La Déclaration de Doha et l`Accord sur les ADPIC. Confrontation et
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La Déclaration de Doha et l`Accord sur les ADPIC. Confrontation et
iuédgenève institut universitaire graduate institute d’études du développement of development studies Itinéraires Sculpture en céramique et photos de Claude Albana Presset, Rivière, 2004. La Déclaration de Doha et l’Accord sur les ADPIC. Confrontation et sens Séverine DEBONS Notes et travaux no 64 ITINÉRAIRES Notes et Travaux nº 64 La Déclaration de Doha et l’Accord sur les ADPIC Confrontation et sens Séverine DEBONS © IUED, juillet 2002 FS 12.– INSTITUT UNIVERSITAIRE D’ÉTUDES DU DÉVELOPPEMENT Service des publications Case postale 136 – CH-1211 GENÈVE 21 www.iued.unige.ch – [email protected] Travail présenté dans le cadre du séminaire Le défi social du développement et la coopération. Nouveaux enjeux, politiques et pratiques donné par M. Jacques MARTIN à l’IUHEI durant l’hiver 2001-2002 Table des matières Avant-propos 7 Abréviations et acronymes 9 Introduction 11 L’apport de Doha d’un point de vue juridique : les textes 12 La Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001 L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce Choix d’approche Sens de l’Accord sur les ADPIC selon l’article 31 de la Convention de Vienne Conclusion En quoi la Déclaration de Doha diffère-t-elle de l’accord ? D’un point de vue juridique D’un point de vue politique Conclusion La nécessité politique de Doha : au-delà du texte, l’interprétation et la mise en œuvre L’appréhension de l’accord au fil des événements : un bref historique Le courant dominant actuel : le consensus Conclusion : une interprétation dominante pour chaque époque 12 14 14 15 18 18 18 19 20 20 20 25 28 Conclusion 30 Glossaire 33 Bibliographie 37 5 Avant-propos Séverine DEBONS est étudiante postgrade à l’Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI) et à l’Institut universitaire d’études du développement (iuéd). Elle a suivi durant l’hiver 2001-2002 le séminaire que je donne en troisième semestre sur les Politiques et pratiques des organisations internationales dans les domaines de la santé et des questions de population, sous le titre général « Le défi social du développement ». Le 14 novembre 2001, à l’issue de la 4e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tenue à Doha, est adoptée une « Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique » 1. Vu l’importance de ce thème dans le contexte de la question de l’accès aux traitements antirétroviraux contre les infections au VIH-sida, et vu aussi la place accordée dans les médias à cette question et à son traitement à l’OMC, Séverine DEBONS a su se saisir de l’actualité de la chose : elle a préparé une contribution valant mémoire de séminaire sur ce thème. Il est vrai que cette étudiante prépare par ailleurs, à l’IUHEI, un travail de mémoire de DEA en relations internationales qui sera probablement intitulé « La propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments. Clarification des relations existantes entre l’Accord sur les ADPIC et la santé publique avant et après Doha. Analyses textuelles et contextuelles ». Le texte qui suit est une ébauche avancée de ce travail de diplôme qui, comme son auteur nous en informe, subira encore quelques modifications, voire réorientations. Eu égard toutefois à sa qualité, à l’originalité de la démarche intellectuelle et à son actualité, nous avons proposé à Séverine DEBONS d’en accepter la publication dans la présente collection de l’iuéd. Je souhaite que ce travail informe sur le processus des négociations telles que celle de Doha sur les ADPIC et qu’il contribue à en montrer la complexité et les enjeux. Il devrait surtout donner envie à d’autres chercheurs d’approfondir un tel sujet, tout aussi important – si ce n’est plus – pour la santé des populations pauvres, que des investissements consentis dans la coopération sanitaire classique. Jacques MARTIN Chargé d’enseignement, iuéd 1 Organisation mondiale du commerce, Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/2, 20 novembre 2001 (01-5860), disponible à l’adresse suivante : <www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.pdf>. Note de l’éditeur : la dernière consultation des adresses Internet mentionnées tout au long des notes de cet ouvrage a été effectuée le 20 juin 2002. 7 Abréviations et acronymes ADPIC Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce OMC Organisation mondiale du commerce OMS Organisation mondiale de la santé ONG Organisation non gouvernementale PVD Pays en voie de développement PMA Pays les moins avancés VIH Virus de l’immunodéficience humaine 9 Introduction Du 9 au 13 novembre 2001 se tint la 4e Conférence ministérielle de l’OMC* 2 à Doha, Qatar. L’enjeu de la conférence est l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations multilatérales au sein de l’OMC, suite à l’échec de Seattle. Dans cette optique, les membres de l’OMC doivent prendre des mesures visant à renforcer la confiance des pays en développement dans le système commercial multilatéral. Hormis l’adhésion de la Chine à l’OMC, deux points importants sont discutés : le premier concerne les solutions possibles des problèmes que rencontrent les pays en développement dans la mise en œuvre des accords de l’OMC et le second le rapport entre les dispositions internationales dans le domaine du droit des brevets* et l’accès aux médicaments3. Cette conférence a nécessité une longue préparation et suscité un débat important au sein des Etats membres, formés en plusieurs groupes aux positions tranchées4. Elle a fortement mobilisé la société civile et s’est déroulée à une époque où la scène politique internationale se trouvait encore sous le choc d’événements terroristes. Son succès était nécessaire pour légitimer l’OMC, relancer le marché et le processus de mondialisation, renouer le dialogue Nord-Sud et calmer les esprits. A l’issue de la conférence, le 14 novembre 2001, les membres de l’OMC ont adopté deux déclarations. La première, intitulée « Déclaration ministérielle » 5, couvre le champ des échanges commerciaux dans leur ensemble. Quant à la seconde, intitulée « Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique » 6 (ci-après Déclaration de Doha), elle rappelle et interprète le lien existant entre l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après Accord sur les ADPIC), signé le 15 avril 1994 7, et la santé publique. Dans ce contexte, notre travail a pour origine un étonnement et pour objectif principal la compréhension des modifications apportées dans l’interprétation de l’Accord sur les ADPIC. L’Accord sur les ADPIC établit les normes minimales nécessaires à la protection de la propriété intellectuelle* (partie II, art. 9-40). La propriété intellectuelle désigne principalement deux secteurs : le droit d’auteur et la propriété industrielle. La 2 Les termes suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire que l’on trouvera en fin d’ouvrage. 3 seco, Préparation de la Conférence ministérielle de Doha (Qatar, 9-13.11.2001), disponible à l’adresse suivante : <www.seco-admin.ch/seco/seco2.nsf/dieSeite/AWP_Welthandel_WTO_Konferenz?Open Document&1=fr&neu=1&HauptRessort=1>. Les partisans d’un cycle de négociations multilatérales étendu (Union européenne, Japon, Corée, Norvège, Suisse et les pays d’Europe centrale et orientale), les Etats-Unis défenseurs de l’accès au marché, les pays exportateurs de produits agricoles (Brésil, Argentine, Uruguay, Colombie, Bolivie, Chili, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Thaïlande, Indonésie, Philippines et Afrique du Sud), le groupe des like-minded (Inde, Pakistan, Malaisie et Egypte), le groupe des pays les moins avancés (PMA), etc. Ibid. 4 5 Organisation mondiale du commerce, Déclaration ministérielle, adoptée le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/1, 20 novembre 2001 (01-5859), disponible à l’adresse suivante : <www.wto.org/ french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_f.doc>. 6 Organisation mondiale du commerce, Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/2, 20 novembre 2001 (01-5860), disponible à l’adresse suivante : <www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.pdf>. 7 Annexe 1C – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, disponible à l’adresse suivante : <www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm1_f.htm>. 11 propriété industrielle se subdivise en marques de fabrique ou de commerce, brevets d’inventions, dessins et modèles industriels et indications géographiques. Les droits de propriété intellectuelle étant des droits privés*, l’accord ne contient pas de dispositions directement applicables, mais des dispositions de principe ou des normes cadres. Les membres sont donc « libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques » (art. 1)8. Quant à la Déclaration de Doha, elle précise certaines notions utilisées dans l’Accord sur les ADPIC. En d’autres termes, elle est la dernière codification en date, multilatéralement* adoptée, qui sert d’interprétation à l’accord. Or, il est étonnant de constater qu’elle ne traite que des aspects de l’accord relatifs à la santé publique et donc, du point de vue de la propriété intellectuelle, des brevets d’inventions pharmaceutiques. Dans notre démarche, nous tâcherons tout d’abord de comprendre quel est l’apport de la Déclaration de Doha à l’Accord sur les ADPIC. Nous chercherons à voir, par une brève analyse juridique, si ce qu’elle avance était déjà contenu dans l’accord lui-même. Nous constaterons que tel est le cas. Dès lors, si l’apport juridique de la déclaration est quasi nul, il sera intéressant de saisir pourquoi Doha était nécessaire. Nous observerons que les raisons sont essentiellement d’ordre politique. Partant, nous quitterons le texte lui-même pour nous attacher à son interprétation. Par un bref historique couvrant les années 1995 à 2001, nous arriverons rapidement à l’évidence que le texte était à son origine utilisé à des fins de défense de la propriété intellectuelle et qu’il est, après l’interprétation donnée par la Déclaration de Doha, plus clairement au service de la santé publique et de l’accès aux médicaments. Nous constaterons que, sans que le texte soit modifié d’une virgule, son interprétation et par conséquent sa possible mise en œuvre s’avérèrent radicalement différentes. L’apport de Doha d’un point de vue juridique : les textes Dans cette partie, nous traiterons de l’apport de la Déclaration de Doha à l’Accord sur les ADPIC. Notre approche sera essentiellement juridique, c’est-à-dire que nous nous arrêterons à l’analyse des textes eux-mêmes. Puisque la Déclaration de Doha ne couvre qu’un champ restreint de l’Accord sur les ADPIC, il nous paraît pertinent de débuter par son analyse, pour, dans un deuxième temps, étudier l’accord lui-même en reprenant les mêmes thèmes. Enfin, il s’agira de collationner la déclaration à l’accord. La Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001 Avant de nous arrêter sur les différents paragraphes du texte, tâchons d’approcher une définition du terme déclaration. Ce terme possède, en droit international public, une signification peu précise. Nous proposons ici une définition qui nous semble convenir : « Actes unilatéraux ou multilatéraux contenant une déclaration […] qui, sans posséder la force obligatoire attachée à une norme juridique proprement dite, n’en matérialisent pas moins un engagement de volonté de la part de celui ou de ceux qui les émettent. » 9 8 Nicolas Michel, Droit international public, vol. 3, Fribourg : Université de Fribourg, édition 1995. 9 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris : Association Henri Capitant/PUF, 1990, p. 237. 