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Anthologie de la musique citadine Algérienne
çanaa d’Alger
Essoundoussia
direction d’orchestre Smaîn Hini
Nouba
Mezmoun
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Essoundoussia
La Nouba Mezmoum
L’association Essoundoussia a été créée en 1986 à Alger. La libéralisation des moeurs
politiques issue des réformes de 1980 en Algérie a en effet permis à de nombreux
groupes, plus ou moins informels, de musiciens de se constituer pour produire des
spectacles et former des élèves. D’autres musiciens ont préféré garder leur statut de
musiciens professionnels.
Dès le début de son activité, l’association Essoundoussia a donné la priorité à la
diffusion musicale. Guidée par la volonté d’ascension rapide, ses dirigeants se sont
attachés à enregistrer un grand nombre d’œuvres, à être présents dans les plus grands
festivals, à remporter le plus de gratifications possibles… L’objectif était clairement
de dominer la scène musicale algérienne. Cette fougue s’est vite révélée fructueuse
et une multitude d’enregistrements discographiques, de concerts dans le pays et à
l’étranger, d’actions de formation, a fait de cet ensemble un des fleurons de la culture
algérienne.
Culture et histoire de l’association musicale algéroise
A l’écoute de l’ensemble Essoundoussia, on est souvent surpris par le nombre
important de musiciens. L’auditoire occidental est peu attiré par ce type de formation.
Les groupes de musiques ethniques que le public parisien découvre chaque année
dépassent rarement les six à sept interprètes. L’acculturation “nécesssaire“ qui a
façonné et transformé le paysage des sociétés maghrébines n’est souvent pas pris en
considération par les producteurs de musique étrangers. La recherche d’esthétiques
anciennes garantit pour eux l’aspect folklorique des musiques traditionnelles, ce fait
se traduit par un rejet enbloc d’une certaine modernité à laquelle aspire la majorité
des musiciens maghrébins.
Pour tenter de concilier ces deux tendances contradictoires, j’ai demandé à
Smaïn Hinni, président et chef d’orchestre de Essoundoussia, d’enregistrer deux
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nouba-s- avec un minimum de musiciens et en prise de son directe*. Le résultat est
extraordinaire : les musiciens (la plupart ont été formés dans l’esprit des grands
ensembles) ont, d’une part découvert le plaisir et l’art de s’écouter mutuellement, de
s’exprimer et d’échanger leur savoir-faire, et le public, d’autre part, par nostalgie ou
par goût, crée avec ces mêmes artistes une relation hédonique.
Dans cet enregistrement, l’ensemble Essoundoussia montre que les musiciens qu’il a
formés sont capables d’égaler leurs maîtres - j’entends par “égaler“ «avoir acquis le
même niveau de maîtrise de l’instrument et de l’interprétation des œuvres» … Les
choses sont différentes en matière de connaissance du répertoire.
On peut aussi se poser la question de savoir pourquoi à Alger et ailleurs, les chefs
d’orchestres veulent toujours rassembler le plus d’interprètes possibles, la réponse à
cette question n’est pas simple, j’avancerai trois arguments pour tenter d’y répondre.
Il est étonnant de voir que “consciemment ou inconsciemment“, Smaïn Hinni, tout
envoulant rendre hommage au personnage le plus illustre du mouvement associatif
musical algérien (Mahieddine Bachetarzi), rompt en même temps avec les dogmes
et l’histoire de ce mouvement. C’est sur un point précis, celui de l’élargissement des
formations musicales que s’est faite l’histoire contemporaine de la musique algéroise.
