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Anthologie de la musique citadine Algérienne Essoundoussia direction d’orchestre Saîm Hinni çanaa d’Alger Nouba Maya -- Essoundoussia La Nouba Maya L’association Essoundoussia a été créée en 1986 à Alger. La libéralisation des moeurs politiques issue des réformes de 1980 en Algérie a en effet permis à de nombreux groupes, plus ou moins informels, de musiciens de se constituer pour produire des spectacles et former des élèves. D’autres musiciens ont préféré garder leur statut de musiciens professionnels. Dès le début de son activité, l’association Essoundoussia a donné la priorité à la diffusion musicale. Guidée par la volonté d’ascension rapide, ses dirigeants se sont attachés à enregistrer un grand nombre d’œuvres, à être présents dans les plus grands festivals, à remporter le plus de gratifications possibles… L’objectif était clairement de dominer la scène musicale algérienne. Cette fougue s’est vite révélée fructueuse et une multitude d’enregistrements discographiques, de concerts dans le pays et à l’étranger, d’actions de formation, a fait de cet ensemble un des fleurons de la culture algérienne. Culture et histoire de l’association musicale algéroise A l’écoute de l’ensemble Essoundoussia, on est souvent surpris par le nombre important de musiciens. L’auditoire occidental est peu attiré par ce type de formation. Les groupes de musiques ethniques que le public parisien découvre chaque année dépassent rarement les six à sept interprètes. L’acculturation “nécesssaire“ qui a façonné et transformé le paysage des sociétés maghrébines n’est souvent pas pris en considération par les producteurs de musique étrangers. La recherche d’esthétiques anciennes garantit pour eux l’aspect folklorique des musiques traditionnelles, ce fait se traduit par un rejet enbloc d’une certaine modernité à laquelle aspire la majorité des musiciens maghrébins. Pour tenter de concilier ces deux tendances contradictoires, j’ai demandé à Smaïn -- Hinni, président et chef d’orchestre de Essoundoussia, d’enregistrer deux noubas- avec un minimum de musiciens et en prise de son directe*. Le résultat est extraordinaire : les musiciens (la plupart ont été formés dans l’esprit des grands ensembles) ont, d’une part découvert le plaisir et l’art de s’écouter mutuellement, de s’exprimer et d’échanger leur savoir-faire, et le public, d’autre part, par nostalgie ou par goût, crée avec ces mêmes artistes une relation hédonique. Dans cet enregistrement, l’ensemble Essoundoussia montre que les musiciens qu’il a formés sont capables d’égaler leurs maîtres - j’entends par “égaler“ «avoir acquis le même niveau de maîtrise de l’instrument et de l’interprétation des œuvres» … Les choses sont différentes en matière de connaissance du répertoire. On peut aussi se poser la question de savoir pourquoi à Alger et ailleurs, les chefs d’orchestres veulent toujours rassembler le plus d’interprètes possibles, la réponse à cette question n’est pas simple, j’avancerai trois arguments pour tenter d’y répondre. Il est étonnant de voir que “consciemment ou inconsciemment”, Smaïn Hinni, tout en voulant rendre hommage au personnage le plus illustre du mouvement associatif musical algérien (Mahieddine Bachetarzi), rompt en même temps avec les dogmes et l’histoire de ce mouvement. C’est sur un point précis, celui de l’élargissement des formations musicales que s’est faite l’histoire contemporaine de la musique algéroise. S’agit-il d’une remise en question des principes pédagogiques associatifs, inaltérables depuis la naissance de la société El Moutribia dans les années trente ? Est-ce une prise de conscience ? Celle qui consiste à privilégier l’esthétisme au profit de la pédagogie ? L’institution musicale, financée et contrôlée par l’Etat, n’est elle pas en perte de vitesse face à une nouvelle recherche du “beau“ ? Toutes ces questions semblent exprimer “qu’un retour aux valeurs anciennes est primordial, même si ces valeurs sont contraires aux statuts associatifs“. Tous les dirigeants d’associations musicales le proclament. Je dirais simplement pour ma part que la puissance de l’art l’emporte, une fois de plus, face aux