LES FLEXI-JOBS, UNE INEPTIE SOCIALE ET ÉCONOMIQUE

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LES FLEXI-JOBS, UNE INEPTIE SOCIALE ET ÉCONOMIQUE
LES FLEXI-JOBS, UNE INEPTIE
SOCIALE ET ÉCONOMIQUE
OLIVIER BODY ET FLORENCE LEPOIVRE
ETAT DE LA QUESTION
Avril 2016
Editeur responsable : Gilles Doutrelepont- 13 Bd de l’Empereur - 1000 Bruxelles
IEV
1. Introduction.................................................................................................... 4
2. Qu’est-ce qu’un flexi-travailleur ?............................................................... 5
3. Le flexi-job bientôt partout, une aubaine pour tous ? ................................ 6
3.1. Les flexi-jobs portent atteinte aux droits des travailleurs............... 6
3.2. Les flexi-jobs créent du dumping (para)fiscal intra-belge :
ils mettent à mal la sécurité sociale et les services publics.............. 7
3.3.Les flexi-jobs créent du dumping social intra-belge........................ 7
3.4.Le gouvernement ne se contente pas de créer un contrat
de travail précaire, il récompense les employeurs
qui recourent aux flexi-jobs................................................................. 8
3.5.Les flexi-travailleurs ne sortent pas du chômage, ils avaient
déjà un emploi....................................................................................... 9
3.6.Les flexi-jobs créeront du chômage et à terme du travail
non-déclaré.......................................................................................... 9
3.7.Les flexi-jobs détériorent le rapport de force
employeurs-travailleurs au détriment de ces derniers................... 10
4. Conclusion...................................................................................................... 11
1. Introduction
Certains partis du gouvernement fédéral envisagent d’étendre le régime des
flexi-jobs, depuis peu appliqué à l’horeca, à d’autres secteurs d’activité économique :
« Parmi les pistes envisagées qui pourraient par ailleurs aider à combler le
trou budgétaire, il en est une qui serait développée par l’axe [Open] VLD-MR
et qui porte sur une réforme du marché du travail. A bonne source, on apprend que la piste des flexijobs sera mise sur la table. Cette mesure est déjà
en vigueur dans le secteur de l’horeca et les premiers retours semblent plus
que positifs, puisqu’elle a permis de remettre sur le marché quelques milliers de personnes (4.000 environ à fin décembre). D’où l’idée de l’élargir à
d’autres secteurs. »1
Cette idée reste plus que jamais d’actualité comme le sous-tendent les propos tenus le 10 avril 2016 à la VRT par Gwendolyn Rutten, Présidente de
l’Open VLD :
« De flexi-jobs zijn gewoon een succes. We hebben ze begin december ingevoerd en ondertussen zien er al meer dan tienduizend van die flexijobs gecreëerd. Kijk, we staan allemaal met verbijstering te kijken als Ford Genk
sluit, of als er een bedrijf sluit, hoeveel banen er verloren gaan. Dit is een
succes, we hebben tienduizend officiële arbeidsplaatsen gecreëerd, alleen
voor diegenen die dat willen. Wel dan zeg ik, dat is een goed recept. Mensen
willen graag ook eens een cent bijverdienen, mensen willen ook graag sparen
voor iets extra, en dat kan met deze maatregel. 2»
Ces flexi-jobs sont présentés par la droite comme une mesure positive non
seulement pour l’emploi et le pouvoir d’achat des travailleurs mais aussi pour
la sécurité sociale.
L’analyse de l’IEV démontre qu’il n’en est rien et que l’extension de ces flexijobs mettrait en péril notre modèle social tout entier. Elle conduirait en effet
à une précarisation des travailleurs via une dérégulation du marché du travail
et à de moindres recettes pour les services publics et la sécurité sociale.
Cette note souligne également que le gouvernement fédéral ne semble pas
mesurer le bouleversement que créent les flexi-jobs sur le marché du tra Le Soir, Des flexijobs pour soulager le budget, p. 6, 11 mars 2016.