S’agit-il d’une remise en question des principes pédagogiques associatifs, inaltérables
depuis la naissance de la société El Moutribia dans les années trente ? Est-ce une prise
de conscience ? Celle qui consiste à privilégier l’esthétisme au profit de la pédagogie
? L’institution musicale, financée et contrôlée par l’Etat, n’est elle pas en perte de
vitesse face à une nouvelle recherche du “beau“ ? Toutes ces questions semblent
exprimer “qu’un retour aux valeurs anciennes est primordial, même si ces valeurs
sont contraires aux statuts associatifs“. Tous les dirigeants d’associations musicales le
proclament. Je dirais simplement pour ma part que la puissance de l’art l’emporte, une
fois de plus, face aux stratégies idéologisantes des pouvoirs.
Le second argument s’avère aussi important. Tout en préservant la structure moderne
de formation et de production musicales, les responsables des groupes reviennent aux
notions du mérite et de l’élite. Permettre aux seuls élèves en fin de cycle de formation
de participer aux différentes manifestations crée un certain élitisme vigoureusement
combattu par les associations d’amateurs. On considère aujourd’hui que seuls le
travail et l’assiduité mènent à la maîtrise de la musique. Il est même sournoisement
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toléré - autre interdit associatif - de fréquenter les maîtres non-enseignants.
Est-il nécessaire de dire, dans un troisième temps, que la production de la musique
dans le monde occidental est soumise aux conseils des spécialistes. Scientifiques
ou mélomanes avertis, ces intermédiaires conçoivent des programmes adaptés aux
“goûts“ du public local. Cela va souvent à contre courant de l’évolution de la musique
dans les pays du sud méditerranéen. Cette assistance artistique oblige les artistes à
réorganiser les ensembles et à travailller sérieusement les œuvres. Le consensus est
parfois difficile à atteindre, mais quand les projets se réalisent enfin, producteurs,
artistes et conseillers goûtent tous à la même passion, celle de la musique dans
l’intimité.
A propos de la terminologie de la nouba
La plupart des musicologues semblent unanimes sur le sens du terme “nouba“.
Rappelons que la nouba est le protocole qui gére une suite de pièces instrumentales
et vocales selon un agencement de modes et de rythmes bien particuliers. Depuis la
naissance de ce protocole en Andalousie au Moyen-Age, toutes les composantes de la
nouba ont subi plus ou moins de changements, seul le nom est resté.
Les écrits des historiens et des musicologuesarabes du Moyen-Age définissent la
Nawba comme une alternance de musiciens de cour rivalisant devant les princes et les
monarques pour obtenir des faveurs.
La racine Nâba, qui signifie “survenir, remplacer, alterner“, semble ne pas avoir de
rapport étymologique avec la suite musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le tour de chant devant la cour est une chose révolue, et même si cette manifestation
avait régulièrement lieu autrefois, il est difficile d’admettre l’idée d’une alternance où
des musiciens rivaux devaient respecter un ordre de mouvements, de rythmes et de
modes.
La Niâba, autre substrat du verbeNâba , est une autorisation que les poètes professionnels accordaient aux musiciens qui interprétaient leurs compositions… Droits
d’auteur oblige.
La notion d’alternance sur laquelle est fondé le concept de nawba me paraît donc
inadéquate. Par contre, quand on observe le verbe Intâba - dont la racine est toujours
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Nâba - et qui signifie “atteindre quelqu’un, s’emparere de l’esprit de quelqu’un“
“trotter dans la tête“ de quelqu’un, “envahir quelqu’un sentimen-talement“ on peut
se poser de sérieuses questions.Car dans ce contexte sémantique, la notion de Tarab,
notion fondamentale de la musique arabe et persane, est tout à fait adaptée. Le
Gh’râm des maghrébins, équivalent du Tarab chez les levantins, énonce l’idée de
passion. La passion est un concept clef et quasiment intemporel. Ceci peut expliquer
l’immuabilité du terme Nawba pendant sept siècles.
