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La méthode du commentaire composé en six étapes, exemple expliqué, Leslie Benadiba, Prof sans frontières
Montesquieu, Les Lettres Persanes, Lettre XXIV, 1721
En 1721, Montesquieu publie les Lettres Persanes. Il s’agit d’un recueil de lettres,
écrites par deux Persans venus en France : Rica et Usbek. Rica est à Paris depuis un mois
quand il écrit la « Lettre 24 ».
Lettre XXIV.
Rica à Ibben.
A Smyrne.
(…)
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or
comme le roi d'Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de
la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de
grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre1 ; et, par un prodige
de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes
équipées.
D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses
sujets ; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en
ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux2, et ils le croient. S'il a
une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête
qu'un morceau de papier est de l'argent3, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à
leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant4, tant est grande la
force et la puissance qu'il a sur les esprits.
Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t'étonner : il y a un autre magicien plus fort
que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce
magicien s'appelle le pape. Tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un, que le pain qu'on
mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin5, et mille autres choses de
cette espèce.
Et pour le tenir toujours en haleine et ne point lui laisser perdre l'habitude de croire, il
lui donne de temps en temps, pour l'exercer, de certains articles de croyance. Il y a deux ans
qu'il lui envoya un grand écrit, qu'il appela Constitution6, et voulut obliger, sous de grandes
peines, ce prince et ses sujets de croire tout ce qui y était contenu. Il réussit à l'égard du
prince, qui se soumit aussitôt et donna l'exemple à ses sujets. Mais quelques-uns7 d'entre eux
se révoltèrent, et dirent qu'ils ne voulaient rien croire de tout ce qui était dans cet écrit.
(…)
De Paris, le 4 de la lune de Rebiab, 2, 1712.
Montesquieu, Lettres Persanes, 1721
1
Louis XIV finança les guerres de la ligue d’Augsbourg et de la succession d’Espagne en vendant des charges,
ainsi que des titres de noblesses.
2
La France connaît entre 1689 et 1715 quarante-trois dévaluations.
3
Emission du papier monnaie par Law en 1718.
4
Il s’agit de la guérison des écrouelles, abcès du cou lié à une maladie tuberculeuse.
5
Allusion à la sainte Trinité et au mystère de l’eucharistie.
6
Il s’agit de la bulle Unigentus, promulguée en 1713 par le pape Clément XI. Elle condamnait cent-une
propositions extraites d’un ouvrage publié par un janséniste.
7
Désigne les jansénistes.
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L’analyse du texte en suivant la méthode
ETAPE 1 : Lire le texte
La lettre 24 est assez difficile, même pour un bon lecteur parce qu’elle contient
beaucoup d’allusions à la religion et à l’histoire. Les notes de bas de page sont là pour vous
aider. N’hésitez pas à vous servir du dictionnaire, d’une encyclopédie ou même d’internet
pour comprendre les points difficiles.
ETAPE 2 : Analyser les huit points-clés
1. Genre
2. Mouvement
3. Thème
4. Type
5. Registres ou
adjectifs
Constat général
Roman épistolaire
Ce qu’il faut en conclure…
Les interlocuteurs sont Rica et Ibben. Le
lecteur n’est pas, en apparence, le
destinateur de la lettre. Pourtant, grâce à
l’ironie, on devine que Montesquieu
s’adresse à son lecteur par l’intermédiaire
de ses personnages.
Les Lumières
Mouvement philosophique du 18e siècle,
les lumières remettent en question tout ce
qui est établi, qu’il soit politique ou
religieux. C’est une nouvelle façon de
penser qui naît alors.
Dans une lettre à Ibben, Rica s’étonne des pouvoirs fabuleux du
roi de France et du pape dans une description élogieuse en
apparence. A travers son discours, le lecteur perçoit une ironie
mordante et une critique sévère.
Descriptif
Le pape et le roi sont décrits. Il faut
définir de quelle façon. Il y a beaucoup
d’ironie, de sous-entendu qui font sourire
le lecteur dans leur description. Le texte
est rendu plaisant par ce biais.
