Précautions à prendre avec certains médicaments irritants

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Précautions à prendre avec certains médicaments irritants
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Diagnostic de l’allergie aux médicaments
John Libbey Eurotext, Paris © 2005, pp
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Précautions à prendre avec certains
médicaments irritants
et toxiques donnant des tests
cutanés faussement positifs
Isabelle GUILLOT, Audrey NOSBAUM, Florence COUSIN, Véronique CHAMBOST,
Ane KERHOAS, Fréderic BÉRARD, Jean-François NICOLAS
Unité Allergologie et Immunologie Clinique, CH Lyon-Sud, 69495 Pierre-Benite Cedex
INSERM U 503, IFR 128 Biosciences Lyon-Gerland, av. Tony-Garnier, 69007 Lyon
L’exploration allergologique d’une réaction induite lors de la prise d’un ou de plusieurs médicaments nécessite la réalisation de tests cutanés avec le ou les médicaments imputables. Un test retenu positif fait porter le diagnostic d’hypersensibilité
ou allergie vraie. Inversement, un test négatif fait conclure à une intolérance ou
pseudo-allergie. Ceci est valable aussi bien pour les réactions retardées pour lesquelles les tests épicutanés ou patch-tests et les intradermoréactions (IDR) à lecture tardive (48-72 h) sont les tests de référence [1], que pour les réactions immédiates [2] pour lesquelles on a recours aux prick-tests et aux IDR à lecture précoce.
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Les tests épicutanés ont pour but de reproduire l’hypersensibilité retardée à la molécule incriminée en déclenchant un eczéma de contact, réaction inflammatoire
médiée par des lymphocytes T spécifiques. De même, les pricks et IDR cherchent à
mettre en évidence des IgE spécifiques de la molécule concernée fixées sur les mastocytes de la peau en déclenchant une histamino-libération spécifique. Dans tous
les cas, des tests faussement négatifs peuvent être obtenus et sont alors liés soit à une
trop faible concentration de la substance testée, soit à une mauvaise diffusion dans
la peau, soit à la prise concomitante d’un traitement inhibant la réaction. Des tests
faussement positifs sont aussi fréquemment observés et posent un ensemble de problèmes discutés dans cet article.
Définitions. Position du problème
Les médicaments sont des xénobiotiques « toxiques » pro-inflammatoires
Les tests faussement positifs correspondent à des tests positifs chez des patients non
allergiques. Ils sont dans la très grande majorité des cas dus à une concentration trop
forte de médicament testé. En effet, les médicaments sont en règle générale absorbés
par voie orale ou systémique (IV, IM, sous-cutanée) et leur profil de toxicité lors de
l’administration cutanée n’est pas connu. Les médicaments sont des xénobiotiques,
c’est-à-dire des chimiques non protéiques toxiques qui vont pouvoir induire des réactions inflammatoires non spécifiques lors de l’application sur ou dans la peau.
La toxicité des médicaments testés dépend du type de test
Les problèmes de tolérance locale cutanée aux médicaments ne sont pas les mêmes
pour les prick, patch et IDR.
Le prick consiste en l’administration de doses infimes (< 0,1 microlitre) de substance dans le derme superficiel. Les tests faux positifs sont donc très rares, en
dehors de l’administration de molécules responsables de l’activation des mastocytes
par liaison aux récepteurs de membrane (ex. de la codéine et morphine).
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Le problème des IDR est tout autre, car les doses (50 microlitres) injectées associées
au traumatisme de l’injection donnent lieu très souvent à des tests faux positifs si la
concentration du médicament est trop forte ou si le patient a une peau sensible ou
irritable. Il faut à ce propos rappeler qu’en dehors de certains anesthésiques locaux
(xylocaïne, articaïne) les médicaments ne sont pas faits pour être administrés par
voie intradermique (ID). La concentration « toxique » d’un médicament administré par voie ID dépend de la nature de la molécule. Certains médicaments comme
l’amoxicilline sont relativement peu toxiques et leur administration ID n’induit en
général que peu de réaction inflammatoire, même à des concentrations fortes
(1 g/10 mL soit 10 %). D’autres comme la vancomycine ou les macrolides sont très
pro-inflammatoires et nécessitent d’être testés à des concentrations de 0,0005 %. La
vancomycine est donc 20 000 fois plus toxique que l’amoxicilline. Entre ces deux
extrêmes on retrouve la majorité des médicaments.