Si la Nawba est, du point de vue technique un ensemble de matériaux
mélodiques, rythmiques et poétiques, du point de vue affectif et métaphysique, elle est
l’émotion qui envahit toute personne initiée. pour l’apprentissage de la musique et la
pérénité de la tradition orale, maîtres et disciples doivent totalement s’investir dans cette
musique par passion et y trouver un lien affectif profond. La musique doit véritablement
“habiter“ les apprentis musiciens pour leur permettre de mémoriser les centaines de
pièces du répertoire et d’en restituer toutes les dimensions.
La Nouba Mezmoum
On retrouve dans la Nouba mezmoum tous les ingrédients de la suite musicale
andalouse algéroise. Les mouvements Mçaddar, B’taïhi, Darj, Insiraf et Khlâç
(Largo, Andante, Andantino et Final) sont entrecoupés d’interludes instrumentaux
appelés Kriçi . Les soli instrumentaux sont placés entre le troisième et le quatrième
mouvement. Cette tradition permet aux musiciens de se reposer avant d’entreprendre
la deuxième partie de la cérémonie musicale. Il est également de coutume à Alger
d’interpréter des Inklâbât’, courts poèmes assez vifs qui donnent le ton et remplacent
souvent la Touchia, le prélude instrumental.
Les cinq mouvements cités plus haut n’ont pas dans la çannaa algéroise la signification
et l’importance qu’ils ont dans les traditions classiques de l’Est et de l’Ouest algérien.
Ce sont en réalité deux grands mouvements regroupant cinq sous mouvements. Le
premier englobe le M’çaddar, le b’taïhi et le darj. Les trois ont un même rythme
binaire, qui va crescendo. Dans ce contexte il est parfois difficile de faire, par exemple,
la différence entre un B’taïhi et un Darj . Le seul moyen d’identifier les pièces est de
revenir à la métrique et à la structure du poème.
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Les voix féminines : une ère nouvelle dans le chant arabo-andalou
Quand on écoute l’ensemble Essoundoussia, on ne peut manquer d’être attiré par le
mélage de voix masculines et féminines. L’intégration des femmes dans la musique
date des années soixante-dix. Cette expérience instaurée en Algérie par la société El
Mossilia n’était pas la première du genre. Bien avant elle, la Rachidia de Tunis avait
créé des choeurs mixtes.
Le but recherché à travers cette nouvelle organisation de la musique n’était sans
doute pas d’ordre esthétique. Ni la classification des voix, ni l’adaptation des œuvres
n’avaient fait l’objet de réflexions préalables. Le but de cette action était de marquer
une nette distinction entre l’aspect éducatif des associations et l’activité des groupes
professionnels où les femmes n’avaient pas leur place…
L’introduction de voix féminines a changé radicalement l’économie sonore de la
musique; Il est vrai que le mélange des voix est couramment utilisé dans le chant
choral, mais la combinaison est bien étudiée. Elle regroupe généralement des soprani,
des alti, des ténors et des basses. Dans la musique arabo-andalouse le contexte
est totalementdifférent : la musique n’est pas polyphonique et rien n’a été changé
dans les structures mélodiques. Les modes sont fixés sur des tonalités prores au
chant masculin.
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Jadis les chanteuses avaient leur propre répertoire, elles ne s’accompagnaient que
d’instruments à percussions, et si l’on n’entendait pafois un ou deux instruments mélodiques, ils étaient accordés sur la voix de la chanteuse principale.
En fin de compte, les voix féminines ont fini par “s’adapter“ aux voix masculines. Mais
comme elles sont placées à une octave supérieure et qu’il n’y a pas de véritables voix
de basses chez les hommes, on a l’impression que les voix féminines dominent dans
tous les cas. Il fallait donc démultiplier les voix d’hommes.
Un nouveau style de chant, basé sur la mixité des voix existe bel et bien aujourd’hui
et fait la spécificité des associations musicales. Il est l’emblème même de l’ensemble
Essoundoussia, et largement présent dans la nouba Mezmoum.
Taoufik Bestandji
* Tous les disques produits par l’ensemble Essoundoussia étaient, jusqu’à celui-ci, enregistrés en re-recording.
