Directives mondiales pour le traitement de la tuberculose chez les
Transcription
Directives mondiales pour le traitement de la tuberculose chez les
INT J TUBERC LUNG DIS 16(5):573–578 © 2012 The Union PERSPECTIVES Directives mondiales pour le traitement de la tuberculose chez les sujets vivant avec le VIH : problèmes non résolus A. Kumar,* A. M. V. Kumar,*† D. Gupta,* A. Kanchar,‡ S. Mohammed,‡ S. Srinath,§ S. Tripathy,¶ S. Rajasekaran,‡ P-L. Chan,† S. Swaminathan,# P. K. Dewan† * Central Tuberculosis Division, Directorate General of Health Services, Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, New Delhi, † Office of the World Health Organization Representative to India, New Delhi, ‡ National AIDS Control Organisation, Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, New Delhi, § International Union Against Tuberculosis and Lung Disease, South East Asia Regional Office, New Delhi, ¶ National AIDS Research Institute, Pune, # National Institute for Research in Tuberculosis (formerly Tuberculosis Research Centre), Chennai, India RÉSUMÉ Le Programme National Révisé de Lutte contre la TB (RNTCP) en Inde utilise un régime totalement intermittent trois fois par semaine comportant la rifampicine pour tous les patients de la tuberculose (TB), y compris ceux infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Pourtant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un traitement quotidien de la TB, au moins pendant la phase intensive. La recommandation de l’OMS reposait sur le résultat d’une méta-analyse démontrant un risque accru de récidives et d’échecs chez les patients TB infectés par le VIH et soumis à un traitement intermittent de la TB, par comparaison avec un régime quotidien. La révision des données primaires suggère que l’information sur l’intermittence est limitée et de piètre qualité et provient principalement d’études observationnelles de la période antérieure au traitement antirétroviral (TAR). L’épidémiologie moléculaire en Inde indique que la plupart des récidives et un grand nombre des échecs résultent d’une réinfection exogène, ce qui suggère un médiocre contrôle de l’infection et un taux élevé de transmission plutôt qu’une faible efficacité du régime. Les études publiées ultérieurement ont montré des résultats acceptables du traitement de la TB chez les patients TB infectés par le VIH bénéficiant de régimes antituberculeux intermittents concomitants au TAR. Les résultats du traitement chez les patients TB infectés par le VIH et traités dans les conditions du programme montrent de faibles taux d’échec, mais une létalité élevée ; le décès a été associé à l’absence du TAR. Dès lors, la priorité principale est de réduire la mortalité en veillant à ce que tous les patients TB infectés par le VIH bénéficient du TAR. Alors qu’il cherche à réduire d’urgence les taux de décès chez les patients TB infectés par le VIH, le RNTCP, vu la médiocrité des évidences en faveur d’une modification des avantages opérationnels d’un régime intermittent, a l’intention de collecter les preuves nécessaires pour donner aux décisions politiques nationales les informations provenant d’essais cliniques randomisés. M O T S - C L É S : VIH ; TB ; India ; régime intermittent ; TAR EN INDE, le Programme National Révisé de Lutte contre la Tuberculose (RNTCP) utilise durant toute la période du traitement un régime intermittent (trois fois par semaine) comportant au moins 6 mois de rifampicine (RMP) : 2H3R3Z3E3/4H3R3 pour les nouveaux cas de tuberculose (TB) et 2H3R3Z3E3S3/1H3R3Z3E3/ 5H3R3E3 pour les patients en retraitement.* Le régime et la durée du traitement sont les mêmes pour * H = isoniazide ; R = rifampicine ; Z = pyrazinamide ; E = éthambutol ; S = streptomycine ; les chiffres avant les lettres indiquent la durée de la phase de traitement en mois ; les chiffres en indice indiquent le nombre de fois où le médicament est pris chaque semaine. tous les patients TB qu’ils soient infectés ou pas par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).1 A l’inverse, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans sa dernière révision des directives pour le traitement de la TB recommande que « les patients TB dont le statut séropositif pour le VIH est connu ainsi que tous les patients vivant dans des contextes de forte prévalence du VIH devraient recevoir un traitement antituberculeux quotidien au