Les patchs donnent aussi beaucoup de tests faux positifs, mais en plus de l’effet proinflammatoire induit par l’application de chimiques sous occlusion pendant 24 à
72 h, le problème principal vient des erreurs de lecture et d’interprétation des tests
retenus comme positifs. Il est indispensable de rappeler les critères de positivité des
patch-tests et d’insister sur la formation des personnes qui lisent ces tests. Un test
érythémateux est un test négatif. Un test positif doit au moins être érythémateux et
œdémateux mais nous savons dans ce cas que sa pertinence n’est pas excellente. Un
test érythémateux, œdémateux et vésiculeux et/ou bulleux est positif fort et ce test
est en général pertinent. Par ailleurs, les individus ne présentent pas la même réactivité cutanée à l’application d’un chimique sous occlusion. Certains d’entre eux
ont une peau sensible, irritable, réactive et vont systématiquement présenter des
tests positifs qui ne seront pas le témoin d’une HSR. Une lecture 24 h après la dépose des tests peut aider à différencier inflammation non spécifique d’eczéma de
contact. L’ajout de molécules irritantes comme le détergent SLS (Figure 1) comme
témoin négatif des tests aux médicaments peut aussi aider en repérant les patients à
peau sensible.
La valeur diagnostique des tests cutanés aux médicaments n’a pas été totalement
évaluée. Les IDR semblent plus sensibles que les pricks mais conduisent à plus de
tests faussement positifs et à plus de réactions irritatives. Un test est irritatif soit à
cause du médicament, soit à cause du patient. Il est donc important de connaître la
molécule testée et son conditionnement pour les tests, et d’essayer de déterminer
pour chaque molécule la concentration optimale à utiliser pour les tests cutanés afin
de limiter au mieux le nombre de faux positifs.
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Figure 1 : Patch-tests irritants. La positivité des patch-tests aux trois médicaments (Tracrium®,
Gentaline® et Totapen®) n’est pas prise en compte du fait de la positivité des patch tests au SLS
concentrés à 0,50 (D) et à 0,25 % (C). On conclut donc à des tests irritatifs. Les tests seront refaits en
laissant poser 12 heures seulement.
SLS 0.25
Tracrium
Totapen
prick
Gentalline
Totapen
vaseline
SLS 0.5
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Molécule exerçant un effet
pro-inflammatoire cutané
Pour le médicament, il peut s’agir de la nature du principe actif, de celle des excipients, du pH du produit, de sa voie d’administration ou d’une concentration trop
importante.
– Un certain nombre de molécules sont connues pour être irritantes si elles sont utilisées à une trop forte concentration. Il convient donc de déterminer pour chaque
médicament la concentration optimale à la fois pour les IDR (Tableaux I, IV et V)
et pour les patch-tests. Et, parfois, même avec une dilution à 30 %, des faux positifs peuvent être observés comme par exemple avec le captopril, la chloroquine et
l’oméprazole [3].
Tableau I. Concentrations de médicaments qui provoquent des faux positifs lors des IDR. Une dilution
au 1/10e ne provoque pas de faux positifs pour ces concentrations.
Molécule
Concentration
Amoxicilline + acide clavulanique
250 mg/mL
Céfotaxime
0,25 g/mL
Céfotiam
100 mg/mL
Chloroquine
50 mg/mL
Ciprofloxacine
0,2 mg/mL
Cloxacilline
200 mg/mL
Cotrimoxazole
400 mg/mL
Cyamémazine
1 mg/mL
Diclofénac
25 mg/mL
Doxycycline
20 mg/mL
17 bêta-œstradiol
1 mg/mL
Érythromycine
5 mg/mL
Kétoprofène
20 mg/mL
Nimodipine
0,2 mg/mL
Ofloxacine
5 mg/mL
Paracétamol
1 mg/mL
Pénicilline G
5,106 U/mL
Piroxicam
20 mg/mL
Spiramycine
3 750 U/mL
Triptoréline
0,1 mg/mL
(extrait de [3])
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Tableau IV. Tests irritants en IDR (expérience de l’UF Immunologie clinique et Allergologie du CHLS). La
dilution irritante correspond à la dilution donnant un faux test positif en IDR. La dilution supérieure
(à diluer 10 fois) n’est pas irritante.
