Conférence-débat avec Jean Allouch. 5

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Conférence-débat avec Jean Allouch. 5
Conférence-débat
avec
Jean Allouch
à la Maison des Associations
1a, place des orphelins à Strasbourg.
Conférence : le vendredi 18 janvier 2013 à 20 heures
(salle Marguerite Yourcenar)
Débat : le samedi 19 janvier le matin, à 9 heures 30
(salle Gabriela Mistral)
Schreber théologien
Elisabeth Llach, « Ne t’inquiète pas #226 », 2011, acrylique sur papier, 24x19 cm
Chez Dieu est présent le sentiment d’une cause fondamentalement perdue.
DANIEL PAUL SCHREBER
ARGUMENT
I Où donc Daniel Paul Schreber aura-t-il été « reçu » ? Par qui ses Mémoires aurontelles été lues ? On s’est d’emblée employé à faire subir à son dire un déplacement, le même
d’ailleurs que celui contre lequel, vivant, il lutta. C’est en théologien qu’il intervient au temps
où Dieu vacille sur son trône (annonce nietzschéenne de la mort de Dieu) ; c’est en malade
mental qu’on l’a accueilli. Le nombre des commentaires « psy » est désormais si élevé, les
propos tenus sont désormais si variés, chacun voyant midi à sa porte, que l’ensemble en vient à
apparaître pour ce qu’il est : inconsistant, un « maudit façonnage ». Voici la psychanalyse ici
aussi frappée d’une malédiction herméneutique. Un pas de côté s’impose.
II Lequel ? L’auteur des Mémoires a lui-même indiqué le chemin qu’il suffira de
parcourir. L’ouvrage offre à l’humanité la connaissance de vérités religieuses « dans une mesure
incomparablement plus ample qu’il n’en eût été pour des siècles ». Soit. Je m’emploierai donc à
en dégager l’inédite problématique théologique. Elle atteint Schreber jusque dans son corps.
Dieu aussi est touché, et responsable, sinon coupable, de s’être lui-même mis à mal. On voit
poindre, à l’horizon, la seconde mort de Dieu.
Dès 1974, Roberto Calasso repérait que c’était à elle que Schreber avait affaire (cf.
bibliographie). Roberto Calasso n’est pas psychanalyste… En 2006, un collectif également hors
champ freudien s’employait lui aussi à accueillir l’enseignement des Mémoires autrement que
comme le témoignage d’une maladie mentale (cf. bibliographie). Il en avait été de même chez
Elias Canetti en 1960 (dans Masse et puissance), d’une façon cependant si éloignée du texte
schrébérien qu’il reste exclu d’accorder à ses remarques le statut d’une lecture des Mémoires.
III Le fil qui relie Dieu et Schreber et qui, pour autant qu’il ne se rompt pas, les met à
quelque distance de leur seconde mort, est parcouru de forces d’attraction et/ou de destruction.
Trois modalités du jouir sont en jeu, respectivement dénommées béatitude (Seligkeit), volupté
(Wollust), jouissance (Genuß). Par là, la théologie schrébérienne anticipe et éclaire un propos de
Lacan (25 janvier 1967) dont le caractère radical laisse pantois :
La sexualité, telle qu’elle est vécue, telle qu’elle opère, c’est, à cet endroit – dans tout ce que
nous repérons à notre expérience analytique – quelque chose qui représente un se défendre de
donner suite à cette vérité : qu’il n’y a pas d’Autre.
Elle découvre le lien du rapport sexuel au divin, et permet d’envisager un possible
déblocage de la question de la jouissance de la femme, maintenue sous le boisseau, selon Lacan
(13 mars 1973), dès lors que « Dieu n’a pas fait son exit ». En décembre 1966, dans un texte
qu’il écrit au moment où paraissent en France les premiers chapitres traduits des Mémoires dans
les Cahiers pour l’analyse (n° 5), Lacan, à demi mots, signale qu’une autre lecture de Schreber
serait désormais possible :
La thématique que nous mesurons à la patience qu’exige le terrain où nous avons à la faire
entendre, dans la polarité, la plus récente à s’y promouvoir, du sujet de la jouissance au sujet
que représente le signifiant pour un signifiant toujours autre, n’est-ce pas là ce qui va nous
permettre une définition plus précise de la paranoïa comme identifiant la jouissance dans ce
lieu de l’Autre comme tel.
BIBLIOGRAPHIE
DANIEL PAUL SCHREBER, Denkwürdigkeiten eines Nervenkranken, Ullstein Buch, Frankfurt/M,
Berlin, Wien, Verlag Ullstein GmbH, 1973. Mémoires d’un névropathe, trad. de l’allemand par
Paul Duquenne et Nicole Sels, Paris, Seuil, 1975.
ROBERTO CALASSO, Le Fou impur [1974], trad. de l’italien par Danièle Sallenave et Eliane
Deschamps-Pria, Paris, Gallimard, 2000.
Collectif ACTIFS (sous la direction de Petitjean, Smith et Thiellement), Schreber Président, Fage
éditions, 2006.
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Entrée : 10 euros (5euros étudiant)
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école lacanienne de psychanalyse
avec la participation de Litter