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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Gardien de la chose
Vice – ignorance invincible n° 80
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour de cassation (1ère ch.), Arrêt du 12 février 1976
Celui. qui, sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, réclame des dommages et
intérêts en raison d'un dommage causé par le fait d'une chose doit uniquement prouver que le gardien de la chose avait sous sa garde une chose atteinte d'un vice, que le demandeur a subi un
dommage et qu'il existe une relation de causalité entre ce dommage et le vice de la chose; la
présomption de faute qui pèse alors sur le gardien ne peut être renversée par celui-ci que s'il
prouve que, non pas le vice de la chose, mais le dommage est dû à une cause étrangère: cas
fortuit, force majeure, fait d'un tiers ou de la victime elle-même .
La preuve par le gardien de la chose de ce qu'il s'est trouvé dans une ignorance invincible du vice
dont cette chose était affectée, quelle que soit l'origine de ce vice, ne le libère pas de sa
responsabilité prévue par l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (Pas. 1976, p. 654).
Arrêt du 12 février 1976
La Cour,
(…)
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 16 janvier 1974 par la cour
d'appel de Liège;
Sur le moyen pris de la violation des articles 1384,
alinéa 1er, du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que
les défendeurs n'ont prouvé aucune faute du demandeur
ou de ses préposés au regard des dispositions des
articles 1382, 1383 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, a
confirmé le jugement condamnant le demandeur aux
dommages intérêts envers les défendeurs en raison des
avaries causées à leur bateau, prétendument par des
bois flottant dans les eaux de la voie navigable, aux
motifs : qu'à bon droit le jugement a quo a admis la
responsabilité du demandeur du fait qu'ayant la garde
de la voie fluviale navigable il y a laissé subsister des
objets flottant entre deux eaux, la rendant ainsi
impropre à son usage normal, que l'article 1384, alinéa
1er, a en vue « le vice de la chose gardée, le vice
inhérent à la nature ou à la structure de la chose, bref le
vice intrinsèque que constitue l'état dans lequel la chose
se trouve, et non la position ou l'emplacement
malencontreux qui lui a été donné par l'homme », et
qu'en l'espèce l'on doit donc conclure que le demandeur
« en livrant à la circulation une voie navigable dont il
assume la garde, alors qu'elle est infectée d'un vice,
savoir : la présence d'objets dangereux immergés, et
alors que la faute d'un tiers n'est pas rapportée, encourt
l'entière responsabilité du dommage dont se plaignent»
les défendeurs, « la faute étant en relation causale
nécessaire avec ledit dommage »,
alors que, si l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil a
en vue, comme l'affirme exactement l'arrêt, le vice
inhérent à la nature ou à la structure de la chose gardée,
le vice intrinsèque que constitue l'état dans lequel cette
chose se trouve, et non la position ou l'emplacement
malencontreux qui lui a été donné par l'homme, l'arrêt
méconnaît toutefois ce concept légal et ne justifie pas
légalement sa décision, en déduisant l'existence d'un
vice de la voie navigable, propre à engager la
responsabilité du demandeur sur la base de l'article
1384, alinéa 1er, du Code civil, du fait, d'une part,
«que, ayant la garde de la voie fluviale navigable, le
demandeur y a laisse subsister des objets flottant entre
deux eaux, la rendant ainsi impropre à son usage
normal », et du fait, d'autre part, que le demandeur a
livré à la navigation ladite voie fluviale « infectée d'un
vice, savoir : la présence d'objets dangereux immergés,
sans que la preuve de la faute d'un tiers fût apportée »,
la présence, dans les eaux d'une voie fluviale ouverte à
la navigation, d'objets dangereux immergés flottant
entre deux eaux ne constituant pas, par elle-même, nécessairement un vice intrinsèque de la voie navigable,
inhérent à sa nature ou à sa structure, et pouvant n'être,
même si ces objets entravent l'usage normal de la voie