Nom commercial
DCI
Concentration de la
solution prick utilisée
pour les tests (A)
Molécule non
irritante
de référence
Amoxicilline
1 g/10 mL (1)
100 mg/mL (2)
10 % (3)
Pure soit 100 mg/mL
Altim®
Cortivazol
3,75 mg/1,5 mL
2,5 mg/mL
0, 25 %
10-2 soit 25 µg/mL
Antalvic (b)®
Apacef (b)®
Ciflox®
Doxycycline®
Erythrocine®
Morphine®
Nalador®
Oflocet®
Orbenine®
Peflacine®
Proleukin®
Dextropropoxyphène 65 mg/10 mL
6,5 mg/mL
0,65 %
Céfotétan
Dilution irritante en IDR
inférieure ou égale à
10-2 soit 65 µg/mL
1 g/5 mL
200 mg/mL
20 %
10-3 soit 200 µg/mL
200 mg/100 mL
2 mg/mL
0,2 %
10-2 soit 20 µg/mL
100 mg/10 mL
10 mg/mL
0,1 %
10-2 soit 100 µg/mL
Lactobionate
d’érythromycine
1 g/270 mL
3,7 mg/mL
0,37 %
10-2 soit 37 µg/mL
Chlorhydrate
de morphine
1 mg/1 mL
0,1 %
Sulprostone
500 µg/250 mL
2 µg/mL
0,0002 %
10-3 soit 2 ng/mL
200 mg/40 mL
5 mg/mL
0,5 %
10-2 soit 50 µg/mL
1 g/116 mL
8,6 mg/mL
0.86 %
10-3 soit 8, 6 µg/mL
400 mg/130 mL
3 mg/mL
0,3 %
10-2 soit 30 µg/mL
18,106 UI/1 mL
10-3 soit 18x103 UI/mL
Ciprofloxacine
Doxycycline
Ofloxacine
Cloxacilline
Péfloxacine
IL2
10-6 soit 1 ng/mL
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Pyostacine®
Quinimax®
Pristinamycine
Quinine
Rifampicine
Rifadine®
Roferon-a®
Rovamycine®
Rulid®
Interféron alfa-2a
Spiramycine
Roxythromycine
Lévofloxacine
Tavanic®
Vancomycine®
Vancomycine
500 mg/10 mL
50 mg/mL
5%
10-3 soit 50 µg/mL
500 mg/254 mL
1,9 mg/mL
0,19 %
10-2 soit 19 µg/mL
600 mg/260 mL
2,3 mg/mL
0,23 %
10-2 soit 23 µg/mL
6 MUI/0,5 mL
12 MUI/mL
10-3 soit 12 000 UI/mL
1,5 MUI/104 mL
15 000 UI/mL
10-3 soit 15 UI/mL
150 mg/10 mL
15 mg/mL
1,5 %
10-3 soit 15 µg/mL
500 mg/100 mL
5 mg/mL
0,5 %
10-3 soit 5 µg/mL
1 g/20 mL
50 mg/mL
5%
10-4 soit 5 µg/mL
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(A) Concentration de la solution prick utilisée pour les tests : méthode initiale de dilution (ex. : 1 g dans
10 mL) ; concentration de la solution en mg/mL ; concentration de la solution en %.
(B) Médicaments retirés du marché.
Tableau V. Concentration des pricks et IDR des tests cutanés aux médicaments dans l’unité
d’Immunologie Clinique et Allergoligie du CHLS.
Nom commercial
DCI
Concentration de la
solution prick
Concentration des IDR
Alfatil®
Céfaclor
50 mg/mL
< 50 mg/mL
Altim
Cortivazol
2,5 mg/mL
< 25 µg/mL*
Apacef®
Céfotétan
200 mg/mL
< 200 µg/mL*
Bristopen®
Oxacilline
250 mg/mL
< 250 mg/mL
Cefacidal
Céfazoline
250 mg/mL
< 250 mg/mL
Cefaperos
Céfatrizine
50 mg/mL
< 50 mg/mL
Ciflox
Ciprofloxacine
2 mg/mL
< 20 µg/mL*
Clamoxyl®
Amoxicilline
100 mg/mL
< 100 mg/mL
Doxycycline®
Doxycycline
10 mg/mL
< 100 µg/mL*
®
®
®
®
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Erythrocine®
Lactobionate
d’érythromycine
3,7 mg/mL
< 37 µg/mL*
Fortum®
Ceftazidine
40 mg/mL
< 40 mg/mL
Céphalexine
100 mg/mL
< 100 mg/mL
Céfoxitine
100 mg/mL
< 100 mg/mL
Morphine
Chlorhydrate
de morphine
1 mg/1 mL
< 1 ng/mL*
Nalador®
Sulprostone
2 µg/mL
< 2 ng/mL*
Oflocet®
Ofloxacine
5 mg/mL
< 50 µg/mL*
Orbenine®
Cloxacilline
8,6 mg/mL
< 8,6 µg/mL*
Orelox
Cefpodoxime
10 mg/mL
< 10 mg/mL
Céfixime
10 mg/mL
< 10 mg/mL
Pénicilline V
100 000 UI/mL
< 100 000 UI/mL
Péfloxacine
3 mg/mL
< 30 µg/mL*
Penglobe®
Bacampicilline
40 mg/mL
< 40 mg/mL
Peni G
Pénicilline G
200 000 UI/mL
< 200 000 UI/mL
Piperilline
Pipéracilline
200 mg/mL
< 200 mg/mL
Proleukin
IL2
18,10 UI/mL
< 18x103 UI/mL*
Pyostacine
Pristinamycine
50 mg/mL
< 50 µg/mL*
Quinimax®
Quinine
1,9 mg/mL
< 19 µg/mL*
Rifadine®
Rifampicine
2,3 mg/mL
< 23 µg/mL*
Rocephine®
Ceftriaxone
100 mg/mL
< 100 mg/mL
Roferon-A
Interféron alfa-2a
12 MUI/mL
< 12.000 UI/mL*
Rovamycine®
Spiramycine
15 000 UI/mL
< 15 UI/mL*
Rulid®
Roxythromycine
15 mg/mL
< 15 µg/mL*
Tavanic®
Lévofloxacine
5 mg/mL
< 5 µg/mL*
Ticarpen®
Ticarcilline
40 mg/mL
< 40 mg/mL
Ampicilline
100 mg/mL
< 100 mg/mL
Vancomycine
Vancomycine
50 mg/mL
< 5 µg/mL*
Zinnat®
Céfuroxime
125 mg/mL
< 125 mg/mL
Keforal
®
Mefoxin
®
®
®
Oroken
®
Ospen
®
Peflacine
®
®
®
®
Totapen
®
®
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Médicaments particulièrement irritants en tests IDR nécessitant de très faibles concentrations et une attention
particulière lors des lectures en raison de faux positifs possibles, même à ces faibles concentrations.
