Le deuil compliqué : Une maladie spécifi que ?

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Le deuil compliqué : Une maladie spécifi que ?
L’Encéphale (2011) Hors-série 3, 28
Synthèse des actes des 4es Journées de Saujon
Le deuil compliqué : une maladie spécifique ?
A. Sauteraud
Service de psychiatrie, 55, rue du Jardin Public, 33000 Bordeaux, France
Nosographiquement mal identifié, le deuil est reconnu
depuis peu comme pouvant générer une pathologie mentale appelée communément deuil compliqué, deuil pathologique ou deuil prolongé.
Le deuil « normal » s’accompagne cependant d’une
augmentation du risque de décompensation psychiatrique,
d’idées suicidaires et de tentatives de suicide, mais également de maladies organiques (cancer, hypertension artérielle…). Ainsi, dans l’année qui suit le veuvage, la mortalité
du survivant est multipliée par deux.
Les réactions de deuil sont considérées comme normales jusqu’à 6 mois, douteuses entre 6 mois et 2 ans et
franchement pathologiques au-delà.
Le deuil compliqué se caractérise par une douloureuse
nostalgie du défunt à laquelle s’associent des symptômes
dépressifs avec une intensité et une durée anormales. Le
manque et la nostalgie envers le défunt sont spécifiques du
deuil compliqué.
On estime que 11 % des endeuillés vont souffrir de deuil
pathologique, ce qui, rapporté au nombre de décès en
France, indiquerait une incidence de 350 000 cas en France
soit 0,5 % de la population générale.
Les facteurs de risque consistent en le fait que le décès
est soudain, inattendu, violent (surtout par suicide), qu’il
touche un membre de la génération plus jeune ou que l’en-
* Auteur correspondant
Adresse e-mail : [email protected] (A. Sauteraud)
© L’Encéphale, Paris, 2011. Tous droits réservés.
deuillé lui-même est jeune ou une femme. La proximité du
défunt, l’ancienneté de la relation affective, la répétition
cumulative de plusieurs deuils et les antécédents de trouble
psychiatrique ou de traumatisme psychologique sont également des facteurs de risque.
Comparée à la dépression, le deuil pathologique se
caractérise par une fluctuation importante de la tristesse,
des rêveries agréables et la persistance d’émotions positives
en rapport avec le souvenir ou l’évocation du défunt.
Comparativement au stress post-traumatique, la tristesse de
l’endeuillé est plus marquée. De plus, le peu de cauchemars
et la peur d’oublier le défunt contrastent avec l’importance
des cauchemars et le désir d’oublier le traumatisme originel
du syndrome de stress post-traumatique.
Les psychothérapies sont souvent efficaces, notamment
dans leur dimension de soutien et d’empathie. Une étude
contrôlée récente a montré que la psychothérapie cognitivo-comportementale apportait des résultats supérieurs
aux thérapies de soutien et interpersonnelles
Conflits d’intérêt
A. Sauteraud : aucun.