Les flexi-jobs sont tout simplement un succès. Nous les avons instaurés début décembre et, entre-temps, nous
voyons que plus de dix mille de ces flexi-jobs ont déjà été créés. Vous voyez, nous sommes tous consternés
lorsque Ford Genk ou une autre entreprise ferme, et que de nombreux emplois sont perdus. Ceci est un succès,
nous avons créé dix mille emplois officiels, seulement pour ceux qui le veulent. Eh bien, je dis alors que c’est une
bonne recette. Les gens aiment aussi parfois gagner un petit quelque chose en plus, ils veulent économiser pour
un extra, et c’est possible avec cette mesure.
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vail. Ce dispositif n’affecte pas seulement les flexi-travailleurs mais tous les
travailleurs : le gouvernement fédéral crée une concurrence entre travailleurs belges, et donc un dumping social intra-belge. Cette mesure ne se limite d’ailleurs pas à autoriser le travail précaire et à horaires très partiels.
Elle rend aussi ces emplois financièrement plus avantageux pour l’employeur
que les emplois standards3, engendrant en conséquence une montée du chômage, des inégalités et de l’insécurité de l’emploi.
2. Qu’est-ce qu’un flexi-travailleur ?
Un flexi-travailleur est un travailleur qui preste un emploi à au moins 4/5e
temps chez un employeur A et exerce une activité complémentaire – le flexijob – chez un employeur B. Les employeurs A et B doivent être différents ;
c’est une caractéristique importante du dispositif.
Le flexi-travailleur est rémunéré par un flexi-salaire qui doit être de minimum
8,82 euros/h (indexé), auquel l’employeur doit ajouter 7,67% de flexi-pécule
de vacances payé en même temps que le flexi-salaire. La rémunération minimum pour un flexi-job est donc de 9,50 euros/h4.
Le flexi-salaire fait naître des droits à la sécurité sociale pour le travailleur.
En effet, les prestations effectuées en flexi-job sont assimilées à des prestations de travail pour toutes les branches de la sécurité sociale (maladie,
chômage, pension, etc.).
Enfin, le flexi-salaire est défiscalisé : il n’y a ni impôt ni cotisation personnelle5, seulement une cotisation spéciale de 25% payée par l’employeur. Pour
offrir un même salaire au travailleur, le flexi-job est donc nettement moins
coûteux pour l’employeur qu’un régime de travail standard.
L’emploi standard fait ici référence à la définition de l’OCDE concernant l’ « emploi non standard » : contrats à
durée déterminée, les emplois temporaires, les emplois à temps partiels, les occasionnels et l’emploi indépendant.
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L’article 11 de la loi portant des dispositions diverses en matière sociale du 16 novembre 2015 prévoit que le
contrat de travail flexi-job peut être conclu par écrit ou oralement. L’article 12 prévoit que l’employeur doit
conserver le contrat de travail flexi-job sur le lieu de travail du travailleur exerçant un flexi-job, ce qui n’est pas
évident pour un contrat oral.
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Les cotisations sociales personnelles sont normalement de 13,07%.
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Les flexi-jobs, une ineptie sociale et économique
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3. Le flexi-job bientôt partout, une aubaine pour tous ?
3.1. Les flexi-jobs portent atteinte aux droits des travailleurs
Le flexi-job peut sembler à première vue attractif pour un travailleur. En effet,
il apporte un revenu d’appoint non taxé et ouvre, malgré tout, des droits en
matière de sécurité sociale.
Toutefois, le flexi-job est un contrat où des pans entiers du droit du travail ne
sont pas respectés :
- L’employeur n’est pas tenu d’informer à l’avance le flexi-travailleur
de ses horaires de travail ni même de la durée de ses prestations.
Le flexi-travailleur peut ne pas connaître le jour-même le nombre
d’heures qu’il devra prester. Cela ouvre la porte à tous les horaires
possibles : très peu d’heures par semaine, alors que le travailleur
compte sur un revenu d’appoint pour joindre les deux bouts, ou de
très nombreuses heures que le travailleur pourra difficilement refuser de peur de perdre ce salaire souvent bienvenu. Le flexi-job est
donc proche du contrat zéro heure développé au Royaume-Uni.