12 Dans le cas présent, la Déclaration de Doha impose multilatéralement une voie d’interprétation de l’Accord sur les ADPIC favorable à la santé publique. Quant au texte, il se divise en trois parties : la première détermine les objets de la déclaration (points 1 à 3), la deuxième l’interprétation à donner à l’accord (points 4 et 5) et la dernière évoque les questions laissées en suspens (points 6 et 7). La première partie reconnaît « la gravité des problèmes de santé publique » (§ 1) parallèlement à l’importance de la propriété intellectuelle (§ 3). Le paragraphe 2 lie ces deux objets et souligne qu’il est nécessaire que l’accord soit un instrument au service de la santé publique. La deuxième partie insiste sur le fait que l’Accord sur les ADPIC n’est pas un obstacle à la santé publique, mais qu’il « peut » 10 et « doit » 11 être interprété de manière à appuyer le droit des membres de protéger la santé publique et de promouvoir l’accès aux médicaments. C’est pourquoi il est rappelé, d’une part, que l’ensemble de l’accord doit être lu à la lumière des articles 7 et 8 12 (§ 5.a), c’est-à-dire dans son lien direct avec la santé publique et le transfert des technologies, et, d’autre part, que l’accord de licences obligatoires* (§ 5.b) ainsi que les définitions de situation d’urgence (§ 5.c) et d’épuisement* (§ 5.d) sont laissés à la libre détermination des Etats. Notons que par ces clarifications, les membres ont simultanément réaffirmé leur attachement à l’accord et à ses obligations. La dernière partie soulève la problématique des PMA* face à leurs « capacités de fabrication insuffisantes » dans le secteur pharmaceutique. N’ayant pas d’industrie pharmaceutique capable de fabriquer des génériques*, les PMA butent sur les exigences liées à l’utilisation licite de licences obligatoires. En effet, selon l’article 31 f de l’accord, « toute utilisation de ce genre sera autorisée principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur du membre qui a autorisé cette utilisation ». Donc, la fabrication de génériques, sous licence obligatoire, par un pays X pour le marché national d’un pays Y, qui n’a pas les capacités industrielles de fabrication de génériques, reste encore une question qui n’a pas trouvé de solution à l’heure actuelle. Toutefois, le paragraphe 6 de la déclaration relève cette problématique et propose de la mettre à l’ordre du jour du Conseil des ADPIC, afin de trouver rapidement une solution. Cette décision devrait tomber à la fin du mois de juin13. Le dernier paragraphe de la déclaration proroge la période de transition* accordée aux PMA au 1er janvier 2016, ce qui les autorise à ne pas respecter les sections 5 (dispositions concernant les brevets, donc tout ce qui concerne les produits pharmaceutiques) et 7 (dispositions institutionnelles et finales) de l’accord jusqu’à cette date. Cette prolongation de dix années de la période dite de transition pour les PMA ne prendra son sens définitif qu’avec la décision du conseil sur le paragraphe 6 de la déclaration. Si aucune solution n’est trouvée, ces dix ans n’auront que valeur de placebo. Les PMA n’ayant pas les capacités industrielles suffisantes pour assurer la fabrication de leurs propres génériques et ne pouvant, au titre de l’article 31f, en importer, ils se trouveraient, bien que légalement autorisés à faire valoir leur droit aux licences obligatoires, dans l’incapacité industrielle d’utiliser les flexibilités* de l’accord pour satisfaire leur besoin en médicaments. Toutefois, si le paragraphe 31f de l’accord se voyait amendé et qu’il était, par exemple, précisé au point f que « les dispositions de 10 Rappelle que l’accord va dans ce sens. 11 Amène l’interprétation des termes de l’accord. 12 Ces articles sont intitulés « Objectifs » et « Principes ». Nous y reviendrons lors de notre analyse de l’accord lui-même. 13 La réunion du conseil est prévue pour la semaine du 24 juin 2002. 13 l’article 31f ne concernent pas les PMA membres », ces derniers seraient les seuls à être autorisés à se fournir en copies de tout médicament, même récent, à prix moindre dans toute industrie générique et ce pendant encore quatorze ans. Nous verrons très bientôt si l’esprit de Doha plane encore sur le monde commercial international ou si celui de la FTAA14, ou autre, lui a déjà succédé. Comme nous l’avons évoqué, l’Accord sur les ADPIC couvre le vaste champ de la propriété intellectuelle alors que sa déclaration interprétative se confine au seul thème de la santé publique, et plus spécifiquement à la problématique de l’accès aux médicaments. Voyons maintenant dans quelle mesure l’accord lui-même mentionne la santé publique et si les flexibilités précitées y sont déjà présentes. L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce15 Choix d’approche Par une approche juridique consistant à placer l’Accord sur les ADPIC dans le cadre du droit international public et plus précisément celui concernant les droits de la personne, nous allons suivre quelques pas de la démarche empruntée par Richard Elliott16. Ce dernier s’interroge sur la possibilité qu’a l’Accord sur les ADPIC d’offrir la souplesse nécessaire aux Etats membres pour protéger et promouvoir la santé individuelle et collective de ceux dont ils ont la responsabilité. Son argumentation principale est énoncée comme suit : « a) les obligations légales irrévocables des Etats d’atteindre la réalisation des droits de la personne ont la primauté en droit international ; b) par conséquent, l’Accord sur les ADPIC doit être interprété de manière à respecter les obligations premières qui incombent aux Etats, en vertu du droit international, de respecter, promouvoir et réaliser l’exercice des droits de la personne ; et c) lorsque cela est impossible, les obligations des Etats relatives à l’Accord sur les ADPIC doivent être reconnues comme révocables dans la mesure où elles entrent en conflit avec les obligations que le droit international impose aux Etats en matière de droits de la personne ».17 Bien que cette démarche soit essentiellement basée sur une déclaration d’intention, il nous a paru pertinent d’en reprendre ici quelques traits, car l’auteur 14 En mai dernier, les Etats membres du Free Trade Area of the Americas (FTAA) Agreement se sont réunis en conférence ministérielle. Un draft pouvant remettre en cause les avancées de Doha en matière de santé publique en fut le résultat. Voir, à ce propos, la lettre de MSF du 1er mai 2002 intitulée MSF Comments on the Draft Free Trade Area of the Americas (FTAA) Agreement, disponible à l’adresse suivante : <www. accessmed-msf.org/prod/publications.asp?scntid=6520021213325&contenttype=PARA&>. L’adresse en français du site de la FTAA est la suivante : <www.ftaa-alca.org/alca_f.asp>. 15 Ce chapitre subira de profondes modifications dans sa version « mémoire ». 16 Richard Elliott, TRIPs and Rights : International Human Rights Law, Access to Medicines, and the Interpretation of the WTO Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, Canadian HIV/AIDS Legal Network & AIDS Law Project, South Africa, novembre 2001, disponible en anglais à l’adresse suivante : <www.aidslaw.ca/Maincontent/issues/cts/briefs/TRIPS-human-rights-briefW. doc>. Un sommaire en français de ce document est disponible sur Internet (voir note suivante). 17 Richard Elliott, Des ADPIC et des droits : la législation internationale sur les droits de la personne, l’accès aux médicaments et l’interprétation de l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Sommaire, Réseau juridique canadien VIH/sida et AIDS Law Project (Afrique du Sud), p. 2, disponible à l’adresse suivante : <www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/soins traitements/ADPIC-somm.htm>. 14 s’efforce de suivre une argumentation déductive et rigoureuse : il part du noyau intangible des droits de la personne, reconnaît que le droit à la santé s’inscrit dans ce noyau, infère que l’Accord sur les ADPIC, mineur relativement au jus cogens selon la hiérarchie du droit international public communément admise à l’heure actuelle, doit être en accord avec les normes de ce droit supérieur et ce faisant doit satisfaire aux exigences de santé publique. Par sa démarche, l’auteur nous rappelle qu’une certaine logique ou cohérence est présente dans le droit international public et nous permet de saisir au mieux ce que contient effectivement l’Accord sur les ADPIC. La troisième partie de sa démonstration, sur laquelle nous allons nous arrêter, propose d’analyser l’Accord sur les ADPIC conformément aux règles d’interprétation des traités, spécifiquement à la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969)18, reconnue, notamment dans la jurisprudence de l’OMC, comme constituant la codification des règles de droit international coutumier. Suivant cette convention, l’article 31, intitulé Règle générale d’interprétation, demande qu’un traité soit interprété « de bonne foi » 19, selon « le sens ordinaire », le « contexte » et « à la lumière de son objet et de son but ». De plus, l’interprétation tiendra compte des accords20 et pratiques ultérieurs, ainsi que de « toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre parties » 21. L’article 32 ajoute qu’il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation tels que « travaux préparatoires » et « circonstances dans lesquelles le traité a été conclu ». Sens de l’Accord sur les ADPIC selon l’article 31 de la Convention de Vienne Suivant « l’objet et le but » du traité Selon l’article 31 de la Convention de Vienne, toute interprétation d’un traité doit tendre à refléter son but et son objet22. En d’autres termes, derrière chacune des clauses d’un traité se lit en filigrane l’article exposant l’objet et le but de ce traité. Aucun article ne peut y contrevenir, aucune interprétation peut se faire « en toute bonne foi » a contrario. Dans le cas de l’Accord sur les ADPIC, les articles clés sont les articles 7 et 8. L’article 7, intitulé « Objectifs », est formulé comme suit : « La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l’innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l’avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d’une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d’obligations. » 18 Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 UNTS 331, 8 ILM 679 (entrée en vigueur le 27 janvier 1980), UN Doc. A/Conf.39 (1969). Disponible à l’adresse suivante : <www.admin.ch/ch/f/ rs/0_111/index.html>. 19 Ce point ne sera pas abordé ici. Voir à ce sujet Richard Elliott, TRIPs and Rights, op. cit., p. 51. 20 Ibid., pp. 52-54. 21 Ibid., pp. 56-62. 22 La jurisprudence de l’OMC et la pratique des Etats vont dans ce sens. Voir Richard Elliott, TRIPs and Rights, op. cit., p. 54, note 135 : « Japan – Alcoholic Beverages, p. 12, note 20, citing various jurists and Competence of the ILO to Regulate the Personal Work of the Employer (1926), PCIJ, Series B, No. 13, pp. 6 at 18 ; International Status of South West Africa (1962), ICJ Reports 128-336 ; Re Competence of Conciliation Commission (1955), 22 International Law Reports 867 at 871. » 15 Nous constatons qu’avant tout, l’Accord sur les ADPIC est un jeu d’équilibre entre deux pôles : la propriété intellectuelle et le bien-être public. Il se doit de les servir tous deux. Le texte de l’article avance par quatre fois un objectif bipolaire ainsi que des termes23 soulignant un souci constant d’harmonisation de ces deux pôles. L’Accord sur les ADPIC n’est donc pas un instrument juridique au service de la seule propriété intellectuelle. Sans aucun doute, une telle interprétation est erronée. Quant à l’article 8, intitulé « Principes », il rappelle que lors de la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC, c’est-à-dire lors de l’adoption des normes minimales concernant les droits de propriété intellectuelle dans la législation nationale des Etats membres, ceux-ci pourront parallèlement inscrire toutes « mesures nécessaires pour protéger la santé publique […] » et « éviter l’usage abusif des droits de propriété intellectuelle ». Suivant le « contexte » du traité Toujours selon l’article 31 de la Convention de Vienne, plusieurs éléments font partie du contexte : le texte du traité (31.2), tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité (31.2.a), tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité (31.2.b). Nous ne nous attacherons ici qu’au texte même du traité. Ainsi, se référant au même article, l’organe d’appel de l’OMC a déterminé que les termes du traité sont la base même de l’interprétation : « Interpretation must be based above all upon the text of the treaty. » 24 Dès lors, si nous relisons le texte de l’Accord sur les ADPIC, nous constaterons qu’un certain nombre de dispositions permettent aux Etats de respecter leurs obligations légales de réaliser les droits de la personne. Ainsi, bien que l’accord concerne les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, il se voit néanmoins inscrit dans le contexte du droit international public et se doit de rappeler continuellement ses obligations le liant aux droits de la personne. Nous retiendrons ici les articles suivants y faisant référence : le préambule, l’article premier ainsi que les articles 8, 27, 30, 31 et 40. Dans le préambule, les membres reconnaissent « les besoins spéciaux des pays les moins avancés en ce qui concerne la mise en œuvre des lois et réglementations au plan intérieur avec un maximum de flexibilité pour que ces pays puissent se doter d’une base technologique solide et viable ». L’article 1.1 avance que « les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques ». L’article 8, dont l’importance a été relevée précédemment, insiste sur l’adoption de « mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l’intérêt public dans des secteurs d’une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique ». Le point 2 du même article spécifie encore que des mesures peuvent être prises « afin d’éviter l’usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ». La jurisprudence de 23 « Avantage mutuel », « une manière propice », « assurer un équilibre ». 