moins pendant la phase intensive ».2 Ces recommandations ont été élaborées par un groupe d’experts en se basant sur les résultats d’une méta-analyse commandée par l’OMS et qui avait démontré que le risque de rechute et d’échec étaient élevés chez les patients TB infectés par Auteur pour correspondance : Ajay M V Kumar, Central TB Division, Ministry of Health and Family Welfare, 523-C Nirman Bhawan, Maulana Azad Road, New Delhi, India 110108. Fax : (+91) 11 46 05 44 30. e-mail : akumar@theunion. org ; [email protected] [Traduction de l’article : « Global guidelines for treatment of tuberculosis among persons living with HIV: unresolved issues » Int J Tuberc Lung Dis 2012; 16(5): 573–578. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.11.0482] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease le VIH recevant un traitement intermittent de la TB par comparaison avec ceux recevant un régime quotidien.3 Nous avions également observé dans une étude menée en Inde qu’en cas d’échec du traitement antituberculeux qu’il existait un taux élevé de résistance acquise à la RMP parmi les patients infectés par le VIH n’ayant jamais bénéficié du traitement antirétroviral (TAR).4 Ces observations sont inquiétantes et exigent que les avantages et les inconvénients d’un changement de régime par le RNTCP soient discutés. Dans cet article, nous examinons les résultats sur lesquels l’OMS s’est basé pour faire ses recommandations de l’OMS, nous discutons de l’application de ces recommandations dans le cadre d’un vaste programme de santé publique et nous détaillons la réponse du RNTCP. UN REGARD PLUS ATTENTIF SUR LA MÉTA-ANALYSE La qualité des évidences provenant de la méta-analyse suscite plusieurs préoccupations.3 En un premier temps, les études incluses dans la méta-analyse étaient surtout des études de cohortes observationnelles provenant de différents contextes et avec différentes caractéristiques des patients, pouvant être à l’origine d’un biais de sélection. Pour cette raison, tous les résultats doivent être examinés avec prudence. Dans la hiérarchie du niveau d’évidence, les essais cliniques randomisés permettant une interne occupent la première place.5 Aucun essai clinique randomisé contrôlé n’a comparé les résultats du traitement chez les patients traités par des régimes intermittents et des patients sous un régime quotidien comportant au moins 6 mois de RMP. En un second temps, les données concernant l’intermittence qui ont été inclues dans la méta-analyse sont limitées. Cinq cohortes seulement ont utilisé des régimes intermittents qui ont cumulé au total 211 patients ; parmi celles-ci, deux cohortes n’ont utilisé la RMP que dans la phase intensive et deux autres cohortes ont utilisé un régime bihebdomadaire au cours de la phase de continuation. Ceci diffère du RNTCP où le régime intermittent (trois fois par semaine) comporte la RMP du début à la fin d’une période de traitement de 6 à 8 mois. Troisièmement, la plupart des études inclues dans la méta-analyse datent de la période du TAR, ce qui représente une différence importante par comparaison avec la situation actuelle en Inde où le TAR est disponible dans l’ensemble du pays. Quatrièmement, les ratios ajustés de risque d’incidence de rechute (4,8 ; intervalle de confiance [IC] 95% 1,8–12,8) et d’échec (4,0 ; IC95% 1,5–10,4) ont des IC larges ce qui suggèrent des incertitudes majeures provenant de la petite taille des échantillons limitant ainsi la généralisation des résultats. Toutes ces limites ont été reconnus par les auteurs de la métaanalyse et ils ont conclu que « l’observation la plus importante et la plus frappante de cette revue est l’absence d’essai clinique randomisé bien conçus et dotés d’une puissance statistique adéquate concernant le traitement de la co-infection VIH-TB . . . Des problèmes très fondamentaux de traitement restent non résolus. Ces questions comportent les données optimales du dosage, du schéma et de la durée de la rifampicine ».3 Les auteurs indiquent en outre que « Bien que cette revue éveille des préoccupations concernant le régime intermittent chez les patients coinfectés, les résultats doivent être interprétés avec prudence et vu la faible qualité des preuves d’évidences cela nécessite une confirmation des résultats par des essais contrôlés randomisés bien conçus ».3 En raison des limites signalées ci-dessus, nous considérons