*
– Certains excipients ont un pouvoir irritatif connu qui dépend à la fois de leur toxicité intrinsèque et de la concentration utilisée. Cette toxicité peut être déterminée
in vitro et est très bien corrélée aux réactions observées in vivo [4]. Ainsi le Sodium
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Lauryl Sulfate (SLS), excipient retrouvé dans certains médicaments comme
l’Aldactone®, est par exemple beaucoup plus irritant que l’acide lactique [5]. Il est
de ce fait utilisé comme témoin positif irritatif pour les patch-tests [6]. À noter que
la réactivité des patch-tests au SLS dépend de facteurs externes comme la température et le degré d’humidité. Elle est plus marquée si le climat est froid et sec et est
donc d’aide diagnostique plus facile dans ces conditions climatiques [7]. En revanche, il n’y a pas de réaction significativement différente entre un patient ayant une
dermatose sous-jacente (eczéma, atopique ou non ; psoriasis ; prurit ; urticaire) en
dehors d’une période de poussée, et un volontaire sain [8].
– Un pH acide ou basique est également une cause d’irritation, voire de toxicité et
peut être à l’origine de nécrose cutanée si la substance est mise sous occlusif à une
concentration trop importante. Ainsi, il est recommandé d’utiliser des préparations ayant un pH compris entre 5 et 9 pour les tests épicutanés.
– La voie d’administration peut aussi être irritante. Ainsi, les insulines et les héparines ne doivent pas être testées en IDR mais en sous-cutané du fait de leur pouvoir pro-inflammatoire important (Figure 2).
– Le solvant utilisé pour la préparation du médicament et/ou du test peut aussi induire une irritation. Ainsi, certaines molécules comme les macrolides, le paracétamol
Figure 2. IDR irritantes (insulines). Patiente présentant une hypersensibilité immédiate à l’Umuline
comme en témoigne l’injection SC à 10-3. En revanche, la positivité des IDR pour l’Umuline, la
Lantus et l’Humalog témoigne du caractère pro-inflammatoire des insulines lorsqu’elles sont testées
par cette voie.
SC
10-2
Umuline
IDR
10-3
Umuline
Lantus
Lantus
Humalog
Humalog
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ou les hormones stéroïdiennes doivent être présolubilisées dans l’alcool avant
d’être diluées dans le sérum physiologique. Pour les IDR, il est alors indispensable
de faire une IDR témoin avec le solvant alcoolique utilisé [9].
Enfin, un test épicutané positif à un médicament peut traduire un eczéma de
contact soit au principe actif, soit à un excipient, sans que ce médicament soit pour
autant à l’origine d’une toxidermie (Tableau II, [10]).
Tableau II. Pertinence des tests épicutanés médicamenteux. Patients ayant un test épicutané positif
sans rapport avec une toxidermie mais avec un eczéma de contact.
Patch-test positif avec :
Sensibilisation de contact à :
Tolérance systémique contrôlée
Sensibilisation de contact
a priori induite par :
Dénoral®
Buzépide métiodure
Dénoral®
Les antiseptiques iodés
Dénoral®
Huile d’avocat
Dénoral®
Crème Biafine®
Gentalline IV®
Métabisulfite de sodium
Sulfites
Sulfites des topiques
Orgaran®
Métabisulfite de sodium
Sulfites et héparines
Sulfites des cosmétiques
Lovenox®
Alcool benzylique
Autres héparines
Alcool benzylique des cosmétiques
(extrait de [31])
Molécule pro-inflammatoire par action
pharmacologique
Des tests à certains médicaments, de par leur action pharmacologique, peuvent être
faussement positifs. Ceci est bien connu pour les morphiniques aussi bien pour les
pricks que pour les IDR (Figure 3) du fait de la présence de récepteurs spécifiques
des opiacés sur les mastocytes. Des faux positifs s’observent également avec les
AINS et avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les sartans [11]. Les premiers, en bloquant la voie de la cyclo-oxygénase, provoquent la
synthèse accrue de leucotriènes par les cellules et peuvent donc induire une réaction angio-œdémateuse localisée à la zone de test bien après leur lecture. De même,
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les sartans, de par un
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mécanisme propre à chacun, entraînent une vasodilatation accrue qui peut être observée en regard des tests.
