Processus de ghettoïsation et mode de
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Processus de ghettoïsation et mode de
Les jeunes de la cité Processus de ghettoïsation et mode de socialisation Depuis l’émeute des Minguettes, la «violence des jeunes de cité» est devenue un problème de société aux enjeux électoraux importants. guerrier » renvoie aux solidarités « guer- ler ces observations de terrain à cer- rières » faites de luttes stratégiques, rela- taines évolutions structurelles dont tionnelles, politiques. La force du souffre notre société depuis le tournant nombre est déterminante. Le « capital des années 1980 : installation d’un guerrier » est aussi constitué par les chômage structurel, renforcement de la capacités mentales et physiques néces- ségrégation urbaine, dépolitisation et saires pour réfléchir et agir sous le feu de désyndicalisation, augmentation des l’action (confiance en soi, force phy- violences physiques interpersonnelles sique…). Il renvoie à la faiblesse du au sein de la jeunesse des quartiers monopole étatique de la violence phy- défavorisés… sique, une faiblesse qui semble exister à L’articulation retenue fait jouer trois différents degrés dans la plupart des logiques : milieux sociaux masculins, comme nous • logique numéro 1 : l’accroissement La problématique invite à le penser l’anthropologie de de l’oppression structurelle a créé de Dans les trois cités HLM (une de la l’honneur menée par Julian Pitt-Rivers. l’anomie ; banlieue sud, une autre de la banlieue Le « capital guerrier » des « jeunes de la • logique numéro 2 : une logique oscil- nord de Paris et une du quartier nord cité » est un capital dans le sens où il lant entre communautaire et micro- de Marseille) que j’ai étudiées, entre peut se convertir dans bien des situa- sociétaire 2000 et 2003, via l’observation, il tions (appropriation d’un marché illici- l’accroissement de l’oppression struc- existe de nombreuses références à un te, intimidation lors d’une joute verbale, turelle a aussi progressivement forcé groupe dit des « jeunes de la cité ». protection des frères et sœurs, utilisa- une partie des populations qui en tion abusive des ressources communes étaient victimes à développer des Cette étude a cherché à délimiter les au groupe des « jeunes de la cité » formes d’organisation. Si ces formes contours de ce groupe : la séparation – boissons, nourritures, scooters…). d’organisation Thomas Sauvadet ATER au département de sociologie Thèse de doctorat en sociologie soutenue le 22 novembre 2004 sous la direction de Michel Joubert [ dans la mesure peuvent où paraître mineures, voire contraires à la notion relative masculin/féminin, celle entre les jeunes et les adultes, et surtout celle Le champ « jeunes de la cité » étant d’organisation – du fait de la brutalité entre les garçons qui se revendiquent composé de positions différenciées, il qui peut les caractériser –, elles exis- de ce groupe et ceux qui s’en tiennent existe différents types de stratégie par tent néanmoins et témoignent réguliè- plus ou moins à l’écart. rapport au « capital guerrier » : certaines rement de profondes solidarités contournent son acquisition directe en (réconforts, prêts et dons, luttes col- L’étape suivante a été de comprendre recherchant des protecteurs, donc via la les différentes positions qui structurent recherche de capital social, d’autres uti- • logique numéro 3 : les ressources ce groupe, en fonction du temps de lisent tous les moyens disponibles. enfantées par l’organisation sociale présence, de la position hiérarchique, Enfin, certains jeunes n’ont rien à prou- des « jeunes de la cité » produisent de l’âge et des activités pratiquées. ver : le simple fait qu’ils soient « le petit aussi des rivalités. Par exemple, Enfin, cette thèse analyse le mode de frère de… » suffit à garantir leur « hono- l’élaboration d’un projet associatif hiérarchisation prédominant au sein de rabilité », leur « respectabilité ». ou d’un marché illicite suscite des l’espace de socialisation concerné, utili- lectives contre le stigmate) ; rivalités spécifiques liées au contrô- sant un capital qualifié de « guerrier ». La Tout au long de mes recherches, une le de cette association ou de ce cohésion sociale créée par ce « capital problématique majeure a été d’articu- marché. d’une violence « horizontale » (vols, sociale du groupe « jeunes de la cité ». agressions, etc., entre proches). vivre Ces trois logiques caractérisent la vie « capital guerrier » n’est pas aisément Depuis l’émeute des Minguettes, à condamnable sur le plan moral. Lyon, en 1981, la « violence des Chacun est mis ici devant ses respon- jeunes de cité » est devenue un problè- sabilités : « la » société comme les me de société, aux enjeux électoraux jeunes concernés par l’étude. Il y a ni importants à partir des années 1990. « sauvageons », ni « simples victimes La problématique est souvent envisa- de la stigmatisation », ni diabolisation, gée en terme de « Nous » – « Nous » les ni angélisme, mais une analyse dialec- enseignants, « Nous » les policiers, tique entre violences macro-sociales et « Nous » les autres résidents de la violences micro-sociales. cité…– et de « Eux » – « Eux » les L’enjeu est de faire connaître une per- « jeunes de la cité ». ception plus complexe de la « violen- À partir de nombreuses observations de ce terrain à l’intérieur de ces groupes de perception liée à l’analyse de la jeunes, mon travail montre que les pre- double oppression que représente l’ar- jeunes de cité », une mières victimes de cette violence (ver- ticulation de la violence « verticale » à bale, physique…) sont les jeunes qui celle d’ordre « horizontal », car c’est la produisent, du fait qu’ils sont tour à dans ce contexte que les jeunes tour auteurs et victimes. Les chiffres concernés en viennent à produire de des services de police et ceux des la violence verbale et physique. découvrir des voyager Pour toutes ces raisons, la recherche de Les enjeux contemporains violences, il faut comprendre leur sen- mières victimes de la dite « insécurité ». timent d’insécurité, ce qui renvoie à L’observation directe, in situ, de la vie une analyse multi-factorielle. sociale de ces groupes, permet de com- Les pistes pour l’action sont de diffé- prendre la rationalité et la moralité de rents ordres : certains comportements pourtant stig- • au niveau structurel, ce travail consi- matisés. dère la réduction des inégalités Le « capital guerrier » des « jeunes de la comme un enjeu déterminant de la cité » est dans bien des situations une pacification de notre société ; capacité d’adaptation. Il renvoie à des • au niveau des groupes de « jeunes enjeux particulièrement sérieux ainsi de la cité », il considère que ceux-ci qu’à une époque déterminante dans la doivent être l’objet d’orientations construction de la personnalité : celle diverses : ouverture sur les adultes et de la jeunesse. les filles du quartier, ouverture sur L’acquisition de ce « capital » vise dans l’extérieur du quartier, luttes contre bien des cas à la préservation de la le machisme et le racisme, critiques subjectivité, à l’affirmation de la quali- de l’individualisme et du matérialis- té de personne, à la préservation des me (autant de luttes et de critiques proches, à imposer des limites aux qu’il s’agit également de mener dans multiples visages de la domination, l’ensemble de la société), mises en c’est-à-dire le garde au sujet des rivalités internes « broyeur » que représente l’articulation au groupe, politisation, organisations d’une violence « verticale » (chômage, économiques locales autres qu’illi- discriminations, cites. à exister malgré répressions…) et ] n° 8 - mai 2005 habitent les cités HLM sont les pre- magazine P a r i s 8 Autrement dit, pour comprendre leurs page 11 d’ailleurs le fait suivant : les jeunes qui s’exprimer enquêtes de victimisation confirment