- Vu que l’employeur peut décider au jour le jour du nombre d’heures
prestées par son flexi-travailleur, l’employeur peut très facilement
se défaire de ses flexi-travailleurs. Il peut en effet décider du jour
au lendemain que le flexi-travailleur ne prestera plus aucune heure.
C’est de l’hyper-flexibilité pour l’employeur et de l’hyper-insécurité
d’emploi pour le flexi-travailleur. Rappelons également que si le travailleur perd son emploi à 4/5e temps, il perdra aussi son flexi-job. Il
est donc davantage à la merci de son employeur principal.
- Le flexi-travailleur peut travailler en dehors des horaires fixés dans
le règlement de travail. Il n’est donc pas soumis à la législation sur
le temps de repos, ce qui peut entraîner des conséquences désastreuses sur sa santé.
- Le flexi-salaire de 8,82 euros/h ne respecte par ailleurs ni les
barèmes salariaux imposés dans le secteur (le flexi-salaire ne tient
par exemple pas compte de l’ancienneté du travailleur), ni même le
salaire minimum sectoriel : le salaire minimum absolu du secteur
horeca est de 11,24 euros/h6. De plus, le flexi-travailleur ne reçoit
pas de rémunération pendant ses congés et ne perçoit pas de double
pécule de vacances. Il ne reçoit qu’un flexi-pécule correspondant à
7,67% de son salaire.
FGTB Horval, Flexi-jobs : menace de niveau 4 dans le secteur HORECA !,
http://www.horval.be/actualite.php?action=view&id=303, 7 décembre 2015
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Le flexi-job est donc clairement une dérégulation du droit du travail et une
flexibilisation à outrance du contrat de travail. Le flexi-travailleur n’est plus
protégé par les lois qui s’appliquent aux travailleurs classiques : il s’agit d’un
recul social conséquent. Cela remet en question tout le travail réalisé par les
partenaires sociaux pour professionnaliser le secteur et améliorer les conditions de travail (classification des fonctions et barèmes minimums, mouvement de rattrapage, formation sectorielle, etc.).
3.2. Les flexi-jobs créent du dumping (para)fiscal intra-belge :
ils mettent à mal la sécurité sociale et les services publics
Le flexi-salaire, en plus d’être inférieur au salaire minimum du secteur (cf.
supra), est défiscalisé et n’est soumis qu’à une « cotisation spéciale » :
- Aucun impôt n’est payé par le flexi-travailleur, ce qui grève le financement des services publics.
- Aucune cotisation sociale personnelle n’est due et seule une cotisation spéciale de 25% est payée par l’employeur. Cela signifie que
la sécurité sociale n’est que faiblement alimentée par les flexi-jobs,
alors que ceux-ci ouvrent des droits à des prestations sociales (chômage, pension, maladie, etc.).
- Globalement, si un flexi-travailleur payé au flexi-salaire de 9,50 euros/h
est comparé à un travailleur occasionnel payé au salaire minimum
du barème, une heure de travail en flexi-job ne rapportera que 2,38
euros à l’Etat là où le travailleur occasionnel rapportera 7,53 euros7.
Les flexi-travailleurs profitent donc des mêmes avantages de sécurité sociale
et des services publics, mais ne participent pas dans une juste mesure à leur
financement. C’est ce que les économistes appellent le « free rider ». Il s’agit
donc d’une mise en danger de la sécurité sociale et des services publics8.