24 « Japan – Taxes on Alcoholic Beverages, Report of the Appellate Body, WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R (4 Oct. 1996) [hereinafter Japan – Alcoholic Beverages] at p. 12, citing : Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgement, [1994] ICJ Reports 6 at 20 ; Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain, Juridiction and Admissibility, Judgement, [1996] ICJ Reports 6 at 18. » Cité par Richard Elliott, TRIPs and Rights, op. cit., p. 44, note 109. 16 l’OMC a déjà reconnu que l’article 8 doit être pris en considération dans l’interprétation d’autres termes de l’Accord sur les ADPIC25. L’article 27.2, sur les objets brevetables, précise que les membres peuvent « exclure de la brevetabilité* » toute invention si le but poursuivi est de « protéger la santé et la vie des personnes ». Ce paragraphe rappelle donc la subordination des droits de la propriété intellectuelle à ceux de la personne. De plus, comme le souligne le professeur Abbott26, les normes légales internationales des droits de la personne, incluant la protection et la promotion du droit de la personne à la santé, sont certainement une des sources de définition des termes d’ordre public et de moralité. Quant à l’article 30, intitulé « Exceptions aux droits conférés », il est à lire en relation directe avec l’article 8.1 de l’accord27. Dès lors, les « intérêts légitimes des tiers », évoqués dans l’article 30, seraient « le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » 28. L’article suivant, intitulé « Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit », est l’article qui a certainement le plus été invoqué à des fins servant la propriété intellectuelle. L’interprétation donnée à cet article a été de nombreuses fois nettement plus restrictive que ne le sont ses termes mêmes, car certains auteurs y voient avant tout une règle d’exception. Selon cet article, les Etats peuvent concéder aux « pouvoirs publics ou tiers autorisés » d’« autres utilisations » que celles permises sous l’article 30. L’article 31 met particulièrement en évidence la subordination du droit privé sur les brevets face à l’intérêt commun. A proprement parler, l’article 31 ne limite pas les exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet dans le cas où la législation du membre permet d’autres utilisations que celles permises à l’article 30. Une certaine marche à suivre est exigée (aviser le détenteur du droit et le rémunérer de façon adéquate selon les circonstances). Elle n’est pas nécessaire en cas d’« urgence nationale », « autres circonstances d’extrême urgence » ou « en cas d’utilisation publique à des fins non commerciales ». Enfin, l’article 40 spécifie que les membres sont libres de définir dans leur propre législation quelles « pratiques ou conditions en matière de concession de licences » sont susceptibles de « constituer un usage abusif de droits de propriété intellectuelle ayant un effet préjudiciable sur la concurrence », et peuvent adopter des « mesures appropriées » afin de prévenir ou contrôler ces pratiques. L’article 40 avance donc que 25 « Canada – Patent Protection of Pharmaceutical Products, Panel Report, WT/DS114/R (17 March 2000), at p. 154 (para. 7.26) [hereinafter Canada – Generic Medicines case]. » Cité par Richard Elliott, TRIPs and Rights, op. cit., p. 45, note 110. 26 « Since the terms “ordre public” and “morality” in Article 27.2 are not self-defining, the panel will turn to other sources for interpretive guidance. The panel should examine state practice following entry into force of the TRIPs Agreement [per Vienna Convention Article 31(3)(b)]. The panel should also examine prior state practice under GATT 1947 Article XX(a), the general “public morals” safeguard provision, which includes GATT dispute settlement panel rulings, since WTO Members have agreed to follow prior customary practices under the GATT 1947. […] The panel should also seek to determine whether there exists a general principle of law rule of interpretation of the TRIPs Agreement order public/morality safeguard provision. The panel may examine decisions of regional, national and subnational courts, as well as other state practice, to decide whether such a rule might exist. » (F.M. Abbott, « WTO Dispute Settlement and the Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights », in : International Trade Law and the GATT-WTO Dispute Settlement System (E-U Petersmann ed, 1997), reprinted in : F Abbott, T Cottier & F Gurry, The International Intellectual Property System : Commentary and Materials – Part One, The Hague : Kluwer Law International, 1999, 719-732, at 730.) » Cité par Richard Elliott, TRIPs and Rights, op. cit., p. 46. 27 Voir à ce propos : Robert Howse, « The Canadian Generic Medicines Panel : A Dangerous Precedent in Dangerous Times », Journal of World Intellectual Property, nº 493, 2000, pp. 503-505. 28 Article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, ST/HR/A/Rev. 2 (1983), pp. 3-8. 17 les droits de propriété intellectuelle peuvent être utilisés à mauvais escient, et que de tels droits doivent être définis ou restreints afin de poursuivre d’importants objectifs de politique publique. Ce qui nous conduit à admettre que les exceptions dans le droit national des Etats en ce qui concerne le droit exclusif des brevets sont à interpréter, selon les termes de l’accord, avec une grande flexibilité, tout particulièrement lorsque ces exceptions ont pour but de répondre à l’obligation des Etats de réaliser les droits de la personne et tout particulièrement celui de la santé. Conclusion L’Accord sur les ADPIC est une tentative d’équilibre entre propriété intellectuelle et bien-être public. Il offre une grande latitude aux Etats concernant sa mise en œuvre dans un souci de non-discrimination et d’atteinte du meilleur bien-être public possible relativement aux capacités et au niveau de développement de l’Etat membre. Il reconnaît un nombre non limité d’exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet dans le cas où la législation du membre permet d’autres utilisations que celles requises à l’article 30. De par son objet et son but, il met en évidence la question de la santé et du bien-être publics et appelle à un juste équilibre entre ces derniers et les droits de propriété intellectuelle. L’Accord sur les ADPIC s’inscrit, de plus, dans le contexte général du droit international public et se devrait de respecter ses principes. Suivant ces principes, certains droits, tels ceux relatifs à la personne et à la santé, sont généralement admis comme supérieurs et indérogeables. Pour faire sens, l’Accord sur les ADPIC devrait donc les satisfaire pleinement. Si tel n’était pas le cas et afin d’éviter une grossière incohérence du système, une telle interprétation ou un tel accord ne devrait pas être maintenu. Enfin, ce sont moins les termes de l’accord que l’interprétation que les Etats en font qui peut être un obstacle. Ainsi – et en ce point nous suivons les conclusions de Richard Elliott – l’accord « devrait être amendé de manière à inclure une référence expresse aux obligations des Etats en vertu du droit international sur les droits de la personne, et en ajoutant une clause affirmant la nature révocable des obligations des Etats en vertu de l’accord lorsqu’elles nécessiteraient qu’ils agissent en non-conformité avec leurs obligations relevant du droit international des droits de la personne (ou lorsqu’elles les contraignent de ne pas agir, en dépit de ces dernières) »29. Maintenant que nous avons successivement analysé juridiquement les deux textes, confrontons-les afin de saisir l’apport réel de la Déclaration de Doha à l’Accord sur les ADPIC. En quoi la Déclaration de Doha diffère-t-elle de l’accord ? D’un point de vue juridique La Déclaration de Doha rappelle, conformément à l’Accord sur les ADPIC, quatre points : l’importance de la santé publique, la possibilité pour les Etats membres de prendre des mesures pour la protéger, la possibilité et le devoir d’interprétation et de mise en œuvre de l’accord dans ce sens, ainsi que la nécessité de promouvoir le transfert des technologies. En outre, elle confirme les exceptions et flexibilités 29 18 Richard Elliott, Sommaire, op. cit., p. 10. contenues dans l’accord (telles que licences obligatoires, importations parallèles*, etc.). Enfin, elle ôte toute ambiguïté au texte de l’accord en affirmant que les motifs invoqués pour justifier l’octroi d’une licence obligatoire sont à la liberté de l’Etat membre. Notons, pour terminer, que les dix années de transition supplémentaires octroyées aux PMA pourraient être envisagées comme un nouvel apport si une telle disposition n’était prévue aux termes de l’accord. Dès lors, si ce document ne fait quasi que reprendre ce que contient déjà l’accord, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt d’une telle déclaration. Toutefois, avant de prôner son inutilité, il nous semble nécessaire de l’approcher par un autre biais. D’un point de vue politique A Doha, 144 pays ont affirmé que les gouvernements sont libres de prendre toute mesure nécessaire afin de protéger la santé publique. Bien que le paragraphe 4 de la déclaration ne soit pas un énoncé aussi fort que celui souhaité par les 77 30 – aucune disposition de l’Accord sur les ADPIC ne pourra empêcher les pays d’adopter des mesures de protection de la santé publique 31 –, il est néanmoins clair que la santé publique est prioritaire en termes d’interprétation32. Du reste, le fait même que l’OMC a mis en évidence la santé publique comme une question spécifique de la propriété intellectuelle donne l’aval à ses membres pour en faire de même. Relevons quelques conséquences de cette interprétation multilatérale de l’accord pouvant servir aux pays du Sud. En premier lieu, la déclaration jouera un rôle dans la procédure de règlement des différends de l’OMC. Il sera difficile pour tout Etat de soutenir dans l’avenir une argumentation contraire à la primauté de la santé publique et de l’accès aux médicaments. De plus, cet organe de règlement des différends, en quelque sorte au service jusque-là des pays développés33, pourrait devenir l’instrument des pays du Sud maintenant que l’accord a pour vue principale non plus le soutien de la propriété intellectuelle, mais celui, comme précédemment évoqué, de la santé publique. Toujours dans cet ordre d’idée, la déclaration pourra servir le Sud pour tout accord bilatéral par lequel le Nord viserait à faire pression sur lui afin d’obtenir un 30 Regroupement d’Etats, africains pour la plupart. 31 Cf. IP/C/W/296, § 22, disponible en anglais à l’adresse suivante : <www.wto.org/wto/french/ tratop_f/trips_f/paper_develop_w296_f.htm>. 32 Voir à ce propos, par exemple, Richard Elliott, Mise à jour : accès global aux traitements. Résultats de la Conférence ministérielle de l’OMC à Doha, disponible à l’adresse suivante : <www.aidslaw.ca/francais/ Contenu/themes/soinstraitements/urgentoct01/miseajour-28nov01.htm> ; énoncé conjoint de MSF, Oxfam, Third World Network, CPT, Consumers International, Green Light to Put Public Health First at WTO Ministerial Conference in Doha, 14 novembre 2001, disponible à la même adresse ; Ellen ‘t Hoen, « The Declaration on TRIPS and Public Health : A Step in the Right Direction », Bridges, Year 5, nº 9, nov.