stratégies idéologisantes des pouvoirs. Le second argument s’avère aussi important. Tout en préservant la structure moderne de formation et de production musicales, les responsables des groupes reviennent aux notions du mérite et de l’élite. Permettre aux seuls élèves en fin de cycle de formation de participer aux différentes manifestations crée un certain élitisme vigoureusement combattu par les associations d’amateurs. On considère aujourd’hui que seuls le -- travail et l’assiduité mènent à la maîtrise de la musique. Il est même sournoisement toléré - autre interdit associatif - de fréquenter les maîtres non-enseignants. Est-il nécessaire de dire, dans un troisième temps, que la production de la musique dans le monde occidental est soumise aux conseils des spécialistes. Scientifiques ou mélomanes avertis, ces intermédiaires conçoivent des programmes adaptés aux “goûts“ du public local. Cela va souvent à contre courant de l’évolution de la musique dans les pays du sud méditerranéen. Cette assistance artistique oblige les artistes à réorganiser les ensembles et à travailller sérieusement les œuvres. Le consensus est parfois difficile à atteindre, mais quand les projets se réalisent enfin, producteurs, artistes et conseillers goûtent tous à la même passion, celle de la musique dans l’intimité. A propos de la terminologie de la nouba La plupart des musicologues semblent unanimes sur le sens du terme “nouba“. Rappelons que la nouba est le protocole qui gére une suite de pièces instrumentales et vocales selon un agencement de modes et de rythmes bien particuliers. Depuis la naissance de ce protocole en Andalousie au Moyen-Age, toutes les composantes de la nouba ont subi plus ou moins de changements, seul le nom est resté. Les écrits des historiens et des musicologues arabes du Moyen-Age définissent la Nawba comme une alternance de musiciens de cour rivalisant devant les princes et les monarques pour obtenir des faveurs. La racine Nâba, qui signifie “survenir, remplacer, alterner“, semble ne pas avoir de rapport étymologique avec la suite musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le tour de chant devant la cour est une chose révolue, et même si cette manifestation avait régulièrement lieu autrefois, il est difficile d’admettre l’idée d’une alternance où des musiciens rivaux devaient respecter un ordre de mouvements, de rythmes et de modes. La Niâba, autre substrat du verbe Nâba, est une autorisation que les poètes professionnels accordaient aux musiciens qui interprétaient leurs compositions… Droits d’auteur oblige. La notion d’alternance sur laquelle est fondé le concept de nawba me paraît donc -- inadéquate. Par contre, quand on observe le verbe Intâba - dont la racine est toujours Nâba - et qui signifie “atteindre quelqu’un, s’emparer de l’esprit de quelqu’un, “trotter dans la tête” de quelqu’un, “envahir quelqu’un sentimentalement” on peut se poser de sérieuses questions. Car dans ce contexte sémantique, la notion de Tarab, notion fondamentale de la musique arabe et persane, est tout à fait adaptée. Le Gh’râm des maghrébins, équivalent du Tarab chez les Levantins, énonce l’idée de passion. La passion est un concept clef et quasiment intemporel. Ceci peut expliquer l’immuabilité du terme Nawba pendant sept siècles. Si la Nawba est, du point de vue technique un ensemble de matériaux mélodiques, rythmiques et poétiques, du point de vue affectif et métaphysique, elle est l’émotion qui envahit toute personne initiée. Pour l’apprentissage de la musique et la pérénité de la tradition orale, maîtres et disciples doivent totalement s’investir dans cette musique par passion et y trouver un lien affectif profond. La musique doit véritablement “habiter“ les apprentis musiciens pour leur permettre de mémoriser les centaines de pièces du répertoire et d’en restituer toutes les dimensions. La Nouba Maya On retrouve dans la Nouba Maya tous les ingrédients de la suite musicale andalouse algéroise. Les mouvements Mçaddar, B’taïhi, Darj, Insiraf et Khlâç (Largo, Andante, Andantino et Final) sont entrecoupés d’interludes instrumentaux appelés Kriçi . Les soli instrumentaux sont placés entre le troisième et le