que les évidences concernant l’intermittence sont de mauvaise qualité. RÉACTIVATION ENDOGÈNE OU RÉINFECTION EXOGÈNE ? Dans les contextes à incidence élevée de TB, la réinfection peut contribuer de manière significative à des rechutes de la maladie TB chez les personnes infectées par le VIH.6,7 Cette distinction est importante dans la mesure où des études antérieures provenant d’Afrique du Sud ont démontré que la plupart des épisodes de rechute de TB chez les individus infectés par le VIH sont attribuables à la réinfection.8,9 Une étude provenant d’Inde utilisant trois techniques différentes de génotypage confirme que jusqu’à 88% des rechutes de TB chez les patients infectés par le VIH sont attribuables à la réinfection comparée au 9% de rechute chez les patients séronégatifs pour le VIH.10 Les patients ont tous été traités par des régimes antituberculeux similaires et les patients infectés par le VIH n’avaient pas eu accès au TAR. Ceci suggère que de nombreux facteurs comme la présence d’une immunodéficience sévère, des pratiques médiocres de lutte contre l’infection et une prévalence élevée de la TB contribuent à la poursuite de la transmission de l’infection et pas seulement la faible efficacité du régime de traitement utilisé. Une autre limite de la méta-analyse, reconnue par les auteurs, était qu’elle ne pouvait distinguer les vraies rechutes des réinfections en raison du manque d’information génotypique.3 Dans le contexte des larges évidences identifiant la réinfection comme la cause attribuable de la plupart des cas de rechute de la TB chez les personnes infectées par le VIH, des informations complémentaires provenant de l’Inde sur la contribution relative de la « réactivation » et de la « réinfection » à la reprise de TB est essentielle avant que des conclusions ne soient tirées au sujet de l’efficacité du régime de chimiothérapie. PRÉOCCUPATIONS CONCERNANT LES TAUX ÉLEVÈS D’ÉCHEC ET DE RÉSISTANCE ACQUISE À LA RMP La plupart des études sur la résistance acquise à la RMP à la suite de l’utilisation de traitement intermittent Traitement de la TB chez les PVVIH comportant la RMP chez les sujets infectés par le VIH proviennent de la période ‘ère précédant le TAR et n’ont pas utilisé un traitement antituberculeux standardisé.11–14 Une étude provenant d’Inde a trouvé un risque élevé d’échec du traitement avec résistance acquise à la RMP dans le contexte d’un traitement antituberculeux intermittent trois fois par semaine ; cette étude toutefois, devrait être interprétée avec précaution.4 Premièrement, aucun des patients infectés par le VIH, enrôlés dans l’étude n’a reçu de TAR au cours du traitement antituberculeux. Deuxièmement, les résultats des génotypages parmi les cas d’échec ont montré que beaucoup d’entre eux étaient dus à une souche différente, ce qui indique probablement une réinfection exogène.4 Ceci suggère qu’un échec même au cours du traitement peut être le résultat d’une réinfection exogène dans des contextes d’incidence élevée de TB et réitère la nécessité d’exécuter le génotypage des isolats tant initiaux que de reprise provenant des patients TB infectés par le VIH avant de tirer des conclusions au sujet de l’efficacité du régime antituberculeux. RÉSULTATS DU TRAITEMENT À L’ÈRE DU TAR Le TAR a un impact puissant sur la prévention des rechutes de TB. Une étude en provenance du Brésil a montré que le TAR peut diminuer de moitié le risque de rechute de TB chez les individus infectés par le VIH.15 Des résultats d’un récent essai clinique randomisé mené par le Centre de Recherche de la Tuberculose (TRC) à Chennai en Inde signalent qu’avec le TAR, les taux de succès du traitement chez les patients TB infectés par le VIH et soumis à un traitement antituberculeux intermittent sont très élevés (jusqu’à 93% dans le bras recevant l’éfavirenz) avec de faibles taux de rechute, d’échec et de résistance acquise à la RMP.16 De plus, un examen des résultats du traitement signalés par le RNTCP indique de faibles taux d’échec (basés sur l’examen des frottis de crachats à la fin du traitement) parmi les patients TB infectés par le VIH ; malheureusement les rechutes ne sont pas enregistrées par le programme dans les données de surveillance de routine.17 Parmi la cohorte de plus de 30.000 patients TB infectés par le VIH, enregistrés entre octobre 2008 et septembre 2009 dans neufs états d’Inde, les taux