-déc. 2001, p. 11 ; James Love, Overview of the Benefits of the Doha Agreement on TRIPs and Public Health, disponible à l’adresse suivante : <www.cptech.org/ip/wto/doha/overview.html>. 33 Cela principalement pour deux raisons : 1) Bien qu’une procédure prévoyant la soumission d’un différend à un organe adéquat soit un gage de bon fonctionnement de l’organisation y relative, il est à noter que la procédure demande un personnel étatique averti et est longue et coûteuse. Elle est donc mieux appropriée aux Etats du Nord qu’à ceux du Sud. Echapper à une telle procédure permet aux Etats du Sud d’oser affirmer et utiliser à bon escient et pleinement les dispositions de l’accord. 2) L’interprétation des ADPIC s’est souvent faite à la faveur du plus fort. Jusqu’ici la propriété intellectuelle et les pays les plus développés dominaient, depuis peu la santé publique prend le dessus. Dès lors les sanctions commerciales ne peuvent plus être une arme menaçant le Sud. Ce point fera du reste l’objet d’une étude ultérieure. 19 ADPIC-plus34. Partant, puisqu’il est rappelé avec insistance que l’accord doit se lire « à la lumière de son objet et de son but », les Etats du Sud peuvent donc clairement veiller à ce que la protection de la propriété intellectuelle soit « à l’avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d’une manière propice au bien-être social et économique ». Richard Elliott ajoute que « jusqu’ici, les décisions de l’OMC semblaient accorder peu d’importance à ces articles, dans l’interprétation d’autres articles traitant d’aspects comme les droits exclusifs de brevets des compagnies pharmaceutiques » 35. Conclusion La Déclaration de Doha, par définition, n’a aucune réelle force obligatoire et, par sa forme, n’a, comme nous l’avons vu, en rien proposé de modifier le texte même de l’Accord sur les ADPIC. Dès lors, en quoi a-t-elle une importance réelle et pourquoi l’avoir attendue et souhaitée ? Elle a son importance dans le fait qu’elle est l’affirmation multilatérale d’une interprétation et d’une volonté de mise en œuvre précise de l’Accord sur les ADPIC pour toutes questions de santé publique. Son poids n’est en effet que très faible d’un point de vue juridique, mais d’une réelle importance en tant que message politique. Force est donc de constater que l’essentiel de la problématique se trouve dans l’interprétation des textes. La nécessité politique de Doha : au-delà du texte, l’interprétation et la mise en œuvre Dans ce troisième point, nous tâcherons de comprendre la signification politique de la Déclaration de Doha. Partant, il nous semble intéressant, tout d’abord, de dresser un bref historique des événements influents couvrant la période depuis la signature de l’accord jusqu’à l’adoption de cette déclaration. Nous observerons l’évolution de l’interprétation de l’accord. Nous constaterons que les volontés politiques la mènent. L’appréhension de l’accord au fil des événements : un bref historique En 1998, 39 firmes pharmaceutiques du Nord intentaient un procès contre l’Etat d’Afrique du Sud sur une question de législation interne concernant l’accès aux médicaments et allant à l’encontre, selon elles, de l’Accord sur les ADPIC. Il y a quelques mois, ces mêmes firmes retiraient leur plainte. Aujourd’hui, il serait presque impensable qu’un Etat soit mis en cause dans un tel litige. En très peu de temps, la problématique s’est inversée, la balle est passée dans le camp de la santé publique. Or, comme nous l’avons vu, le texte de l’accord est resté inchangé. Dès lors, comment comprendre cette évolution ? 34 Expression utilisée largement par la société civile. L’Accord sur les ADPIC établit les normes minimales de protection de la propriété intellectuelle. Les ADPIC-plus seraient les tentatives du nord pour imposer au Sud, par divers moyens de pression, des normes plus élevées concernant la propriété intellectuelle. 35 Richard Elliott, Mise à jour, op. cit., pp. 3-4. 20 En décembre 1997, l’Afrique du Sud amende sa législation sur les médicaments en adoptant le « Medicines and Related Substances Control Act » 36. Désireuse de faire face à la pandémie du HIV/sida qui la ravage, elle se dote d’instruments légaux qui lui permettent un meilleur accès aux médicaments par des prix plus abordables, des importations parallèles licites et un octroi facilité de licences obligatoires. Le 18 février 1998, 39 entreprises pharmaceutiques intentent une action en justice devant la Cour suprême de Pretoria à l’encontre du Gouvernement d’Afrique du Sud. Le but de l’action est de faire déclarer inconstitutionnelle la loi sud-africaine de 1997 ; le moyen est, entre autres, l’invocation de la protection des brevets conformément à l’Accord sur les ADPIC ; l’effet est la non-entrée en vigueur de l’amendement sudafricain. En 1998, pour combattre la même pandémie, le Brésil entreprend de produire des génériques de molécules de grands laboratoires, rendant plus accessibles les médicaments nécessaires (une chute des prix de l’ordre de 79 % est enregistrée). Le gouvernement suit dès lors une politique de gratuité de la trithérapie 37, dont les effets se font très vite sentir : réduction de moitié de la mortalité en quatre ans, des hospitalisations par centaines de milliers sont évitées, le taux de transmission diminue, l’épidémie se stabilise et la situation d’ensemble de la santé publique du pays s’améliore. Le 27 janvier 1998, l’« Executive Board » de l’OMS propose une recommandation visant à l’adoption d’une résolution intitulée Revised Drug Strategy, laquelle met en avant la situation d’un tiers de la population mondiale privée de l’accès aux médicaments essentiels, et s’interroge sur l’impact négatif que peuvent avoir les accords commerciaux sur l’accès, le prix et la production des médicaments. De plus, elle presse les Etats membres « to ensure that public health rather than commercial interests have primacy in pharmaceutical and health policies and to review their options under the TRIPs Agreement to safeguard access to essential drugs » et recommande au directeur général de l’OMC « to assist Member States to analyse the pharmaceutical and public health implications of agreements overseen by the WTO and to develop appropriate policies and regulatory measures » 38. Une note de la Commission européenne, intitulée WTO TRIPs/World Health Organisation (WHO) : Revised Drug Strategy, relate qu’en date du 3 avril 1998, la problématique de l’OMS fut discutée au sein des 113 à Bruxelles et que « was concluded that no priority should be given to health over intellectual property considerations in particular in light of the absence of any evidence of conflict between the two »39. Fin 1999, l’échec de la conférence de Seattle amène les Etats-Unis et l’Union européenne à comprendre qu’il leur sera impossible d’aller plus loin dans des négociations commerciales sans l’accord des pays en développement. Les consciences sont ébranlées. Cela d’autant plus que les années 1996-1997 marquent un tournant dans l’attitude des pays du Sud. Ils s’organisent en associations, se regroupent autour 36 La loi sud africaine de 1965 est disponible à l’adresse suivante : <www.polity.org.za/govdocs/ legislation/1997/act90.pdf> ; quant à l’amendement : <www.gov.za/reports/2001/medicines.pdf>. 37 Ce qui lui fait dépenser 444 millions de dollars en médicaments, mais éviter, selon les estimations, 422 millions de dollars en hospitalisations (Tina Rosenberg, « Brésil, un exemple à suivre », Le Courrier international, tiré du New York Times, 22 février 2001). 38 OMS, Revised Drug Strategy, 1998, disponible à l’adresse suivante : <www.who.int/medicines/library/ pptpres/mip2000/english/engrds2.ppt>. 39 European Commission, Subject : WTO TRIPs/World Health Organisation (WHO) : Revised Drug Strategy ; Meeting of the « Ad hoc Working Group » on 13 to 16 October 1998, 1/D/3/BW D (98), disponible à l’adresse suivante : <www.cptech.org/ip/health/who/eurds98.html>. 21 de poids lourds comme le Brésil, l’Inde ou la Malaisie, avec d’autant plus de facilité qu’ils trouvent appui auprès du mouvement antimondialisation40. Les ONG sensibles aux questions du Sud sont de plus en plus présentes et se font entendre : MSF et Oxfam, pour ne citer qu’elles, sont sur le pied de guerre dès le début du procès en Afrique du Sud et lancent toutes deux des campagnes pour l’accès aux médicaments41. « Début mai 2000, un rapport de la CIA identifiait, pour la première fois, l’épidémie mondiale de sida comme une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. La présidence décidait en conséquence de consacrer 254 millions de dollars à l’aide internationale pour la lutte contre ce fléau. » 42 A la suite des Etats, la communauté internationale comprend que le moment est venu pour elle d’affirmer ses opinions. En mai 2000, les Etats-Unis annoncent qu’ils mèneront le Brésil et l’Argentine devant l’organe de règlement des différends de l’OMC. Leur motif principal est l’article 68 de la loi brésilienne. Celui-ci contreviendrait aux articles 27.1 et 28.1 de l’Accord sur les ADPIC43. Quant à la question argentine, les Etats-Unis avancent que la loi argentine sur les brevets manque de protéger contre la concurrence commerciale déloyale. Le 20 mai 2000, dans sa résolution HIV/AIDS : Confronting the Epidemic, la 53 Assemblée mondiale de la santé exhorte la communauté internationale à assumer un rôle moteur dans le cadre de la lutte contre le sida. L’OMS reçoit par ailleurs le mandat de conseiller les Etats membres sur la manière de pouvoir garantir l’accès aux médicaments44. e En juillet 2000, la 13e Conférence internationale sur le sida se déroule à Durban. Les multinationales pharmaceutiques sont rudoyées par les diverses associations45. Le 17 août 2000, la Sous-commission de l’ONU pour la promotion et la protection des droits de l’homme établit que l’Accord sur les ADPIC va selon certaines interprétations à l’encontre des droits de l’homme. Elle rappelle expressément « à tous les gouvernements la primauté des obligations relatives aux droits de l’homme sur les politiques et les accords économiques » 46. Toutefois le processus n’est pas encore inversé, la santé publique n’a pas encore conquis ses droits. En effet, le 6 novembre 2000, la Commission européenne livre un texte intitulé Legal Issues Related to Compulsory Licensing under the TRIPs Agreement, qui conclut comme suit : « To some extent, Articles 7, 8, 30 and 31 of the TRIPs Agreement could be envisaged to address some specific problems, but they would not offer a very high degree of legal certainty and could create huge risks of resort to dispute settlement by WTO Members. The wider policy debate underlying compulsory licensing would not be well served by legal battles and resort to dispute settlement. WTO dispute settlement on these matters will remain 40 Laurence Caramel et Martine Laronche, « Les pays du Sud sont devenus incontournables », Le Monde, 6 novembre 2001. 41 MSF en 1999 et Oxfam le 12 février 2001, intitulée « Cut the Cost » et principalement relayée par le Financial Times. 42 « Cynisme, diront certains : ne s’agit-il pas, avant tout, d’une menace pour les pays les plus touchés ? Si l’on admet toutefois que les décisions des Etats répondent à leur intérêt bien compris, cet exemple invite à réfléchir sur les incitations économiques qui peuvent les conduire à coopérer pour le bien de l’humanité » (Laurence Caramel et Martine Laronche, article cité). 43 Voir : « US Challenges Brazil’s Access to Drugs Regime », Bridges, Year 5, nº 1-3, janvier-avril 2001, p. 8. 44 Fifty-Third World Health Assembly, HIV/AIDS : Confronting the Epidemic, 20 mai 2000, WHA53.14, disponible à l’adresse suivante : <www.who.int/gb/EB_WHA/PDF/WHA53/ResWHA53/14.pdf>. 45 Voir à ce propos : <www.monde-diplomatique.fr/dossiers/sida/>. 46 UN Doc E/CN.4Sub.2/Res/2000/7 (17 août 2000), par. 3-5, disponible à l’adresse suivante : <www. urfig.org/doc-sout-adpic-droits%20de%20l’homme-pt.htm>. 