Argumentatif
Quand il y a de l’argumentatif, toujours
se demander quelles sont les cibles. Ici, le
roi et le pape. Mais est-ce tout ? Il y a
aussi, plus discrètement le peuple.
Le regard étranger
Au 18e siècle, on trouve beaucoup de
contes ou de romans dans lesquels le
personnage porte un regard neuf car
étranger sur la société. C’est le cas dans
Candide de Voltaire, par exemple. Cela
rend le texte plaisant.
Ironique
L’ironie suppose une connivence : le sens
du texte n’est pas celui que l’on voit en
apparence. Il est sous-entendu et ne peut
être perçu que si la connivence avec le
lecteur est établie. Le texte est rendu
savoureux si l’on saisit l’ironie.
Plaisant
Le lecteur est amusé par ce qu’il lit : il
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Satirique
Amusant
6. But
Critiquer, faire
réfléchir
7. Intertextualité
8. Métatextualité
Néant
Néant
savoure sa connivence avec le narrateur.
La critique du roi et du pape est faite de
manière très amusante : on se moque de
ces deux personnages.
Qu’est-ce qui nous fait sourire ? l’ironie,
le fait de comprendre ce que désigne le
texte. Il y a une connivence entre le
lecteur et le narrateur qui fait que le
lecteur comprend et savoure l’humour.
L’humour naît du décalage le regard
persan et ce qu’il voit de la société
européenne.
Derrière les cibles de la critique, y-a-t-il
une réflexion philosophique plus
profonde ? Est-ce révélateur de la pensée
des lumières ?
ETAPE 3 : Trouver des axes
Ce tableau donne plusieurs pistes d’axe. A chaque fois, il faut vous interroger sur la
pertinence du thème et sur les regroupements possibles :
L’épistolaire : il faudra impérativement en tenir compte dans
votre commentaire. C’est une lettre écrite par un Persan à un autre Persan et
en amont par Montesquieu pour faire réfléchir le lecteur.
Les lumières : est-il pertinent de faire un axe dessus ? Le texte
est révélateur d’une certaine philosophie mais ce n’est peut-être pas le plus
évident. Cependant, le mouvement doit apparaître dans votre commentaire.
La critique : Il est impossible de commenter ce texte sans faire
un axe sur la critique. Demandez-vous « qu’est-ce qui est critiqué ? » et la
réponse vous donnera un titre d’axe parfait.
Le regard étranger : le thème doit apparaître. A vous de décider
si c’est un axe entier ou une partie. C’est en bâtissant votre plan avec ses
sous-parties, en fonction de ce que vous avez à dire que vous aurez la
réponse.
Une lettre ironique : même remarque.
Une lettre plaisante : même remarque.
Une satire : le texte critique le roi et le pape tout en s’en
moquant. C’est indissociable. Il faudra le faire ressortir dans un axe. Cela dit,
il faudra choisir entre mettre l’accent sur la critique ou sur la satire.
Un texte amusant : Cet axe risque d’être hors-sujet. Ce n’est pas
parce qu’il y a de l’humour que le texte est drôle du début à la fin. De plus, le
lecteur saisi l’humour à condition de saisir l’ironie…
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ETAPE 4 : Faire une étude linéaire en fonction des axes
Pour commencer, il est important de lire le texte en diagonale et de voir les grands
thèmes récurrents.
La lettre s’articule autour de deux parties : la critique du roi puis celle du pape qui
suivent un ordre hiérarchique logique. Il serait très malvenu d’en faire des axes qui suivent
l’ordre du texte mais cela fera deux parfaites sous-parties pour la critique.
Comme thèmes et figures récurrentes, on trouve l’ironie et la métaphore de la magie.
Les superlatifs et comparatifs sont très présents aussi pour marquer les hyperboles.