d’échec du traitement parmi les cas de TB pulmonaire dont la bacilloscopie initiale était positive ont été de 1 à 2%, ce qui est très semblable au taux d’échec du traitement signalés parmi les patients TB séronégatifs pour le VIH (Tableau). Alors que l’évaluation des résultats du traitement par examen microscopique des frottis de crachats comporte des limitations, l’absence de différence entre les groupes infectés ou non-infectés par le VIH dans une cohorte aussi importante est quelque peu rassurante. Au contraire, le taux élevé de létalité (15 à 17%) chez les patients TB infectés par le VIH a constitué une préoccupation majeure ; bien que des taux similaires et élevés de létalité aient été signalés dans les cas de TB infectés par le VIH au niveau mondial, ces taux élevés de létalité restent inacceptables.18 Dès lors, dans le RNTCP, la priorité la plus importante en matière de soins TB-VIH est de réduire les décès. DIMINUTION DES DÉCÈS CHEZ LES PATIENTS INFECTÉS PAR LE VIH ET AMÉLIORATION DE LA COLLABORATION DES PROGRAMMES TB-VIH La mortalité élevée chez les patients TB infectés par le VIH peut résulter de plusieurs raisons : celles-ci incluent le diagnostic tardif ou méconnu du VIH, les délais ou l’absence de diagnostic de TB chez les sujets vivant avec le VIH, l’administration d’une chimiothérapie inadéquate aux cas de TB résistants aux médicaments dans un contexte d’absence de disponibilité des services décentralisés de culture et de tests de sensibilité aux médicaments, la caractère tardif de la Tableau Résultats du traitement signalés parmi les patients TB infectés par le VIH, enregistrés et traités dans le RNTCP, octobre 2008 à septembre 2009 Etat* Andhra Pradesh Goa Karnataka Maharashtra Manipur Mizoram Nagaland Pondicherry Tamil Nadu Total 3 Cas TB-VIH enregistrés n Succès du traitement % Décès % Echec % Abandon % Transfert vers l’extérieur % 9.070 113 7.893 9.104 168 115 119 37 4.513 31.132 76 79 72 75 77 77 70 84 81 75 15 14 16 14 11 11 8 8 13 15 2 3 1 1 1 1 2 3 1 1 5 4 8 7 10 6 10 3 5 6 2 1 2 3 1 5 11 3 2 2 * Les données proviennent des 9 Etats qui ont offert un test VIH non obligatoire pour l’ensemble des patients au cours de cette période. VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; TB = tuberculose ; RNTCP = Programme National Révisé de Lutte contre la Tuberculose. 4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease consultation par les patients TB-VIH (indiquée par des décomptes de CD4 faibles au moment du diagnostic19), et les problèmes opérationnels tels les longues distances à parcourir par les patients et l’absence de ressources financières,20 qui entrainent des références sous-optimales vers les services TAR centralisés. Aucune évidence ne suggère que la létalité des cas parmi les patients TB infectés par le VIH pourrait être réduite par une modification du schéma d’administration des médicaments antituberculeux comportant le passage du régime intermittent vers le régime quotidien.3 Les preuves disponibles suggèrent que des réductions de mortalité pourraient être obtenues de la manière la plus efficiente par un diagnostic précoce, efficient et amélioré du VIH, par une amélioration du diagnostic de la TB chez les sujets vivant avec le VIH et par la mise en route rapide du TAR et du traitement TB chez les patients TB infectés par le VIH. Les résultats des essais SAPIT (Starting TAR at Three Points in Tuberculosis),21 CAMELIA (Cambodian Early versus Late Introduction of Antiretroviral drugs)22 et STRIDE23 démontrent tous l’avantage en matière de mortalité d’une mise en route précoce du TAR par rapport à la mise en route retardée au cours du traitement antituberculeux, particulièrement dans le sous-groupe de patients dont l’immunodéficience est avancée. L’adoption par le Programme National de Lutte contre le SIDA (NACP) des recommandations récentes de l’OMS pour la mise sous traitement TAR des patients TB infectés par le VIH, quel que soit leur taux de CD4 ainsi que d’autres mesures mises en place pour renforcer l’accès au TAR des patients TB infectés par le VIH devraient aider à augmenter la survie. La mise en œuvre des programmes doit être renforcée pour garantir que tous les patients TB se voient offrir un test VIH et que, s’ils s’avèrent infectés, ils soient référés dans un centre de TAR. Les tests VIH pour les patients TB se sont rapidement répandus en Inde, où 