La Nouba Mezmoum
1) Inklab : Touaïri Mesrer Pièce VI d’introduction
2) Inklab : Ya Ghaïet’ el Maksoud Pièce VI d’introduction
3) M’çaddar : Ya Men Saken Sadri 1er mouvement
4) B’taïhi : At’ani Rasoul 2ème mouvement
5) Istikhbâr : Alto, Mandoline, Luth Soli instrumentaux
6) Darj : Lilleh Ma As’ab Errahil 3ème mouvement
7) Insrâf : Kam Lî fil machia 4ème mouvement
8) Insrâf : Koum Yassir Lani Qit’âne 4ème mouvement
9) Klâçl : ya rouhî Wa Ya Raîhânî 4ème mouvement
10) Khlâç 2 : Ya Moukâbil 5ème mouvement
11) Khlâç 3 : Lâkayt’ou habîbî 5ème mouvement
12) Khlâç 4 : Andour Lil Achîa 5ème mouvement
13) Khlâç 5 : Mâ Kount’ou Adrî 5ème mouvement
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Essoundoussia
The Mezmoum Nouba.
Essoundoussia was founded in 1986 in Algiers. The liberalisation of politics following
the 1980 reforms in Algeria allowed musicians to form more or less informal groups
to perform and train other musicians. Other musicians preferred to keep their status as
professional state musicians.
From the start Essoundoussia made distribution their priority. The directors wanted
the group to become known quickly so made a large number of recordings, performed
in the biggest festivals and took part in as many contests as possible... Their goal was
clearly to dominate the Algerian musical scene. This policy quickly paid off and this
group is now one of the jewels of Algerian culture.
Culture and history
When listening to Essoundoussia one is often surprised by the large number of
musicians. Western listeners are not particularly attracted to this type of group. The
ethnic groups that are discovered in Paris rarely count more than six or seven musicians.
The necessary acculturation that has shaped and transformed north African society is
not usually taken into consideration by western music producers. This emphasis on
traditional music and folklore has resulted in a massive rejection of the modernisation
that is aspired to by the majority of musicians from the maghreb.
I have attempted to reconcile these contradicting trends by asking Smaïn Hinni,
chairman and orchestra leader of Essoundoussia, to record two noubas with a small
number of musicians, in a direct take. The result is extraordinary: the musicians (most
were trained within large orchestras) discovered the pleasure and art of listening to
each other and exchanging their knowledge. The public, either by nostalgia or by taste,
created a hedonistic relationship with these same artists.
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We can also wonder why conductors in Algiers and elsewhere always bring together as
many musicians as possible. There is no easy answer and I see three possible reasons.
It is interesting to see that in his effort to pay tribute to the most illustrious personality
of Algerian musical associations, Mahieddine Bachetarzi, Smaïn Hinni has broken,
either consciously or unconsciously, with the dogma and history of this movement. The
growing size of orchestras is representative of modern musical tradition in Algiers. Did
this evolve from a questioniong of the teaching principles that had been unchanged since
the forming of the El Moutribia society in the 1930’s? Was it a rise of consciousness?
One that places aesthetics over pedagogy? Is the musical institution that is financed
and controlled by the State losing ground to the new tendency to search for «beauty»?
All these questions seem to express that «a return to former values is essential, even if
these values are contrary to the statutes of musical societies.» All directors of musical
associations proclaim this. I will simply say for myself that the strength of the art itself
once again overcomes the ideological strategies undertaken by the State.
The second reason is just as important. While preserving the modern structure of musical
training and production, the leaders of musical groups are coming back to the notion of
merit and elitism. Amateur musicians strongly criticise the fact that only the final year
students are allowed to perform in concerts. They also tolerate that musicians associate
with non-teaching masters, which is forbidden by state associations.
