à un
manque d’infrastructure et d’opportunités
permettant de créer des subsistances
durables. Qui plus est, alors que les conflits,
nouveaux ou perdurant, continuent de
forcer des centaines de milliers à prendre
la fuite à Darfour et dans l’est de la RDC,
des millions demeurent en déplacement
précaire dans le nord de l’Ouganda et dans
d’autres situations moins connues au Kenya,
au Rwanda et en République Centrafricaine.
Les onze états de la Région des Grands
Lacs accueillent toujours presque deux
millions de réfugiés et dix millions de PDI.
L’IC/GLR1 a rassemblé 11 états – l’Angola,
le Burundi, la République Centrafricaine,
la République du Congo, la République
Démocratique du Congo, le Kenya, le
Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda et
la Zambie. A Nairobi, en décembre 2006, leurs
chefs d’état ont signé un Pacte de stabilité,
de sécurité et de développement. Le Pacte
reconnaît que la réponse à la situation des
réfugiés et des PDI fait partie intégrale de
l’assurance d’une paix durable. Il comprend
des Protocoles légaux, des projets et des
programmes d’action qui sont pertinents à
la protection des personnes déplacées par la
force – dont des protocoles sur la protection
des PDI et des droits de propriété des
populations rapatriées, et des dispositions en
vue de protéger la sécurité des populations
d’accueil et des populations déplacées2.
Le Protocole sur la protection et l’aide aux
personnes déplacées à l’intérieur – qui
pourrait devenir le premier instrument
international juridiquement contraignant
au monde dévoué aux PDI – se concentre
sur la mise en application des Principes
Directeurs Relatifs au Déplacement des
personnes à l’intérieur de leur propre pays3
au niveau national. Le Protocole adapte les
Principes Directeurs au contexte régional
en définissant les responsabilités des
états envers les PDI au travers de projets
de développement à grande échelle et
en facilitant la création d’un mécanisme
régional du suivi de la protection des PDI.
Le Protocole sur les droits à la propriété des
personnes rapatriées crée un cadre innovateur
de réponse aux conflits de propriété et de
terres en utilisant à la fois des mécanismes
formels et traditionnels pour résoudre les
disputes. Il facilite l’établissement d’un
plan cadastral qui reconnaît les systèmes
coutumiers et statutaires de droits fonciers.
Le Pacte a été formulé selon un processus
par lequel les instruments et les programmes
ont été développés en vue de répondre aux
défis spécifiques de la région et ont fait l’objet
de longs débats dans les gouvernements
de la région et dans la société civile. Le
Pacte n’entrera en vigueur qu’après huit
ratifications ; actuellement, trois états
membres ont ratifié ou sont proches de
la procédure de ratification. Tandis que
les efforts progressent pour assurer la
ratification, le Pacte et les protocoles s’y
rattachant offrent aux autorités nationales
des opportunités d’engagement sur les
questions des déplacements. Dans les pays
où il n’existe aucun cadre légal domestique
pour la protection des PDI –comme le Kenya,
la RCA, et la RDC – le Protocole sur les PDI
et la législation cadre qui s’y rattache sont à
la disposition des juristes afin d’encourager
les états membres à reconnaître la détresse
des PDI et à offrir une meilleure protection.
En reconnaissance du potentiel du Pacte, en
janvier 2007, l’Observatoire des Situations de
Déplacement Interne (IDMC) et l’Initiative
internationale sur les droits des réfugiés (IRRI)
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ont lancé un projet en soutien au plaidoyer
de la société civile afin de faire pression sur
l’IC/GLR pour la protection des réfugiés et
des personnes déplacées. Les associations
de société civile (CSO) ont un rôle unique à
jouer pour assurer que les engagements pris
par les états se traduisent en lois et politiques
nationales effectives, ce qui améliorerait
l’existence des personnes déplacées.
En avril 2007 l’IDMC et IRRI ont rassemblé
les CSO locales, des experts sur les migrations
forcées, les agences des Nations Unies et le
Secrétariat de l’IC/GLR pour débattre un
plan d’action de plaidoyer au moyen du
Pacte. Les participants ont manifesté de
l’enthousiasme envers l’usage des instruments
de l’IC/GLR. l’IDMC et IRRI sont en train
de préparer un guide qui aidera toutes les
parties prenantes, dont les CSO, à s’engager
avec l’IC/GLR de manière productive dans le
plaidoyer des droits des personnes déplacées.
Les efforts de la société civile dans la
promotion de responsabilités nationales
à faire usage du Pacte doit être appuyée
par les agences des Nations Unies et
les gouvernements donateurs. Les états
membres de l’IC/GLR devraient être
encouragés à ratifier le Pacte, et toutes les
parties prenantes devraient faire usage
des protocoles lors de la formulation de
stratégies et de politiques de protection.
Alors que les états ont un rôle primaire
dans la mise en application du pacte, la
communauté internationale et la société civile
ont un rôle vital à jouer afin d’assurer que
ses engagements sont reconnus et honorés.
Jesse Bernstein ([email protected])
était récemment analyste national de l’IDMC
au Kenya et en Ouganda. Actuellement, il
étudie les droits humains à London School
of Economics. Olivia Bueno (olivia.bueno@
refugee-rights.org) est Coordinatrice de
Recherches et de Communications auprès de
l’Initiative internationale sur les droits des
réfugiés (IRRI) (www.refugee-rights.org).
1. www.icglr.org
2. Le Pacte et autres documents sont disponibles sur le
site www.internal- displacement.org/greatlakes et à la
bibliothèque ICGLR www.icglr.org/F_END/docLib.asp
3. www.brookings.edu/fp/projects/idp/gp_page.htm
4. www.refugee-rights.org