22 risky as long as there is no consensus on such interpretations among all signatories of TRIPs. The above interpretation reflects the current assessment of some aspects relating to Article 31 of the TRIPs Agreement. The EU reserves the right to re-assess some of these issues in the light of possible future developments. It should also be borne in mind that no WTO Member can give an authoritative interpretation of provisions of the TRIPs Agreement. Article 68 of the TRIPs Agreement entrusts the task of monitoring Members’ compliance with the TRIPs Agreement to the TRIPs Council. » 47 Début février 2001, les Etats-Unis surenchérissent en attaquant le Brésil et sa politique des médicaments devant les tribunaux de l’OMC afin de défendre les brevets de leur industrie pharmaceutique. Les Etats-Unis semblent craindre que les génériques reviennent par des chemins détournés vers les pays du Nord. Mais dans le même temps la firme indienne Cipla propose à MSF des génériques à prix cassés48 et le procès sud-africain s’ouvre le 5 mars 2001. Le jour même, « plusieurs milliers de manifestants, soutenus par le puissant syndicat Cosatu, défilent dans les rues de la capitale sudafricaine jusque devant la Haute Cour, en passant par l’ambassade américaine, pour souligner les implications internationales de la crise sanitaire. Le soutien apporté à travers le monde aux défenseurs de la loi de 1997 est allé croissant » 49. TAC50, soutenu par MSF et Oxfam, réclame, au nom des malades, le droit d’être amicus curiae, c’està-dire partie civile, dans le procès. Le 5 mars, le procès s’ouvre sur l’étude de la requête de TAC, que la Cour suprême accepte. Les données humaines sont désormais mises en balance face aux arguments juridiques : l’exclusivité peut-elle prévaloir sur le traitement des malades ? TAC attaque les compagnies pharmaceutiques et leur demande de justifier la fixation de leurs prix. Celles-ci demandent trois mois pour préparer leur argumentation. Le procès est suspendu et réouvert le 18 avril 2001. Le 19 du même mois, les 39 firmes se retirent. Le procès était exemplaire : impossible de soutenir les droits des brevets contre le droit à la vie face à une communauté internationale et une société civile soudées et offensives. En 1997, l’industrie avait trouvé le soutien de l’administration américaine et de la Commission européenne. Trois ans plus tard, elle a perdu l’essentiel de ses appuis. Dans le jeu du profit contre la santé, l’industrie pharmaceutique a porté un lourd préjudice à son image. Parmi d’autres, la pétition internationale de MSF en avril 2001 sur le thème de « La protection des vies humaines doit passer avant celle des brevets » recueille 270’000 signatures dans plus de 130 pays ; des protestations publiques comme celles de Kofi Annan ou de Nelson Mandela jettent l’opprobre sur cette industrie qui fait l’objet de pressions dévastatrices depuis des mois, tant du côté des activistes antisida qui les accusent de marchander la vie des 25 millions d’Africains séropositifs, que du côté de l’Union européenne, de l’Organisation mondiale de la santé ou du Conseil national de lutte contre le sida (France), qui ont publiquement apporté leur soutien à l’Afrique du Sud51. C’est le grand tournant. Le retrait des 39 firmes achève ce qu’avait commencé l’échec de Seattle. C’est la remise en cause de la mondialisation, du 47 Disponible à l’adresse suivante : <http://europa.eu.int/comm/trade/pdf/med_lic.pdf>. 48 Philippe Demenet, « Stratégies mondiales pour la santé populaire », Le Monde diplomatique, mars 2001, pp. 26-27, disponible à l’adresse suivante : <www.monde-diplomatique.fr/2001/03/DEMENET/14920. html>. Voir, de plus, Françoise Chipaux, « En Inde, un laboratoire pour le “droit à la santé” des défavorisés », Le Monde, 7 mars 2001, payant à l’adresse suivante : <www.lemonde.fr> (achat archives). 49 Véronique Lorelle, « Une étape dans la bataille du tiers-monde pour la santé », Le Monde, 21 avril 2001, et Le Courrier international, 27 avril 2001. 50 Treatment Action Campaign, collectif d’organisations non gouvernementales sud-africaines qui luttent pour un plus large accès aux médicaments antisida, fut lancé le 10 décembre 1998. Voir : <www.tac. org.za>. 51 Véronique Lorelle, article cité.. 23 profit pur, du Nord, de la puissance américaine, et la montée en force de la voix du Sud, de la société civile, de la cohérence des politiques. La théorie est acquise ; reste la mise en œuvre. Lors de sa session du 2 au 6 avril 2001 et à la demande expresse du Zimbabwe, le Conseil des ADPIC décide d’une session spéciale en date du 17 juin pour discuter de l’impact des droits de la propriété intellectuelle et des brevets pharmaceutiques sur l’accès aux médicaments dans les pays en développement52. C’est une première à l’OMC. La Commission des droits de l’homme des Nations unies adopte en avril une résolution sur l’accès aux médicaments dans le contexte du HIV/sida qui exige de « refrain from taking measures which would deny or limit equal access for all persons to preventive, curative or palliative pharmaceuticals or medical technologies used to treat pandemics and to adopt legislation or other measures, in accordance with applicable international law » 53. Du 8 au 11 avril 2001, les secrétariats de l’OMC et de l’OMS collaborent par un atelier d’experts en Norvège sur la question des prix des médicaments54. Au début mai 2001, Kofi Annan appelle à créer un fonds international de 12 à 17 milliards de dollars, afin de lutter contre le sida55. La proposition du fonds est peu dérangeante : la propriété intellectuelle est relégitimée et le budget se base sur la générosité des pays et entreprises riches, qui gardent les rênes de la gestion de la crise. Le 30 mai 2001, Pascal Lamy, commissaire européen au commerce, résume la politique de l’Union en ces mots : « L’essentiel de notre position réside en un point clé : nous pensons que l’accord laisse aux membres de l’OMC une latitude suffisante pour mettre en place un régime de propriété intellectuelle susceptible de répondre aux préoccupations en matière de santé publique. Notre conviction est qu’il appartient aux membres de l’OMC, au sein du Conseil ADPIC, d’interpréter cette flexibilité, plutôt que laisser cette tâche aux panels. » 56 Il appelle à une clarification de l’accord, sur le consensus plutôt que le contentieux juridique, rappelle son attachement à la protection de la propriété intellectuelle comme formidable stimulus pour la recherche et le développement, souligne que cela « doit, et peut, se faire dans le cadre juridique existant, mais clarifié pour prendre en compte des situations impérieuses de santé publique » 57. Le 20 juin 2001, la session spéciale du Conseil ADPIC de l’OMC « Propriété intellectuelle et accès aux médicaments » est à l’ordre du jour. Pour la première fois, l’interprétation des dispositions de l’ADPIC susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique est discutée au sein de l’OMC. Mike Moore, directeur général de l’OMC, assure que les « countries must feel secure that they can use TRIPs’ flexibility ». 52 Voir à ce propos : <www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/paper_eu_w280_f.htm>. 53 Cité dans Bridges, Year 5, nº 4, mai 2001, p. 7. 54 Le rapport de l’OMC concernant l’atelier est disponible à l’adresse suivante : <www.wto.org/french/ tratop_f/trips_f/tn_hosbjor_f.htm>. 55 Voir : Jean-Claude Péclet, « Avis de tempête sur les pharmaceutiques », Le Temps, 19 mai 2001 ; Philippe Rivière, « Bataille équivoque contre le sida », Le Monde diplomatique, juillet 2001. 56 Pascal Lamy, Accès aux médicaments et lutte contre les maladies transmissibles, Bruxelles : Commission industrie du PE, 19 juin 2001, disponible à l’adresse suivante : <http://europa.eu.int/comm/trade/ speeches_articles/spla34_fr.htm>. Voir, de plus, Commission européenne, EU Pushes Pharmaceutical Industry to Deliver Medicines to Poor Countries at Lowest Price, disponible à l’adresse suivante : <http:// europa.eu.int/comm/trade/csc/med02.htm> : proposition de « prix différenciés » (tiered-pricing). 57 Ibid. 24 En juin 2001, les Etats-Unis abandonnent leur action intentée contre le Brésil. Toujours en juin 2001, une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies consacrée au sida s’ouvre à New York. On y débat de ce qui était encore inimaginable un an plus tôt, à savoir des moyens à mettre en œuvre pour faire cesser le scandale sanitaire, éthique et politique que constitue l’impossible accès aux traitements antirétroviraux pour la quasi-totalité des 34 millions de personnes infectées qui vivent dans les pays en développement58. Bien que l’opinion publique soit acquise à la cause de la santé, les Etats-Unis et la Suisse restent déterminés à garantir au mieux la propriété intellectuelle. Durant les mois consacrés à la préparation de Doha, ils réagiront aux propositions du Sud ou même à celles de l’Union européenne 59. Toutefois, comme l’affirme de manière incisive Le Courrier internationale, « entre le Seattle de 1999 et le Doha de 2001, le 11 septembre 2001 est venu s’insérer » 60. Ainsi, alors que Washington décide de passer outre le brevet de l’antibiotique Cipro, contre l’anthrax, produit par l’Allemand Bayer, et d’autoriser la fabrication de génériques, la position américaine quant à la santé publique devient intenable et les Etats-Unis se doivent de baisser leur garde concernant l’accès aux médicaments61. Tous les éléments sont dès lors en place pour que la question de l’accès aux médicaments parvienne à une issue heureuse et satisfaisante pour l’ensemble des Etats à Doha. D’une certaine manière, les Etats-Unis se trouvent pour la première fois dans le camp des demandeurs. L’Inde comme le Brésil, membres contestataires, voient quant à eux un important intérêt direct, du point de vue sanitaire et économique, dans l’acceptation de la déclaration avec tout ce qu’elle contient de flexibilités quant à la production de génériques. Tous se trouvent concernés et il est dans l’intérêt de chacun, bien que pour des motifs fort différents, d’accepter une déclaration faisant sa part à la santé publique. Le courant dominant actuel : le consensus « In the grey landscape of déjà vu that characterises the run-up to the WTO’s Ministerial Conference next November, the issue of poor countries’ access to medicines looks set to provide a bright exception. »62 C’est ainsi que débute la rédactrice en chef de la revue Bridges, du 58 Michel Kazatchkine et Jean-Paul Moatti, « Pays pauvres : l’ONU peut faire cesser le scandale », Le Monde, 24 juin 2001. 59 Voir à ce propos les projets de déclaration suivants : IP/C/W/280, -296, -312 et -313, respectivement disponibles aux adresses suivantes : <www.wto.org/wto/french/tratop_f/trips_f/paper_eu_w280_f. htm>, <www.wto.org/wto/french/tratop_f/trips_f/paper_develop_w296_f.htm>, <www.wto.org/ wto/french/tratop_f/trips_f/mindecdraft_w312_f.htm>, <www.wto.org/wto/french/tratop_f/trips_ f/mindecdraft_w313_f.htm>. 60 Tous ne sont pas d’accord sur l’influence du 11 septembre sur la position américaine quant à l’Accord sur les ADPIC à Doha. Anja Halle, senior editor de ICTSD, voit dans l’assouplissement de la position américaine une évolution trouvant sa source dans le procès contre l’Afrique du Sud et l’échec de Seattle, et relègue la question du 11 septembre à la quasi-insignifiance (entretien janvier 2001). Oxfam partage cette vue, mais est plus virulent, cf. Agreement on TRIPs and Public Health under Threat, disponible à l’adresse suivante : <www.oxfam.org/news/docs/011109_joint.html>. Toutefois, d’autres lui accordent son importance. Voir à ce propos : [e-med], Bayer en guerre contre la menace… générique, 23 octobre 2001, disponible à l’adresse suivante : <http://old.healthnet.org/programs/e-med-hma/emed.200110/msg00050.html> ; Lysian J. Baud, « L’accès aux médicaments devrait être consacré à Doha », La Tribune, disponible à l’adresse suivante : <www.sihati.net/actualite/detail.asp?article=135>. 61 Ibid. Voir de plus : German Velasquez, propos recueillis par Paul Benkimoun, « A Doha, un accord de principe se dessine sur l’accès aux médicaments. Trois questions à German Velasquez », Le Monde, 13 novembre 2001. 62 Anja Halle, « Access to Medicines Could Become Doha’s (Only ?) Success Story », Bridges, Year 5, nº 5, juin 2001. 