65% des patients TB enregistrés en 2010 ont été testés pour le VIH, mais la référence vers le centre de TAR n’est survenue que dans moins de 50% des individus co-infectés, ce qui mérite d’être largement amélioré.17 Le RNTCP et le NACP ont dès lors planifié en commun les interventions suivantes pour leurs plans stratégiques futurs (2012–2017) : 1 Décentralisation des services de test VIH et colocalisation dans tous les centres de microscopie TB pour garantir une couverture générale des tests VIH chez les patients TB. 2 Expérimentation sur le terrain et déploiement d’outils améliorés de diagnostic de la TB tels les tests d’amplification de l’acide nucléique basés sur une cartouche de haute sensibilité afin d’arriver à un diagnostic plus efficient de la TB et de la TB résistante aux médicaments chez les sujets vivant avec le VIH. 3 Mise en route précoce du TAR pour l’ensemble des sujets vivant avec le VIH dont les décomptes de CD4 sont < 350 cellules/mm3, et pour tous les patients TB infectés par le VIH quel que soit leur décompte de CD4. On s’attend à ce que la mise en route précoce du TAR améliore l’immunocompétence et prévienne le développement de la TB. 4 Fourniture d’un soutien pour les transports à tous les patients TB-VIH devant se rendre dans les centres TAR et soutien aux patients par la création d’un schéma de sécurité sociale pour éliminer les coûts-patient liés aux soins. Une collaboration systématique avec les réseaux de la collectivité a également été planifiée. 5 Plus de la moitié des sujets vivant avec le VIH au niveau mondial et en Inde ne connaissent pas leur statut VIH et sont diagnostiqués tardivement.24 On a planifié des recherches concernant la faisabilité du PITC (test et accompagnement VIH initiés par le pourvoyeur de soins) chez les suspects de TB comme méthode d’obtention d’un diagnostic précoce et amélioré du VIH. Les résultats initiaux sont prometteurs25 et une surveillance plus large est planifiée afin de pousser à des décisions politiques. A nouveau, un diagnostic plus précoce du VIH peut élargir les occasions de soins et de traitement VIH, y compris la prévention de la TB. AUTRES CONSIDÉRATIONS POUR LE CHOIX DU RÉGIME Avant qu’une modification de régime (c’est-à-dire le passage à un dosage quotidien) ne soit envisagée en Inde, il faut prendre en considération, à côté de l’efficacité du régime, d’autres considérations opérationnelles, logistiques et de coût. Les régimes intermittents comportent plusieurs avantages. Dabord, les régimes intermittents peuvent être administrés sous traitement directement observé (TDO) dans les conditions du programme, ce qui peut améliorer l’adhésion globale.26 Ensuite, l’incidence des réactions indésirables aux médicaments est signalée comme plus basse en cas de régime intermittent par comparaison au régime quotidien,26–29 tout au moins dans la population générale de patients TB. Si cette observation générale s’avère également exacte pour les patients TB infectés par le VIH, ceci pourrait être particulièrement important, puisque l’incidence des effets indésirables (particulièrement l’hépatotoxicité, les effets gastro-intestinaux et la neuropathie périphérique) au cours d’un traitement simultané contre la TB et d’un TAR est relativement élevée et que des effets indésirables peuvent entrainer des interruptions du traitement pour les deux maladies.30 Ceci est également important dans le cadre des priorités croissantes de la distribution décentralisée du traitement au sein du RNTCP, principalement par des pourvoyeurs de traitement de la collectivité qui sont acceptables et accessibles pour le Traitement de la TB chez les PVVIH patient mais ont une capacité limitée dans la prise en charge des effets indésirables. Beaucoup de cliniciens croient également que l’incidence du syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire (SIRI) est plus faible en cas de traitement intermittent par rapport au régime de traitement quotidien ; toutefois cette information a un caractère anecdotique. Un essai clinique en cours au TRC compare l’efficacité (réduction des échecs et des résistances acquises à la RMP) et la sécurité des traitements antituberculeux quotidiens versus totalement ou partiellement intermittents chez les patients TB infectés par le VIH bénéficiant du TAR ; nous espérons que cette étude donnera des évidences définitives concernant la sécurité