Quand vous avez repéré les champs lexicaux, thèmes et figures majeures, il convient
de procéder à une étude linéaire traditionnelle. Pas besoin de recopier le texte. Notez
simplement les numéros des lignes, et sur un brouillon, faites des remarques au fur et à
mesure qu’elles vous viennent.
Texte
Lettre XXIV.
Rica à Ibben.
A Smyrne.
Le roi de France est le plus puissant
prince de l'Europe.
Il n'a point de mines d'or comme le roi
d'Espagne son voisin ; mais il a plus de
richesses que lui, parce qu'il les tire de la
vanité de ses sujets, plus inépuisable que les
mines.
On lui a vu entreprendre ou soutenir de
grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que
des titres d'honneur à vendre ; et, par un
prodige de l'orgueil humain, ses troupes se
trouvaient payées, ses places munies, et ses
flottes équipées.
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Etude linéaire
Noms de Persans exotiques. Ville qui existe.
Marque l’épistolaire et donne de la
cohérence.
Réalité historique. Usage du comparatif en
guise d’introduction.
Opposition entre le roi de France et le roi
d’Espagne avec « mais » et comparaison peu
flatteuse : l’un est riche de « mines d’or », ce
qui correspond à une réalité monétaire, et
l’autre n’est que vaniteux, ce qui ne
correspond à rien. Cela fait sourire le lecteur.
« Vanité » et « inépuisable » sont presque
oxymoriques car la « vanité » désigne le
vide.
Suscite l’intérêt du lecteur en commençant
par évoquer un trésor.
Critique de ceux qui achètent des charges et
des titres de noblesse. Critique de l’orgueil et
de la vanité du peuple.
Groupe ternaire composé de trois noms et
participes passés « ses troupes se trouvaient
payées, ses places munies, et ses flottes
équipées. » qui met l’accent sur le rapport de
cause à conséquence entre le « prodige de
l’orgueil » et la rapidité avec laquelle il peut
trouver ses fonds.
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D'ailleurs ce roi est un grand
magicien : il exerce son empire sur l'esprit
même de ses sujets ; il les fait penser comme
il veut.
S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor,
et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur
persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le
croient.
S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il
n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre
dans la tête qu'un morceau de papier est de
l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus.
Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les
guérit de toutes sortes de maux en les
touchant, tant est grande la force et la
puissance qu'il a sur les esprits.
Ce que je te dis de ce prince ne doit
pas t'étonner : il y a un autre magicien plus
fort que lui, qui n'est pas moins maître de son
esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres.
Ce magicien s'appelle le pape.
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Métaphore du magicien très drôle qui insiste
sur la crédulité du peuple. On imagine le roi
de France avec un chapeau et qui fait sortir
des billets. L’image le décrédibilise
totalement.
Une seule phrase avec trois propositions
juxtaposées par un point-virgule et deux
points. Cela crée une continuité dans la
phrase. Le lecteur imagine le roi qui applique
sa baguette sur la tête de ses sujets : « l’esprit
». L’image est, là encore, très amusante. Et
en même temps, il y a deux accusations ici :
le roi est manipulateur et menteur mais le
peuple est naïf et bête.
Périphrase désignant la déflation. Le lecteur
doit saisir l’ironie et cela le fait sourire.
Structure de la phrase avec proposition
subordonnée exprimant l’hypothèse et
proposition principale séparée par une
virgule qui donne une impression de rapidité.
Nouvelle périphrase désignant l’invention du
billet. Parallélisme de construction avec la
phrase précédente. Impression de répétition :
le roi exerce constamment son influence sur
ses sujets et ils sont toujours crédules.
Nouvelle périphrase qui désigne le pouvoir
prêté au roi de guérir les écrouelles. Les gens
étaient bien guéris par le roi… probablement
parce qu’ils étaient au chaud et qu’on leur
servait une nourriture convenable !
Introduction de la deuxième partie du texte.
Le pape est soigneusement présenté avec
deux mises en relief : « ce que je te dis… » et
« il y a un autre… » « ne doit point
t’étonner ». Rica est un habile conteur qui
sait tenir son lecteur en haleine.