Figure 3. IDR irritante (morphine). IDR à la morphine diluée à 10-6 pseudopodique chez une patiente
n’ayant jamais eu de manifestation clinique d’hypersensibilité immédiate. Cette réaction locale est liée
à la stimulation directe des récepteurs aux opiacés situés à la surface des mastocytes et non à une
histamino-libération médiée par les IgE spécifiques.
Morphine : IDR 10-6
Patient à peau irritable
Parfois, ce n’est pas le médicament testé qui est irritant, mais la peau du patient qui
est irritable ! Ceci s’observe particulièrement pour les patch-tests chez les patients
atteints de dermatite atopique [6] ou chez des patients testés trop précocement après
une toxidermie, et, pour les pricks et les IDR chez les patients ayant une urticaire
chronique. Dans ce dernier cas, le sérum physiologique, témoin négatif, est un très
bon moyen pour détecter un dermographisme et aide à l’interprétation des tests.
Pour les patch-tests, ce sera le patch-test au SLS concentré à 0,5 et/ou 0,25 qui permet de mettre en évidence une peau irritable. De même, un patient ayant une allergie de contact à une substance X, peut avoir un test cutané papuleux et érythéma-
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teux avec une substance Y, que celle-ci soit posée sur une ancienne zone d’eczéma
de contact non complètement cicatrisée ou à distance d’une lésion active, ou parce
que la substance X est testée en même temps et à proximité de la substance Y.
Expérience du service 1998-2005
Conditionnement des tests [12]
Prick-tests et les intradermoréactions (IDR)
Les solutions conditionnées à partir d’un médicament existant sous forme de comprimé ou de gélule, sont préparées par la pharmacie de l’hôpital, de façon stérile, à
partir du médicament responsable de l’accident [12]. Chaque médicament est solubilisé dans de l’eau pour préparation injectable (EPPI) ou du chlorure de sodium à
0,9 % pour une concentration finale comprise entre 1 et 5 % (c’est-à-dire entre 1 et
5 g/100 mL). Chaque solution est répartie dans un flacon stérile brun pour éviter la
dégradation par la lumière. La conservation de la solution est de 24 heures à température ambiante et de 7 jours entre +4 °C et +8 °C.
Quand une forme injectable du médicament qui a causé l’accident est disponible,
celle-ci est choisie de préférence et est utilisée pour les pricks selon les modalités
d’utilisation recommandées par le Vidal, c’est-à-dire après dilution si besoin dans de
l’eau PPI. Ils sont ensuite dilués pour les IDR jusqu’à une concentration qui dépend
de leur caractère irritant. Ainsi, une ampoule de Clamoxyl® de 1 g reconstituée dans
10 mL (soit 10 %) sert de solution prick.
Patch-tests
Il est préconisé de diluer le produit dans un véhicule inerte (en général de la vaseline, parfois du sérum physiologique, de l’alcool ou du propylène glycol) selon les
protocoles de l’ICDRG (International Contact Dermatitis Research Group) [13] et
selon des dilutions adaptées [14]. Dans le service, nous utilisons à la fois la batterie
du laboratoire Chemotechnique Diagnostics où les médicaments sont préparés en
vaseline à 10 % et parfois à 1 %, et aussi les médicaments préparés en solution prick
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par la pharmacie. On observe habituellement des résultats concordants, mais toute
discordance nécessite le renouvellement des tests surtout si le patch-test au SLS,
posé systématiquement, est négatif.
Réalisation des tests
Les tests sont réalisés par les infirmières du service.
Prick-tests
Une goutte de la solution à tester est déposée sur la face antérieure de l’avant-bras
et on pique l’épiderme à travers la solution à l’aide d’une aiguille plastique ou métallique. Chaque test est associé à la réalisation de deux témoins positifs, l’un avec de
l’histamine (histamine base à 10 mg/mL) et l’autre avec de la codéine (phosphate
de codéine à 9 %), et d’un témoin négatif avec du sérum physiologique. La lecture
se fait à 20 minutes. Si les tests sont positifs, le bilan est arrêté. Si les tests sont négatifs, le bilan se poursuit avec les IDR.