et l’équivalence des régimes totalement ou partiellement intermittents. À LA RECHERCHE D’UNE RAISON DE CHANGER Lorsque l’on envisage une modification de régime pour les patients TB infectés par le VIH, on doit considérer qu’en Inde, au total seulement 5% des patients TB sont infectés par le VIH.31 L’épidémie de VIH en Inde est concentrée avec une prévalence estimée du VIH de 0,31% dans la population générale adulte et une hétérogénéité importante d’un état ou d’un district à l’autre.32 Les estimations de 2009 indiquent qu’il y avait approximativement 2,4 millions de patients vivant avec le VIH en Inde avec une tendance décroissante de l’incidence du VIH.32 Un autre défi est constitué par le fait que la prévalence du VIH dans les cas de TB est elle aussi géographiquement hétérogène, certains districts signalant des taux dépassant 20% alors que d’autres se situent en dessous de 2%, ce qui accentue la complexité des modifications de politique au niveau national.17,33 Une autre méta-analyse avec une compilation des bras des essais contrôlés randomisés a évalué l’effet de la fréquence du dosage sur les résultats du traitement dans les populations de patients séronégatifs pour le VIH.34 Cette méta-analyse n’a pas trouvé de différence importante ou significative dans l’efficacité du traitement dans l’ensemble des groupes à l’exception des patients porteurs d’une résistance initiale à l’isoniazide (INH). Chez ces patients, le risque de résultats médiocres du traitement est substantiellement plus élevé que chez les patients sans résistance à l’INH, dans les bras de chimiothérapie de courte durée quotidienne comme dans les bras de chimiothérapie intermittente.35 Alors que les dosages intermittents ont des performances moins bonnes dans ce sous-groupe, toutes les fréquences de dosage des chimiothérapies de courte durée ont obtenu des performances cliniques non satisfaisantes. Si l’on estime que 15% à 20% des patients sont infectés par des bacilles résistants à l’INH, le défi de la détection et de la prise en charge de la TB résistante à l’INH est considérable et à cet égard, on dispose de très peu 5 d’évidences pour choisir les options de traitement. Des essais cliniques randomisés s’imposent d’urgence pour développer des solutions thérapeutiques meilleures pour un groupe de patients qui seront détectés avec une beaucoup plus grande fréquence ainsi qu’une extension des services pour détecter et traiter au niveau national la TB à germes multirésistants aux médicaments. Le RNTCP gère un système en chaine d’achats et de fournitures qui couvre la population du pays ainsi que la fourniture de boites de médicaments convenant aux patients et celle d’autres produits pharmaceutiques aux nombreuses dizaines de milliers de lieux de fourniture de traitement, menée par des centaines de milliers de responsables du TDO. Cette chaine de fournitures a été couronnée d’un grand succès et on n’a signalé au cours de plus de dix années de mise en œuvre du service aucune rupture de stock des médicaments antituberculeux de première ligne. Le doublement de la complexité de cette chaine de fournitures qu’entrainerait un traitement différent pour 1 patient sur 20 n’est pas sans importance, mais pourrait certainement se justifier si elle pouvait entrainer un avantage clair et significatif en matière de résultats pour les patients. LES EXPERTS NATIONAUX NE SONT PAS CONVAINCUS PAR LES ÉVIDENCES EN FAVEUR D’UN CHANGEMENT Dans une consultation nationale tenue à l’Institut National de Recherche sur le SIDA (NARI), à Pune en janvier 2011, un groupe national d’experts VIH et TB, de chercheurs, de représentants de la société civile et de représentants du programme ont examiné les évidences primaires et les ont largement discutées.36 Le consensus a été que les évidences en faveur du changement étaient inadéquates ; dès lors, le RNTCP devrait continuer à utiliser le régime actuel et donner la priorité ultérieure à la référence des patients TB infectés par le VIH vers les centre de TAR. La consultation a également recommandé que soit accéléré le processus de collecte des évidences directes provenant des essais cliniques randomisés pour éclairer la question de la fréquence du dosage chez les patients TB infectés par le VIH. ÉTAPES SUIVANTES Pour répondre à cette préoccupation réelle et légitime, un essai contrôlé randomisé statistiquement assez puissant