3.3. Les flexi-jobs créent du dumping social intra-belge
Les flexi-jobs n’affectent pas uniquement les flexi-travailleurs ; ils concernent
tous les travailleurs. Les flexi-jobs créent en effet une nouvelle forme de
concurrence. Vu que les flexi-jobs permettent aux employeurs d’offrir un
même salaire net à un coût beaucoup plus bas (cf. supra) et leur donnent la
possibilité d’exiger du travailleur une hyper-flexibilité, les employeurs vont
ADMB HR-Partner, Au secours je suis débordé !, https://www.admb.be/sites/default/files/imce_uploads/008039_
flexijob_extra_a4_fr_def.pdf
Notons également que le système des flexi-jobs ne prévoit pas de garde-fou contre certaines pratiques fiscales
abusives. En effet, le système permet à un propriétaire de restaurants de s’octroyer un 4/5e temps dans un de
ses restaurants et d’éviter licitement l’impôt en se rémunérant gracieusement via un flexi-job dans un autre de
ses restaurants. En effet, le flexi-salaire ne participe pas à la progressivité de l’impôt vu qu’il n’est tout simplement pas soumis à l’impôt.
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être de plus en plus enclins à engager des travailleurs sous contrat flexi-job
et de moins en moins sous contrat classique. Les flexi-jobs devraient donc
se substituer progressivement et substantiellement aux contrats de travail
classiques, aujourd’hui dans l’horeca, demain dans d’autres secteurs.
Il sera dès lors de plus en plus difficile de trouver un contrat de travail classique et de plus en plus facile de trouver un flexi-job. Cependant, cette facilité
de trouver un flexi-job n’est vraie que pour les travailleurs déjà engagés sous
contrat de travail classique (le flexi-job n’étant accessible qu’aux travailleurs
prestant au moins un 4/5e temps chez un autre employeur).
Le gouvernement fédéral invente donc une nouvelle forme de dumping social
intra-belge : les travailleurs sont mis en concurrence de manière déloyale.
Cette mesure pourrait pousser les travailleurs à accepter des conditions de
travail moins avantageuses pour être recrutés ou conserver leur emploi. Il
existe donc un risque important d’un alignement vers le bas des droits et du
pouvoir d’achat des travailleurs.
De plus, remarquons que rien dans le dispositif actuel n’empêche les employeurs de l’horeca employant des travailleurs à temps plein à les faire passer en 4/5e temps et à se les échanger sous contrat flexi-job. Ce serait d’ailleurs difficile de prévoir un garde-fou contre cet effet.
Notons enfin que le dispositif n’impose pas que le flexi-travailleur exerce
son flexi-job dans le même secteur d’activité que son emploi principal. Ainsi, par exemple, il est possible que certains restaurants n’engagent que des
flexi-jobs : ils pourraient n’engager que des travailleurs prestant chacun 1/5e
temps. Théoriquement, cette mesure pourrait même signifier qu’il n’y ait plus
que des flexi-jobs dans l’horeca.
3.4. Le gouvernement ne se contente pas de créer un contrat de travail précaire, il récompense les employeurs qui recourent aux
flexi-jobs
Dans le cadre du dispositif flexi-jobs, ce n’est pas le « bon employeur » (qui emploie le travailleur à au moins 4/5e temps) mais le « mauvais employeur » (celui
qui recourt à des flexi-travailleurs) que le gouvernement fédéral récompense
(en défiscalisant le coût du flexi-travail). C’est le contraire d’un système incitatif, récompensant les bons comportements et sanctionnant les mauvais
comportements. Le gouvernement fédéral ne contente donc pas de créer un
contrat de travail précaire, il l’encourage.
Contrairement à la voie des flexi-jobs choisie par le gouvernement actuel, il
conviendrait de favoriser la création d’emplois de qualité et donc notamment
d’inciter les employeurs à embaucher les travailleurs sous contrat à durée
indéterminée et à temps plein.
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3.5. Les flexi-travailleurs ne sortent pas du chômage,
ils avaient déjà un emploi
Un flexi-job ne met pas un seul chômeur au travail : il s’agit d’un travail donné
à un travailleur ayant déjà un contrat à au moins 4/5e temps. Ce dispositif ne
permet donc pas à un seul travailleur sans emploi d’accéder à un emploi. Les
10.000 flexi-jobs créés en seulement quatre mois d’existence du dispositif,
c’est donc zéro chômeur en moins9.