It also needs to be said that musical production in the west is subject to the counsel of
specialists. These intellectuals and informed music lovers are intermediaries who design
programs that are adapted to local preferences. This often goes against the musical
trends of southern Mediterranean countries and forces the musicians to reorganise their
groups and rework their music. A consensus is often hard to reach. However, when
they finalise a project, the producers, musicians and counsels all are gratified with the
intimacy of the music.
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Nouba terminology
Most musicologists seem unanimous on the meaning of the word nouba. Nouba is the
protocol that defines a suite of instrumental and vocal pieces according to specific modes
and rhythms. From the birth of this protocol in Andalusia in the Middle Ages every part
of the nouba has undergone changes, only the name has remained.
Historians and musicologists of the Middle Ages defined Nawba as court musicians
competing with each other to gain the favour of princes and monarchs. The root Nâba
which means «to come about, replace, alternate» does not seem to have any relationship
with the musical suites that we know today. The time of alternating court singers is
now long gone. While it was a common practice for musicians to take turn playing, it
seems hard to accept that the different musicians would respect an order of movements,
rhythms and modes.
The Niâba, another substrate of the verb Nâba, is an authorisation that was given by
poets to musicians who wanted to put their poems to music... a copyright.
It therefore seems that the idea of alternation on which the nawba is founded is not
appropriate. On the other hand, when we look at the verb Intâba - which also has Nâba
for root - and means «waiting for someone, to capture one’s mind, to run through one’s
mind, to overwhelm someone with feeling» we are getting closer. In this context Tarab,
a fundamental notion of Arab and Persian music is well adapted. The Gh’râm of the
maghreb, equivalent to the Tarab further east, gives the idea of passion. Passion is a key
concept and almost (intemporel). This can explain how the term Nawba has lasted over
seven centuries.
From the technical standpoint the nawba is a set of elements including melody,
rhythm and poetry. From the metaphysical standpoint, it is the emotion that invades
everyone who is initiated into the art. Those who study the music and perpetuate the oral
tradition, masters and disciples, must be totally invested and feel a deep affective link. The
musicians who are learning the art must be inhabited by the music so that they may
memorise the hundreds of pieces contained in the repertory and restitute them in
their full.
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The Mezmoum Nouba
We find all the ingredients of the Algiers Andalusian musical suite in the Mezmoum
nouba. The Mçaddar, B’taïhi, Darj, Insiraf and Khlâç movements (Largo, Andante,
Andantino and Final) are interspersed with instrumental interludes called Kriçi. The
instrumental solos are placed between the third and the fourth movement. This gives
the musicians a chance to rest before the second part of the musical ceremony. It is also
a custom in Algiers to interpret the Inklâbât, short poems that set the tone and often
replace the Touchia, the instrumental prelude.
The five movements mentioned above do not have the same meaning and importance
that they are given in classical music in the East or West of Algeria. These are actually
two long movements that combine five sub-movements. The first includes the M’çaddar,
the b’taïhi and the darj. The three have the same binary rhythm, that goes crescendo. It
is therefore sometimes difficult to hear the difference between one sub-movement and
another. The only way to identify a piece is by going back to the metrics and structure
of the poem.
Female vocals: a new era in Arab-Andalusian song
When you hear Essoundoussia you can only notice the pleasant mix of masculine and
feminine voices. Women were integrated into music in the 1970’s. The El Mossilia
society was among the first to initiate women into their group but it was the Rachidia
society of Tunis that first did so with a mixed chorus.
The societies did not introduce women into their groups for musical reasons. There was
no previous research done to classify voices nor to adapt the repertoire. The purpose was
to make a clear distinction from the educational aspect of independent societies and the
professional groups which did not include women...
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The introduction of female voices radically changed the sound of this music. It is true
that such mixing of voices is commonly used in western choirs but the combination
is well balanced. There is generally a soprano group, alto, tenors and basses. This is
very different in Arab-Andalusian music: the music is not polyphonic and nothing was
changed in the melody structure. The modes are defined for tones that are specifically
masculine.