La proposition « qui n'est pas moins maître
de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des
autres » est difficile et subtile : il faut
comprendre que le pape (« qui ») est le
maître du roi (« son esprit ») et que le roi est
le maître de ses propres sujets (« celui des
autres »). Ils sont comparés l’un à l’autre par
une négation « n’est pas moins » qui
ressemble à un euphémisme. Il faut
comprendre que le pouvoir du pape sur
l’esprit de gens est beaucoup plus fort, ce qui
n’est pas rien. La tournure est admirable car
elle évoque les manipulations du roi et du
pape tout en manipulant l’esprit lecteur :
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entre les pronoms « il », « son », « celui » et
« lui », on ne sait plus qui est qui ! Le tour de
passe-passe du pape apparaît dans l’écriture
même de la lettre.
Tantôt il lui fait croire que trois ne sont Nouvelle périphrase pour désigner la trinité
qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du et l’eucharistie. On change de thème pour
pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du aborder la religion.
vin, et mille autres choses de cette espèce.
Et pour le tenir toujours en haleine et Le peuple est traité comme un animal qu’on
ne point lui laisser perdre l'habitude de dresse : « tenir en haleine », « perdre
croire, il lui donne de temps en temps, pour l’habitude », « exercer ».
l'exercer, de certains articles de croyance.
Il y a deux ans qu'il lui envoya un grand Le ton de la lettre devient ici plus grave.
écrit, qu'il appela Constitution, et voulut Référence aux mésententes entre jansénistes
obliger, sous de grandes peines, ce prince et et Catholiques et à la position du pape.
ses sujets de croire tout ce qui y était
contenu. Il réussit à l'égard du prince, qui se
soumit aussitôt et donna l'exemple à ses
sujets. Mais quelques-uns d'entre eux se
révoltèrent, et dirent qu'ils ne voulaient rien
croire de tout ce qui était dans cet écrit.
De Paris, le 4 de la lune de Rebiab, 2, 1712. Deux dates, l’une pour donner de l’exotisme
Montesquieu, Lettres Persanes, 1721 et de la crédibilité à la lettre, l’autre réalise.
La première est la date imaginaire de
l’écriture de la lettre. Elle fait partie du texte.
La seconde est la date de parution. Elle ne
fait pas partie du texte à commenter mais
c’est une information importante pour
comprendre les enjeux.
ETAPE 5 : Bâtir son plan
Après cette étude, il convient de bâtir son plan. Entre l’étude linéaire et les huit pointsclé, il apparaît évident qu’il faudra évoquer le caractère plaisant du texte et les cibles de la
critique.
Pour ce type de texte, il est possible de faire un plan assez simple en deux parties et
pour montrer qu’avec la méthode, il est possible de faire un plan, les sous-parties son
inspirées uniquement des points clés. Ce n’est pas le plus pertinent, mais ça peut marcher :
I Un texte plaisant
L’épistolaire
Le regard étranger
L’ironie
II Une critique efficace
La critique
Les lumières
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Voici une autre proposition, plus dynamique, et qui utilise aussi les aspects dégagés
par l’étude linéaire :
I Comment Montesquieu donne-t-il au texte un caractère plaisant ?
L’épistolaire qui permet l’exotisme
Le regard étranger naïf
L’habileté du conteur Rica
II Comment se met en place l’ironie ?
L’épistolaire qui cache la voix de Montesquieu derrière celle de Rica
Un grand nombre d’allusion à des faits historiques (périphrases)
III Comment se met en place une critique virulente de la société
Critique du roi (politique)
Critique de la religion
Critique cachée du peuple
Peu importe que vous choisissiez le premier, le second plan ou un plan personnel. Ce
qui compte, c’est la manière dont vous allez emplir vos sous-parties et rédiger.
Quand vous aurez bâti votre plan, faudra songer à la problématique. Rappelez-vous
toujours que c’est la question à laquelle votre devoir répond.