navigable, si le gardien les y a laissés subsister par
ignorance ou négligence fautives et même si la preuve
de la faute d'un tiers n'est pas apportée, qu'une
circonstance adventice, extrinsèque à la nature ou à la
structure de la voie navigable, tel tout obstacle momentané et fortuit pouvant s'y produire (violation des
articles 1384, alinéa 1er, du Code civil et 97 de la
Constitution) ;
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alors que, en affirmant successivement dans ses
motifs qu'aucune faute du demandeur ou de ses
préposés n'a été prouvée au regard des, dispositions des
articles 1382, 1383 et 1384, alinéa 1er, du Code civil,
que la responsabilité du demandeur découle du fait que,
ayant la garde de la voie navigable, il y a laissé
subsister des objets flottant entre deux eaux, la rendant
ainsi impropre à son usage normal, et que le
demandeur, en livrant à la circulation une voie naviga·ble dont il assume la garde, bien qu'elle soit infectée
d'un vice et que la preuve de la faute d'un tiers ne soit
pas apportée, encourt l'entière responsabilité du
dommage, « la faute étant en relation causale
nécessaire avec ledit dommage », l'arrêt fonde la
responsabilité qu'il impute au demandeur sur des motifs
ambigus et contradictoires, qui laissent incertain si la
responsabilité retenue a pour cause le vice de la voie
navigable ou le fait fautif du gardien ou de ses
préposés, et qui ainsi ne permettent pas de contrôler le
fondement et la légalité de la décision attaquée
(violation de l'article 97 de la Constitution) ;
Attendu que l'arrêt n'est pas attaqué en tant qu'il a
décidé, d'une part, que le demandeur avait la garde
exclusive de la voie navigable dans laquelle s'est
produit l'accident et serait responsable à ce titre des
conséquences des vices qui affecteraient cette voie, et,
d'autre part, que le batelier, préposé des défendeurs,
n'avait commis aucune faute en relation avec le
dommage qu'ils ont subi et dont ils demandent
l'indemnisation ;
Attendu que, de la constatation que les madriers flottant
entre deux eaux, qui ont endommagé l'hélice du bateau
des défendeurs, rendaient la voie navigable impropre à
son usage normal, le juge du fond a pu légalement
déduire que celle-ci était atteinte d'un vice intrinsèque
et que le demandeur, gardien de cette voie navigable,
était à ce titre responsable du dommage qui en était
résulté pour les défendeurs;
Qu'en cette branche le moyen manque en droit;
Sur la seconde branche :
Attendu que l'arrêt retient sans ambiguïté ni
contradiction comme faute engageant la responsabilité
du demandeur, en vertu de l'article 1384, alinéa 1er, du
Code civil, le fait d'avoir eu sous sa garde exclusive
une voie navigable atteinte d'un vice extrinsèque la
rendant impropre à son usage normal;
Attendu que, s'il relève que le demandeur a livré à la
circulation une voie navigable atteinte d'un vice parce qu'il y avait laissé subsister des objets flottant entre
deux eaux, l’arrêt décide expressément qu’aucune faute
du demandeur ou de ses préposés, au sens des articles
1382, 1383 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, n’a été
prouvée, admettant ainsi qu’il n’était pas établi qu’ils
eussent pu éviter cette situation et ses conséquences ;
Qu’en cette branche le moyen maque en fait ;
Par ces motifs,
Sur la première branche :
Attendu que celui qui demande, sur la base de l'article
1384, alinéa 1er, du Code civil, la réparation du
dommage causé par le fait d'une chose doit uniquement
prouver que le défendeur à l'action a sous sa garde une
chose affectée d'un vice, que le demandeur a subi un
dommage et qu'il existe une relation de cause à effet
entre ce dommage et le vice de la chose;
Que la présomption de faute qui pèse alors sur le
gardien ne peut être renversée que s'il prouve que, non
pas le vice de la chose, mais le dommage est dû à une
cause étrangère : cas fortuit, force majeure, fait d'un
tiers ou de la victime elle-même; que l'ignorance même
invincible du vice de la chose, quelle que soit l'origine
de ce vice, ne peut exonérer le gardien de sa
responsabilité;
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
(…)