Before, there was a specific repertory for female singers who were accompanied only by
percussions. Sometimes one or two other instruments would play the melody but they
were tuned to the voice of the lead singer.
At the end of the day, the female voices adapted to male voices. However, since women
sing one octave higher and there are no true basses in these groups, it seems that the
females voices are always dominant. To balance this out they increased the number
of male singers. Today there is a new style of song based on a mix of voices that is
specific to musical societies. This is the emblem of Essoundoussia that is widespread in
the Mezmoum nouba.
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Inklàb mezmoum (I)
Qu’il est gracieux mon petit oiseau !
Il ne supporte aucune remontrance,
Bec jaune et rouge gorge
il chante haut pour animer les fêtes
Il s’est envolé en battant des ailes,
abandonnant les lieux un instant
pour revenir se poser sur ma main
Il y restera à jamais dédaignant autrui.
Inklab mezmoum (I)
How graceful my little bird is!
He does not take any admonishment
Yellow bill and red breast
he sings loud to entertain at parties
He flew off beating his wings,
leaving the place for a moment
before returning to light on my hand
He will forever remain there shunning others.
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Inklàb mezmoum (II)
O objet de mes désirs
tu es le soleil qui éclaire et la lune que j’admire
Ces grains de beauté qui rehaussent l’éclat de ta joue rose !
Ah ! Tous ces attributs de la beauté que tu possèdes
à un point tel que tu envoûtes tous ceux que tu vois
Grâce soit rendue au Créateur
Je souhaiterais te rencontrer
et avoir le privilège d’embrasser ta jolie joue
Sois bienveillante et généreuse
à mon égard ma belle !
Eteins la flamme qui consume mon cœur
Ah ! Ces grains de beauté qui rehaussent
l’éclat de ta joue rose !
Inklab mezmoum (II)
Oh object of my desire
you are the sun that shines
and the moon that I admire
Those beauty marks that enhance the shine
of your rosy cheeks!
Oh! All this beauty of yours
puts a spell on all who see you
Praised be the Creator
I would like to meet you
and have the privilege of kissing your pretty cheek
Be kind and generous with me my beauty!
Put out the flame that consumes my heart
Oh! Those beauty marks that enhance the shine of your rosy cheeks!
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M’çaddar Mezmoum
Toi dont l’amour emplit mon cœur
tu m’as ensorcelé corps et âme
Ah ! Si tu savais ce que j’endure à cause de mon amour pour toi
La nuit pour moi est devenue le jour
Mais que t’importent mes reproches
M’çaddar Mezmoun
You whose love fills my heart
you have bewitched my body and soul
Oh! If you only knew what I endure because of my love for you
Night has become day for me
But what are my reproaches to you?
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B’taïhi Mezmoum
Après m’avoir abandonné
elle dépêche un messager
pour me donner rendez-vous
Elle se présente enfin pleine de compassion et d’excuses
Parée comme une châsse,
Elle m’enlace et exprime clairement ses sentiments
se serre contre moi et tout mon être est réduit à néant
B’taihi Mezmoum
After having left me
she sends a messenger
to set up a date
She finally comes, full of compassion and excuses
Adorned like a shrine
She embraces me and tells me her true feelings
She holds me tight and my whole being dissolves into nothingness.
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Darj Mezmoum
Par Dieu que la séparation me pèse
A force d’endurer je pleure
Mon cœur est las de souffrir
Ma passion est toujours en éveil
Jamais elle ne disparaîtra
Jusqu’au jour de la Résurrection
qui scellera notre rencontre éternelle
La biche s’est éloignée
sautillante, elle apparaît et disparaît
plantant ses flèches en mon cœur
Sa longue chevelure est sombre
comme était la nuit lors de son départ
Darj Mezmoum
By God how separation is hard
It has been so long that it makes me cry
My heart is tired of suffering
My passion is still there
It will never disappear
Until the Judgement Day
which will seal our eternal meeting
The doe moves off
jumping, it appears and disappears
sending arrows into my heart
Her long hair is as dark
as the night that she left.