25 Centre international pour le commerce et le développement durable (ICTSD), se basant sur les prises de parole d’une quarantaine de délégations lors de la réunion du 20 juin 2001 de l’OMC sur les ADPIC et la santé publique. Elle est frappée par l’unanimité des vues : les Etats membres reconnaissent non seulement l’urgence de la question du HIV/sida, mais, de plus, consentent à sa résolution en acceptant l’octroi de licences obligatoires. Le 14 novembre 2001, la Conférence ministérielle de Doha s’achève sur la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique. De manière générale, c’est le même concert de voix qui s’élève. A la lecture d’un certain nombre de réactions venant des divers acteurs internationaux, il nous semble possible de faire deux constats. Le premier est que la déclaration reçoit dans l’ensemble un accueil positif bien que les raisons avancées par les différents acteurs n’aient que très peu de points communs. Le second est que cette déclaration semble appréhendée par la société civile comme le terme d’un combat. Nous retiendrons ici la réaction de quelques ONG, celle du gouvernement suisse et enfin celle de l’Union européenne. L’acception nouvelle de l’Accord sur les ADPIC tendrait enfin à faire pencher du côté du Sud la balance entre propriété intellectuelle et santé publique, d’où la satisfaction des ONG. MSF et Oxfam expriment le jour même leur contentement dans une déclaration commune et en ces termes : « A declaration on TRIPs and public health adopted today clearly recognized the potentially lethal side-effects of the TRIPs Agreement and gave teeth to the measures that countries can use to counteract them. » 63 Michael Bailey d’ajouter : « The huge profile given to the issue changes the political climate, building on the victories in the South Africa and Brazil Cases »64, et Ellen ’t Hoen, de MSF : « Countries can ensure access to medicines without fear of being dragged into a legal battle. » 65 Quant à James Love, de Consumer Project on Technology, il réagit dans le même sens en affirmant que « the Doha Declaration is a road map for using the flexibilities of the TRIPs Agreement to protect public health. It sets the standards to measure any bilateral or regional trade agreement » 66, et de spécifier qu’il est dès lors possible pour un Etat membre d’invoquer n’importe quel argument justifiant l’octroi d’une telle licence, y compris celui de prix trop élevés, d’accès plus larges aux médicaments et au transfert de technologie, ou d’atteinte de tout autre objectif social. L’utilisation de l’Accord sur les ADPIC n’est ainsi plus cantonnée à des situations ponctuelles, mais peut servir des fins sociales inscrites dans le long terme 67. Pour les ONG représentant les pays du Sud et la santé publique, Doha semble la fin d’un long combat. Si nous relevons quelques termes des réactions précitées – « neutraliser », « victoire », « peur », « bataille » –, nous constatons qu’ils ressortissent au vocabulaire guerrier. Doha est une victoire, mais semble presque une victoire finale. Peu d’ONG proposent d’aller plus loin que les termes de la déclaration ; presque toutes se contentent de ce retour de balancier qui offre au Sud les armes juridiques du Nord en faisant pencher la balance ADPIC en leur faveur. Aucune n’envisage, à l’issue de Doha, l’abrogation de l’accord comme étape suivante. Le combat a ses limites ; les règles du jeu, malgré la mobilisation massive de l’opinion offrant des slogans très forts comme Le droit à la vie contre le droit des brevets, sont 63 Enoncé conjoint de MSF, Oxfam, Third World Network, CPT, Consumers International, Green Light to Put Public Health First at WTO Ministerial Conference in Doha, 14 novembre 2001, disponible à l’adresse suivante : <www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/soinstraitements/urgentoct01/miseajour-28 nov01.htm>. 64 Michael Bailey, de Oxfam, ibid. 65 Ellen ’t Hoen, de MSF, ibid. 66 James Love, Overview of the Benefits of the Doha Agreement on TRIPs and Public Health, disponible à l’adresse suivante : <www.cptech.org/ip/wto/doha/overview.html>. 67 Ibid., p. 1. 26 néanmoins acceptées, le système commercial admis (?). Il semblerait que le but soit atteint et que la levée des masses puisse « retomber » puisque aucun autre combat n’est clairement à venir. Quant au gouvernement suisse, fervent défenseur de la propriété intellectuelle, bien qu’affirmant le succès de la conférence et sa satisfaction devant le « résultat important » des ADPIC, il offre une lecture de l’accord radicalement différente de la précédente et y voit un aboutissement, celui de l’apaisement des foules, réel apport de Doha dans la question de l’accès aux médicaments : « Le thème “ADPIC et accès aux médicaments” tenait le premier rôle, non seulement autour des tables de négociations et dans les nombreuses rencontres informelles à ce sujet, mais surtout sur la place publique. Et ce, malgré l’importance minime que revêtent en pratique les médicaments brevetés dans les pays les plus pauvres particulièrement touchés par le sida, la malaria ou la tuberculose. Ces médicaments ne représentent que 5 % de la liste de médicaments essentiels de l’OMS. […] Malgré – ou précisément en raison de – ces faits relativisant l’importance de la protection des brevets, la conclusion d’une déclaration spécifique aux “ADPIC et à la santé publique” revêt une importance capitale pour la crédibilité de l’OMC dans son ensemble et pour celle de l’Accord sur les ADPIC en particulier. Il serait souhaitable que la déclaration calme un peu les esprits, de sorte que la communauté des Etats puisse se pencher sur les nombreux problèmes de fond qui sont à l’origine du manque de médicaments dans certains pays en développement (p. ex. l’insuffisance des infrastructures médicales et leur distribution ; l’apport des moyens financiers nécessaires). Reste à savoir, d’une part, si la déclaration aura effectivement un effet bénéfique sur la situation des populations vivant dans les pays atteints par la crise sanitaire et, d’autre part, comment l’industrie pharmaceutique y répondra, notamment dans ses activités de recherche. » 68 Enfin, l’Union européenne s’affirme comme la troisième voix ou la voix du consensus. Dans sa lecture de la déclaration, elle consacre l’équilibre nécessaire et existant entre propriété intellectuelle et santé publique : « The text of the Declaration […] strikes the right balance between the concerns of developing countries where HIV/AIDS and other killer diseases are most prevalent and the need to maintain incentives for research-based industries that develop life-saving drugs. »69 Dans une note explicative procédant par questions-réponses, elle affirme ne plus voir ni gagnant ni perdant à l’issue de Doha : « Who are the winners in this discussion : the developed or the developing countries ? This is not about winners and losers. […] Finally, the protagonists on either side (Brazil/India and US/Switzerland) realised that there would have been no Declaration without offering sufficient flexibility. »70 Bien que la position européenne semble quelque peu « fleur bleue », elle est intéressante en ce sens qu’effectivement, pour des raisons semblables ou diamétralement opposées, tous les protagonistes semblent avoir attaché une importance toute particulière à l’issue positive de Doha. Un message nécessaire devait passer et semble avoir passé vu le consentement général sur la question de la satisfaction. Le cri de ralliement fut « succès » ou « satisfaction » ; le mode d’expression, le consensus ou le compromis ; l’optique commune, l’approche globale de toute question : tout membre est concerné et le combat face à l’urgence sanitaire doit être commun et établi sur de multiples fronts. L’OMC se consacre à un « cycle de 68 Ibid. 69 Pascal Lamy, Bruxelles, 30 novembre 2001, disponible à l’adresse suivante : <www.cptech.org/ip/ health/eu/eu12012001.html>. 70 Union européenne, WTO Ministerial Declaration on the TRIPs Agreement and Public Health. Explanatory Note, Bruxelles, 11 décembre 2001, disponible à l’adresse suivante : <http://europa.eu.int/comm/ trade/csc/wtotrips.htm>. 27 développement » et les moyens parallèles s’appellent « Fond global pour le sida, la tuberculose et la malaria » ou « Global Crisis – Global Action » 71. Dans un monde où l’économie est le moteur de tout mécanisme, la réaffirmation commune d’un accord commercial, établi sur un consentement général après un débat imposant les protagonistes du Nord comme ceux du Sud, la propriété intellectuelle et le bien-être commun, le droit privé et le droit universel, nous semble chose sortant suffisamment de l’ordinaire pour nous risquer à de grands termes : Doha serait la consécration du système de droit et le crépuscule d’un système directorial ou hégémonique dans lequel l’ordre s’établit par la force plus ou moins concentrée dans des mains uniques et plus ou moins basée sur des règles de coopération. Mais paradoxe suprême, alors même que le système de droit voyait son apogée le 14 novembre, le 11 septembre l’avait déjà destitué. En effet, « puisqu’il est admis que les tragiques événements du 11 septembre 2001 ont ouvert une nouvelle période de l’histoire contemporaine, demandons-nous quel autre cycle a été fermé par ces événements, et quelles en sont les conséquences. L’époque qui s’achève avait commencé le 9 novembre 1989 avec la chute du mur de Berlin et avec la disparition de l’Union soviétique, le 25 décembre 1991. Célébrées sans relâche, les principales caractéristiques de cette étape – qui a connu, par ailleurs, l’essor de la mondialisation libérale – auront été : l’exaltation du régime démocratique, la célébration de l’état de droit et la glorification des droits humains. En politique intérieure et étrangère, cette Trinité était considérée comme une sorte d’impératif catégorique constamment invoqué. Non dépourvue d’ambiguïtés (peut-on concilier mondialisation libérale et démocratie planétaire ?), cette Trinité comptait sur l’adhésion des citoyens, qui y voyaient une avancée du droit contre la barbarie »72. Cette période « juste » aura fait long feu (une douzaine d’années dans l’histoire de l’homme) et la « barbarie » a repris le dessus. Dès lors, comment envisager un accord déjà teinté d’anachronisme ? Conclusion : une interprétation dominante pour chaque époque Nous avons vu l’importance que prend l’interprétation dans toute approche de texte juridique ou le décalage possible entre le texte et les mises en application de ce dernier. Dès lors, doit-on relativiser l’importance ou l’utilité du droit ? Le droit international public est-il inadapté ou absurde ? Ou est-ce plutôt la nécessité de jongler en permanence avec la double nature de l’homme, à cheval sur idéalisme et égoïsme, droit public international et application de ce droit, qui impose le paradoxe ? Si nous ajoutons maintenant à ce paradoxe la créativité infinie contenue dans les volontés politiques, nous comprendrons qu’un nombre impressionnant d’arguments plus ou moins intelligents, provocateurs ou frisant manifestement l’excès ont pu être soutenus. Selon le point de vue, il est clair que • jusqu’en 1994, les nations exemptes de lois sur la propriété intellectuelle étaient libres de définir leur politique de santé et de produire des médicaments génériques sans attendre que le brevet soit tombé dans le domaine public. Dès 1995, l’OMC, avec l’introduction des ADPIC, y a mis fin ; • jusqu’à Doha, les firmes tentèrent d’évacuer à travers cet accord toute exception possible aux droits de propriété intellectuelle. Dès lors, le processus s’est inversé, et il est momentanément plus aisé de soutenir, par l’intermédiaire de l’Accord sur les 71 Défi que l’ONU lancera en juin 2002 à New York, afin de cesser de voir le problème du sida comme purement médical et d’élaborer une lutte plurisectorielle. 72 Ignacio Ramonet, « Adieu libertés », Le Monde diplomatique, janvier 2002, p. 1. 