L’OCDE10 a souligné que des contrats de travail précaires pouvaient parfois
faciliter l’obtention d’un contrat de travail standard. Il n’en est rien dans le
cas des flexi-jobs puisqu’il faut déjà disposer d’un contrat à 4/5e temps pour
bénéficier d’un flexi-job et qu’en aucun cas, l’employeur du flexi-travailleur
n’aura intérêt à lui donner un véritable contrat de travail.
Enfin, soulignons que les flexi-jobs n’améliorent a priori pas les perspectives
d’emploi des flexi-travailleurs. Les employeurs ont notamment très peu d’intérêt à former les flexi-travailleurs vu que leur relation de travail ne s’incrit
pas dans une perspective de long terme. L’OCDE met d’ailleurs en avant que
les travailleurs sous contrat temporaire ont en moyenne 14% de probabilité
en moins de bénéficier d’une formation payée par leur employeur11.
3.6. Les flexi-jobs créeront du chômage et à terme du travail
non-déclaré
Même s’il est vraisemblable que les flexi-jobs permettent, dans un premier
temps, de sortir un certain nombre de travailleurs du travail non-déclaré, en
régularisant du « travail au noir », cette mesure provoquera elle-même, dans
un second temps, du chômage et du travail non-déclaré.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, les flexi-jobs remplaceront en
partie les travailleurs avec un contrat classique puisqu’ils sont moins coûteux
pour les employeurs et permettent une hyper-flexibilisation du travail. Il faut
souligner que le gouvernement ne se contente pas d’autoriser cette forme
précaire de contrat de travail, il l’encourage fiscalement. Il accentue donc le
remplacement des travailleurs classiques par des flexi-travailleurs.
Cette situation conduira à une augmentation du chômage : en effet, les employeurs seront incités à licencier leurs travailleurs sous contrat classique
Belga, Le nombre de flexijobs dépasse les 10.000 unités en 4 mois,
http://www.lesoir.be/1150458/article/actualite/fil-info/fil-info-belgique/2016-03-14/nombre-flexijobs-depasse10000-unites-en-4-mois, 14 mars 2016.
10
OCDE, « Non-regular employment, job security and the labour market divide », in : OECD employment outlook
2014, http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/employment/oecd-employment-outlook-2014/
non-regular-employment-job-security-and-the-labour-market-divide_empl_outlook-2014-7-en#page2, 2014.
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loc. cit
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afin d’engager sous flexi-job des travailleurs qui travaillent déjà au moins
à 4/5e temps. Non seulement les flexi-jobs ne sortent pas de travailleurs du
chômage mais ils risquent donc même de signifier le licenciement de travailleurs actifs actuellement.
A terme, ces nouveaux chômeurs risquent en plus de se retrouver dans l’économie informelle alors même que certains présentent cette mesure comme
un outil de lutte contre le travail non-déclaré.
Certains pourraient être tentés de comparer le système des flexi-jobs à celui
des titres-services en ce que ce dernier a permis de régulariser le travail au
noir de très nombreux travailleurs du secteur du nettoyage. Le système des
flexi-jobs n’est toutefois pas comparable à celui des titres-services pour trois
raisons principales :
- Premièrement, le flexi-travailleur est en concurrence directe avec
des travailleurs ayant un contrat de travail standard, ce qui n’était
pas le cas des travailleurs dans le secteur du nettoyage.
- Deuxièmement, les travailleurs titres-services sont, eux, payés aux
barèmes du secteur.
- Troisièmement, le travail régularisé dans le cadre des flexi-jobs
concerne des travailleurs ayant déjà un contrat de travail à 4/5e
temps, contrairement aux titres-services où la quasi-totalité des
travailleurs n’étaient pas déclarés.
Une manière réellement efficace pour lutter contre le travail non-déclaré serait d’aider les secteurs à créer des emplois de qualité mais aussi de rendre
les contrôles de lutte contre le travail non-déclaré dissuasifs (par exemple,
en rendant la probabilité de contrôle plus importante en cas de travail au noir,
en engageant davantage de contrôleurs et en ciblant mieux les contrôles).