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Insrâf mezmoum
Comme j’aurais voulu que la destinée favorise mon bonheur
Je passais une soirée avec ma belle
dans un jardin fleuri, le cœur gai,
Quelle soirée !
Soirée de rencontre inoubliable dans un jardin renommé
à l’heure où le soleil s’incline vers l’ouest
Jaune, semblable à de l’or dans du cristal
les oiseaux gazouillent
et ma bien aimée chante des mélodies
au rythme d’un luth
Heureux nous flânons dans les allées verdoyantes
Tandis que les norias projettent abondamment leur eau
Dans tous les sens, dans un mouvement ascendant
et descendant ma belle et moi passâmes une soirée
dans ce jardin enchanté
Insrâf mezmoum
How I would have liked destiny to favor my happiness
I was spending the evening with my beauty
in the flower garden, my heart gay,
What an evening!
An unforgettable meeting in a famous garden
at the hour when the sun leans to the west
Yellow, like gold in crystal
The birds twitter
and my beloved sings to the rhythm of a lute.
Happily we stroll down the green alleys
While the fountains spray abundant water
My love and I spent an evening,
moving In all directions, up and down this enchanted garden.
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Insrâf (II)
Insrâf (II)
Lève-toi échanson, et, en ces lieux de rêve
Sers-nous un vin de belle couleur
Cachés sous le feuillage, enlacés
à de belles jeunes filles
Nous jouissons de douces mélodies.
Quand l’ivresse est profonde et totale
Ces belles du paradis excitent le désir des hommes
Je veux préparer une fête sous l’éclat de la lune
et m’enivrer avec elles de coupes de vin.
Que durent ces instants de bonheur
où les belles sont satisfaites.
Qu’il est doux de boire le matin
et, amoureux, le cœur gai, de rejoindre
les bien-aimées
Lève-toi échanson et remplis nos coupes
L’Aurore est là…
Get up cup-bearer and serve us a nice colored wine
Hidden under the leafage,
embracing beautiful young girls
We enjoyed gentle tunes.
When drunkeness is total and deep
These beauties of paradise excite the desire of men
I want to prepare a moonlight party
and get drunk on wine with them.
Let these moments of happiness last when
these beauties are satisfied.
How sweet it is to drink in the morning
and, in love, with a light heart,
return to the loved ones
Rise cup-bearer and fill our cups
Dawn is here...
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Khlâç (I)
O mon âme ! O ma raison d’être
Tu as fait prisonnier mon cœur
Belle dame à la joue empourprée
Tu es le maître et je suis ton esclave
Belle dame au visage resplendissant
Tu possèdes toute la grâce du monde
Tu es le maître, telle est ma position vis à vis de toi
Tu es à moi et je suis à toi
Pas de place pour les autres
Khlaç (I)
Oh my soul! Oh my reason for living
You have taken my heart prisoner
Beautiful lady with red cheeks
You are the master and I am the slave
Beautiful lady with the resplendent face
You have all the grace of the world
You are the master, that is how I feel about you
You are mine and I am yours
No room for others.
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Khlâç (II)
Chère complice aux cils noirs, attire moi vers toi
car mon cœur est placé entre l’eau et le feu
et lutte désepérément
Tu m’as ensorcelé de ton regard charmant
dans lequel mon regard se perd`
n’es-tu pas ô dansante, pareille à l’étoile brillante
unique dans ton genre,
comme elle, par la grâce de Dieu
Tu parcours l’espace pour venir me rejoindre
Par sa finesse
sa taille est en harmonie avec la mienne
Son teint doré par pudeur devient rose
telle la fleur du grenadier
Khlaç (II)
Dear acccomplice with dark lashes, draw me near you
for my heart is between water and fire
and is fighting desperately.