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Proposition de plan détaillé
Problématique : Comment se met en place une critique violente de l’autorité
royale et pontificale à travers le regard faussement naïf d’un étranger ?
I Comment Montesquieu donne-t-il au texte un caractère plaisant ?
1) Le choix du genre : l’épistolaire (une lettre, des Persans, présence de dates et de lieux,
exotisme)
2) La naïveté feinte de Rica : Absence de noms pour désigner le roi et le pape, présentation
de ceux-ci et présence de nombreuses périphrases pour remplacer des termes spécifiques.
2) Rica, un habile conteur : Habileté dans la progression de la description. Deux
mouvements : la présentation du roi, puis du pape. Il ménage son interlocuteur et prévoit ses
réactions : « ne doit pas t’étonner ». Il pique sa curiosité. Les mots « mines d’or » et «
richesses » suscitent les questions du lecteur qui attend une explication.
CCL : L’efficacité du texte tient à son caractère plaisant. Le regard que le Persan
porte sur la société lui procure une certaine légèreté et provoque l’intérêt du lecteur qui
pénètre dans cette correspondance.
II Comment se met en place l’ironie ?
1) Une correspondance fictive : Dates qui ne concordent pas. Evite la censure. Présence du
peuple dans le texte. Montesquieu parle au lecteur, derrière Rica qui s’adresse à Ibben.
2) Un grand nombre d’allusions à des faits historiques : mines du roi d’Espagne au Pérou,
guerres de la ligue d’Augsbourg et de la succession d’Espagne, déflation, émission du papier,
sainte Trinité, Eucharistie, bulle Unigentus, et Jansénistes.
CCL : Une connivence s’établit entre Montesquieu et son lecteur qui, grâce à l’ironie,
rend le texte savoureux à double titre. D’abord le lecteur éprouve le plaisir de découvrir un
texte plaisant qui présente un regard neuf sur la société. Ensuite le fait d’être capable de
déchiffrer l’ironie et de comprendre son sens donne une certaine fierté qui fait l’efficacité du
texte.
III Comment se met en place une critique virulente de la société
1) Reproches adressés au roi : manipule ses sujets, se sert d’eux, égoïste, vaniteux.
2) Critique de la religion : incohérences, manipulation du peuple.
3) Critique du peuple : Servile, naïf, crédule.
CCL : Trois cibles apparaissent. Le roi et le pape sont présentés comme des
manipulateurs qui se jouent de leurs sujets. Mais cette manipulation n’est possible que grâce à
leur crédulité et leur soumission.
Conclusion :
En présentant le regard naïf d’un étranger, Montesquieu évite la censure, rend son
texte plaisant et établit un lien très fort avec son lecteur. Il peut ainsi critiquer violemment la
société, toujours de manière détournée. Le lecteur est ainsi amené à remettre en question le
pouvoir absolu du roi, contester l’autorité du pape et se rendre compte de sa crédulité. Le
texte est ainsi rendu plaisant et efficace.
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ETAPE 6 : Rédiger
Dans cet exemple, toutes les introductions et conclusion de parties et de sous parties
sont mises en gras. Vous devez absolument tout introduire et toujours revenir au thème de la
partie que vous traitez.
En 1721, Montesquieu publie les Lettres Persanes. Il s’agit d’un recueil
de lettres, écrites par deux Persans venus en France : Rica et Usbek. Les lettres
sont donc écrites à travers le regard d’étrangers, ce qui permet de faire une
présentation originale et critique des mœurs et coutumes françaises.
Rica est à Paris depuis un mois quand il écrit la « Lettre 24. Il y fait une
Présenter
présentation étonnante de Louis XIV puis du pape Clément XI. Le roi et le pape
le texte et
sont, à l’époque deux figures d’autorité importantes : le roi est souverain absolu
la
problémati et l’influence du pape et de la religion sont considérables. A travers cette
description vue par les yeux d’un voyageur persan, de nombreux reproches
que
leurs sont adressés, c’est pourquoi il conviendra de se demander comment se
met en place une critique violente de l’autorité royale et pontificale à travers le
regard faussement naïf d’un étranger.
