Le jeu à trois…

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Le jeu à trois…
Le jeu à trois…
Mais la partie se termine à deux, entre le Front national et soit la gauche
de Hollande, soit la droite de Sarkozy. Question : comment être qualifié au
second tour?
Quand Marine Le Pen dit qu’elle occupe le centre de gravité de la politique
française, c’est vrai. Elle a obtenu 25 % des voix aux élections européennes,
il y a moins d’un an; deux sondages la situent maintenant entre 29 et 33 %
aux élections départementales. Lesquelles se résument en un jeu à trois —
socialistes, UMP-UDI et Front national — dont la partie se termine à deux,
entre le Front national et l’un des deux autres…
C’est purement arithmétique : puisque vous ne pouvez vous présenter au second
tour qu’en ayant obtenu au moins 12,5 % des inscrits au premier, cela
signifie qu’avec 20 % des suffrages exprimés, vous êtes éliminé dès lors que
le taux d’abstention est supérieur à 37 %. Or, quelle est la situation ?
Les sondages nous annoncent une abstention record. Une enquête Odoxa pour
iTélé, réalisée la semaine dernière, indique, par exemple, qu’un Français sur
trois ignore même que des élections vont avoir lieu dans trois semaines ! Et
si l’on s’en tenait aux générations les plus jeunes, les 18-34 ans, que l’on
croirait surinformées, ce serait un sur deux ! La probabilité est donc que
l’abstention atteigne les 40 %, voire plus.
Voyons les intentions de vote. Une autre enquête Odoxa, publiée par le
Parisien-Aujourd’hui en France, place le Front national à 33 %, suivi par la
droite UMP-UDI à 27 et le PS à 19. Un tel sondage n’est qu’une moyenne,
laquelle ne tient pas compte des véritables positions locales. Il n’empêche,
c’est un indicateur. Dans une situation comme celle-ci, les candidats
socialistes seraient automatiquement éliminés du tour final. On sait bien
qu’il n’en sera pas ainsi, mais si l’on fait le total des voix de gauche, de
l’extrême gauche au PS, on atteint 34 % — un total piteux pour une gauche au
pouvoir depuis bientôt trois ans, qui montre aussi qu’elle est la victime de
ses divisions. Avec un Front de gauche à 9 % et des Verts à 4 %, les
candidats PS sont ramenés au-dessous de la barre fatidique.
La droite, en revanche, arrive deuxième. Parce que ses binômes (les candidats
se présentent par deux) sont UMP, UDI et souvent MoDem (Bayrou). Cette place
de deuxième la qualifie donc pour le second tour et la met, mécaniquement, en
position de l’emporter face au Front national.
Toute élection compte, quelle que soit sa nature. On a vu, le mois dernier,
les projecteurs de la politique nationale braqués sur la législative
partielle du Doubs et ses 33 000 électeurs. Comment la droite, éliminée dès
le premier tour, s’est divisée pour le second, comment le FN a frôlé le
succès et comment la gauche a gagné sans crier victoire. On se souvient de la
débâcle socialiste aux municipales, il y a un an, qui avait provoqué
l’arrivée de Manuel Valls à Matignon. Les départementales, qui promettent
donc d’être une nouvelle claque pour la gauche, vont-elles entraîner d’autres
changements pour les deux ans à venir ?
Nous sommes entrés dans le prologue de la présidentielle. François Hollande
s’y consacre entièrement, s’estimant porté par les événements et la
conjoncture. Nicolas Sarkozy se concentre tout autant sur cette échéance et
ce match retour. L’un et l’autre sont pourtant, et pour des raisons
différentes, dans des situations délicates.
L’institut BVA a posé la question aux Français pour iTélé : souhaitez-vous
que François Hollande — ou Nicolas Sarkozy — soit candidat en 2017 ? Réponses
identiques pour l’un et l’autre : non, répondent 77 % des personnes
interrogées (21 % disent oui pour Hollande, 22 % oui à Sarkozy). Le handicap
de départ est lourd, en sachant que le score de Hollande s’améliore et que
celui de Sarkozy se dégrade. Dans le jeu à trois, la question reste la même :
comment être qualifié au second tour de 2017 ? Là, l’abstention n’intervient
pas : c’est la Constitution qui le dit, on ne peut être que deux en finale.
Où est le problème de Hollande ? Il n’est plus menacé par une primaire au PS
(comme il y a six mois), il l’est par des candidatures sur sa gauche — ce qui
avait perdu Jospin en 2002. Or, toute sa politique de virage vers le centre,
par la force, lui aliène son aile gauche quand les temps ne sont plus aux
réformes de société —qui pouvaient plaire à celle-ci — et ne peut lui
garantir le soutien des Verts — à moins qu’il ne fracture le mouvement en
nommant un ou deux ministres écologistes après les élections.
Quant à Nicolas Sarkozy, il n’a pas un obstacle à franchir, mais deux : la
primaire de 2016, avant la campagne de 2017. C’est ce qui l’oblige à
“réunir”, à “rassembler”, à “écouter”, à prévenir les querelles au lieu de
monter à cheval, panache au vent, et “qui m’aime me suive”… Ne pas perdre sur
sa droite, sans laisser filer le centre revendiqué par Juppé. En résumé, la
situation idéale pour Hollande, c’est la partielle du Doubs ; et pour
Sarkozy, l’ordre d’arrivée actuel aux élections départementales…