IDR
On utilise la solution prick qui est diluée de 10 en 10 dans des flacons de sérum
albuminé jusqu’à une concentration qui est fonction de la nature irritante ou non
du médicament (Tableaux IV et V). En règle générale nous testons un médicament
à la dilution de 10-3 puis 10-2 de la solution prick. Nous ne testons pratiquement
jamais de médicament en IDR en utilisant la solution prick pure voire à 10-1 sauf les
anesthésiques locaux. La solution devant être stérile, elle est filtrée à l’aide de filtres
en ester de cellulose de 0,22 µm de diamètre. La quantité injectée pour chaque IDR
est de 0,04 mL en moyenne (entre 0,03 et 0,05 mL) ce qui assure une certaine
reproductibilité des tests sur une même personne en cas de test douteux à vérifier,
et d’une personne à l’autre lorsque la molécule est testée sur des témoins. La lecture se fait à 30 min en cas d’exploration d’une hypersensibilité immédiate (médiée
par les IgE) et à 48 ou 72 h pour le diagnostic d’hypersensibilité retardée (médiée
par les lymphocytes T).
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Patch-tests
Il suffit de déposer une goutte de solution prick ou de préparation en vaseline du
produit à tester dans une cupule en aluminium avec ou sans papier absorbant. La
cupule est ensuite appliquée sur la peau du dos et/ou au niveau des sites cutanés
antérieurement atteints par la toxidermie notamment dans le cas des érythèmes pigmentés fixes. La lecture se fait à 48, 72 ou 96 h, voire à 7 jours pour les corticoïdes,
au moins 30 min après l’ablation des patch-tests pour éviter les erreurs de lecture en
cas de dos facilement irritable. Les open-tests sont déposés directement sur la peau
sans occlusion. Les patch-tests sont toujours réalisés en association avec deux
témoins négatifs qui sont une cupule vide et une cupule avec l’excipient utilisé pour
les tests, ceci pour éliminer une allergie de contact à l’un des constituants du matériel de test que ce soit l’aluminium des cupules [15], la vaseline [16] ou l’alcool [17].
On applique également systématiquement deux patch-tests au SLS à 0,5 et 0,25 %
comme témoin de l’irritabilité de la peau du patient testé.
Interprétation des tests
Elle tient compte de différents paramètres.
Critères de positivité
Tout résultat de test doit être interprété à l’aide des critères de positivité. Un certain nombre de faux positifs sont ainsi éliminés très rapidement.
Pour les prick-tests et les IDR, un test est positif (Figure 4) si on observe une lésion
d’urticaire franche, c’est-à-dire papule de diamètre supérieur ou égal à 3 mm associée à un érythème périphérique et à un prurit. La positivité est toujours comparée
aux témoins positifs et négatifs. Ainsi, une IDR papuleuse sans érythème ni prurit
est en général irritative. En cas d’exploration d’une toxidermie, l’IDR à lecture
retardée est positive si on observe une papule inflammatoire indurée et/ou eczématiforme en regard de la zone de test.
Pour les patch-tests, un test positif reproduit un eczéma expérimental (Figure 5). La
réaction observée est cotée selon une nomenclature établie par l’ICDRG
(Tableau III). Un patch érythémateux est négatif ; un patch érythémateux, papuleux, sans vésicule est positif (+), mais sa pertinence peut être moyenne. La réponse irritative est très évocatrice devant un aspect fripé, non infiltré, limité à la zone
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Figure 4. IDR positive. IDR à l’amoxicilline positive du fait de la présence d’une papule blanche urticarienne entourée d’un érythème mal limité.
IDR 10-3
Amoxicilline
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Figure 5. Patch positif ++ du fait de l’existence d’une réaction inflammatoire associant érythème,
œdème et vésicules, réaction débordant la cupule de la substance testée et contournant la cupule
sous-jacente.
Tableau III. Cotation des patch-tests.
Réactions
Cotation
Négative
–
Douteuse : érythème
?+
Positive faible : érythème + œdème
+
Positive forte : érythème + œdème + vésicules
++
Positive extrême : érythème + œdème + bulles
+++
Irritative
IR
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de contact et à l’origine d’une sensation de brûlure plutôt que d’un prurit. Il existe
par ailleurs des réactions irritatives très caractéristiques comme :
– l’effet savon qui correspond à une peau rosée ou légèrement luisante et fripée ;
– l’effet shampooing qui est un effet savon plus important, débordant de la surface
du test et accompagné d’un œdème ;
– l’effet bord, réaction érythémateuse et vésiculeuse en regard du rebord des cupules, qui est considérée comme irritative sauf pour les corticoïdes ;
– l’aspect pustuleux sur fond œdémateux qui s’observe avec les ammoniums quaternaires ;
– l’aspect bulleux qui est secondaire à l’application d’un produit irritant à trop forte
concentration et qui se différencie d’une positivité à trois croix par la netteté de
ses limites et par son évolution vers la nécrose (Figure 6).
Figure 6. Réaction irritative bulleuse caractéristique secondaire à la pose de patchs
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Témoins positifs et négatifs
Tout test doit être comparé aux témoins négatifs et positifs. Ainsi, un prick positif
alors que le témoin négatif (sérum physiologique) est positif doit être retenu comme
non spécifique car il traduit un dermographisme, et l’exploration allergologique doit
être poursuivie (IDR). De même, un patch fortement érythémateux ne doit pas être
retenu positif si une réaction similaire est observée avec l’un des patchs au SLS
(Figure 1).