28 ADPIC, la santé que la propriété intellectuelle, ce qui peut nous mener à d’autres excès ; • l’Accord sur les ADPIC permet d’abuser de positions monopolistiques : les prix sont fixés sans relation avec les coûts réels. Les coûts de « recherche et développement » sont colossaux, mais ceux du marketing les dépassent parfois ; • l’industrie pharmaceutique n’est pas œuvre de charité : « Un homme riche, vieux, gros, chauve, souffrant de mycoses et d’impuissance sexuelle compte plus que 500 millions de personnes menacées par la malaria. »73 « Les laboratoires relèvent du secteur privé et doivent séduire le marché. Les actionnaires n’ont aucune raison de distribuer des comprimés à des pauvres. Une banque donne-t-elle son argent, un supermarché sa nourriture ? » 74 « La logique de l’industrie pharmaceutique n’est pas celle de l’action sociale » 75, mais procède en fonction d’une demande solvable. Les lacunes qui en résultent doivent être comblées par les autorités publiques. D’autre part, la santé n’est pas un marché comme un autre 76 ; • la dernière campagne présidentielle américaine a été soutenue pour un montant de 20 millions de dollars par l’industrie pharmaceutique, puissant lobby américain77 ; • les Etats comme la Suisse et les Etats-Unis protègent leur industrie qui se bat contre la remontée au Nord des génériques. Il est clair que le Sud doit réagir et refuser que des obstacles soient posés à l’accès aux médicaments dans la seule peur des génériques ; • selon Félix Addor, chef négociateur suisse pour la propriété intellectuelle à Doha, les brevets sont une question de survie pour la créativité suisse et « l’Inde et le Brésil ne sont pas préoccupés par les malades. Ils veulent promouvoir leur industrie de génériques » 78 ; • l’interprétation actuelle de l’accord n’a pas trouvé de solution concernant les PMA, mais l’urgence est moindre puisque l’acteur est de moindre importance. Or, il est clair qu’il y a une situation d’urgence sanitaire ; • le problème de l’accès aux médicaments n’est pas entièrement contenu dans la question des brevets et la nécessité d’une infrastructure, d’une politique de prévention, etc., est vitale. Enfin, il est clair que • la déclaration légitime l’OMC, qui était en crise de « raison d’être ». Tous ces arguments ont leur part de vérité et chaque époque possède ses credo. La Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC s’est particulièrement focalisée sur la santé publique. Certes, une crise sanitaire, d’une amplitude sans commune mesure, 73 The Nation, magazine américain de gauche, cité par Ivan Briscoe, « Industrie pharmaceutique : charité bien ordonnée… », Le Courrier UNESCO, février 2001. 74 Ivan Briscoe, article cité. 75 Jean-Marie Kindermans, de MSF, cité par Ivan Briscoe, article cité. 76 Ibid. 77 Voir à ce propos : Julian Borger, « Les laboratoires dans les coulisses du pouvoir », Courrier international, tiré de The Guardian, 22 février 2001, disponible à l’adresse suivante : <www.courrierinternational. com/numeros/538/053804002.asp?PRINT=y&TYPE=archives>. 78 Robert Lochhead, « Les “concessions” tamisées des pharmas », A l’Encontre. Revue politique mensuelle, décembre 2001, nº 3; disponible à l’adresse suivante : <www.alencontre.org/page/page2/03/07-3. html>. 29 existe et une réponse concertée et efficace doit voir le jour. Toutefois, d’autres questions relatives aux ADPIC ont leur urgence, telles que, par exemple, la problématique des brevets sur les connaissances traditionnelles, les plantes ou le vivant. Or, ces questions n’étaient pas à l’agenda de Doha et se voient par là même reléguées au second plan. Il est donc étonnant de constater, une nouvelle fois, que la déclaration ministérielle répondait avant tout à « l’urgence » du plus fort, aujourd’hui celle de la société civile ou simplement de l’opinion publique. La question politique demeure de premier ordre. Partant, pour que la mise en œuvre de l’accord selon les gains de la déclaration voie le jour, il semble nécessaire que l’esprit de Doha soit présent avec la même intensité après qu’avant la conférence. Or, comme nous l’avons vu, Doha était un aboutissement pour certaines ONG, les Etats défenseurs de la propriété intellectuelle y ont souscrit en partie pour calmer les esprits et légitimer l’OMC, et le 11 septembre a soufflé un vent d’hégémonie et non de droit sur la scène internationale. Conclusion Doha fut la consécration d’un long combat mené par la société civile pour une interprétation flexible de l’Accord sur les ADPIC, reconnaissant pleinement l’importance de la santé publique. Et Doha, par là même, est avant tout un acte politique. La déclaration ne prend en compte strictement que les exigences réclamées par cette société civile, mobilisée principalement par la problématique du HIV/sida et de l’Afrique du Sud. Doha répond fièrement aux demandes des PVD, et plus précisément encore des pays phares tels que l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde ou la Thaïlande, mais glisse sur les nécessités des PMA. Doha est un pas vers le Sud et la mondialisation, mais elle n’innove pas, en ce qu’elle suit l’éternelle loi du plus fort. A la vue des multiples interprétations possibles, des jeux d’influence et des événements, il semble difficile d’augurer quoi que ce soit de précis quant à l’utilisation, l’utilité ou l’avenir de cet accord pour les différents Etats membres. Son sens peut être multiple. Nous aimerions conclure ce « jeu de sens » en affirmant qu’il nous paraît possible de tirer quelques conséquences très positives de la crise sanitaire. « Seul mérite de cette guerre du médicament livrée par les multinationales : celui d’avoir déclenché, chez les producteurs et utilisateurs de la propriété intellectuelle, la prise de conscience qu’un enjeu global les réunit tous. » 79 Seul mérite, certes, mais quel mérite ! Peu de problématiques ont contribué à l’émergence sur le devant de la scène de nouveaux acteurs internationaux tels qu’ONG, entreprises et individus faisant face à l’acteur international unique jusqu’il y a peu : l’Etat ; et peu de problématiques les ont mobilisés avec une telle ampleur. Cette pluralité des acteurs augmente en effet la complexité des enjeux internationaux, mais l’enrichit par l’expression et le point de vue du multiple. Certains Etats sont enfin représentés, certaines maladies meurtrières localisées spécifiquement au Sud sorties des méandres de l’oubli dans lesquels les tenait le Nord. Rivière nous parle ensuite de « prise de conscience ». Il est certes triste de constater que la bêtise humaine exige la violence et l’horreur d’une pandémie comme 79 30 Philippe Rivière, « Après Pretoria, quelle politique contre le sida ? », Le Monde diplomatique, 20 avril 2001, disponible à l’adresse suivante : <www.monde-diplomatique.fr//dossiers/pretoria/>. le HIV/sida pour nous faire comprendre et admettre qu’il est nécessaire à la survie et au bien-être de chacun de prendre en considération et d’éliminer ce qui peut détruire l’autre. Néanmoins, le réveil des consciences qu’a provoqué le HIV/sida, l’acceptation par une grande partie des acteurs que l’enjeu est vital et global, est dans ce sens un bien. A cette prise de conscience doit répondre « l’invention de nouveaux outils intellectuels – de termes et de concepts montrant que, à l’ère de la mondialisation, la réponse aux besoins “privés” (y compris les intérêts nationaux) passe de plus en plus par la réalisation de buts communs et par la coopération internationale. A cet effet, le concept de “biens publics globaux” est particulièrement utile »80. Selon Inge Kaul, deux axes de réflexion de nature économique commencent à émerger : « 1) le fait qu’une réglementation laxiste dans un pays fasse supporter ses coûts (sociaux, économiques ou écologiques) par les autres pays est non seulement inéquitable, mais également inefficace ; 2) les inégalités croissantes comportent ce que les économistes appellent d’importantes “externalités négatives” : la pauvreté des uns sape la prospérité des autres. Cette analyse s’applique notamment aux pollutions transfrontalières, ou aux épidémies ; aux privations humaines (la misère ou les violations des droits fondamentaux peuvent pousser à l’émigration) ; ou encore au droit des affaires (les investisseurs cherchent des garanties dans un régime de propriété intellectuelle, une réglementation bancaire, etc.). » 81 La santé publique peut être considérée comme un bien public global en ce sens qu’elle est à la fois un enjeu de politique nationale et internationale. C’est un bien « transfrontalier » qui peut servir ou desservir l’ensemble. La stratégie à utiliser pour prévenir l’extension des épidémies est « l’aide au maillon le plus faible » 82 par des mesures prophylactiques conjointes. « Si tel ou tel pays rompt la chaîne de prévention, les efforts des autres seront vains. Le coût du mal global qui résulterait de l’absence d’aide étant beaucoup plus élevé que le coût de l’aide, il est efficace (et pas seulement nécessaire) d’apporter un soutien à l’acteur le plus faible. » 83 La santé publique, en tant que bien public global, repose aussi sur une percée décisive de l’innovation. « Ainsi, il suffit d’inventer le vaccin contre la poliomyélite en un seul lieu pour pouvoir l’utiliser partout dans le monde – à condition, toutefois, que les brevets n’empêchent pas l’accès des populations les plus pauvres aux applications de ces découvertes. Mais la transformation des maux publics en biens exige un effort conjoint et soutenu, de la base au sommet, de la part d’innombrables acteurs. » 84 Bien que ce concept nous semble fondamental, il importe d’y ajouter deux remarques. Considérer la santé publique comme un « bien public global » est certes un avantage pour chacun ; toutefois, rappeler qu’elle devrait être un droit individuel et collectif est une nécessité. Quant à la seconde remarque, elle concerne la réflexion d’Inge Kaul, qui conclut son article non plus sur l’efficacité, mais la nécessité85, en introduisant dans son raisonnement le concept de « justice ». « Sans une justice qui, par définition, doit s’appliquer à tous les peuples et dans toutes les régions, ainsi qu’entre les générations, il est vain de prétendre défendre l’intérêt général. » 86 C’est là que, du 80 Inge Kaul, « Perspectives pour la coopération internationale. Biens publics globaux, un concept révolutionnaire », Le Monde diplomatique, juin 2000, disponible à l’adresse suivante : <www.mondediplomatique. fr//2000/06/KAUL/13929.html>. Inge Kaul est économiste et sociologue, directrice du Bureau d’études sur le développement, PNUD. Concernant le concept de « biens publics globaux », voir : Inge Kaul, Isabelle Grunberg et Marc A. Stern, Global Public Goods : International Cooperation in the 21st Century, New York : Oxford University Press, 1999. 81 Inge Kaul, article cité. 82 Ibid. 83 Ibid. 84 Ibid. 85 L’auteure elle-même distingue ces termes dans son exposé. 86 Inge Kaul, article cité. 31 point de vue de l’efficacité ou de l’innovation dans les concepts (ce que prônait l’auteure avec sa mise en relief des « biens publics globaux »), le serpent se mord la queue. Le concept est parfait et sa mise en pratique résoudrait en grande partie les maux de l’humanité, si elle était simplement possible. Combien de siècles et de grands hommes ont déjà défilé en nous proposant ce trésor pour l’humanité ? Il nous semble important d’admettre que la matière première sur laquelle nous travaillons et de laquelle nous ne pouvons nous départir – l’être humain – est loin de la perfection de la « justice mondiale ». Cette terminologie est du domaine de la foi et doit y demeurer. Souhaiter ou tendre à ce qu’il en soit autrement est noble, et la noblesse rend sa raison d’être à bien des choses, mais accepter qu’il en est ainsi et faire de son mieux avec ce que l’homme est, et non plus avec ce qu’il n’est pas, nous semble plus raisonnable et pratique. Il nous paraît dès lors plus « efficace » que, tout en tendant vers cet idéal, l’on reste à des objectifs plus accessibles à l’homme. La recherche de l’intérêt commun entre les différentes parties en est par exemple un. 32 Glossaire87 Accords multilatéraux/plurilatéraux L’accord instituant l’OMC comprend des accords commerciaux multilatéraux, obligatoires pour tous les Etats membres de l’OMC, et des accords commerciaux plurilatéraux dont l’acceptation est facultative pour les membres.VB L’Accord sur les ADPIC est un accord multilatéral. Brevet Le brevet est un titre délivré par les pouvoirs publics, conférant un monopole temporaire d’exploitation sur une invention à celui qui la révèle, en donne une description suffisante et complète, et revendique ce monopole.VB Brevetabilité Fait pour un produit ou pour un procédé de fabrication de remplir les conditions nécessaires pour bénéficier de la protection d’un brevet d’invention (nouveauté, activité inventive et application industrielle, selon l’article 27.1 des ADPIC). Il existe deux catégories de brevets : le brevet de produit et le brevet de procédé.VB Droits privés/droits publics Les droits privés sont les droits établis par un Etat et limités au territoire national de cet Etat. Les droits publics sont les droits érigés par les accords et conventions internationaux. Ils ne sont pas limités territorialement. Epuisement des droits de la propriété intellectuelle Il s’agit d’une extinction partielle du droit du titulaire du brevet. Après avoir mis le produit dans le commerce ou avoir donné l’autorisation à un tiers de le faire, le titulaire du brevet ne peut plus contrôler la circulation ultérieure de ce produit.VB L’on parle d’épuisement national ou international. Dans le premier cas, le titulaire du brevet épuise son droit uniquement sur le territoire national, dans le second sur tout territoire. Flexibilités de l’accord Les flexibilités de l’accord sont essentiellement l’octroi de licences obligatoires et la licéité des importations parallèles. 