Pour répondre à cette question, interrogeons-nous d’abord sur le
Annoncer
caractère plaisant du texte, pour ensuite étudier le fonctionnement de l’ironie et
le plan
enfin évoquer la critique virulente de la société qui apparaît.
**
*
Introduction
Les Lettres Persanes de Montesquieu sont rendues plaisantes par le
de la
choix de l’épistolaire. La lettre 24, tout particulièrement, est très amusante
première
parce que Rica, le destinateur est un habile conteur et que sa naïveté est
partie
désopilante.
I, 1 Les
En effet, le choix de l’épistolaire est une façon pour Montesquieu de
introductions faire un récit plaisant. Les noms même des deux persans « Rica » et « Ibben »
et
a quelque chose d’exotique et original qui fascine le lecteur. Le choix du lieu
conclusions
« Smyrne » fait également rêvé parce qu’il évoque un lieu lointain. Et la
renvoient
précision de la date « le 4 de la lune de Rebiab, 2, 1712 » fait sourire parce que
toujours à
l’axe de la
sous couvert de vraisemblance, elle n’a rien de réaliste. Ainsi, l’épistolaire et
partie.
le choix des personnages donne au texte un caractère plaisant.
I, 2 Les
Ensuite, Montesquieu choisit de donner la parole à un Persan au
introductions regard naïf, ce qui confère au texte son caractère amusant. Rica semble
et
découvrir la France avec étonnement et la présenter à Ibben pour la lui faire
conclusions
découvrir à son tour. Il présente donc deux des plus grands personnages de
renvoient
l’époque : le roi et le pape. Il n’utilise pas leurs noms (Louis 14 et Clément XI),
toujours à
l’axe de la
comme si cela n’avait finalement pas d’importance. Il les présente comme si
partie.
c’était de parfaits étranger pour son lecteur avec des tournures comme « ce que
je te dis… » ou « il y a… ce magicien s’appelle » et il les compare tous les deux
à un « grand magicien ». Avec cette métaphore, on imagine le roi de France
avec un chapeau et qui fait sortir des billets en fonction de ses besoins. L’image
le décrédibilise totalement. Rica utilise aussi de nombreuses périphrases pour
remplacer des termes spécifiques dont il ignore le nom comme « trois ne sont
qu'un » pour désigner la trinité. En procédant de la sorte, Montesquieu rend
la naïveté de Rica amusante pour le lecteur.
Enfin, ce personnage est également un habile conteur et cela rend aussi
I, 3 Les
Introduire
le sujet
introductions
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La méthode du commentaire composé en six étapes, exemple expliqué, Leslie Benadiba, Prof sans frontières
et
conclusions
renvoient
toujours à
l’axe de la
partie.
Conclusion
de la
première
partie
Introduction
II, 1 Les
introductions
et
conclusions
renvoient
toujours à
l’axe de la
partie.
II, 2 Les
introductions
et
conclusions
renvoient
toujours à
l’axe de la
partie.
Conclusion
de la
deuxième
partie
le texte plaisant. Il fait preuve notamment d’une habileté déconcertante dans la
progression de sa description. Le texte s’articule autour de deux mouvements :
la présentation du roi, puis du pape qui suit un ordre hiérarchique logique. Rica
ménage son interlocuteur et prévoit ses réactions avec des remarques comme
« ne doit pas t’étonner » alors qu’évidemment, ses descriptions du « prince » et
du « pape » sont très surprenantes. Il pique la curiosité du lecteur et le tient en
haleine. Par exemple, la rencontre des deux propositions dès le début du texte
« il n’a pas de mines d’or » et « mais il a plus de richesses » suscite les
questions du lecteur qui attend une explication. Ainsi, le discours de Rica doit
tenir son destinataire, Ibben, en haleine parce qu’il suscite son intérêt.