quatrième mouvement. Cette tradition permet aux musiciens de se reposer avant d’entreprendre la deuxième partie de la cérémonie musicale. Il est également de coutume à Alger d’interpréter des Inklâbât’, courts poèmes assez vifs qui donnent le ton et remplacent souvent la Touchia, le prélude instrumental. Les cinq mouvements cités plus haut n’ont pas dans la çanaa algéroise la signification et l’importance qu’ils ont dans les traditions classiques de l’Est et de l’Ouest algérien. Ce sont en réalité deux grands mouvements regroupant cinq sous mouvements. Le premier englobe le M’çaddar, le b’taïhi et le darj. Les trois ont un même rythme binaire, qui va crescendo. Dans ce contexte il est parfois difficile de faire, par exemple, la différence entre un B’taïhi et un Darj . Le seul moyen d’identifier les pièces est de revenir à la métrique et à la structure du poème. -- Les voix féminines : une ère nouvelle dans le chant arabo-andalou Quand on écoute l’ensemble Essoundoussia, on ne peut manquer d’être attiré par le mélage de voix masculines et féminines. L’intégration des femmes dans la musique date des années soixante-dix. Cette expérience instaurée en Algérie par la société El Mossilia n’était pas la première du genre. Bien avant elle, la Rachidia de Tunis avait créé des choeurs mixtes. Le but recherché à travers cette nouvelle organisation de la musique n’était sans doute pas d’ordre esthétique. Ni la classification des voix, ni l’adaptation des œuvres n’avaient fait l’objet de réflexions préalables. Le but de cette action était de marquer une nette distinction entre l’aspect éducatif des associations et l’activité des groupes professionnels où les femmes n’avaient pas leur place… L’introduction de voix féminines a changé radicalement l’économie sonore de la musique ; Il est vrai que le mélange des voix est couramment utilisé dans le chant choral, mais la combinaison est bien étudiée. Elle regroupe généralement des soprani, des alti, des ténors et des basses. Dans la musique arabo-andalouse le contexte est totalement différent : la musique n’est pas polyphonique et rien n’a été changé dans les structures mélodiques. Les modes sont fixés sur des tonalités prores au chant masculin.Jadis les chanteuses avaient leur propre répertoire, elles ne s’accompagnaient que d’instruments à percussions, et si l’on n’entendait pafois un ou deux instruments mélodiques, ils étaient accordés sur la voix de la chanteuse principale. En fin de compte, les voix féminines ont fini par “s’adapter” aux voix masculines. Mais comme elles sont placées à une octave supérieure et qu’il n’y a pas de véritables voix de basses chez les hommes, on a l’impression que les voix féminines dominent dans tous les cas. Il fallait donc démultiplier les voix d’hommes. Un nouveau style de chant, basé sur la mixité des voix existe bel et bien aujourd’hui et fait la spécificité des associations musicales. Il est l’emblème même de l’ensemble Essoundoussia, et largement présent dans la nouba Mezmoum. Taoufik Bestandji * Tous les disques produits par l’ensemble Essoundoussia étaient, jusqu’à celui-ci, enregistrés en re-recording. -- La Nouba Maya 1 Ist’ikhbâr Snitra 2 Touchia Maya 3 Mçaddar : Râni na’chaqak 4 Is’ikhbâr Moual 5 B’taîhî : Mâ Mak’sadî 6 Darj : Youkâlî T’oub 7 Insrâf : Sâfî Ett’ibrou 8 Ist’ikhbâr Qanoun 9 Insrâf : El Aînou T’encheb 10 Kh’lâç : Kam Wa Kam 11 Kh’lâç: At’ânî Min El Khouldi 12 h’lâç : Yaouma Kouna 13 Kh’lâç : Allah Yahdîk Solo instrumental Ouverture instrumentale 1er mouvement Solo vocal & instrumental 2ème mouvement 3ème mouvement 4ème mouvement Solo instrumental 4ème mouvement 5ème mouvement 5ème mouvement 5ème mouvement 5ème mouvement -- Essoundoussia The Nouba Maya Essoundoussia was founded in 1986 in Algiers. The liberalisation of politics following the 1980 reforms in Algeria allowed musicians to form more or less informal groups to perform and train other musicians. Other musicians preferred to keep their status as professional state musicians. From the start Essoundoussia made distribution their priority. The directors wanted the group to become known quickly so made a large number of recordings, performed in the biggest