pour évaluer l’effet de la fréquence du dosage sur les échecs et les taux de résistance acquise à la RMP est en cours à l’Institut National de Recherche de la Tuberculose à Chennai. Cette étude comporte trois bras ; 1) une phase intensive quotidienne et une phase de continuation intermittente trois fois par semaine ; 2) un régime quotidien d’un 6 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease bout à l’autre ; et 3) un régime intermittent trois fois par semaine d’un bout à l’autre. Un autre essai clinique randomisé multicentrique a été approuvé par le Comité Permanent National du RNTCP sur la recherche opérationnelle afin de compléter les évidences. Une recherche opérationnelle est en cours sur une large échelle pour examiner les résultats du traitement chez les patients TB infectés par le VIH dans les conditions du programme avec désagrégation en fonction du TAR, du statut de traitement préventif au cotrimoxazole et du suivi afin d’examiner les taux de rechute/décès 12 mois après l’achèvement du traitement antituberculeux. CONCLUSION Bien que les résultats globaux de la méta-analyse soient préoccupants, les évidences sont trop minimes pour justifier une modification nationale de politique. C’est la raison pour laquelle le RNTCP a l’intention de rassembler un plus grand nombre d’évidences avant de prendre une décision. Déclaration : Seuls les auteurs sont responsables des points de vues exprimées dans cette publication et ceux-ci ne représentent pas nécessairement les décisions de politique de l’Organisation Mondiale de la Santé. Références 1 Central TB Division. Technical and operations guidelines for tuberculosis control. New Delhi, India: Directorate General of Health Services, Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, 2005. http://www.tbcindia.org/documents. asp Accessed February 2012. 2 World Health Organization. Treatment of tuberculosis guidelines. 4th ed. WHO/HTM/TB/2009.420. Geneva, Switzerland: WHO, 2009. http://www.who.int/tb/publications/tb_treatment guidelines/en/index.html Accessed February 2012. 3 Khan F A, Minion J, Pai M, et al. Treatment of active tuberculosis in HIV-coinfected patients: a systematic review and metaanalysis. Clin Infect Dis 2010; 50: 1288–1299. 4 Swaminathan S, Narendran G, Venkatesan P, et al. Efficacy of a 6-month versus 9-month intermittent treatment regimen in HIV-infected patients with tuberculosis: a randomized clinical trial. Am J Respir Crit Care Med 2010; 181: 743–751. 5 Grimes D A, Schulz K F. An overview of clinical research: the lay of the land. Lancet 2002; 359: 57–61. 6 Lambert M L, Hasker E, Van Deun A, Roberfroid D, Boelaert M, Van der Stuyft P. Recurrence in tuberculosis: relapse or reinfection? Lancet Infect Dis 2003; 3: 282–287. 7 Harries A D, Zachariah R, Corbett E L, et al. The HIV-associated tuberculosis epidemic—when will we act? Lancet 2010; 375: 1906–1919. 8 Sonnenberg P, Murray J, Glynn J R, Shearer S, Kambashi B, Godfrey-Faussett P. HIV-1 and recurrence, relapse, and reinfection of tuberculosis after cure: a cohort study in South African mineworkers. Lancet 2001; 358: 1687–1693. 9 Charalambous S, Grant A D, Moloi V, et al. Contribution of reinfection to recurrent tuberculosis in South African gold miners. Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12: 942–948. 10 Narayanan S, Swaminathan S, Supply P, et al. Impact of HIV infection on the recurrence of tuberculosis in South India. J Infect Dis 2010; 201: 691–703. 11 El-Sadr W M, Perlman D C, Matts J P, et al. Evaluation of an intensive intermittent-induction regimen and duration of shortcourse treatment for human immunodeficiency virus-related pulmonary tuberculosis. Terry Beirn Community Programs for Clinical Research on AIDS (CPCRA) and the AIDS Clinical Trials Group (ACTG). Clin Infect Dis 1998; 26: 1148–1158. 12 Li J, Munsiff S S, Driver C R, Sackoff J. Relapse and acquired rifampin resistance in HIV-infected patients with tuberculosis treated with rifampin- or rifabutin-based regimens in New York City, 1997–2000. Clin Infect Dis 2005; 41: 83–91. 13 Nahid P, Gonzalez L C, Rudoy I, et al. Treatment outcomes of patients with HIV and tuberculosis. Am J Respir Crit Care Med 2007; 175: 1199–1206. 14 Vernon A, Burman W, Benator D, Khan A, Bozeman L. Acquired rifamycin monoresistance in patients with HIV-related tuberculosis treated with once-weekly rifapentine and isoniazid. Tuberculosis Trials Consortium. Lancet 1999; 353: 1843–1847. 