Avec lui, la curiosité du lecteur est piquée
Donc, l’efficacité du texte tient à son caractère plaisant. Le regard
que le Persan porte sur la société lui procure une certaine légèreté et provoque
l’intérêt du lecteur qui pénètre dans cette correspondance. Les aspects amusant
sont associés à l’ironie.
.
L’ironie est omniprésente dans cet extrait et c’est sur elle que
repose tout l’intérêt du texte.
En effet, l’ironie est crée par l’épistolaire : la correspondance entre
les deux Persans est fictive quoi qu’en dise l’auteur dans la préface. Cette
fiction lui permet de critiquer la société tout en évitant la censure. La lettre est
écrite de Rica à Ibben mais en amont, Montesquieu s’adresse au lecteur du 18e
siècle pour le faire réfléchir sur la société dans un style propre à l’esprit des
lumières. La date « 1712 » renvoie au moment supposé de l’écriture de la
lettre. Cela donne de la vraisemblance au récit mais en même temps la
précision « le 4 de la lune de Rebiab » est très exotique et amusante. La date de
parution « 1721 » montre le décalage avec l’écriture et souligne la présence
d’un double système d’énonciation. Le décalage entre la naïveté de Rica et la
portée de ses paroles ne peut être saisie par le lecteur qu’avec l’idée que la
voix de Montesquieu s’exprime derrière. Ainsi, l’épistolaire permet la mise
en place de l’ironie.
Ensuite, l’ironie s’exprime en grande partie à travers les
périphrases que le lecteur doit comprendre. Le texte présente n grand
nombre d’allusions à des faits historiques : les mines du roi d’Espagne au
Pérou avec « mines d'or comme le roi d'Espagne », guerres de la ligue
d’Augsbourg et de la succession d’Espagne « de grandes guerres »,
déflation « un écu en vaut deux », émission du papier « un morceau de papier
est de l'argent », sainte Trinité « trois ne sont qu'un », Eucharistie « le pain
qu'on mange n'est pas du pain » et « le vin qu'on boit n'est pas du vin », bulle
Unigentus « certains articles de croyance », et Jansénistes « ils ne voulaient
rien croire de tout ce qui était dans cet écrit. » Le lecteur doit saisir avec les
multiples périphrases toutes ces allusions, qui ne sont pas toujours évidentes,
pour comprendre la portée du texte. Ainsi, l’ironie est omniprésente à
travers tout le texte.
Donc, une connivence s’établit entre Montesquieu et son lecteur
qui, grâce à l’ironie, rend le texte savoureux à double titre. D’abord le
lecteur éprouve le plaisir de découvrir un texte plaisant qui présente un regard
neuf sur la société. Ensuite le fait d’être capable de déchiffrer l’ironie et de
comprendre son sens donne une certaine fierté qui fait l’efficacité du texte. En
procédant ainsi, Montesquieu met le lecteur de son côté et le rend réceptif
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à la critique.
Introduction
de la
troisième
partie
III, 1 Les
introductions
et
conclusions
renvoient
toujours à
l’axe de la
partie.
Dans cette lettre est développée toute une critique du pouvoir
politique et religieux et une satire du roi et du pape. A travers, le peuple est
également pris pour cible.
En effet, le roi apparaît comme un terrible manipulateur qui joue
avec ses sujets comme avec des pantins. Il est vaniteux comme le montre la
comparaison « la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines ». Les
sujets sont à l’image du roi : les mots « vanité » et « inépuisable » sont presque
oxymoriques car la « vanité » désigne le vide. Autrement dit, il tire sa
puissance d’un vide inépuisable. La figure de style fait sourire le lecteur tout
en critiquant violemment le monarque. Il est également belliqueux comme
l’indique « on lui a vu soutenir de grandes guerres » et ses caisses sont vides
« que titres d'honneur à vendre » donc ce roi apparaît ici comme un très bon
acteur, qui joue la comédie mais qui tire sa puissance du néant. Ainsi, Louis
14 est très clairement critiqué sans que son nom n’apparaisse jamais.