3.7. Les flexi-jobs détériorent le rapport de force
employeurs-travailleurs au détriment de ces derniers
Les flexi-jobs offrent aux employeurs la possibilité d’exiger du travailleur une
flexibilité totale puisque ce dernier est disponible sans préavis et doit accepter de travailler sans horaire fixe et en dehors des horaires prévus dans le
règlement de travail. De plus, le nombre d’heures pouvant être prestées dans
le cadre d’un flexi-job ne fait l’objet d’aucune limitation, si ce n’est de ne pas
excéder un 4/5e temps.
Par ailleurs, l’employeur ne paye qu’un flexi-salaire qui est largement inférieur au salaire minimum prévu dans le secteur horeca. Par exemple, si l’on
se base sur le barème applicable pour un garçon de salle dans un restaurant
sans ancienneté, l’employeur paiera un coût salarial horaire total de 11,875
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ETAT DE LA QUESTION - Avril 2016 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected]
euros pour un flexi-job alors qu’il paiera 15,13 euros pour un occasionnel. Il
faut également noter que même le coût horaire d’un étudiant est supérieur à
celui du flexi-travailleur : il est de 11,92 euros 12.
Les employeurs sont donc les grands bénéficiaires de la mesure flexi-jobs.
Cependant, collectivement et à long terme, ce n’est pas un choix de société
gagnant pour les employeurs, vu la forte augmentation des inégalités que
provoquera le dispositif des flexi-jobs.
4. Conclusion
L’analyse souligne combien les flexi-jobs, actuellement en vigueur dans
l’horeca et éventuellement à l’avenir dans d’autres secteurs d’activité économique, conduiront à une précarisation des travailleurs, à une mise en danger
de la sécurité sociale et des services publics, et à une concurrence déloyale
entre travailleurs.
Le gouvernement fédéral crée, avec ce dispositif, du dumping social et fiscal
au sein même de notre pays. Il ne se contente d’ailleurs pas d’autoriser les
employeurs à engager leurs travailleurs sous un contrat de travail précaire.
Il récompense financièrement ceux qui y recourent. Enfin, ce dispositif ne
permettra pas de lutter contre le chômage. Au contraire, il l’augmentera !
L’objectif du gouvernement ne serait-il pas de déréguler le marché du travail
sous couvert de vouloir créer de l’emploi ? Aujourd’hui, l’horeca ; demain, la
construction ou le petit commerce13 ; et après-demain ? Aujourd’hui, les travailleurs prestant déjà un 4/5e temps ; demain, les pensionnés14 ; après-demain, tous les travailleurs, avec ou sans emploi ?
ADMB HR-Partner, Au secours je suis débordé !, https://www.admb.be/sites/default/files/imce_
uploads/008039_flexijob_extra_a4_fr_def.pdf.
Bart Tommelein, Op naar 10.000 flexi-jobs in België, http://www.tommelein.com/op-naar-10-000-flexi-jobs-inbelgie/, 14 janvier 2016
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loc. cit
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Le flexi-job est un contrat de travail qui offre aux employeurs la possibilité d’exiger du travailleur une très grande flexibilité.
Certains partis du gouvernement fédéral envisagent d’étendre le
flexi-job, d’application depuis peu dans l’horeca, à d’autres secteurs
d’activité économique.
L’analyse de l’IEV démontre combien l’idée n’est pas pertinente. Le
dispositif des flexi-jobs conduit à une précarisation des travailleurs.
Il favorise également le dumping social en créant une concurrence
déloyale entre travailleurs.
Par le système des flexi-jobs, le gouvernement fédéral ne se limite
pas à autoriser le travail précaire, il récompense financièrement et
fiscalement les employeurs qui recourent aux flexi-jobs.
Finalement, il s’avère que ce mécanisme provoquera une augmentation du chômage et une fragilisation du financement de la sécurité
sociale.
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