festivals and took part in as many contests as possible... Their goal was clearly to dominate the Algerian musical scene. This policy quickly paid off and this group is now one of the jewels of Algerian culture. Culture and history When listening to Essoundoussia one is often surprised by the large number of musicians. Western listeners are not particularly attracted to this type of group. The ethnic groups that are discovered in Paris rarely count more than six or seven musicians. The necessary acculturation that has shaped and transformed north African society is not usually taken into consideration by western music producers. This emphasis on traditional music and folklore has resulted in a massive rejection of the modernisation that is aspired to by the majority of musicians from the maghreb. I have attempted to reconcile these contradicting trends by asking Smaïn Hinni, chairman and orchestra leader of Essoundoussia, to record two noubas with a small number of musicians, in a direct take. The result is extraordinary: the musicians (most were trained within large orchestras) discovered the pleasure and art of listening to each other and exchanging their knowledge. The public, either by nostalgia or by taste, created a hedonistic relationship with these same artists. -- We can also wonder why conductors in Algiers and elsewhere always bring together as many musicians as possible. There is no easy answer and I see three possible reasons. It is interesting to see that in his effort to pay tribute to the most illustrious personality of Algerian musical associations, Mahieddine Bachetarzi, Smaïn Hinni has broken, either consciously or unconsciously, with the dogma and history of this movement. The growing size of orchestras is representative of modern musical tradition in Algiers. Did this evolve from a questioniong of the teaching principles that had been unchanged since the forming of the El Moutribia society in the 1930’s? Was it a rise of consciousness? One that places aesthetics over pedagogy? Is the musical institution that is financed and controlled by the State losing ground to the new tendency to search for «beauty»? All these questions seem to express that «a return to former values is essential, even if these values are contrary to the statutes of musical societies.» All directors of musical associations proclaim this. I will simply say for myself that the strength of the art itself once again overcomes the ideological strategies undertaken by the State. The second reason is just as important. While preserving the modern structure of musical training and production, the leaders of musical groups are coming back to the notion of merit and elitism. Amateur musicians strongly criticise the fact that only the final year students are allowed to perform in concerts. They also tolerate that musicians associate with non-teaching masters, which is forbidden by state associations. It also needs to be said that musical production in the west is subject to the counsel of specialists. These intellectuals and informed music lovers are intermediaries who design programs that are adapted to local preferences. This often goes against the musical trends of southern Mediterranean countries and forces the musicians to reorganise their groups and rework their music. A consensus is often hard to reach. However, when they finalise a project, the producers, musicians and counsels all are gratified with the intimacy of the music. -- Nouba terminology Most musicologists seem unanimous on the meaning of the word nouba. Nouba is the protocol that defines a suite of instrumental and vocal pieces according to specific modes and rhythms. From the birth of this protocol in Andalusia in the Middle Ages every part of the nouba has undergone changes, only the name has remained. Historians and musicologists of the Middle Ages defined Nawba as court musicians competing with each other to gain the favour of princes and monarchs. The root Nâba which means «to come about, replace, alternate» does not seem to have any relationship with the musical suites that we know today. The time of alternating court singers is now long gone. While it was