15 Golub J E, Durovni B, King B S, et al. Recurrent tuberculosis in HIV-infected patients in Rio de Janeiro, Brazil. AIDS 2008; 22: 2527–2533. 16 Swaminathan S, Padmapriyadarsini C, Venkatesan P, et al. Efficacy and safety of once-daily nevirapine- or efavirenz-based antiretroviral therapy in HIV-associated tuberculosis: a randomized clinical trial. Clin Infect Dis 2011; 53: 716–724. 17 Central TB Division. TB India 2011. Revised National TB Control Programme annual status report. New Delhi, India: Directorate General of Health Services, Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, 2011. http://www. tbcindia.org/pdfs/RNTCP%20TB%20India%202011.pdf Accessed February 2012. 18 World Health Organization. Global tuberculosis control 2011. WHO/HTM/TB/2011.16. Geneva, Switzerland: WHO, 2011. http://www.who.int/tb/publications/2011_TBreport_launch/ en/index.html 19 Kumar A M, Gupta D, Rewari B B, et al. Will adoption of the 2010 WHO ART guidelines for HIV-infected TB patients increase the demand for ART services in India? PLoS One 2011; 6: e24297. 20 Vijayashree H Y, Kumaraswamy L, Karadiguddi C C. Identification of correlates for not reaching the ART centre in TB-HIV co-infected patients. Int J Tuberc Lung Dis 2011; 15 (Suppl 3): S83. [Abstract] 21 Abdool Karim S S, Naidoo K, Grobler A, et al. Timing of initiation of antiretroviral drugs during tuberculosis therapy. N Engl J Med 2010; 362: 697–706. 22 Blanc F X, Sok T, Laureillard D, et al. Earlier versus later start of antiretroviral therapy in HIV-infected adults with tuberculosis. N Engl J Med 2011; 365: 1471–1481. 23 Havlir D V, Kendall M A, Ive P, et al. Timing of antiretroviral therapy for HIV-1 infection and tuberculosis. N Engl J Med 2011; 365: 1482–1491. 24 Joint United Nations Programme on HIV/AIDS. Report on the global AIDS epidemic. Geneva, Switzerland: UNAIDS, 2008. 25 Naik B R, Lal K, Doddamani D D, et al. HIV seroprevalence among tuberculosis suspects in Mandya District, South India, 2010. Int J Tuberc Lung Dis 2011; 15 (Suppl 3): S199. [Abstract] 26 Tuberculosis Chemotherapy Centre Madras. Controlled comparison of oral twice-weekly and oral daily isoniazid plus PAS in newly diagnosed pulmonary tuberculosis. BMJ (Clin Res Ed) 1973; 2: 7–11. 27 Pasipanodya J G, Gumbo T. Clinical and toxicodynamic evidence that high-dose pyrazinamide is not more hepatotoxic than the low doses currently used. Antimicrob Agents Chemother 2010; 54: 2847–2854. 28 Parthasarathy R, Sarma G R, Janardhanam B, et al. Hepatic toxicity in South Indian patients during treatment of tuberculosis with short-course regimens containing isoniazid, rifampicin and pyrazinamide. Tubercle 1986; 67: 99–108. Traitement de la TB chez les PVVIH 29 Hong Kong Chest Service/British Medical Research Council. Adverse reactions to short-course regimens containing streptomycin, isoniazid, pyrazinamide and rifampicin in Hong Kong. Tubercle 1976; 57: 81–95. 30 Abdool Karim Q, Abdool Karim S S, Baxter C, et al. The SAPIT trial provides essential evidence on risks and benefits of integrated and sequential treatment of HIV and tuberculosis. S Afr Med J 2010; 100: 808–809. 31 Dewan P K, Gupta D, Williams B G, et al. National estimate of HIV seroprevalence among tuberculosis patients in India. Int J Tuberc Lung Dis 2010; 14: 247–249. 32 National AIDS Control Organization. HIV estimates for India 2009. New Delhi, India: Ministry of Health and Family Welfare, Government of India, 2010. http://www.nacoonline.org/ upload/HomePage/NACO%20Press%20Release%20on%20 HIV%20Estimates.pdf Accessed February 2012. 7 33 Raizada N, Chauhan L S, Khera A, et al. HIV seroprevalence among tuberculosis patients in India, 2006–2007. PLoS One 2008; 3: e2970. 34 Menzies D, Benedetti A, Paydar A, et al. Effect of duration and intermittency of rifampin on tuberculosis treatment outcomes: a systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2009; 6: e1000146. 35 Menzies D, Benedetti A, Paydar A, et al. Standardized treatment of active tuberculosis in patients with previous treatment and/or with mono-resistance to isoniazid: a systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2009; 6: e1000150. 36 National AIDS Research Institute. Technical report of national consultation: ‘Galvanizing evidence for policy change’. Pune, India: NARI, 2011.