III, 2 Les
De plus, Montesquieu prend le pape pour deuxième cible de sa
introductions critique. Le pape est soigneusement présenté avec deux mises en relief : « ce
et
que je te dis ne doit point t’étonner » et « il y a un autre magicien » Cet « autre
conclusions
magicien », est le pape Clément XI, dont le nom n’est pas cité. Rica le
renvoient
compare au roi avec une proposition subordonnée relative difficile et subtile :
toujours à
l’axe de la
« qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des
partie.
autres ». Il faut comprendre que le pape (désigné par le pronom « qui ») est le
maître du roi (« son esprit » désigne l’esprit du roi) et que le roi est le maître de
ses propres sujets (« celui des autres » désigne l’esprit des autres). Ils sont
comparés l’un à l’autre par une négation « n’est pas moins » qui ressemble à
un euphémisme. Il faut comprendre que le pouvoir du pape sur l’esprit de gens
est beaucoup plus fort que celui du roi, ce qui n’est pas rien. La tournure est
admirable car elle évoque les manipulations du roi et du pape tout en
manipulant l’esprit lecteur : entre les pronoms « il », « son », « celui » et
« lui », on ne sait plus qui est qui ! Le tour de passe-passe du pape apparaît
dans l’écriture même de la lettre. Il ressemble donc à un terrifiant manipulateur
qui est capable de faire croire n’importe quoi à n’importe qui. Et les
périphrases pour désigner l’eucharistie et la trinité « trois ne font qu’un »
viennent confirmer cette impression du départ. Ainsi, la critique du pape est
très virulente.
III, 3 Les
Enfin, le peuple est la dernière cible de la critique de Montesquieu.
introductions Au début du roman, il dénonce l’orgueil de ceux qui achètent des charges et
et
des titres de noblesse, il évoque leur « vanité » en même temps que celle du
conclusions
roi.
Quand il s’agit de fournir les moyens de faire la guerre à leur monarque, ils
renvoient
sont d’une efficacité déconcertante : le groupe ternaire composé de trois noms
toujours à
et participes passés « ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses
l’axe de la
partie.
flottes équipées. » met l’accent la rapidité avec laquelle le roi peut trouver ses
fonds. Mais la remarque « prodige de l’orgueil humain » décrédibilise le
peuple. Montesquieu lui reproche également d’être toujours servile. Le
parallélisme de construction entre les deux propositions subordonnées
d’hypothèse « s’il n’a qu’un million d’écu dans son trésor » et « s’il a une
guerre difficile à soutenir » donne une impression de répétition : le roi exerce
© Leslie Benadiba www.profsansfrontieres.com
La méthode du commentaire composé en six étapes, exemple expliqué, Leslie Benadiba, Prof sans frontières
constamment son influence sur ses sujets et ils sont toujours crédules. Ainsi, la
naïveté du peuple est autant dénoncée que le culpabilité du roi et du pape.
Donc, trois cibles apparaissent. Le roi et le pape sont présentés
Conclusion
comme des manipulateurs qui se jouent de leurs sujets. Mais cette
troisième
manipulation n’est possible que grâce à leur crédulité et leur soumission.
partie
**
*
En conclusion, en présentant le regard naïf d’un étranger, Montesquieu
Conclusion
évite la censure, rend son texte plaisant et établit un lien très fort avec son
générale
qui répond lecteur. Il peut ainsi critiquer violemment la société, toujours de manière
détourné. Le lecteur est ainsi amené à remettre en question le pouvoir absolu du
à la
problémati roi, contester l’autorité du pape et se rendre compte de sa crédulité. Le texte est
ainsi rendu plaisant et efficace.
que
Ces procédés du regard étranger et de l’ironie sont très fréquents au 18e
Ouverture
siècle, surtout dans les contes avec, par exemple, L’ingénu de Voltaire.
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