You have bewitched me with your charming gaze
where I lose my own
Are you not, oh as you dance, like the brilliant star
the one and only
like her, by the grace of God
You cross space to be with me
By her finesse
her waist is in harmony with my own
Her golden complexion turns pink in modesty
like the flower of the pomegranate.
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Khlâç (III)
J’ai renconté mon amie.
Je l’ai mise au courant de ce qui m’est arrivé
Un envieux s’est enquis de mon état, et m’a déprécié
Résiste mon cœur. Aime la toujours quoiqu’il arrive
Je résiste toujours ! dit mon cœur
Que les difficultés ne te découragent pas
Les jours de bonheur arriveront sûrement
courage! courage !
Personne ne peut dire :
fontaine je ne boirai pas de ton eau
Je devrais punir mon cœur
Parcequ’il aime qui ne l’aime pas.
Je me suis évertué à le mettre en garde
Il n’a pas tenu compte de mes conseils
il est tombé dans le piège
Khlaç (III)
I met my friend. I told him about
what has happened to me
Someone envious asked about me and belittled me
Resist my heart. Love her no matter what
I am still resisting! says my heart
Don’t let difficulties discourage you
The days of happiness will surely come
Be brave! Be brave!
No one can say: fountain I will not drink of your water
I should punish my heart
because it loves one who does not love it.
I warned it
It did not heed my counsel
it fell into the trap
Then let it fall into this passion
with God’s blessing
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Alors laisse le sombrer dans cette passsion,
avec la bénédiction de Dieu
Je résiste toujours répond mon cœur
Que les difficultés ne te découragent pas
les jours de bonheur arriveront sûrement
courage ! courage !
Personne ne peut dire :
fontaine je ne boirai pas de ton eau
I am still resisting, answers my heart
Don’t let difficulties discourage you
the days of happiness will surely come
Be brave! Be brave!
No one can say: fountain
I will not drink of your water
Khlâç (IV)
Regarde tomber le crépuscule
qui a déployé ses voiles
Le disque jaune du soleil décline vers le couchant
il semble regretter d’avoir à disparaître
Ne me bouscule pas mon cœur souffre de la séparation
Dieu ! Que la séparation est pénible !
Khlaç (IV)
Watch dusk come
spreading its veils
The yellow disk of the sun is dipping into the west
it seems to regret having to go
Don’t push me, my heart is suffering from the separation
Lord! Separation is so painful!
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Khlâç (V)
Sans toi je n’aurais pas su ce que c’est que l’amour
Tu m’as appris l’amour dans ce qu’il a de plus beau
Tu habites mon cœur et ton nom ne quitte pas mes lèvres
Comment puis-je me consoler de toi ? Comment puis-je t’oublier.
Khlaç (V)
Without you I would not have known what love is
You have taught me the most beautiful side of love
You inhabit my heart and your name never leaves my lips
How can I get over you? How can I forget you?
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Les musiciens :
Hini Smaîn
Kateb Nadji
Aliane Nour-eddine
Nouar Youcef
Azzoug Rabah
Bekadi Brahim
Kebladj Djamel
Zaarir Hocine
Djedaîa Nacer
Ghazi Khaled
Cithare et Direction d’orchestre
R’beb et Soliste Vocal
Oud et Soliste Vocal
Mandoline et Soliste Vocal
Ney et Choeur
Alto et Choeur
Alto et Choeur
Alto et Choeur
Darbouka et choeur
Tar et Choeur
Les voix féminines :
Marniche
Marniche
Nouacer
Dif Fazilet
Mounia
Samia
Amel
Prise de son : Senoussi Mamoune, studio «Office Riadh El Feth», Alger 1995
Poèmes traduits par Abdessemed Boulanouar, Alger 1995
Calligraphie arabe et sélection iconographique Taoufik Bestandji
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Mahieddine Bachetarzi
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