a common practice for musicians to take turn playing, it seems hard to accept that the different musicians would respect an order of movements, rhythms and modes. The Niâba, another substrate of the verb Nâba, is an authorisation that was given by poets to musicians who wanted to put their poems to music... a copyright. It therefore seems that the idea of alternation on which the nawba is founded is not appropriate. On the other hand, when we look at the verb Intâba - which also has Nâba for root - and means «waiting for someone, to capture one’s mind, to run through one’s mind, to overwhelm someone with feeling» we are getting closer. In this context Tarab, a fundamental notion of Arab and Persian music is well adapted. The Gh’râm of the maghreb, equivalent to the Tarab further east, gives the idea of passion. Passion is a key concept and almost (intemporel). This can explain how the term Nawba has lasted over seven centuries. From the technical standpoint the nawba is a set of elements including melody, rhythm and poetry. From the metaphysical standpoint, it is the emotion that invades everyone who is initiated into the art. Those who study the music and perpetuate the oral tradition, masters and disciples, must be totally invested and feel a deep affective link. The musicians who are learning the art must be inhabited by the music so that they may memorise the hundreds of pieces contained in the repertory and restitute them in their full. - 10 - The Maya Nouba We find all the ingredients of the Algiers Andalusian musical suite in the Maya Nouba. The Mçaddar, B’taïhi, Darj, Insiraf and Khlâç movements (Largo, Andante, Andantino and Final) are interspersed with instrumental interludes called Kriçi. The instrumental solos are placed between the third and the fourth movement. This gives the musicians a chance to rest before the second part of the musical ceremony. It is also a custom in Algiers to interpret the Inklâbât, short poems that set the tone and often replace the Touchia, the instrumental prelude. The five movements mentioned above do not have the same meaning and importance that they are given in classical music in the East or West of Algeria. These are actually two long movements that combine five sub-movements. The first includes the M’çaddar, the b’taïhi and the darj. The three have the same binary rhythm, that goes crescendo. It is therefore sometimes difficult to hear the difference between one sub-movement and another. The only way to identify a piece is by going back to the metrics and structure of the poem. Female vocals: a new era in Arab-Andalusian song When you hear Essoundoussia you can only notice the pleasant mix of masculine and feminine voices. Women were integrated into music in the 1970’s. The El Mossilia society was among the first to initiate women into their group but it was the Rachidia society of Tunis that first did so with a mixed chorus. The societies did not introduce women into their groups for musical reasons. There was no previous research done to classify voices nor to adapt the repertoire. The purpose was to make a clear distinction from the educational aspect of independent societies and the professional groups which did not include women... - 11 - The introduction of female voices radically changed the sound of this music. It is true that such mixing of voices is commonly used in western choirs but the combination is well balanced. There is generally a soprano group, alto, tenors and basses. This is very different in Arab-Andalusian music: the music is not polyphonic and nothing was changed in the melody structure. The modes are defined for tones that are specifically masculine. Before, there was a specific repertory for female singers who were accompanied only by percussions. Sometimes one or two other instruments would play the melody but they were tuned to the voice of the lead singer. At the end of the day, the female voices adapted to male voices. However, since women sing one octave higher and there are no true basses in these groups, it seems that the females voices are always dominant. To balance this out they increased the number of male singers. Today