Pertinence des tests
Tout résultat de test cutané réalisé dans le cadre d’une réaction après la prise d’un
ou de plusieurs médicaments est systématiquement confronté à l’anamnèse de l’accident. Ainsi, devant tout test discordant avec la clinique, le test est réalisé sur au
moins un témoin sain. Il est recommandé par certains de prendre 20 témoins, le
risque d’induire une sensibilisation étant extrêmement faible [18]. Ces témoins sont
idéalement des personnes ayant présenté une réaction avec le médicament testé
mais pour lequel le diagnostic d’hypersensibilité a été écarté. Mais en pratique quotidienne, ceci est très difficile voire impossible. Si le test sur le(s) témoin (s) reproduit la même réaction que sur le patient, on conclut à un test irritatif. On refait alors
le test à une dilution supérieure jusqu’à pouvoir déterminer une concentration de
bonne valeur diagnostique. Car, à l’inverse, on ne doit pas conclure trop vite à un
test irritatif et prendre le risque de redonner le médicament et d’induire un accident, surtout si l’accident initial était sévère.
Molécules connues pour être irritantes
Un certain nombre de médicaments sont, par expérience, retenus irritants, soit en
prick (Tableau IV), soit en patch. Même si ces médicaments ont déjà été testés et
ont déjà une dilution adaptée définie pour limiter les faux positifs, il ne faut pas
hésiter, pour un patient, à refaire le test si celui-ci s’avère positif pour une dilution
supérieure à celle connue pour être toxique, et ce d’autant plus que le médicament
n’est pas souvent testé et qu’un très petit nombre de séries est rapporté à ce sujet.
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Résultats. Médicaments irritants et toxiques en tests cutanés
Depuis 1998, nous tenons à jour la liste des médicaments irritants pour lesquels des
dilutions spécifiques nous permettent d’éviter des réactions faussement positives.
Du fait de l’activité du service, les tests les plus étudiés sont les tests immédiats
(Tableaux IV et V). La valeur de notre série de médicaments est difficile à apprécier
puisqu’il n’y a pas de corrélation molaire entre les préparations des différents tests
réalisés pour les médicaments. Les dilutions irritatives ne peuvent donc pas être
comparées d’un médicament à l’autre ou d’une classe médicamenteuse à l’autre.
Ceci s’applique également à un même médicament existant sous forme comprimé
et sous forme injectable, le comprimé étant préparé en solution prick à une concentration de 1 à 5 %, alors que la forme injectable est préparée selon les modalités d’utilisation recommandées par le Vidal et donc à une concentration très variable et
parfois très éloignée de celle du comprimé. Par exemple, un comprimé de Ciflox à
200 mg est dilué dans 5 mL (soit 4 %), alors que la solution injectable comprend
200 mg dans 100 mL (soit 0,2 %).
Cette absence d’homogénéisation des concentrations utilisées explique, de la même
façon, la difficulté de comparaison de nos résultats à ceux de la littérature, cette dernière étant d’ailleurs plutôt pauvre dans ce domaine. Par exemple, les concentrations rapportées irritantes par A. Barbaud et al. (Tableau I) sont différentes de celles utilisées dans notre service. Si on essaie de les comparer, on s’aperçoit :
– d’une part, que pour certains médicaments les concentrations irritantes sont parfois très éloignées ; c’est l’exemple de la cloxacilline pour laquelle la dilution irritante retenue varie d’un facteur 10 000 ;
– d’autre part, que certains médicaments sont retenus irritants chez les uns mais pas
chez les autres et inversement ceci à cause de modalités de préparation différente.
C’est le cas du paracétamol. Ainsi, pour A. Barbaud et al., il nécessite d’être testé en
IDR au maximum à une concentration de 1 mg/mL et avec une dilution de 10-1 pour
ne pas être irritant, alors que dans notre série, nous n’avons jamais observé de réaction irritative avec cette molécule testée avec la forme injectable, pure à 10 mg/mL
pour les pricks, et diluée à 10-3 puis à 10-2 pour les IDR. En fait, notre IDR à 10-2 correspond à la dilution conseillée par A. Barbaud et al.
De la même manière, en ce qui concerne la chloroquine, certains préconisent de la
tester au maximum à 50 mg/mL diluée à 10-1 [3], alors que d’autres conseillent de la
tester avec 100 mg dilués à 10-3 [19].
L’idéal serait donc de rapporter toutes les concentrations à une concentration
molaire. Mais il semble que d’autres facteurs, indépendants des concentrations,
soient nécessaires pour expliquer les différences de résultats, puisque pour une
même concentration utilisée pour un médicament, la dilution irritante retenue pour
un test peut différer d’une équipe à l’autre.
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Pour certaines molécules, les tests cutanés ont une très faible valeur diagnostique.
