fureur et énonciation poétique en Angleterre et en France à la

Transcription

fureur et énonciation poétique en Angleterre et en France à la
Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société »
Année 2014-2015 - Demande d’allocation doctorale
Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société » n°240
Bourse régionale  ; bourse ministérielle x ; autres  ;
1. Informations administratives :
Nom de l’encadrant responsable de la thèse : Richard Hillman
Unité : CESR
Équipe :
Email de l’encadrant : [email protected]
2. Titre de la thèse : « La parole inspirée : fureur et énonciation poétique en Angleterre et en
France à la Renaissance »
3. Résumé :
L’inspiration divine de la poésie est une doctrine qui fut à l’honneur pendant la Renaissance mais
qui fit également l’objet de débats surtout au moment de la Réforme. À l’échelle européenne, certains
courants poétiques revendiquent une inspiration orphique néoplatonicienne qui leur permettrait
d’affirmer leur « fureur poétique », leur voix dotée de pouvoirs prophétiques, mystiques et divins. De
façon plus controversée, notamment à travers les traductions des Psaumes, la Réforme a mis un nouvel
accent sur la parole comme incarnation de la vérité divine.
Dans le champ d’études ouvert par B. Lewalski dans son Protestant Poetics and the SeventeenthCentury Religious Lyric (1979), on se propose d’étudier le conflit des Muses païennes et chrétiennes,
c’est-à-dire la tension inhérente à l’assimilation de cette doctrine de l’inspiration poétique
néoplatonicienne et mythologisante au milieu anglais et réformé. Le désir de s’approprier la parole
inspirée définit l’unité du corpus poétique et engendre une pratique de la traduction inspirée. On
analysera la réception dynamique de la parole inspirée en Angleterre et une nouvelle poétique du moi
inspiré qui en résulte à partir d’un corpus d’églogues (telles le Shepheardes Calendar (1579) de
Spenser et Idea: The Shepheards Garland (1593) de Drayton), de recueils amoureux (tels la Delia
(1592) de Daniel, l’Ideas Mirrour (1594) de Drayton et les Amoretti (1595) de Spenser), et d’épopées
(la Faerie Queene (1590-6) de Spenser, les traductions homériques de Chapman (1598-1616), la
traduction de Sylvester, Du Bartas his divine weekes and workes (1608) et le Paradise Lost (1667) de
Milton), parmi d’autres.
La mise en regard des corpus français et anglais se révélera particulièrement féconde. Si
l’influence poétique dépasse le clivage confessionnel, elle en est tout de même profondément affectée.
Une poétique de la parole inspirée émerge en France dès 1549, autour des catholiques Tyard, Ronsard
et Du Bellay, qui fut d’une importance majeure pour les poètes anglais du corpus. Ces derniers sont
familiers et même traducteurs des modèles poétiques français, qui sont aussi un vecteur de
transmission du néoplatonisme, tout comme les écrits théoriques de Tyard. Adaptant des textes
d’auteurs catholiques au milieu réformé, ils subissent aussi l’influence des protestants français, par
exemple le recours exclusif à l’inspiration biblique et l’effacement du poète mis en avant par Marot et
par l’épique biblique de Du Bartas, éléments clés dans la tentative de réconcilier subjectivité poétique
et transcendance divine et dans l’élaboration d’une expression personnelle qui peut en même temps se
représenter en porte-parole de la voix divine.
L’étude des transferts culturels et littéraires à la Renaissance connaît un renouveau dans le sillon de
l’ouvrage classique d’A. L. Prescott (1978) et des travaux plus récents d’H. Melehy (2010), mais le
constat du réseau d’influences qui existe entre la poétique inspirée en Angleterre et en France, ainsi
que les spécificités de cette poétique elle-même, restent à approfondir.
La doctrine de l’inspiration poétique et le choix de genres qu’elle implique, semblent être adoptés
en Angleterre dès la publication du Shepheardes Calendar pour justifier les nouvelles formes
d’expression et de représentation du poète-vates, ou prophète. Cette doctrine permet une nouvelle
focalisation sur la persona du poète, mais accompagne aussi un renouveau considérable des genres
poétiques antiques, déclinés selon les différentes instances divines invoquées par la persona poétique.
La réception des courants néoplatonicien et mythologisant en terre protestante semble donner lieu,
comme dans The Defence of Poesie (1595) de Philip Sidney, à une poétique nationale, voire
nationaliste, qui reconnaît la coprésence des inspirations néoplatonicienne, païenne et chrétienne, et à
un projet poétique, qui, de Spenser à Milton, privilégie le vates-prophète, poète inspiré à la fois du moi
et de la nation protestante.
Le projet aura trois objets principaux qui se développeront sur les trois années de recherche
doctorale. D’abord, il s’agira d’étudier les transpositions du domaine français au domaine anglais à
partir d’une analyse du corpus et d’un état de la question bibliographique. Il sera ensuite possible de
dégager une poétique inspirée de l’énonciation subjective, qui met le pouvoir transcendant de la parole
au service de l’expression du moi. Pour finir, on étudiera la tension entre l’effacement du poète
réformé et l’élévation du poète visionnaire dans un corpus d’épopées et traductions d’épopées
anglaises et françaises, genre par excellence de l’écriture de la nation et de la persona inspirée.
L’ambition interculturelle de ces recherches bénéficiera de l’encadrement du centre de recherche
pluridisciplinaire sur la Renaissance qu’est le CESR.