there is a new style of song based on a mix of voices that is specific to musical societies. This is the emblem of Essoundoussia that is widespread in the Mezmoum nouba. - 12 - Mçaddar maya Sans nul douteje t’aime Je t’adore, toi sœur de la lune, toi qui ressemble à une gracieuse gazelle Fais moi la grâce d’une rencontre ! ô ma biche Je t’aime depuis toujours, jamais je ne t’oublierai, ô mon astre éclatant Si jamais tu te détournais de moi Tu le regretterais à la longue Je te dévoilerais alors ce qui était caché et te dirais que le temps n’a rien changé à mon amour pour toi je te le jure par Dieu et son prophète. Mçaddar maya Without a doubt I love you I adore you, you sister of the moon, you look like a graceful gazelle Grant me an encounter! Oh my doe I have always loved you, I will never forget you, Oh my shining star If ever you turn away from you You will end up regretting it Then I will show you what was hidden And I will tell you that time has not altered my love for you I swear it before God and his prophet. - 13 - Ist’ikhbâr Moual De toute mon âme s’élève une voix Qui veut exprimer l’amour que je te porte le feu qui me consume ! Mon cœur est meurtri ! Mes larmes en sont le témoignage. Ist’ikhbâr Moual From the bottom of my soul a voice rises that wants to express the love I have for you the fire that consumes me! My heart is wounded! My tears attest to it. - 14 - B’taîhî maya Mes amis je n’aspire qu’à m’isoler avec celle que je désire En compagnie de sveltes jeunes filles, d’un tar, d’un luthet d’un rbâb à la lulière des bougies pendant que, de main en main, les coupes de vin rosé, pareilles à ses joues, circulent Et près de nous une source Qu’elle est belle l’eau qui jaillit du rocher ! et mon aimée est la plus belle d’entre ses compagnes. Elle est unique ! Puisse Dieu lui garder toujours son allure sans pareille ! B’taîhî maya My friends, I only wish to be alone with the one I desire In the company of slim young girls, a tar, a lute and a rebab in candlelight while, from hand to hand, the cups of rosé wine, the same color as her cheeks, go round And near us is a source How beautiful the water is coming out of the rock! and my beloved is the most beautiful of all the girls. She is unique! May God keep her always so beautiful! - 15 - Darj maya On me dit : repends toi égaré ! en vérité comme l’on est injuste envers moi ! Comment me repentir ? J’ai perdu le sommeil car je suis amoureux Que reprocher à celui qui aime ? Il n’existe rien de plus doux et de plus délicieux que le vin servi par un échanson et dégusté en bonne compagnie bercé par ds chants mélodieux mordoré est ce vin, suave et pétillant Comment me repentir ? J’ai perdu le sommeil car je suis amoureux Darj maya I have been told: repent you lost soul! How unjust they are with me! How can I repent! I have lost sleep because I am in love How can you blame he who loves? There is nothing sweeter and more delicious than wine served by a cup-bearer and tasted in good company with sweet singing in the background this wine is reddish-brown, smooth and sparkling How can I repent? I have lost sleep because I am in love - 16 - Insrâf (I) Maya La saison verdoyante des fleurs est arrivée à la lumière pure et limpide comme un fil d’or Sèche elle est déjà porteuse de fruits Telle la bien aimée qui s’offre sans pudeur Viens mon échanson ! Sers nous la coupe parfumée Profitons de cette heure propice qui précède l’aurore Insrâf (I) Maya The green season of flowers has come to light pure and clear like a gold thread Dry it already carries/bears fruit Like the lover who offers herself without modesty Come my servant! Serve us the perfumed cup Let us take advantage of this moment that precedes dawn. - 17 - Insrâf (II) Maya Ses yeux m’ont fixé Qui veut me réconforter aura bien du mal Pour peu qu’il ait goûté à la passion Il m’en offrirait des coupes pleines Ce regard qui sans pitié m’a fixé ce regard furtif, langoureux et brillant comme une étoile me fait craindre de défaillir et de fondre croyez moi mes commençaux vermeille est sa joue pourpres sont ses lèvres dont je me désaltère Pou peu qu’il ait goûté à la passion Il m’en offrrait des coupes pleines. Insråf (II) Maya Her eyes transfixed me He who strives to comfort me will have a hard time If he has tasted of passion Then he will fill my cup Those pitiless eyes transfixed me that furtive gaze, languorous and shining like a star I am afraid I will faint and melt Believe me Vermillion are her cheeks purple are her lips where I drink If he has tasted of passion he will fill my cup. - 18 - Kh’lâç(I) Maya O comme son regard m’a fixé ! et personne pour comprendre, m’excuser et me plaindre j’adrese ma plainte à celui qui connaît le secret de ma souffrance A Dieu qui, peut seul me pardonner L’amour m’a anéanti il a envahi les profondeurs de mon âme et ma bien aimée me dirige j’adresse ma plainte à celui qui conna^t le secret de ma souffrance A Dieu qui, seul peut l me pardonner. Kh’lâç (I) Oh how she looked at me! and no one to understand, to excuse me, to feel sorry for me I address my complaint to he who knows the secret of my suffering To God who, alone can forgive me Love has anihilated me it has taken over the deepest part of my soul and my love directs me I address my complaint to he who knows the secret of my suffering To God who, alone can forgive me - 19 - Kh’lâç (II) Maya Un don du ciel ! de l’Eternel Une biche est venue du fleuve paradisiaque kawter sa salive est douce comme unrayon de miel sa bouche est belle comme une perle et parfumée comme les grains d’ambre Elle est là, rose parmi les coquelicots, et se protège en clignant des paupières Kh’lâç (II) Maya Oh gift of heaven! of the Eternal A doe came from the river of paradise, kawter her saliva is sweet like a ray of honey her mouth is like a pearl and smells of amber She is there, a rose among poppies, and protects herself by fluttering her eyelashes. - 20 - Kh’lâç (III) Un jour nous étions en bonne compagnie, en un lieu magnifique unis, moi, la coupe et ma bien aimée loin du mal et du regard des envieux plongeant toujours davantage dans les délices comment puis je patienter et vivre sans celle qui s’est installée dans mon cœur; Kh’lâç (III) One day we were enjoying pleasant company, in a beautiful place together, me, the cup and my love far from evil and envious looks plunging always deeper into the delicacies how can I wait and live without the one who has settled in my heart. - 21 - Kh’lâç (IV)Maya Puisse Dieu te mettre sur la bonne voie t’inspirer ma rencontre et t’aider à ne pas t’éloigner pour augmentermes tourments Dieu peut te faire souffrir ma gazelle comme tu m’as fait souffrir Dieu ! Pardonnez ce grand amour j’implore Dieu ! J’implore Dieu pour qu’il me rende mon esprit envolé! Dieu ! Toi qui pénètre les secrets et ce qu’il est possible de dire. Mon cœur, seul parmi les autres, quitte mon corps Sachez vous quil’ignorez que contre ce grand amour nul ne peut lutter Le soir comme au lever du jour Tu tireras profit de tes réjouissances. Sois tendre et généreux envers ma défaillance Dieu est éternel. Kh’lâç (IV) Maya May God set you on the right track inspire you to meeting with me and help you to stay near to increase my torment God can make you suffer my gazelle like you made me suffer God! Forgive this great love I beg you God! I beg God that he give me back my spirit that has flown away! God! You who knows the secrets and what can be said. My heart, alone, leaves my body Let it be known that no one can fight against this great love At night as at dawn you will benefti from your rejoicing. Be tender and generous with my failings God is eternal! - 22 - Traduit de l’arabe par Boulenouar Abdessemed Alger 1995 - 23 - Les musiciens : Hini Smaîn Kateb Nadji Aliane Nour-eddine Nouar Youcef Azzoug Rabah Bekadi Brahim Kebladj Djamel Zaarir Hocine Djedaîa Nacer Ghazi Khaled Cithare et Direction d’orchestre R’beb et Soliste Vocal Oud et Soliste Vocal Mandoline et Soliste Vocal Ney et Chœur Alto et Chœur Alto et Chœur Alto et Choeur Darbouka et Chœur Tar et Chœur Les voix féminines : Marniche Mounia Marniche Samia Nouacer Amel Dif Fazilet Prise de son : Senoussi Mamoune, studio «Office Riadh El Feth», Alger 1995 Poèmes traduits par : Abdessemed Boulanouar Calligraphie arabe et sélection iconographique : Taoufik Bestandji - 24 - Mahieddine Bachetarzi - 25 -