Ceci s’observe par exemple avec les fluoroquinolones (FQ). Les tests cutanés aux
FQ sont en effet peu fiables, car souvent négatifs, et parfois faussement positifs
[20,21]. Nous avons nous aussi observé les deux cas de figure. Il en est de même avec
les tests cutanés à l’aspirine et aux AINS qui sont généralement négatifs mais parfois positifs (Tableau I). Avec les anesthésiques locaux, les pricks sont très généralement négatifs, alors que les IDR donnent fréquemment des faux positifs lorsqu’elles
sont réalisées à 10-1 et pures [22]. De la même manière, certaines molécules ne sont
pas irritantes en prick ni en IDR, mais le sont en patch. C’est le cas par exemple des
vaccins : alors que les pricks purs et les IDR au 10-3 puis au 10-2 ont une bonne valeur
diagnostique de l’HS immédiate [23], la valeur diagnostique des IDR à lecture tardive et des tests épicutanés aux anatoxines est controversée [24] avec un nombre
relativement élevé de faux positifs [25]. Il faut souligner qu’il est normal qu’un individu étant vacciné et ayant donc des LT spécifiques des protéines vaccinales développent une HS retardée au vaccin. Il ne faut donc pas tenir compte de ces résultats d’HSR pour les vaccins. De même, en ce qui concerne les bêtalactamines, les
pricks et les IDR sont fiables. En revanche, pour les patch-tests, la sensibilité est
considérée comme faible mais la spécificité est excellente comme en témoigne la
positivité des tests de provocation orale observée après des patch-tests positifs. En
fait ce qui est considéré comme une faible sensibilité est en réalité la démonstration
que la majorité des accidents d’allure allergique n’implique pas des effecteurs de
l’immunité spécifique. Ceci est bien connu pour les accidents d’allure HS immédiate (urticaire, angiœdème) où moins de 10 % des accidents sont dus à un mécanisme IgE dépendant [26]. Ceci est moins connu pour les accidents de type retardé
(toxidermies érythémateuses) bien que d’authentiques cas de réaction pseudo-allergiques aient été décrits.
À l’inverse, pour les anesthésiques généraux, les pricks et les IDR ont une excellente sensibilité et spécificité et les concentrations maximales à utiliser afin d’éviter des réactions faussement positives ont été déterminées pour chaque molécule
([27] ; Tableau VI).
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Tableau VI. Anesthésiques généraux : modalités des tests IDR [26].
Molécule
Concentrations maximales
Suxaméthonium
£ 100 µ g/mL
Gallamine
£ 200 µ g/mL
Atracurium
£ 10 µ g/mL
Mivacurium
£ 2 µ g/mL
Pancuronium
£ 200 µ g/mL
Vécuronium
£ 400 µ g/mL
Rocuronium
£ 100 µ g/mL
Cisatracurium
?
Thiopental 2,5 %
£ 1/10
Propofol
£ 100 µ g/mL
Enfin, certains médicaments et même certaines familles de médicaments sont
connus pour être irritants. C’est le cas des macrolides et apparentés même si les tests
cutanés sont le plus souvent négatifs. A. Barbaud et al. ont ainsi déterminé une
concentration maximale pour l’érythromycine [3]. Nous avons également observé
une irritabilité avec les tests à l’érythromycine, mais dans notre série, à concentration égale, elle est plus importante puisque la préparation nécessite deux dilutions
supplémentaires pour ne plus être irritante. Dans cette famille, nous avons également retenu une irritabilité des IDR à la spiramycine, la roxithromycine et la pristinamycine (Tableau IV) et il a été rapporté de tests irritants avec la spiramycine et
l’érythromycine chez un patient ayant présenté une urticaire [28]. En revanche, les
tests immédiats et retardés à la josamycine réalisés chez l’une de nos patientes corrélaient bien avec l’histoire clinique [29]. Cette disparité des résultats est observée
avec d’autres séries. Un autre exemple est celui du célécoxib. Testé en solution pure,
il a été observé des réactions faussement positives puisque la réintroduction du
médicament chez 8 patients testés n’a jamais entraîné de récidive de la toxidermie.
Par ailleurs, les tests réalisés avec la solution diluée à 5 et 10 % restaient négatifs
[30]. Cependant, il est souvent difficile de retenir dans la littérature des molécules
irritantes car les concentrations utilisées pour les tests ne sont pas toujours mentionnées, ni la manière avec laquelle la solution a été préparée.
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Conclusions
Tout test cutané positif doit être discuté et toujours interprété en fonction des propres témoins du patient testé et éventuellement des tests réalisés sur des patients
témoins. Le résultat doit également être confronté à l’histoire clinique et le test
réitéré s’il persiste un doute avant de conclure à une allergie « vraie » ou avant
toute réintroduction.
Une homogénéisation des tests doit être réfléchie pour pouvoir comparer les séries
de patients d’un centre à l’autre et discuter de la sensibilité des tests.
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