87 Les termes définis dans ce glossaire sont marqués d’un astérisque la première fois qu’ils apparaissent dans le document. De plus, les définitions ou orientations terminologiques proposées sont tirées ou inspirées de German Velasquez et Pascale Boulet, Mondialisation et accès aux médicaments. Perspectives sur l’Accord ADPIC de l’OMC, Série « Economie de la santé et médicaments », OMS, 1998, version révisée, WHO/DAP/98.9, pp. 43-51, et sont suivies de l’indication VB. 33 Générique, copie et contrefaçon La contrefaçon est une forme d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle par une copie illégale d’un produit.VB La copie peut être légale ou illégale. Le générique est une copie légale d’un produit qui soit n’est plus sous brevet, sa période de protection étant expirée, soit est sous le joug d’une licence obligatoire. Importations parallèles Produits importés dans un pays sans l’autorisation du titulaire du brevet dans ce pays, alors que ces produits ont été mis sur le marché dans un autre pays par cette personne ou avec son consentement. Selon la théorie de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle, le droit exclusif du titulaire du brevet d’importer le produit protégé s’épuise, et donc s’éteint, par la première mise sur le marché du produit. Lorsqu’un Etat ou un groupe d’Etats applique ce principe d’épuisement des droits de propriété intellectuelle sur un territoire donné, les importations parallèles sont autorisées pour tout résident de l’Etat en cause. En revanche, dans un Etat qui ne reconnaît pas un tel principe, seul le titulaire du brevet déposé a le droit d’importer le produit protégé.VB Licence Contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété industrielle (brevet, marque, dessin ou modèle) concède à un tiers, en tout ou partie, la jouissance de son droit d’exploitation, gratuitement ou à titre onéreux, moyennant le paiement de redevances ou royaltie.VB Licence obligatoire On parle de licence obligatoire ou autoritaire lorsque l’autorité judiciaire ou administrative est autorisée par la loi à accorder une licence, sans l’autorisation du titulaire du brevet, pour divers motifs d’intérêt général (défaut d’exploitation, santé publique, développement économique, défense nationale).VB OMC (GATT rounds) L’OMC est le successeur institutionnel de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Le GATT était un instrument multilatéral qui avait pour objectif de promouvoir et de réglementer la libéralisation du commerce international au moyen de cycles (rounds) de négociations commerciales. Les premiers cycles ne se sont intéressés qu’à la réduction sectorielle des droits de douane. Le dernier cycle de négociations, qui s’est ouvert en 1986 en Uruguay, s’est achevé par la signature de l’Acte final à Marrakech en 1994 créant la nouvelle OMC. Cette dernière a la personnalité juridique internationale et désormais toutes les questions qui touchent au commerc international relèvent de sa compétence. L’accord sur l’OMC comprend des accords multilatéraux qui deviennent obligatoires pour les Etats membres lors de leur accession à l’OMC et des accords plurilatéraux qui sont facultatifs.VB Période de transition Dans l’Accord sur les ADPIC, certains pays bénéficient de périodes de transition, adaptées à leur niveau de développement, qui constituent des dérogations aux délais normalement impartis pour se conformer aux obligations de l’accord. Ainsi, alors que tous les membres de l’OMC bénéficient d’une période de transition d’un an, les pays en développement ainsi que les anciennes républiques socialistes (à certaines conditions) se voient accorder un délai de quatre ans supplémentaires pour mettre leur 34 législation en conformité avec l’accord. Les pays les moins avancés bénéficient, eux, depuis Doha, de vingt ans de plus pour appliquer les dispositions de l’accord.VB PMA – pays les moins avancés En font partie l’Angola, le Bangladesh, le Bénin, le Bhoutan, le Burkina Faso, le Burundi, le Cambodge, le Cap-Vert, les Comores, la République démocratique du Congo, Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, la Gambie, la Guinée, la Guinée équatoriale, la Guinée-Bissau, Haïti, le Lesotho, Madagascar, Malawi, les Maldives, le Mali la Mauritanie, le Mozambique, Myanmar, le Népal, le Niger, l’Ouganda, la République centrafricaine, la République démocratique populaire lao, le Rwanda, le SamoaOccidental, la Sierra Leone, le Soudan, la République-Unie de Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen, la Zambie et le Sénégal, selon la définition des Nations unies entrée en vigueur en 199488. Propriété intellectuelle Les droits de propriété intellectuelle sont des droits exclusifs, souvent temporaires, accordés par l’Etat pour l’exploitation de créations intellectuelles. Les droits de propriété intellectuelle se divisent en deux catégories de droits : ceux relevant de la propriété industrielle (brevets d’invention, dessins et modèles industriels, marques, dénominations géographiques) et ceux relevant de la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur). L’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce couvre les catégories principales de droits de la propriété intellectuelle.VB 88 Voir PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2001, p. 259. 35 Bibliographie Sources Juridiques Droit international économique OMC (ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE), Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 1994, <www.wto.org/french/docs_f/legal_f/04wto.pdf>. —, Annexe 1C – Accord sur les aspect des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, <www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm1_f.htm>. —, Annexe 2 – Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, <www.wto.org/french/docs_f/legal_f/28-dsu.pdf>. —, Déclaration ministérielle, adoptée le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/1, 20 novembre 2001 (01-5859), <www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/ mindecl_f.doc>. —, Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/2, 20 novembre 2001 (01-5860), <www.wto.org/french/thewto_f/ minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.pdf>. 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Bilan et perspectives de la politique économique Carlos NIETO (2001, 64 p.) Nº 60 De l’entre-deux à l’interculturalité. Richesses et embûches de la migration Marie-Andrée CIPRUT, avec la coll. de Antoinette LIECHTI, Alfredo CAMELO & Maryelle BUDRY (2001, 80 p.) Nº 59 Précarité et exclusion à Genève : une face cachée de la Suisse. Intervention de Réalise (1984-2000) Mathieu LEWERER et Christophe DUNAND (2001, 39 p.) Nº 58 Prétextes anthropologiques IV Textes réunis et édités par Y. DROZ, A. MONSUTTI et G. RIST (2001, 91 p.) Nº 57 Le défi social du développement. Notes critiques Christian COMELIAU (2000, 32 p.) Nº 56 Modernisation agraire, oligarchies et mouvements paysans au Brésil. Une évaluation historique Jacky BUFFET (2000, 34 p.) Nº 55 Prétextes anthropologiques III Textes réunis et édités par Yvan DROZ et Gilbert RIST (2000, 119 p.) Nº 54 Propriété intellectuelle. Quels enjeux pour les pays en développement ? (...) Dossier de l’Annuaire Suisse-Tiers Monde 1998 (1999, 116 p.) Nº 53 Prétextes anthropologiques II Textes réunis et édités par Yvan DROZ et Gilbert RIST (1999, 97 p.) Nº 52 De la monoculture de la vache à l’autoexploitation. Quelle économie pour quelle agriculture ? Yvan DROZ (1998, 63 p.) Nº 51 Prétextes anthropologiques Textes réunis par Gilbert RIST et Yvan DROZ (1998, 91 p.) Nº 50 Investissements éthiques et solidaires – Le cas de la Suisse Kristin BARSTAD (1998, 75 p.) Nº 49 Socio-anthropologie de la décentralisation en milieu rural africain. Bibliographie sélective et commentée Jean-Pierre JACOB, Giorgio BLUNDO (1997, 118 p.) Nº 48 L’apport de la diaspora au renouveau vietnamien. Les Vietnamiens de Suisse Bertrand LAMON (1997, 102 p.) Nº 47 Démocratie et nouvelles formes de légitimation en Afrique. Les Conférences nationales du Bénin et du Togo Sous la direction de Jean ZIEGLER (1997, 50 p.) Nº 46 Feeding Asia in the Next Century C. AUBERT, G. ETIENNE, J.-L. MAURER (1996, 72 p.) CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 5.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– CHF 12.– 43 Nº 45 Développement rural et libéralisation économique en Inde. Le cas de l’Etat d’Orissa Marie THORNDAHL (1996, 89 p.) Nº 44 Comment mieux coopérer avec le Brésil ? Aide des ONG et relations économiques de la Suisse Gérard PERROULAZ, Serge GHINET (1995, 58 p) Nº 43 From Bonafide Citizens to Unwanted Clandestines : Nepali Refugees from Bhutan Rebeka MARTENSEN (1995, 76 p.) Nº 42 Réseaux et stratégies migratoires entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Histoire de vie d’un migrant Prosper KAMBIRE (1994, 82 p.) Nº 41 Questions de « genre » ? Réflexions autour des rapports sociaux de sexe dans l’emploi et dans l’institution Yvonne PREISWERK et al. (1994, 98 p.) Nº 40 Guide d’approche des institutions locales (GAIL). Méthodologie d’étude des acteurs locaux dans le monde rural Jean-Pierre JACOB et al. (1994, 40 p.) Nº 39 El rol de las mujeres en las estrategias de subsistencia: el caso del Ecuador Jessica LOPEZ PINTO (1993, 63 p.) CHF 12.– CHF 12.– CHF 15.– CHF 12.– CHF 8.– CHF 10.– CHF 8.– Etudes du développement Nº 14 Sphère financière contre économie réelle. Le cas de la crise financière thaïlandaise Olivier CASSARD (2001, 81 p.) Nº 13 Une greffe de l’Etat inédite. Le clan corse, de la segmentarité à la décentralisation Charaf ABDESSEMED (2000, 55 p.) CHF 12.– Nº 12 « Ecotourisme » ou « tourisme durable » entre la théorie et la pratique. Principes déclarés et arguments publiciaires en Amazonie Dorothy Jula PREZZA (2000, 86 p.) CHF 12.– Nº 11 Género, ajuste estructural y trabajo : Análisis a través del Banco Mundial y del caso del Perú, Lima 1986-1993 Roxana ORUE (1998, 115 p.) CHF 12.– Nº 10 The Andean Cocaine Industry : A Maze with no Way out? Failures of the U.S.’ « War on Drugs » Vanessa PEAT (1998, 77 p.) CHF 12.– Nº 9 Secteur informel et politiques publiques en Afrique. Acteurs et conceptions Marie-Joséphine NSENGIYUMVA (1996, 73 p.) CHF 12.– Nº 8 Les éleveurs, l’Etat et les agriculteurs au Burkina Faso. L’exemple de la région du centre-ouest Yves DELISLE (1996, 79 p.) CHF 12.– Nº 7 Niños y jóvenes en situación de calle espacio y campo social. Ciudad de Córdoba, Argentina Patricia M AZZINI (1996, 178 p.) CHF 12.– Nº 6 Le secret de l’unité de santé. Les agents de santé de base et les matrones en Guinée-Bissau Mary-Josée BURNIER (1993, 109 p.) CHF 12.– Nº 5 Agriculture de subsistance et technologie appropriée. Impact de l’ICTA à Quesada, Guatemala Ileana VALENZUELA (1991, 180 p.) CHF 12.– 44 Nº 4 Les jardins de la sécheresse. Tamazalak versant ouest de l’Aïr Ulrike MIX (1988, 135 p.) CHF 5.– Pratique et réflexion Nº 9 La démarche d’appui institutionnel au secteur de la santé. Programme médico-sanitaire bénino-suisse Valérie BOULOUDANI (1998, 77 p.) CHF 12.– Nº 8 L’entreprise coopérative et de type coopératif : pour une analyse économique hétérodoxe Souleymane SOULAMA (1997, 36 p.) CHF 10.– Nº 7 Le système de Programmation – Suivi – Evaluation (PSE) dans une démarche d’appui institutionnel D. FINO, S. GUINET, C. DUNAND , P. UVIN (1996, 77 p.) CHF 12.– Nº 6 Démarche d’appui institutionnel. De l’analyse des acteurs à un processus de renforcement institutionnel D. FINO et S. GHINET (1995, 57 p.) CHF 8.– Nº 5 L’appui institutionnel au Niger. Résultats d’un atelier de réflexion Peter UVIN et al. (1994, 60 p.) CHF 8.– 45